26 avril 2013 - Seul le prononcé fait foi

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Déclaration de M. François Hollande, Président de la République, sur les relations entre la France et la Chine, à Shangai le 26 avril 2013.

Monsieur le Président de lUniversité de Jiao Tong,
Mesdames et Messieurs les ministres qui maccompagnez,
Je veux dire dabord tout lhonneur qui mest fait et qui est fait à la France, par linvitation ici dans cette grande université, dans lune des plus prestigieuses de Chine. Une université qui a fait trois Prix Nobel de physique et qui a même eu comme étudiant un ancien président de la République populaire de Chine cest dire si elle est capable de produire de lexcellence.
Je salue les professeurs dont je connais la réputation et je veux madresser aux étudiants. Aux étudiants chinois qui aujourdhui peuvent se réjouir de cette coopération avec Paris Tech, puisque nous allons pouvoir échanger nos connaissances mais également pouvoir produire des diplômes qui nous seront communs, avec la possibilité pour ces étudiants, dutiliser leur savoir, ici en Chine, ou partout dans le monde et notamment en France.
Je veux également dire un mot aux étudiants français sil y en a dans cette salle et jen vois, jen devine la présence pour leur dire quils ont de la chance deffectuer une partie de leur cursus universitaire ici dans cette grande université à Shanghai.
Shanghai, ils ne sont pas dépaysés les étudiants français ! On appelait cette ville le « Paris de lOrient ». Bientôt on dira de Paris que cest presque le « Shanghai de lOccident », enfin je le souhaite dun certain point de vue, si cette appellation signifiait de la technologie, de la recherche, du développement économique. Cest dailleurs ce que fait Paris, qui veut être une vitrine pour le numérique et une grande ambition pour la recherche et pour luniversité.
Shanghai, cest le symbole de la réussite de la Chine qui, en à peine trente ans et cest inédit dans lhistoire de lhumanité a été capable de se hisser au deuxième rang en terme de puissance économique du monde.
De ce parcours exceptionnel, Deng Xiaoping, qui la initié, en a décrit la méthode elle peut valoir dailleurs pour la Chine comme pour dautres pays « Nous traversons la rivière en nous appuyant sur les pierres, à tâtons», disait-il, pour ne jamais tomber. Cest ce que chaque pays doit faire à son rythme et selon les circonstances, franchir la rivière, être capable de faire toutes les étapes, ne pas prendre la pierre trop loin car elle serait inaccessible, être sûr avec ce bon rythme, cette bonne méthode darriver de lautre côté.
Cest ce que vous avez réussi à faire, ici en Chine, avec une croissance de près de 10% par an, mais qui néanmoins le Président Xi JINPING me le confiait ne veut pas dire que la prospérité soit totale en Chine. Il y a encore de grands potentiels de développement, de grandes inégalités à réduire et la France est prête à être à vos côtés pour cette nouvelle étape du développement de la Chine autour de la connaissance, autour de la science, autour de la formation, autour de luniversité.
Nous sommes deux grands pays, la France et la Chine. Nous ne sommes pas de la même taille, avec la même population. Mais nous avons depuis longtemps eu lexacte conscience que notre richesse, cétait notre population, notre jeunesse, à condition de lui donner toutes les conditions de réussir, de se former et dêtre au plus haut niveau de la connaissance. Cest ce que vous faites ici.
Lavenir de la Chine est à limage de sa grande histoire. Jai salué ce qui sétait produit pendant ces 30 dernières années, montré le caractère exceptionnel de cette croissance, de ce développement. En même temps, la Chine retrouve sa place, celle quelle occupait dès lAntiquité et également au milieu du XVIème siècle où la Chine représentait déjà une puissance. Il ny avait pas encore les statistiques pour mesurer le PIB, mais les historiens rappellent quau XVIème siècle et XVIIème siècle, la Chine représentait 30% de la production et des échanges du monde.
La Chine, cest un grand pays avec une culture dont les trésors sont admirés depuis longtemps. La Chine, cest un Etat « plus vieux que lHistoire » comme le disait le Général de GAULLE qui, au nom de la France, a reconnu en 1964 premier pays occidental à le faire la Chine populaire. Ce qui fait que notre amitié, aujourdhui, est si grande, à travers des actes qui ont été posés par lHistoire.
Lamitié, cela sentretient, se travaille, se prolonge. Aujourdhui, ce nest plus simplement par la politique, mais par léconomie, par le développement de nos coopérations et notamment dans le domaine scientifique. Là encore, ce nest pas nouveau, nous ninventons rien. Louis XIV avait envoyé en Chine les « mathématiciens du Roi » et lEmpereur Kangxi avait permis de les accueillir en signant un édit de tolérance. Déjà, dans un autre temps, dans une autre époque, au temps des monarchies et des empires, la France et la Chine avaient compris quil y avait des liens autour de la science qui devaient nous unir.
