19 février 2013 - Seul le prononcé fait foi

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Déclaration de M. François Hollande, Président de la République, sur les relations franco-grecques et la crise dans la Zone euro, à Athènes le 19 février 2013.

LE PRESIDENT - Mesdames, et Messieurs, je tenais à venir en Grèce aujourdhui, à linvitation du Premier ministre SAMARAS, pour exprimer au peuple grec le soutien de la France et la confiance que nous avons dans laction qui est menée maintenant depuis plusieurs mois en Grèce.
Il y a, le Premier ministre la dit, des relations damitié historiques entre la France et la Grèce. Nous nous honorons davoir pu contribuer à lindépendance de la Grèce, mais également à lavènement de la démocratie retrouvée au début des années 70. De la même manière, cest à linitiative de la France que la Grèce a pu adhérer à lUnion européenne et rejoindre la zone euro. La Grèce elle-même nous a toujours soutenus, dans tous les moments heureux ou tragiques de notre histoire. Nos deux pays, nos deux peuples sont liés lun à lautre. Quand jentends les dirigeants grecs parler français, je men convaincs à chaque instant.
Mais je suis ici comme président dun pays qui a voulu que la Grèce reste dans la zone euro. Depuis mon élection, je nai cessé de convaincre les partenaires européens que cétait lintérêt de lEurope que la Grèce reste dans la zone euro. Cétait bien sûr lintérêt de la Grèce, mais ça, cétait aux Grecs de se déterminer. Mais notre intérêt était de démontrer que nous avions besoin dune zone euro stable et cohérente, qui puisse montrer sa capacité à réagir face aux marchés.
La Grèce devait faire des efforts, elle devait prendre des engagements. Les efforts ont été considérables. Le Premier ministre rappelait que la Grèce vivait sa sixième année de récession, que le chômage dépassait 27 % de la population active, près de 60 % chez les jeunes. Aucun peuple en Europe na subi une telle épreuve. Alors, nous devions être aux côtés de la Grèce.
Il y avait des sacrifices sans doute à faire, des réformes à engager. Mais en même temps, nous devions donner toutes ses chances à la Grèce pour parvenir à ce résultat. Nous avons donc, au cours de ces derniers mois, fait en sorte que la Grèce puisse rester dans la zone euro. Cest un acquis. Nous avons aussi permis que la Grèce puisse obtenir les liquidités qui lui étaient nécessaires, dès lors que les engagements avaient été pris et tenus. Mais nous devions faire davantage, et ça, cest aussi ce que la France avait à démontrer.
Dabord, une coopération administrative pour que nous mettions notre expérience de lEtat au service des réformes que la Grèce entendait engager. Depuis plusieurs mois, nous avons déjà obtenu ensemble des résultats. Nous devions aussi faire en sorte que nous puissions dans des domaines comme la santé, mais aussi le tourisme faire valoir notre aide technique, quand elle était sollicitée. Cest le cas. Nous avons, à linstant, signé un accord sur le tourisme. Dautres sont en préparation sur la santé et même pour lInstitut Pasteur. Dans bien des domaines, nous pouvons faire valoir ce que nous pouvons apporter à la Grèce.
Mais nous voulons également, sur la fiscalité, les mécanismes de contrôle, lorganisation du cadastre, mettre là encore nos techniques à la disposition de la Grèce. Ça, cest ce que lEtat peut faire. Mais si je suis ici, à Athènes, cest aussi pour mobiliser les entreprises françaises pour quelles investissent en Grèce. Cest lintérêt de la Grèce, cest lintérêt de la France.
Dabord, beaucoup dentreprises étaient présentes en Grèce depuis de longues années. Ces entreprises ont connu une réelle prospérité en même temps que la Grèce franchissait des étapes. Je veux saluer ces entreprises, elles sont restées pour lessentiel en Grèce. Aujourdhui, elles doivent encore renforcer leur présence.
Le Premier ministre a parlé dun programme de privatisations, cest la décision des Grecs, cest également, reconnaissons-le, une recommandation de lEurope. Dès lors quil va y avoir ces appels doffres, les entreprises françaises doivent être présentes. Parce quelles ont justement une expérience de ce quest le service public, de la qualité des prestations qui peuvent être apportées aux Grecs. Dans de nombreux domaines, lénergie, leau, les transports, les chemins de fer, les entreprises françaises seront prêtes à répondre aux appels doffres, en toute transparence et en faisant en sorte dêtre retenues, si elles en ont les capacités.
