23 juin 2013 - Seul le prononcé fait foi

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Conférence de presse de M. François Hollande, Président de la République, notamment sur la situation en Syrie et sur les relations franco-jordaniennes, à Amman le 23 juin 2013.


LE PRESIDENT - « Mesdames et Messieurs, nous arrivons au terme de cette visite. Jai voulu répondre à linvitation du Roi de Jordanie, dabord parce que nous entretenons dexcellents rapports avec la Jordanie et depuis longtemps. Jai rappelé, que la France était le premier investisseur ici - hors les pays arabes - et que nous avons des coopérations multiples. Rien que pour cela, il y avait des raisons de venir ici, à Amman. Mais il y en a dautres. Et celle notamment, qui concerne la Jordanie, et nous concerne tous, je veux parler de la crise en Syrie. Nous avons donc fait converger nos positions, nous navons pas eu de mal, sur deux aspects.
Le premier, cest de prolonger, ce qui sétait décidé hier à Doha, cest-à-dire dapporter à lopposition toutes les aides indispensables, pour quelle puisse poursuivre son action. Et, par la pression quelle exercera, permettre la réunion de la conférence de Genève. Cette aide sera multiple. Elle sera humanitaire, jy reviendrai, elle sera matérielle, elle sera économique mais elle est aussi une aide militaire que la Jordanie veut, non pas organiser, mais veut coordonner. Et elle a raison. Nous, nous avons des procédures, nous avons des règles et nous les respecterons. Mais nous voulons nous assurer de deux choses. La première, cest que lopposition est capable de se structurer - il y a des signes qui vont dans ce sens - notamment autour de lArmée de libération de la Syrie, dirigée par le Général Idriss. Et deuxièmement, de se séparer des groupes extrémistes, qui veulent créer une situation qui serait celle du chaos, dailleurs utilisée - je lai dit à Doha je le redis ici - par le régime syrien pour ne pas aller vers la transition politique.
Le second aspect du dossier syrien cest la question des réfugiés. Il y a aujourdhui en Jordanie 500.000 réfugiés enregistrés, sans doute bien davantage, certains parlent dun million. Il y a également des réfugiés au Liban, là encore, plusieurs centaines de milliers. Ce qui ne peut que mettre en difficulté les deux pays. Ici, en Jordanie, cela suppose une logistique, un accompagnement, un accueil, qui pèsent sur les finances de ce pays. Donc nous avons un devoir, qui est de venir en aide. Cest la raison pour laquelle jai rappelé quil y avait eu 100 millions deuros daide budgétaire de lAgence française du développement, pour que la Jordanie puisse avoir un soutien immédiat. Nous ajouterons 50 millions deuros pour les régions du Nord de la Jordanie, qui sont, bien sûr, affectées par lafflux des réfugiés. Et nous allons faire aussi une politique pour lensemble de la question des réfugiés. Nous avons dégagé 35 millions deuros dans cette perspective. Je parle là de ce que nous allons faire pour les réfugiés de Syrie.
Nous avons également rappelé quel était notre engagement ici, en Jordanie, et qui a été symbolisé par la décision que nous avions prise il y a un an, dinstaller lhôpital de Zaatari et qui, aujourdhui, permet des vaccinations, 38.000, est devenu une maternité, assiste une partie de la population réfugiée. Pas simplement ceux qui fuient les combats mais ceux qui y viennent, parce quil na plus rien à espérer en Syrie dans cette période de chaos. Nous venons de constater avec le Roi, quil y a aujourdhui des personnes qui viennent de Syrie, non pas parce quelles soient chassées par les combats, mais parce quil y a, par les accueils que nous prodiguons en Jordanie ou ailleurs, une possibilité de vivre mieux. Il nous faut aussi canaliser ces mouvements. Doù la responsabilité que nous avons prise de pouvoir aider les Syriens en faisant acheminer un certain nombre de biens alimentaires par la Turquie, pour les Syriens. Rien que ces derniers jours, nous avons acheminé 16 tonnes de produits.
Nous avons également évoqué avec le Roi dautres questions. Celle qui concerne la Palestine, et donc le règlement du conflit israélo-palestinien. Nous avons la même position : saisir toutes les opportunités, revenir à la table des négociations. Là aussi, la Jordanie joue un rôle très précieux, très utile. Et la France veut également tout faire pour que la négociation puisse reprendre dans les meilleures conditions.
Nous avons aussi parlé de lensemble de la région et du Liban. Je lévoquais, parce que nous sommes attachés à léquilibre qui a été préservé jusque-là au Liban, et qui ne doit pas être bouleversé par ce qui se passe en Syrie.