Le philosophe VOLTAIRE, qui nétait jamais venu en Chine, considérait néanmoins que la Chine était « la nation la plus sage et la mieux policée de lUnivers ». Il en faisait une référence parce quil disait que le système mandarinal chinois était fondé sur le mérite et non sur largent ou la naissance. Nous pouvons garder ce principe : le mérite doit lemporter sur la naissance et sur largent. La Chine a passionné les philosophes français comme dailleurs les philosophes français ont passionné la Chine et ont inspiré la première révolution.
Voilà pourquoi nous devons être exigeants envers nous-même. Parce que nous avons nos deux pays des principes qui unissent : cette confiance dans la science, dans le progrès, dans le développement des échanges.
Je souhaite aujourdhui madressant à vous jeunes étudiants chinois, jeunes étudiants français vous dire que vous être responsables de lamitié entre la France et la Chine. Posons-nous la question : pourquoi une amitié ? Pourquoi cette relation si elle nest pas utile au monde entier ?
Parce que nos deux pays ont des valeurs universelles. Nous voulons peser sur le destin de lhumanité et de la planète. Nous navons pas le même système politique, pas toujours les mêmes conceptions nous pouvons nous différencier. Mais nous devons ensemble dabord, nous dire franchement les choses, jy reviendrai mais relever les grands défis de la planète.
Le premier défi que nous avons à relever, cest dunir lEurope et lAsie. LEurope est la première puissance économique du monde. LAsie est le moteur de la croissance du monde. Il ne sagit pas décarter les autres, il sagit de comprendre nos rôles respectifs.
LEurope parce que cest un continent ouvert.
LEurope parce que cest un continent qui a décidé de sunir.
LEurope parce que cest un continent qui traverse une crise et qui veut en sortir.
La Chine parce quelle est capable de trouver, en elle-même, un potentiel de développement. Mais elle a besoin de lEurope. Elle a besoin dune économie forte en Europe. Elle a besoin dune science partagée, des technologies que nous pouvons échanger.
La France qui pèse en Europe est prête à favoriser la relation avec la Chine. Parce que nous avons la croissance que nous devons partager. LEurope est le premier partenaire commercial de la Chine, la principale destination des exportations asiatiques. La conclusion est simple, il ny aura pas de reprise en Europe sans la Chine, sans lAsie. Mais il ny aura pas non plus de développement durable en Chine sans lEurope.
Nous avons besoin de nos deux pôles : lEurope, la Chine. Chacun doit prendre ses responsabilités. LEurope et la France a pesé pour quil en soit ainsi doit poursuivre ses efforts pour stabiliser, pour préserver la zone euro, cest fait £ pour améliorer la compétitivité de nos entreprises, nous y travaillons £ pour renforcer la solidarité entre les pays dEurope, cest notre ambition à travers une intégration.
La Chine doit également faire des gestes et poser des actes, soutenir la demande intérieure, développer linternationalisation du Yuan, améliorer le niveau de vie de la population. Cest ainsi, ensemble, que nous réduirons et résorberons les déséquilibres mondiaux.
Vous lavez rappelé, Monsieur le Président, cette visite dEtat est dabord pour rapprocher nos deux pays, pour renforcer le partenariat politique. Mais cest aussi pour que la France puisse être davantage présente en Chine et que nous puissions satisfaire les besoins de léconomie chinoise dans un certain nombre de domaines, au-delà du nucléaire et de laéronautique : lagroalimentaire, la santé, les transports, le numérique, les énergies nouvelles Voilà ce qui peut être facteur de croissance pour la France et de développement pour la Chine.
Là encore, les universités peuvent jouer tout leur rôle parce que, pour inventer les technologies de demain, nous avons besoin dune culture scientifique commune qui permettra à nos entreprises dêtre davantage adaptées au marché chinois.
Le deuxième défi que nous avons à relever ensemble, Chine et France, cest celui du développement durable, de lenvironnement.
Jai rencontré le Premier Ministre ce matin et il ma dit que la Chine avait besoin dune nouvelle pensée en matière denvironnement. Nous sommes tous confrontés à cette nécessité dinventer un nouveau modèle de croissance plus sobre, plus économe dénergie, qui utilisera justement cette transition pour de nouveaux gisements de progrès et de croissance. Cest également une attente très forte de nos sociétés compte-tenu de la pollution, du réchauffement climatique, des catastrophes quil peut engendrer. Nous sommes également comptables par rapport aux générations futures, par rapport à vous, de létat de la planète que nous allons laisser.
Je ne voudrais pas quon puisse opposer croissance et environnement. Lenvironnement doit être un facteur de croissance et la croissance ne peut pas se faire au détriment des ressources naturelles et des conditions de vie de lhumanité.
Cest pourquoi la France a décidé dorganiser la conférence sur le changement climatique pour quelle se termine par un succès qui sera regardé, là aussi, comme un élément de sortie de la crise. La Chine appuie notre démarche et jen suis heureux, le Président XI Jinping me la confirmé ce matin.
