9 avril 2013 - Seul le prononcé fait foi

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Déclaration de M. François Hollande, Président de la République, sur la transformation du Musée du Louvre sous la direction d' Henri Loyrette, à Paris le 9 avril 2013.

Madame la ministre,
Monsieur le Président directeur vous tenez au titre jusquau dernier jour,
Je tenais à être présent à cette cérémonie. Cérémonie qui prend lallure dun meeting de départ sous la pyramide du Louvre.
Je tenais à exprimer ici, devant vous, la reconnaissance de la République, au moment où, cher Henri LOYRETTE, vous quittez létablissement du Louvre. Vous y avez été nommé par Jacques CHIRAC, vous lavez rappelé, sur proposition de Catherine TASCA. Cétait en 2001. La feuille de route qui vous avait été précisée était ample. Vous deviez ouvrir, assurer la diversité, vaincre les préjugés et briser les conservatismes Vaste programme ! Vous lavez réalisé pendant douze ans à la tête de létablissement.
Vous navez pas simplement dirigé le Louvre, vous lavez transformé.
Jai été moi-même témoin depuis dix mois de ces réussites : en inaugurant ici même, cétait au mois de septembre, le département des arts de lIslam £ puis en me rendant à Lens pour le Louvre dans le bassin minier, inaugurant là lune de vos plus belles réussites. Il y a déjà près de 400 000 visiteurs à Lens, au-delà même de tout ce qui avait pu être imaginé ! Pari audacieux, pari formidable, pari réussi. Enfin, nous étions ensemble, aussi, à Abu Dhabi non pas pour inaugurer un musée mais pour en voir la maquette. Là encore, léquipement ouvrira en 2016.
Vous avez ainsi, par vos réussites, résumé deux volontés :
- la dimension encyclopédique du Louvre, qui est un musée universel, ouvert à toutes les époques, à toutes les cultures, jallais dire même à tous les arts. Cela, cest la première volonté que vous avez inspirée, marquée £
- la seconde volonté, cest le caractère démocratique du Louvre : vous êtes convaincu que ce grand établissement doit parler au plus grand nombre, toucher celles et ceux pour qui les uvres peuvent paraitre lointaines £ sadresser à toutes les générations, à toutes les zones géographiques, à toutes les personnes même celles touchées par le handicap ou privées pour un temps de liberté. Vous avez ainsi élargi les publics du Louvre : en dix ans, le nombre des visiteurs au musée est passé dun peu plus de 5 à 10 millions.
En faisant du Louvre ce quil est aujourdhui, vous avez affirmé une conception de la politique culturelle qui à mes yeux repose sur trois principes :
- premier principe, lattractivité. La culture, cest un atout pour la France. Cest une condition de son rayonnement, cest aussi un moyen de porter des industries culturelles et de nous permettre dêtre, en ce domaine et pas en ce seul domaine, les premiers au monde. Lattractivité elle est due au Louvre à Paris. Comment dailleurs venir à Paris sans visiter le Louvre ?
- le second principe de la politique culturelle, cest dêtre capable dassocier le public et le privé, les moyens du ministère de la Culture, les moyens de lEtat, des collectivités locales, mais aussi du mécénat. Cest ce que vous avez démontré ici au Louvre.
- enfin le dernier principe cest la recherche de lexcellence, à travers des politiques dexpositions ambitieuses, avec des uvres qui nont jamais été jusque-là exposées ou montrées et encore récemment avec lexposition « De lAllemagne » qui a été une découverte pour, à la fois, les Allemands et les Français.
Vous avez su garder ce quon appelle la tradition des musées : le principe de linaliénabilité des collections publiques, limpératif de les conserver dans les meilleures conditions. Mais vous avez fait preuve, pour respecter la tradition, du bel esprit de modernité. Montrer, promouvoir, expliquer, informer, faire que les musées soient des lieux de vie où le beau se conjugue avec le plaisir et où il y ait aussi une dimension économique, sans que la culture soit réduite à létat de marchandise. Car il nous faudra défendre, plus que jamais, lexception culturelle. Non pas pour nous-même, non pas pour la France, non pas pour lEurope, mais pour la représentation même des cultures dans le monde.
Monsieur le Président-directeur,
Vous avez animé le plus grand musée du monde, ce qui appelle des qualités forcément exceptionnelles, à la dimension du Louvre. La première de vos qualités, cest une énergie, une énergie inépuisable. Je ne sais ce que vous pourrez en faire. Cela, cest votre problème. Et puis un enthousiasme, lenthousiasme qui permet de briser tout ce qui parait être une entrave, un empêchement, un obstacle.
Jacques CHIRAC vous avait prévenu des conservatismes, des peurs, des rigidités, parfois mêmes des tutelles. Il faut de lenthousiasme car cest lenthousiasme qui est communicatif. Cest la réussite qui permet de mobiliser, ce nest pas simplement le constat des difficultés. Cest la capacité de susciter un espoir possible, crédible et de faire que ce qui parait inaccessible, à un moment, puisse être un facteur de réussite collective.
