25 mai 2013 - Seul le prononcé fait foi

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Conférence de presse de M. François Hollande, Président de la République, sur les relations entre la France et l'Afrique, à Addis Abeba le 25 mai 2013.

Mesdames, et Messieurs,
Jinterviens devant vous avant même davoir prononcé mon discours, mais vous avez sans doute relevé que la conférence a pris un peu de retard.
Mon message est simple. Dabord, cest de remercier lUnion africaine dinviter la France.
Je suis le seul chef dEtat européen présent à cette cérémonie du 50ème anniversaire, cest le geste que voulait faire lAfrique à légard de la France pour ce quelle est, pour ce quelle fait et pour ce quelle veut faire avec le continent africain.
Mon premier mot sera donc dinsister sur la contribution que la France peut prendre pour assurer avec les Africains, la sécurité de leur continent.
Nous ne voulons pas nous substituer aux Africains. Cétait le sens de mon discours, celui que javais prononcé à Dakar et qui rappelait ma volonté, que les Africains assurent eux-mêmes leur propre sécurité.
Les évènements du Mali, lintervention de la France, nont pas changé la ligne de conduite, cest-à-dire de laisser les Africains être eux-mêmes responsables de leur destin.
Ce que doit faire la France, au-delà de venir en aide lorsquelle est appelée, cest le cas pour le Mali, cétait également le cas dans une circonstance très différente et pour une intervention beaucoup plus ciblée, au Niger où nos forces spéciales sont intervenues parce quil y avait là encore une agression et un attentat. Mais les situations ne sont pas comparables. Au Mali, cétait une occupation terroriste et une volonté de ces groupes doccuper lensemble du territoire malien.
La France sera aux côtés des Africains et je proposerai la réunion dun sommet entre la France et lAfrique des chefs dEtat et de Gouvernement, qui sera consacrée à la paix et à la sécurité. Avec lidée que nous pourrions, avec les Européens former, entrainer, équiper, appuyer les armées africaines, notamment de lOuest, mais pas seulement de lOuest, parce que cest une coopération sur lensemble du continent quil convient dengager pour permettre aux Africains dêtre maîtres des décisions qui les concernent, notamment en matière de sécurité.
La seconde contribution de la France, elle est pour le développement.
LAfrique connait une croissance forte et dailleurs, les chefs dEtat et de Gouvernement qui célébraient la création de lUnion africaine, ont dit le chemin qui avait été parcouru depuis ces décennies, et il est impressionnant en termes déquipement, dinfrastructure et de développement économique.
Néanmoins, les besoins restent encore considérables. Besoins pour les réseaux essentiels, besoins pour le développement des énergies nouvelles, besoins en matière déducation, besoins en matière de formation des jeunes.
La France entend avec lEurope, faire deux choses.
La première, cest de mobiliser laide et les prêts de lAgence française de développement, pour des projets dinfrastructure, déducation et de formation.
Et aussi de faire en sorte que lEurope ouvre encore davantage ses marchés dans le cadre de partenariats économiques.
Vous avez sans doute relevé que lEurope était présente par le président BARROSO, que lEurope est sûrement, en termes daides, la contribution la plus importante à lAfrique de tous les pays ou de tous les continents qui y sont présents et donc, la France continuera, poursuivra, amplifiera sa contribution au développement.
La contribution au développement, cest aussi de permettre à lAfrique dêtre mieux représentée dans des instances internationales notamment la Banque mondiale, au Fonds monétaire international.
Ma volonté, cest aussi de militer avec les Africains pour quau Conseil de sécurité il y ait une présence en tant que telle du continent africain, dans le cadre de la réforme des Nations unies.
Enfin, la dernière contribution de la France, cest de faire que lAfrique soit associée pleinement aux décisions que nous aurons à prendre dans le cadre de la « Conférence Climat ». Vous savez que la France est candidate pour organiser cette conférence qui a échouée à Copenhague, cest un risque que nous avons pris, donc nous nous devons de réussir.
Ce que nous pourrons faire, nous le ferons aussi pour lAfrique et avec lAfrique. Car cest le continent qui souffre le plus aujourdhui des dégradations climatiques et des pollutions de toutes sortes.
Pour montrer notre détermination, je veux rappeler ici les intentions affichées par la France. La première, cest daffecter le produit de la taxe sur les transactions financières qui maintenant est en voie dêtre introduite par onze pays européens, daffecter une part de ressource au développement et à la lutte contre le réchauffement climatique.
La seconde intention, cest là aussi, comme je lavais annoncé à Rio+20, de tout faire pour que lOrganisation mondiale de lenvironnement, quand elle sera enfin décidée, puisse être installée à Nairobi, cest-à-dire en Afrique.
Voilà le sens de ma présence : Sécurité, développement, environnement.