Je veux aussi saluer tout ce qui est fait pour renforcer les placements qui peuvent être réalisés en Grèce. Le Premier ministre a souhaité que la Caisse des dépôts française puisse être associée à ce processus, nous verrons avec ses dirigeants comment nous pouvons répondre à cette sollicitation.
Mais nous devons faire en sorte que la croissance, lemploi reviennent en Grèce. Ce que jappelle la solidarité, ce nest pas simplement venir apporter des liquidités à un moment, cest apporter de la croissance. Nous avons besoin en Europe de plus de croissance. Cest ainsi que nous pouvons atteindre nos objectifs de réduction des déficits publics.
Je veux, enfin, souligner combien jai été sensible à lappui de la Grèce et du Premier ministre à lintervention française au Mali. La Grèce a été lun des premiers pays, même le premier en Europe, à nous apporter son soutien politique. Nous aurons aussi une coopération en matière de défense, elle est établie depuis longtemps. Là encore, le ministre de la Défense, Jean-Yves LE DRIAN, viendra prochainement en Grèce.
Mais je ne suis pas venu pour vendre du matériel, comme je lai entendu dire à un moment . Non. Nous avons à montrer aux Grecs une solidarité, un soutien et surtout une confiance. Cest la confiance qui permettra de restaurer la croissance. La confiance est maintenant rétablie dans la zone euro et les efforts des Grecs nauront pas été inutiles à lensemble des Européens. La confiance doit être maintenant celle des investisseurs, pour quils viennent partout où ils sont appelés, notamment en Grèce.
La confiance doit être également chez les consommateurs, chez les citoyens européens qui doivent maintenant prendre la mesure de tous les efforts qui ont été accomplis pour maitriser les dettes publiques et maintenant faire en sorte que ce soit la croissance, si les gouvernements sen donnent les moyens, en termes dinvestissement, de compétitivité, qui soit la priorité pour les prochaines années.
Voilà le message que jétais venu délivrer ici, message damitié, message de soutien, message de confiance et message de croissance.
QUESTION - Bonjour, Monsieur le président. Bonjour, Monsieur le Premier ministre. Vous considérez que la Grèce est sur la bonne voie économiquement. Est-ce que laustérité est une solution aussi pour la France, avec des réductions des dépenses publiques ? Par ailleurs, confirmez-vous lhypothèse de croissance qua évoquée Laurent FABIUS ce matin, 0,2 ou 0,3 % ? Merci.
LE PRESIDENT - Nous ne sommes pas dans la même situation, chacun le sait. La Grèce vit sa sixième année de récession. La production nationale a baissé de 25 % en six ans, 25 %. Il y a eu des résultats en termes de réduction du déficit public, notamment du déficit structurel, des réformes très importantes ont été engagées. Il fallait quil y ait le soutien de lEurope à la Grèce, dès lors quelle respectait ses engagements. Pour les autres membres de lUnion européenne, il y a des pays qui sont en récession aujourdhui, lEspagne, le Portugal, lItalie. Le dernier trimestre de lannée 2012 dailleurs fait apparaître que dans la Zone Euro la récession appelons-la comme elle est est de 0,6 %. En France, nous avons eu une croissance nulle en 2012, je rappelle que les deux premiers trimestres de lannée 2012 étaient des trimestres de croissance négative, 0,1 pour le premier trimestre, 0,1 pour le second trimestre. A la fin de lannée, la récession a été de 0,6 pour la Zone Euro et, si je puis dire, pour la France, seulement de 0,3. Donc, nous sommes un des pays qui, aujourdhui, sur le plan de la croissance ou en tout cas de lactivité, est dans la situation la moins mauvaise. Mais nous sommes loin du compte par rapport à nos objectifs. Pour lannée 2013, chacun sait que nous natteindrons pas les 0,8 % qui étaient prévus. Nous attendons les prévisions de la Commission européenne, elles viendront vendredi. Nous-mêmes, nous aurons à faire une prévision à la fin du mois de mars, qui devra dailleurs être validée par le Haut conseil des finances publiques, puisque, maintenant, cest la règle, que jai voulue, pour que les prévisions de croissance soient incontestables. Donc, nous aurons à la fin du mois de mars la prévision de croissance qui sera établie avec le Haut conseil des finances publiques et qui déterminera ce que nous aurons à faire en termes de choix budgétaires, selon les prescriptions de la Commission pour 2014.
QUESTION - Monsieur le Président. Comment la Grèce peut-elle être aidée, à part ce quelle fait pour faire face à la crise sociale, étant donné que les taux de chômage sont énormes et approchent les 30 % pour la population générale et les 60 % pour la jeunesse ? Je vous remercie.
