29 avril 2013 - Seul le prononcé fait foi

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Déclaration de M. François Hollande, Président de la République, sur le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale, à Paris le 29 avril 2013.

Messieurs les ministres,
Mesdames, Messieurs les parlementaires,
Amiral,
Messieurs les officiers généraux,
Mesdames, Messieurs,
Je tiens dabord à vous remercier, vous tout particulièrement Monsieur le président GUEHENNO, ainsi que les membres de votre commission pour la qualité du document votre enfant si jai bien compris ! le Livre blanc que vous me remettez aujourdhui.
Au lendemain de mon accession aux responsabilités du pays, je vous avais confié la charge de présenter et donc de me proposer un nouveau Livre blanc sur la Défense et sur la Sécurité nationale.
Javais en effet considéré que létat du monde appelait de nouvelles évolutions stratégiques. Le contexte de 2008 ne pouvait pas être considéré comme immuable.
LEurope connaît une crise longue qui la conduit à pousser son intégration financière, pas encore politique, mais qui pousse ses différents membres, parmi les plus importants, à réduire leffort de Défense, pour des raisons budgétaires.
Les Etats-Unis, quant à eux, revoient leurs priorités géographiques après une décennie dengagements militaires extérieurs, qui se heurtent, à la fois, aux règles de la contrainte budgétaire, mais aussi de la révision stratégique.
Parallèlement, les puissances émergentes manifestent leurs ambitions internationales à la mesure de leur essor économique.
Le monde arabe entre dans une nouvelle phase porteuse despoirs, dans un premier temps, mais de menaces, dans un second temps, comme nous le rappellent la tragédie syrienne, mais aussi le dernier attentat à Tripoli, en Libye, et la situation confuse en Irak.
Enfin, lAfrique connait un développement incontestable mais, également, une insécurité grandissante.
Toutes les menaces qui avaient été identifiées dans le cadre du Livre blanc de 2008, loin de se réduire, se sont amplifiées : la prolifération nucléaire, le terrorisme, les cyberattaques, et les trafics de toute sorte et notamment de drogue.
Cette situation loin de remettre en cause lambition de notre pays, loblige à prendre encore davantage de responsabilités internationales. Je lavais indiqué devant les ambassadeurs, cétait en août dernier Monsieur le ministre des Affaires étrangères -, je lavais également formulé lors de mes vux aux armées Monsieur le ministre de la Défense - et jaurais pu le dire tout autant aux préfets qui ont été rassemblés par le ministre de lIntérieur. Vos conclusions, vos propositions confirment cette vision.
C'est-à-dire, le destin de la France qui est dêtre un pays mondial, et notre devoir qui est dassurer non seulement notre propre sécurité mais également celle de nos alliés et de nos partenaires.
Lhistoire de la France na dailleurs jamais cessé dêtre mêlée à celle du monde, par notre économie, par nos idéaux, par nos capacités diplomatiques et militaires, par la place qui est la nôtre comme membre permanent du Conseil de sécurité des Nations Unies.
Notre pays est engagé pleinement sur la scène internationale, conformément à ses intérêts et à ses valeurs. Nous agissons en concertation avec nos alliés dans le cadre de nos engagements internationaux, mais nous disposons et nous voulons toujours disposer dune capacité dinitiative propre.
La période récente a fait apparaître à la fois cette capacité dinitiative mais aussi certaines insuffisances en termes déquipements que nous devons résorber ou réduire.
Il y a aussi des satisfactions que nous devons relever : lintervention réussie au Mali - je ne parle pas simplement sur le plan politique, je parle sur le plan militaire - rappelle une nouvelle fois lefficacité dont nos hommes sont capables dans les engagements qui sont décidés par le Président de la République et mis en uvre par le ministre de la Défense. Je tiens à saluer en ce moment où vous me remettez le Livre blanc et devant les chefs détat-major, lintelligence, le professionnalisme, la compétence de nos armées. Même si, je lai dit, nous constatons aussi un certain nombre de limites.
Nous devons en tirer toutes les conclusions, y compris sur nos choix stratégiques ou nos équipements, mais aussi sur lorganisation de lEurope de la Défense. Tel était aussi le rôle de votre commission.
Sa composition nous y invitait puisquelle comprenait et je les salue - deux Européens un Allemand et un Britannique. Elle associait des parlementaires, des représentants de lÉtat de tous les services - et des experts indépendants. Vous avez veillé à aborder une pluralité de thèmes, à entendre une multiplicité de personnes, à assumer des débats au sein des groupes thématiques, et à fixer à la fois lenvironnement stratégique et lambition de notre pays.
Je salue même une initiative originale, sans doute de démocratie participative, qui a conduit le ministère de la Défense à créer un site Internet, un espace dédié au Livre blanc. Les citoyens, et cétait votre volonté, ont pu déposer librement leurs propositions et leurs réflexions, souvent pertinentes.
Vous vous êtes également nourris des conclusions du rapport que javais demandé à Hubert Védrine de me présenter sur les conséquences du retour de la France dans le commandement intégré de lOTAN, et plus largement sur lavenir de la relation transatlantique et sur les perspectives de lEurope de la défense.
Ces préconisations que jai faites miennes, vous les avez reprises et elles doivent nous conduire à renforcer encore linfluence de la France au sein de lAlliance et à nous mobiliser ainsi que nos partenaires pour de meilleures coopérations industrielles en matière dEurope de la Défense.
Je remercie enfin le chef détat-major, lamiral GUILLAUD, et les Chefs dEtat-major de nos trois armées, ainsi que le Secrétariat général de la Défense et de la Sécurité nationale, comme les administrations concernées pour leur implication. Car le Livre blanc est une construction collective. Cest une mobilisation, bien sûr des militaires, mais aussi des administrations civiles.