LAfrique, nous le disons tous, les Africains les premiers, cest le continent de demain. Il convient davoir avec ce continent dautres rapports que ceux dhier. Et même que ceux daujourdhui.
LAfrique a besoin non plus de soutien et daides comme il était convenu den distribuer dans le passé, elle a besoin de confiance, elle a besoin de stabilité, elle a besoin de sécurité, elle a besoin de développement.
Si cette réunion est aussi importante, cest parce quelle rappelle le passé doù vient lAfrique et notre responsabilité, mais cest parce quelle veut maintenant que lAfrique soit un acteur mondial et la France ne redoute rien de lémergence de lAfrique, au contraire. Ce qui sera bon pour lAfrique, sera bon pour la France.
QUESTION M. le président, Vous évoquez la sécurité en Afrique et en Europe, pouvez-vous nous donner votre réaction à la suite de lagression dun soldat de Vigipirate à la Défense ? Savez-vous ce qui sest passé exactement ? Y voyez-vous un lien avec ce qui sest passé en Grande-Bretagne ces derniers jours ?
LE PRESIDENT Je recueille tous les éléments dinformation. Il y a eu effectivement une agression dun soldat qui était présent à la Défense, dans le cadre de lopération Vigipirate.
Nous ne connaissons pas encore les conditions et les circonstances exactes de lagression, ni même la personnalité de lagresseur.
Mais nous devons regarder toutes les hypothèses. Comme je lai dit à plusieurs reprises, nous nen négligeons aucunes. Je ne pense pas, quà ce stade, il puisse y avoir un lien mais nous regarderons tous les éléments.
Nous demandons là encore à nos soldats qui font leur travail, dans des conditions que chacun sait difficile y compris pour Vigipirate, de relever encore le niveau dattention et si je puis dire de vigilance.
Jadresse également à ce jeune homme tous mes souhaits et mes vux de rétablissement et à sa famille, toute ma solidarité.
QUESTION Après la double attaque sur Agadez et Arlit ce jeudi, est-ce que vous avez des précisions sur lidentité des agresseurs ? On a parlé du MUJAO, on a parlé du mouvement de Mokhtar BELMOKHTAR, celui-ci est-il toujours vivant ? Quels sont les résultats de laction des forces spéciales françaises ? Ne faut-il pas élargir le mandat de la MINUSMA au Niger et qui sait à dautres pays sahéliens ?
LE PRESIDENT Qui sont les terroristes ? Le MUJAO a revendiqué, cest une hypothèse sérieuse, puisque nous savons que le MUJAO est présent dans la région.
BELMOKHTAR, nous navions jamais confirmé sa mort. Il peut être effectivement un des commanditaires mais il nen reste pas moins quil y a une menace terroriste dans cette région notamment de groupes qui peuvent venir du Sud de la Libye ou dautres qui ont fui le Mali et se sont réfugiés y compris au Niger. Cétait un petit groupe avec peu déléments, à la différence par exemple de ce qui avait été mené en Algérie.
Nous avons pu éliminer, avec les Nigériens, tout le groupe. Mais est-ce que ce risque est pour autant écarté ? Non, nous aurons de toutes manières à protéger un certain nombre dinstallations dans toute lAfrique de lOuest avec nos amis Africains.
Est-ce quil faudrait, dernier élément de la question, étendre la mission de lopération de maintien de la paix à dautres pays que le Mali ? Pour linstant, il ny a pas cette nécessité. En revanche, et je lavais précisé dès le départ, une partie de nos forces qui ne seront plus au Mali seront disposées dans des pays proches, pour faire face effectivement à des risques dagression dans les pays concernés, voire même, au Mali.
Notre dispositif est cohérent. Et ce nest pas parce que nous nous retirons en bon ordre du Mali que pour autant nous nous retirons du Sahel.
QUESTION - Monsieur le Président, une question concernant la manifestation demain qui occupe les esprits en France, le parti socialiste demande à lUMP de renoncer au défilé et le ministre de lIntérieur demande aux familles de ne pas se rendre sur place avec des enfants. Est-ce que vous feriez ce même appel aux Français aujourdhui ?
LE PRESIDENT - Vous savez que je ninterviens pas sur les sujets de politique intérieure, car il sagit bien de cela, lorsque je suis en déplacement. La seule recommandation que je peux faire, cest que la liberté de manifester en France est entière mais que chacun doit faire attention et prendre sa responsabilité.
QUESTION - Monsieur le Président, les évènements du Niger, les menaces quil y a au sud de la Libye, est-ce que cela ne remet pas en cause le calendrier de retour des forces françaises qui sont au Mali en ce moment ?
