4 juin 2013 - Seul le prononcé fait foi

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Déclaration de M. François Hollande, Président de la République, sur l'inauguration du navire "Jules Verne" et sur le port de Marseille, à Marseille le 4 juin 2013.

Monsieur le président SAADÉ,
Vous vivez et vous nous faites vivre un moment exceptionnel ici, à Marseille, en présence dun ancien Premier ministre, de ministres, du maire de Marseille, parlementaires, du président de la Région, des acteurs économiques qui tous ont conscience que linauguration du « Jules-Verne » est une étape importante pour le port de Marseille, pour la ville de Marseille et pour la France tout entière.
Nous inaugurons en effet, lun des fleurons de la flotte commerciale de notre pays. Un « géant des mers », nous sommes dailleurs, modestes à côté de lui ! Il simpose à nous et je vous remercie davoir mis les conteneurs aux couleurs de la République.
Je veux aussi saluer les autorités libanaises qui marquent ainsi la relation, elle-même exceptionnelle, entre la France et le Liban. Vous êtes ici lun de ceux qui permettent à cette relation davoir, à la fois, la créativité indispensable et la fidélité nécessaire.
Ce bâtiment, je le disais, impressionne. Il impressionne par sa force, sa longueur 400 mètres sa taille. Vous nous dites que la Tour Eiffel est moins grande que lui, mais vous ajoutez, car vous avez du respect pour Paris même à Marseille ! , vous faites en sorte que la Tour Eiffel ne soit pas citée. Votre bateau est plus grand que la Tour Eiffel.
En volume, il pourrait contenir la Cathédrale « Notre-Dame », cest vous dire si nous sommes impressionnés ! Et la poussée est équivalente à dix réacteurs dAirbus A380 pour porter votre porte-conteneurs à la vitesse de croisière. Nous avons tout ici : une cathédrale, des Airbus, Paris et Marseille confondus, nous avions raison dêtre là.
Votre bâtiment impressionne aussi par la somme dintelligences réunies et je veux saluer tous les ingénieurs, techniciens ou ouvriers qui ont démontré, là-encore, la qualité de leur savoir-faire.
A cette prouesse technique, se sont ajoutées linnovation environnementale et la performance économique. Le transport dun conteneur de 20 tonnes sur le « Jules-Verne » entre la Chine et lEurope sera moins coûteux que le transport dun passager par avion et sera plus sobre en carburant et donc en émission de CO2 quaucun autre porte-conteneurs aujourdhui dans le monde. Cest dire si le résultat est considérable.
Jajoute et ce nest pas la moindre de mes remarques et de mes félicitations, que le « Jules-Verne » battra pavillon français. Nous en éprouvons une légitime fierté. Cest un morceau, un beau morceau de France qui sillonnera les « sept mers ». Mais cest également une preuve de notre compétitivité car le pavillon français est reconnu pour la rigueur de ses règles de sécurité, de sûreté, de protection environnementale mais aussi pour ses qualités économiques.
Cette cérémonie me permet de saluer deux réussites. La vôtre dabord, Monsieur le président, et celle de votre famille ici rassemblée, attachée, je lévoquais, à vos racines libanaises, venue en France dans des circonstances que vous avez rappelées. Pour un séjour, au départ, dont vous ne connaissiez pas la durée et qui hélas, grâce aux épreuves, nous permet aujourdhui de compter parmi nous lun de nos plus grands investisseurs et à Marseille dêtre votre ville dadoption.
La réussite, cest celle de votre entreprise familiale avec une participation du fonds stratégique dinvestissements et donc, dune certaine façon, de lEtat devenue à taille mondiale. CMA-CGM fêtera son 35ème anniversaire avec des résultats qui font légitimement votre fierté : 414 navires exportent chaque année 6 millions de tonnes de produits français.
Avoir un armateur, avoir un pavillon français, cest aussi pouvoir davantage exporter. Votre groupe est présent dans le monde entier mais il faut toujours avoir une base, un ancrage. Et cest ici, à Marseille. 4500 de vos 18 000 collaborateurs sont installés en France, dont la moitié à Marseille, faisant dailleurs de CMA-CGM, le premier employeur privé de la ville.
Votre identité marseillaise, vous avez voulu la marquer par un geste architectural, un immeuble que lon pouvait voir de partout, une sorte de Tour Eiffel, de « Tour Saadé » et qui est devenue le rayonnement, aussi, de la métropole. La tour, vous en avez fait le siège de votre groupe et la première étape de la rénovation urbaine Euroméditerranée.
Votre entreprise contribue au dynamisme du port de Marseille. Je le rappelle parce que ce nest pas toujours connu de nos compatriotes, Marseille cest le premier port français, cest le troisième port pétrolier mondial. Le port de Marseille a traité lan dernier près de 90 millions de tonnes de marchandises, accueilli 2,5 millions de passagers. La région, la ville peuvent mesurer ce que le port de Marseille apporte à léconomie.
LEtat doit donc considérer le port de Marseille comme un atout, comme une force pour son développement. Cest la raison pour laquelle je veux en faire un enjeu pour la compétitivité de notre économie avec une stratégie portuaire qui sera conçue autour de trois priorités.
La première, cest la simplification de laccès à nos ports. La création dun guichet unique permettra de limiter à une seule les formalités déclaratives, administratives, douanières imposées aux clients du port. Partout nous devons faire simple, nous devons faire rapide, nous devons faire efficace.