Je sais aussi ce que représente lenjeu du développement durable pour la Chine avec une population urbaine qui ne cesse daugmenter, de nouvelles villes qui sont en train dêtre bâties. Pas simplement dans la Chine de lEst mais dans la Chine du Centre, de lOuest, là où les évolutions vont être les plus rapides maintenant. La France est prête à y consacrer tous les moyens technologiques, économiques, humains. Je souhaite que les universités puissent pleinement prendre leur place dans ce projet.
Enfin, le dernier défi que nous avons à relever, Chine et France, est de travailler à un nouvel équilibre du monde, à un nouvel ordre international.
Nous navons pas le même système politique, nous navons pas toujours les mêmes conceptions. Mais nous partageons lidée que le monde doit trouver un nouvel ordre, un nouvel équilibre, un nouveau partage, de nouvelles règles. Nous sommes pour une gouvernance mondiale.
Dabord, une organisation du commerce, fondée sur la réciprocité. Ensuite, un système monétaire international qui puisse faire que les monnaies correspondent à létat de chacune des économies. Et enfin, une capacité à décider, au niveau mondial, de lutter contre la finance grise ou noire, contre les paradis fiscaux, contre les trafics, contre la corruption à léchelle internationale. Voilà des thèmes qui doivent nous rassembler.
Ce que nous devons éviter aussi, cest la peur que pourrait inspirer, en Europe, le développement des pays émergents. La peur que pourrait rencontrer un certain nombre de mes concitoyens par rapport à la croissance rapide dun pays comme la Chine. La peur de tout ce qui est étranger à nos univers. Nous devons au contraire porter, ensemble, un message despérance et de confiance. Dès lors quil y a des règles, alors chacun peut comprendre quil est interdépendant avec lautre, quil peut être solidaire et que nos destins sont liés.
Cest pourquoi, jai voulu aussi, dans cette visite, faire comprendre que lorsquil y a des investissements français, ici en Chine, cest utile dès lors quun certain nombre de règles sont respectées pour lemploi, en France, pour lutter contre le chômage en France, pour favoriser lactivité en France. De la même façon, jai souhaité quil y ait plus dinvestissements chinois en Europe et en France pour montrer justement notre solidarité, pour lier le destin de nos entreprises.
Mais nous pouvons déjà en faire la démonstration avec les universités. Que de grandes écoles françaises et je salue ici le directeur de lEcole polytechnique soient présentes dans cette université, cest un signe de confiance et despoir. Cela prouve que nous sommes capables de dépasser ce qui peut nous séparer pour nous retrouver ensemble. Pas toujours avec la même langue nous devons y travailler , mais avec la même volonté de bâtir un avenir commun.
Pour cela, nous devons nous parler, nous connaître. Nous parler de tous les sujets et je lai fait avec les dirigeants de votre grand pays, de tous les sujets politiques à léchelle internationale, de tous les sujets économiques, de la question de la démocratie, des droits de lHomme parce que cela fait partie de la franchise avec laquelle nous devons nous parler.
En même temps, nous devons établir des relations de confiance. La meilleure façon de le démontrer est en formant des étudiants. Il y a 35 000 étudiants chinois qui, à un moment ou à un autre, viennent en France. Ils sont les bienvenus et le gouvernement fera tout pour que toutes les mesures nécessaires soient prises pour faciliter les procédures, améliorer les conditions de séjour, permettre aux étudiants chinois de trouver des débouchés pour leurs activités. En Chine, il y a 7 000 étudiants français, dont 3 000 à Shanghai.
Lécole que nous venons dinaugurer dans des disciplines davenir (les sciences de lingénieur), sera encore une preuve de plus de cette capacité à nous connaître et à nous comprendre. Il y a eu plus de 150 accords entre établissements denseignement supérieur, chinois et français, dont 20, rien que lannée dernière.
Parfois, la barrière de la langue peut être un obstacle et je souhaite donc renforcer lapprentissage du français en Chine et du chinois en France. Il y a plus de 30 000 jeunes Français qui apprennent le chinois aujourdhui dans nos établissements du secondaire. La francophonie, parler français, est une grande cause. Il ne sagit pas dimposer une langue par rapport à une autre. Il sagit de considérer que la diversité culturelle est une chance pour le monde, doù la nécessité, ici, dapprendre le français et en France dapprendre le chinois. Parce que cest ainsi que lon forge des liens humains.
Mesdames et Messieurs, vous avez donc ici des conditions exceptionnelles pour mener vos études. Vous avez ici une université, je ne sais pas à quel rang elle se classe dans le tableau de Shanghai, qui fait référence que nous contestons parfois ! Jaurais dû men douter. Cela ne veut pas dire que ceux qui font les classements le font pour être premiers. Vous démontrez ici lexcellence de luniversité chinoise. Savoir que luniversité française est maintenant présente fera que vous ne pourrez même plus figurer dans le classement, parce que vous serez hors concours ici à Shanghai ! Merci à la génération qui est devant moi, merci à la jeunesse chinoise, merci à la jeunesse française dêtre capable de franchir une nouvelle étape de lamitié entre nos deux pays.