LE PRESIDENT - La Grèce doit être soutenue par lEurope tout entière, notamment par une mobilisation plus rapide encore quil nest prévu aujourdhui des fonds structurels, notamment du pacte de croissance qui a été décidé au mois de juin dernier, à mon initiative, par le Conseil européen. Plus il y aura de fonds qui viendront immédiatement pour des projets dinvestissements en Grèce, meilleur ce sera pour la croissance en Grèce. Sur un autre terrain, celui des liquidités, il convient quil y ait davantage dinvestissements qui viennent en Grèce, pour que la Grèce puisse avoir les moyens de développer son économie. Il y a des entreprises qui se portent bien en Grèce, mais qui nont pas toujours les moyens daccéder au crédit et à la liquidité. Ça, cest aussi une responsabilité de lEurope, pas simplement des gouvernements, mais des établissements financiers. Enfin, la meilleure façon de soutenir la Grèce, cest de dire que nous avons confiance en la Grèce et de dire à nos entreprises je le ferai cet après-midi quelles doivent participer pleinement au développement de la Grèce, y compris à travers ce programme de privatisations, puisquil est lancé.
QUESTION - Vous venez de parler des fonds structurels et de limportance de ramener la croissance en Grèce. Mais il y a plus de dix jours, vous avez signé un budget européen pour les prochaines années qui ampute de 30 % les aides structurelles à la Grèce. Donc, je voulais savoir comment vous expliquez cette contradiction.
LE PRESIDENT - Il y a dans le budget, enfin le cadre financier européen, des éléments qui peuvent être parfaitement utilisés par la Grèce. Je pense notamment au fonds qui a été créé par rapport au chômage des jeunes, hélas, on la dit, les chiffres du chômage pour les jeunes en Grèce, pas seulement en Grèce, mais particulièrement en Grèce, sont alarmants. Nous avons dégagé 6 milliards deuros dans le cadre financier européen, une partie de ces fonds ira vers la Grèce. Deuxièmement, cest vrai que sur les fonds de cohésion, il y a eu des ajustements, mais nous pouvons les redéployer, autant quil sera nécessaire, pour des projets qui intéressent la Grèce. De la même manière, en préservant la Politique agricole commune, nous aidons aussi lagriculture grecque. Dernier point, sur les programmes de croissance qui sont en forte augmentation, même sils ne sont pas au niveau que jaurais personnellement souhaité, mais enfin qui vont représenter sur les infrastructures 30 à 40 % de plus que dans le cadre financier précédent, bon nombre de ces projets dinfrastructures pourront concerner la Grèce. Alors, si vous voulez me dire que le budget européen, cest celui que jaurai établi moi-même, je vous réponds non, ce nest pas celui que jaurai établi moi-même. Mais il se trouve que nous sommes vingt-sept, et que si nous dépensons tout ce qui est inscrit des 960 milliards deuros dans le prochain cadre financier, ce sera supérieur à ce qui a été dépensé effectivement dans le précédent budget européen.
Dernier point, nous avons obtenu jy ai travaillé le maximum de flexibilité pour que le budget européen ait la souplesse qui permettra justement dallouer les crédits là où ils sont attendus. Il y aura une clause de révision, au bout de deux ans, qui permettra également de pouvoir ajuster par rapport aux besoins. Cest la raison pour laquelle jai pris la responsabilité dun accord. Jaurais pu me contenter dune crise ! Cette crise aurait provoqué quoi pour la Grèce ? Lincapacité de pouvoir financer durablement un certain nombre de projets, puisque ça aurait été un budget annuel qui aurait dû être négocié avec le Parlement européen. Ce qui aurait pu avoir des avantages pour la France. Parce que tous les chèques seraient tombés, sauf le britannique, . Le seul chèque qui nétait pas dans la négociation, cétait le chèque britannique. Mais tous les autres chèques tombaient ! Ça ne gênait pas la France ! Mais ça pouvait gêner des pays de la cohésion, qui mont tous dit : « Attention, nous préférons un cadre financier plutôt quun budget annuel. » Jai donc pris la responsabilité du cadre financier pluriannuel.
QUESTION - Question sur les hydrocarbures dans la Méditerranée orientale
LE PRESIDENT - Cest une opportunité pour la Grèce et pour lEurope davoir des ressources gazières qui peuvent être, dans les prochaines années, explorées dabord et exploitées ensuite. Ça doit se faire dans le respect, comme la dit le Premier ministre, du droit de la mer et du droit international. Donc, je ne doute pas que ces règles trouveront à sappliquer. Mais si la France peut contribuer à exploiter ces ressources avec la Grèce, elle le fera. Merci.