La deuxième priorité, cest lamélioration des dessertes portuaires. Plus de 80% des marchandises traitées dans le port de Marseille sont acheminées par la route. Cest trop. Alors que seulement 15% circulent par la voie ferroviaire et moins de 5% par la voie fluviale.
Cest un déséquilibre qui devient un handicap. Si on prend les ports concurrents Hambourg, Rotterdam le rail et le fluvial représentent 40% des acheminements. Nos grands ports doivent donc sinscrire dans la modernisation des réseaux : réseau ferroviaire, réseau fluvial.
Le ministre des Transports, M. CUVILLIER, veillera avec les gestionnaires de réseaux, cest-à-dire Réseau Ferré de France et Voies Navigables de France, à mieux relier les différents modes de transports avec les ports et notamment avec le port de Marseille.
Prenons un exemple. Nous pourrions mieux relier Fos et Marseille au sillon rhodanien et à lautoroute ferroviaire Perpignan-Luxembourg. Mais jaborde déjà un sujet les infrastructures de transport qui risque de me mettre en péril au moment où nous attendons et cest bien légitime après une concertation que lEtat puisse fixer ses lignes de conduite par rapport aux grandes infrastructures de transport. Elles seront animées par plusieurs principes.
Dabord quest-ce qui contribue le plus au développement économique ? Quest-ce qui est le plus favorable au développement durable, à la protection de lenvironnement ? Quest-ce qui permet de relier les infrastructures les unes avec les autres, et donc de permettre que nous ayons une meilleure efficacité de notre système de transports ? Les ports sont au cur, si je puis dire, de cette réflexion.
La troisième priorité, cest de développer les capacités sur les conteneurs. Vous avez évoqué ce qui avait été pour vous la première rencontre avec un conteneur, cela remontait à loin. Mais de cette rencontre est né un bel enfant, car le conteneur a bouleversé le monde du transport, de la logistique, a même transformé les chaînes industrielles et la fabrication, lorganisation même des usines. Parce quavec le conteneur cest toute la chaîne de la production jusqu'à la distribution qui est modifiée. La France a du retard à combler. Ici, en Méditerranée, Marseille, avec un million de conteneurs traités, ne soutient pas encore pas encore la comparaison avec Valence, Algésiras ou Barcelone.
Alors, là aussi, nous devons agir : investir dans les capacités de traitement du conteneur à Fos. Les deux terminaux mis en service en 2011 vont dans ce sens. Lun deux, dailleurs, a été laissé à un opérateur que vous connaissez bien, puisque cest votre groupe, en tout cas une filiale de CMA-CGM. Je pense aussi au futur terminal de Fos 4XL, qui donnera à Marseille une capacité dun million de conteneurs supplémentaires en 2020.
Enfin, les bassins Est de Marseille devront également accueillir les trafics intra-méditerranéens de remorques et de conteneurs, et cest le projet de nouveau terminal de transport combiné de Mourepiane qui sera opérationnel en 2015. Je rappelle que lEtat y investira 20 millions deuros, soit le tiers du coût total de léquipement.
Mais je ne veux pas rentrer dans trop de détails. Car il y a une part démotion dans notre rendez-vous daujourdhui. Cette inauguration me permet dexprimer lattachement de notre pays à la vocation industrielle et portuaire de Marseille. Pour être compétitif, un port ne peut pas être fermé sur lui-même. Il doit être ouvert sur lensemble des acteurs économiques mais également de la ville.
Cest le sens de la charte « ville-port » qui réunit autour dune même vision stratégique lensemble des acteurs ici rassemblés, acteurs politiques et économiques du territoire. Le port, la ville, sont intimement liés. La dynamique de lun peut faire la réussite de lautre. Cest donc un beau jour pour Marseille, pour le port, pour la ville, pour la métropole, jy reviendrai, mais également pour léconomie de la région, de toute la région.
Inaugurer un bateau cest la première fois pour ce qui me concerne et je vous en remercie , cest ouvrir de nouvelles perspectives. Cest dune certaine façon engager une nouvelle aventure : le bateau va partir, il va sillonner les mers, il va porter partout les produits de la France. Il reviendra chargé dautres produits, cest la règle de léchange, et cest ce qui a toujours fait la tradition du port de Marseille.
Beaucoup dhabitants voient le bateau partir, ils attendront son retour, comme dans les romans dhier. Dans ce bateau, dans ces conteneurs, il y aura des produits agroalimentaires, mais il y aura aussi du luxe : cela prendra moins de place, cela vaudra peut-être plus cher. Il y a donc toutes les occasions pour imaginer ce quun bateau peut porter, transporter. Pour imaginer aussi ce quest léconomie mondiale aujourdhui.
Dune certaine façon, vous avez fait, vous aussi, uvre dimagination et de futurisme. Cest la raison pour laquelle vous avez choisi Jules Verne. Parce quà un moment, quand on invente un mode de transport, on pense être le premier, mais on est copié. Il faut toujours avoir un temps davance. Il faut toujours avoir un temps où le génie sexprime, où lon pense que lon a été le premier.
Vous avez évoqué Jules Verne, je vais le citer à mon tour : « rien démouvant, disait-il, comme un bâtiment en partance, limagination le suit volontiers dans ses luttes avec la mer, dans ses combats livrés au vent, dans cette course aventureuse ». Il en est des bateaux comme il en est des pays. A un moment nous devons aussi affronter les vents, être sur toutes les mers et être capables de gagner la course la plus aventureuse. Voilà, nous y sommes, Monsieur le président, nous sommes sur le même bateau. Merci.