Bref, pour toutes ces raisons, je voulais venir pour montrer lintensité de nos relations avec la Jordanie, pour confirmer la présence des investisseurs français dans ce pays, pour montrer lampleur de laide que nous apportons. Nous avons également évoqué un certain nombre de dossiers concernant des entreprises, concernant des projets, mais cétait surtout la dimension politique qui devait lemporter. »
QUESTION - « Alors que nous sommes ici ce soir en Jordanie, une législative partielle avait lieu en France. Le Front national a perdu certes, mais il a réalisé un très bon score, avec un gain important de voix entre les deux tours. Que pouvez-vous dire à tous ces électeurs qui se sont mobilisés, qui malgré les messages que vous adressez en France, malgré ceux que vous adressez au Qatar ou en Jordanie, vous ont, eux, visiblement adressé un message ce soir alors que vous êtes à létranger ? »
LE PRESIDENT - « Pour madresser à eux, je reviendrai à Paris cette nuit et nous aurons à tirer toutes les leçons de ce scrutin. Et du premier tour, et du second tour. Mais ce nest pas le lieu, même si cest le moment. »
QUESTION - « Monsieur le Président, je représente lagence nationale de presse jordanienne. Comme vous le savez la Jordanie éprouve des difficultés à supporter le poids des réfugiés syriens, qui sont sur son sol. 500 000 réfugiés syriens. La Jordanie est un pays pauvre. Je voudrais vous demander quel est le rôle de la France dans la pression exercée par la communauté internationale pour accroître laide qui est accordée à la Jordanie. Une deuxième question : aujourdhui on commence à parler de larmement accordé à lopposition syrienne. La Russie continue de son côté à armer le régime syrien. Est-ce que vous pouvez nous dire quelque chose à ce sujet ? »
LE PRESIDENT - « Sur les réfugiés, jai rappelé les chiffres, 500 000 et sans doute davantage. La France sest mobilisée dès le début, hélas, de ce conflit pour fournir à la Jordanie les moyens, lassistance dont elle pouvait avoir besoin et jai rappelé un certain nombre dactes qui avaient été posés. Mais au G8, cétait donc le début de la semaine, il a été convenu, entre les pays qui étaient réunis là, que nous augmenterions largement nos aides aux pays, qui font face à lampleur de la venue des réfugiés. La Russie ne sest pas particulièrement associée à ce processus, jen conviens, mais les autres pays, eux, ont donné des chiffres qui sont proches de ceux que jai cités pour la France, de manière à ce quil y ait une politique dabord coordonnée et une politique, qui puisse vraiment venir en soutien aux pays les plus concernés.
Mais vous voyez bien quel est le dilemme. Pardon dinsister dessus. Cest-à-dire que si, et cest notre devoir, nous accueillons des réfugiés et de la meilleure des manières en Jordanie et au Liban, cest un mouvement qui va encore samplifier puisquune partie de la population en Syrie qui souffre, pas seulement des combats et même dans des zones qui ne sont pas touchées par les affrontements, va venir. Nous avons aussi à aider les Syriens, qui sont à lintérieur, pour éviter quils viennent encore affluer en Jordanie notamment. Une politique coordonnée, une politique qui vienne en soutien de la Jordanie et du Liban mais aussi une politique qui puisse apporter un certain nombre de biens alimentaires ou autres à la population syrienne.
Il y a ce que vous dites, des livraisons darmes. La Russie a revendiqué de livrer des armes, y compris dailleurs, à la fin du G8 où le Président russe a confirmé quil allait continuer. A partir de là, nous sommes devant une situation, où dun côté, il y a des livraisons darmes et de lautre il y a, en tout cas pour lEurope, un embargo. Doù la position, qui a été la mienne depuis plusieurs semaines de dire aux Européens : il nous faut revoir nos règles sinon nous allons créer un déséquilibre et le déséquilibre se vérifie sur le terrain, où si les troupes de Bachar al-Assad ont pu obtenir quelques succès, cest bien parce quil y avait cette inégalité dans les armes qui pouvaient être utilisées. Nous agissons. »
QUESTION - « Une question un peu plus internationale puisquelle concerne lEurope. Ce soir sur France Inter, Arnaud Montebourg a déclaré que José Manuel Barroso était le carburant du FN. Il faisait référence à la récente polémique qui a éclaté après que M. Barroso ait en quelque sorte ostracisé lexception culturelle. Est-ce quun ministre de la République peut sexprimer de cette façon à propos du président de la Commission européenne ? Que pensez-vous de cette déclaration ? »
LE PRESIDENT - « Vous vous situez sur un terrain qui nest pas très différent de la question précédente. Vous aurez donc la même réponse. Cest-à-dire que nous devons traiter les problèmes ici, qui sont posés ici. Cela ne veut pas dire quil ny en a pas dautres ailleurs mais qui ne sont pas de même nature et de même ampleur. Chacun laura compris. »
QUESTION - « Monsieur le Président, vous venez de parler ce soir de léquilibre au Liban or léquilibre au Liban ce soir semble être un peu choqué, parce quil y a un mort au sein de larmée libanaise. Il y a des problèmes au Sud, il y a des problèmes à lEst. Que peut faire la France aujourdhui alors que vous êtes pratiquement en guerre contre un parti qui sappelle le Hezbollah et qui est très influent au Liban dans la politique libanaise malheureusement ? »
LE PRESIDENT - « Ce que nous devons exiger, cest que le Hezbollah se retire de Syrie et reste au Liban de manière à garder léquilibre, qui est fragile, mais qui est léquilibre, qui a été posé par les autorités libanaises. Cest-à-dire de refus dêtre déstabilisé par ce qui se passe en Syrie et de ne pas singérer dans la situation syrienne qui est déjà compliquée. Voilà ce qui a été le message également de la conférence de Doha, cest de dire que le Hezbollah devait se retirer et rester au Liban.
Merci Mesdames et Messieurs. »