A toutes ces qualités, vous en avez ajouté une autre, plus rare encore : lélégance. Je ne parle pas simplement de votre élégance personnelle mais de lélégance morale, de lélégance intellectuelle qui fait quun homme de votre qualité, au bout de douze ans, après toutes ses réussites, plutôt que de solliciter de continuer, choisit de changer de métier. Sans pour autant perdre son amour pour le Louvre ou sa vocation pour la culture et les arts ! Elégance qui vous permet de dire : « la tâche accomplie », même si la mission doit se poursuivre, quun autre peut et doit prendre la suite. Comme vous-même vous laviez fait.
Vous allez vous consacrer au contentieux administratif. Ayant moi-même approuvé et même signé le décret cette nomination, jai cherché à comprendre. Lamour du droit peut expliquer bien des folies et « les grands arrêts de la jurisprudence administrative » être effectivement un livre de références... Peut-être y a-t-il cette même volonté de tout déchiffrer ? Le code administratif comme les hiéroglyphes égyptiens Pénétrer dans tout ce qui peut paraître, à un moment, inaccessible ?
Mais il y a une autre idée qui, sans doute, vous a animé. Le Conseil dEtat rend effectivement des arrêts et doit être inspiré par dautres arguments que seulement la stricte application du droit. Mails le Conseil dEtat rend aussi des avis qui inspirent laction publique, qui sont précieux pour les projets de loi, qui peuvent être sollicités sur certaines questions difficiles. Et nul ne doute que vous allez lêtre !
Il y a peut-être une autre explication : vous ne vouliez pas vous éloigner du Louvre. Alors, où aller ? En face ! Sur la place du Palais Royal. Maintenant vous regarderez le Louvre de lautre côté. Et vous serez sans doute, les uns et les autres, observés de loin. Vous serez aussi voisin de la rue de Valois, siège du ministère de la Culture et je salue ici les ministres qui ont, à un moment, exercé cette haute responsabilité et qui ont permis aussi à ce que le Louvre soit ce quil est aujourdhui. La ministre de la Culture aura donc à cur de solliciter votre expertise, et moi-même je lai fait pour vous demander, en plein accord avec votre successeur, que nous profitions de votre expertise sur le projet dAbu Dhabi.
Lélégance, ce fut aussi celle que vous avez marquée pour le choix de votre successeur. Je ne vais pas ici faire de confidences. Nous sommes trop nombreux. Mais vous navez rien imposé. Vous avez tout simplement dit que les noms proposés étaient excellents, que chacun avait sa valeur. Et que cétait au président de la République de faire larbitrage qui lui paraissait le meilleur sur propositions de la ministre de la Culture.
Jean-Luc MARTINEZ vous succède donc ou va vous succéder. On me dit que ce sera lundi. Il connaît bien le Louvre. Il y travaille, lui aussi, depuis des années. Il vous a vu faire et néanmoins, et parce que cest son devoir, il apposera sa propre marque. Il doit surtout sinspirer mais ne pas répéter. Ce quon attend dun président du Louvre, cest quil puisse ouvrir de nouvelles perspectives. Parce que rien nest jamais achevé. Il y a encore tant de projets à faire, tant de chefs duvre à servir, tant de publics à conquérir, pour ce palais des rois devenu le musée du peuple le 19 septembre 1792, à la veille même de la proclamation de la République.
Le Louvre, cest la République. Cest donc la responsabilité de lEtat et du président de la République. Il ne sagit pas dune tutelle dune protection, sûrement, si elle est nécessaire mais surtout dune attention permanente et dune reconnaissance. Vous lavez très bien dit, Henri LOYRETTE. Tous les présidents successifs y ont scrupuleusement veillé. Parce que le Louvre accompagne lHistoire. Il est lHistoire. Il fait lHistoire. Il fabrique lHistoire. Cest donc un grand musée exceptionnel. Cest un musée de lHistoire en mouvement, il en épouse les formes, les époques mais aussi les accélérations.
Cest aussi un musée qui brise la géographie. Il sest même installé en pays minier et demain partout dans le monde. Cest un musée national et cest un musée international, présent dans 70 pays au monde et qui, pour la République, est donc à la fois une garante de sa cohésion mais également, pour le monde, une chance pour luniversalité des valeurs que nous portons.
Cher Henri LOYRETTE, cest parce que ce musée a cette histoire, parce que vous avez contribué à la faire que je voulais vous exprimer ma gratitude, ma reconnaissance. Et à travers vous, puisquici sont rassemblés les personnels de ce grand établissement, dire : « soyons fiers des personnels qui servent ici ». Fiers de tous les métiers qui contribuent à ce quest le Louvre. Fiers des administrateurs qui dirigent ce grand établissement. Fiers des donateurs qui permettent à ce musée de vivre à 50% de ressources qui ne sont pas publiques. Fiers du Louvre. Fiers dHenri LOYRETTE et fiers de ce que fera encore le Louvre pour la République.