Le 12 février, vous mavez remis, M. le Président, vos propositions. Elles ont fait lobjet de deux conseils de Défense : le 22 mars et le 10 avril. Ce nouveau Livre blanc met laccent sur les trois priorités de notre stratégie : la protection, la dissuasion, lintervention. Ces priorités ne sont pas dissociables.
Nous devons dabord veiller à protéger les Français, face à tous les risques, toutes les menaces qui existent. Nous les connaissons. Il y en a, je vais dire, de traditionnelles £ il y en a, hélas, de récurrentes £ et puis il y en a de nouvelles, que nous ne devons pas négliger, comme la cyber-menace qui atteint lEtat mais qui peut atteindre aussi les entreprises. Et cest un élément important de notre souveraineté que dy veiller.
Nous avons également le devoir dassurer la crédibilité de notre arme nucléaire, élément de notre stratégie de dissuasion. Et de préserver notre capacité à décider dactions extérieures conformes à nos intérêts ou à nos engagements, ou à nos alliances, ou aux décisions de la communauté internationale.
Le Livre blanc insiste sur la volonté dassurer la sécurité de la France tout en ouvrant la voie à des constructions raisonnées, raisonnables, pour la défense européenne. Le Livre blanc détermine dans ce cadre lévolution des moyens de notre défense, à la lumière de la contrainte budgétaire que nous connaissons et qui nest pas finalement si nouvelle.
Jai donc rendu les arbitrages pour concilier trois impératifs. Le premier impératif, cest de faire bénéficier à la défense et ?? la sécurité de notre pays une visibilité pour les quinze ans qui viennent. Le second impératif, cest de permettre à lindustrie danticiper les volumes de commandes et dorienter ses recherches. Le troisième impératif, cest la nécessité pour lEtat, pour le Gouvernement, de concilier léquilibre des comptes publics qui est également un élément de souveraineté avec la nécessité de préserver lindépendance de nos décisions.
Sil y a un fil rouge dans ce que nous avons voulu faire à travers le Livre blanc, cest dassurer le meilleur entraînement, les meilleurs équipements, le meilleur renseignement possible pour nos armées. Elles le méritent et nous avons confiance en elles. Cest à ces conditions quelles auront lefficacité indispensable, chaque fois que nos intérêts et ceux de nos partenaires seront en cause, permettant ainsi à la France dassumer pleinement ses devoirs.
Le Livre blanc ouvre vers la préparation de la loi de programmation militaire et jentends que ce texte soit, maintenant, rapidement préparé et présenté devant la représentation nationale. Mais je connais aussi le destin des lois de programmation militaire, souvent audacieuses, souvent ambitieuses, en termes de crédits. Surtout sur les 15, voire les 30 prochaines années, tout est possible !
Ce que je souhaite, ce que jexige même, cest que les engagements que nous prenons soient respectés sur la durée - jallais dire au moins des 5 prochaines années, parce quelles nous obligent. Cela marquera une certaine évolution, pour ne pas dire une rupture, par rapport au passé.
La loi de programmation, que le Livre blanc anticipe, fait toujours lobjet de débats passionnés et de critiques. Certains trouvent que nous consacrons trop par rapport à dautres priorités de laction publique £ dautres pensent que nous nen faisons pas assez les mêmes qui, souvent nont pas respecté leurs propres engagements Cest la loi de la politique et de lalternance.
Mais ce qui compte, dans une démocratie comme la nôtre, où le rassemblement sur ces questions-là, le consensus, doivent être recherchés, cest dêtre clair sur les enjeux.
Quel est lenjeu majeur ? Cest de maintenir la place, lefficacité de nos armées, tout en prenant en compte lindispensable maîtrise de nos dépenses publiques.
Je demande au Gouvernement découter tous les avis, il y en aura de nombreux, et de prendre soin à rassembler justement, à unifier autant quil est possible, la position de tous les acteurs. Car il sagit de la France, de son avenir et de sa place.
Pour ma part, comme Chef de lEtat, jai pris les décisions financières et stratégiques au nom dun seul critère : lintérêt national et la responsabilité qui doit être la mienne par rapport à tous les défis que nous rencontrons. Il y a une cohérence de nos choix. Je mexprimerai dailleurs, pour les présenter, le 24 mai prochain, devant lInstitut des Hautes Etudes de Défense Nationale.
Mais dici là, je mesure ce que le Livre blanc, la loi de programmation militaire, la période qui est maintenant en préparation £ je mesure bien ce que ce travail va demander à nos militaires, ces défis que les armées doivent relever. Je suis conscient de ce qui leur est demandé : être efficaces et en même temps travailler avec une enveloppe de crédits dont nous connaissons lévolution qui est la stabilité des crédits qui sont affectés à nos armées et, plus largement, à la Défense. Car, je le rappelle, la Défense ce nest pas simplement le ministère de la Défense, cest lensemble de nos administrations qui doivent être préparées à ces exigences.
Mais je saisis cette occasion qui mest donnée une nouvelle fois pour dire la confiance que je place dans nos militaires, dans nos armées.
Et cest pourquoi, cest le sens de ce Livre blanc, il maintient les grandes priorités qui doivent être les nôtres. Je les ai rappelées : la protection, la dissuasion, la projection. Et en même temps, il maintient au niveau requis leffort national pour la Défense.
Je vous remercie encore pour le travail que vous avez mené, pour les débats que vous avez su organiser largement et pour les conclusions que vous nous avez apportées et qui mont permis de prendre les décisions nécessaires à notre pays. Merci.