LE PRESIDENT - Non, nous avons notre calendrier. Vous savez quà la fin de lannée, il ne devrait plus y avoir que 1000 soldats français au Mali. En revanche, il y aura plusieurs milliers de soldats sous la bannière de lONU dans le cadre de lopération de maintien de la paix. Et cest la logique que javais moi-même fixée dès le départ, dès la première décision, que nos forces puissent être les premières à intervenir avec les Maliens et avec les Africains qui pouvaient être dépêchés sur place. Cela a été le cas pour les Tchadiens. Puis ensuite de nous retirer pour laisser la place aux forces africaines. Ce calendrier est maintenu.
Ce qui en revanche doit être renforcé, cest notre présence dans la région pour prévenir tous les risques et pour venir en appui et en formation des armées africaines.
QUESTION - Monsieur le Président, sur le Mali, est-ce que vous croyez vraiment que les élections peuvent se faire le 28 juillet ? Parce que les Maliens nous disent que cest quasiment impossible. Et est-ce quon peut imaginer que cela se passe au mois daoût ou au mois de septembre ? Et une des raisons, dailleurs un des problèmes, cest le problème de Kidal. On a du mal à comprendre quelle est la politique française qui est tenue à Kidal. Où est-ce quon en est ? Que veut la France ? A Kidal en tous cas, cela énerve beaucoup nos amis maliens.
LE PRESIDENT - Alors je vais être aussi précis que possible. Les élections doivent se tenir à la date prévue parce que, pour un pays, et notamment pour un pays comme le Mali, qui a été regardé pendant des années comme un exemple de démocratie en Afrique, la confirmation dune élection, cest déjà une volonté démocratique.
Et le report des élections serait considéré soit comme une impossibilité, parce que la sécurité ne serait pas revenue au Mali, soit comme un renoncement par rapport à la volonté dorganiser des élections. Donc les élections doivent se tenir à la date prévue.
Deuxièmement, elles doivent se tenir sur tout le territoire malien y compris le nord Mali et notamment Kidal.
Il y a des discussions en ce moment, ou il y en a eu à Ouagadougou, entre des autorités du Mali et le MNLA. Le MNLA, cest un mouvement du Mali au Mali. Et le MNLA doit accepter que les élections se tiennent y compris dans des zones où il est présent.
Que va faire la France ? La France va accompagner ladministration civile malienne pour quelle puisse tenir partout, et notamment à Kidal, les élections.
Enfin, il doit y avoir un dialogue politique qui puisse être engagé après les élections. Cest avec le nouveau président élu, fort de la légitimité quil recevra du suffrage, que les discussions sur la décentralisation, les parts dautonomie, seront délibérées et engagées avec les différentes représentations maliennes.
Donc cest très important et pour la légitimité des autorités maliennes et même pour le bien. fondé de lintervention française et africaine au Mali. Comme je lai dit plusieurs fois, nous navons pas pris cette décision simplement pour maintenir un régime ou pour favoriser un rapport de force au Mali.
Nous avons pris cette décision pour empêcher les terroristes doccuper tout le territoire et pour réinstaurer une démocratie au Mali.
Cest pourquoi la France est aussi attachée à ce que les élections se tiennent à la date prévue.
QUESTION - Monsieur le Président, pour bien vous comprendre, vous êtes en train de dire que larmée malienne ne pourra pas aller à Kidal ?
LE PRESIDENT - Je nai pas dit cela. Je dis : dans un premier temps, il doit y avoir ladministration civile, dans un second temps, les autorités malienne doivent pouvoir, avec leur propre armée, être présentes partout au Mali y compris à Kidal.
QUESTION - Monsieur le Président, beaucoup dAfricains ont favorablement accueilli votre élection et vos premiers gestes les ont satisfaits notamment votre discours de Dakar mais il existe entre la France et un certain nombre de pays africains ce quon appelle la « zone franc ». Quest-ce que vous pensez de cette zone ? Est-ce que vous pensez que le franc CFA peut permettre le développement économique ? Quest-ce qui justifie cela aujourdhui ? et si possible, quelle modification comptez-vous apporter à ce système qui est parfois décrié ?
LE PRESIDENT - Le franc CFA apporte de la stabilité, apporte aussi des éléments qui permettent aux Africains qui relèvent de cette zone monétaire de travailler ensemble et donc de coopérer pour leurs propres organisations régionales.
Le franc CFA cest aussi ce qui nous lie à lAfrique. Et cest pourquoi jy suis attachée. Si les africains concernés veulent eux-mêmes faire évoluer le système, nous sommes toujours prêts à regarder ce qui doit être corrigé ou qui doit évoluer. Mais en même temps, les Africains qui relèvent de la zone du franc CFA sont associés dores et déjà aux décisions qui sont prises. Ce nest pas la France qui gère la zone monétaire. Ce sont les Africains avec la France.
Donc pour répondre directement à votre question, nous sommes toujours favorables à cette organisation. Si les pays concernés veulent la faire évoluer, nous sommes toujours prêts à en regarder les conditions. Merci.