11 février 2013 - Seul le prononcé fait foi

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Point de presse conjoint de MM. François Hollande, Président de la République, et Goodluck Ebele Jonathan, Président de la République du Nigeria, notamment sur les relations franco-nigérianes et sur l'intervention militaire française au Mali, à Paris le 11 février 2013.

LE PRESIDENT : « Mesdames et Messieurs, jai été particulièrement ravi daccueillir cet après-midi le Président du Nigeria, JONATHAN Goodluck, dans un contexte qui est à la fois heureux pour le Nigeria puisquil y a eu une grande victoire à la Coupe dAfrique des Nations, mais en même temps qui est préoccupant pour la région. Cest sur ce sujet-là que nous nous sommes concertés, lui et moi, dès lors que le Nigeria joue un rôle majeur dans lAfrique de louest et notamment dans lopération qui est en cours au titre de la MISMA.
Dabord, jai remercié le Nigeria pour son appui entier dans le cadre de lintervention française au Mali et également sa participation au niveau qui je lespère sera dans les prochains jours le plus élevé possible dans la MISMA. Nous nous sommes félicités des premiers résultats de lopération Serval, pour ce qui nous concerne, puisque lessentiel du territoire malien est aujourdhui libéré.
Mais nous navons pas terminé notre tâche. Il y a encore des poches terroristes, notamment dans lextrême nord du Mali, et des opérations qui sont encore menées par un certain nombre de groupes. Doù le double devoir que nous devons poursuivre : devoir de la France daller jusquau bout de son opération pour ne pas laisser un seul espace territorial du Mali sous le contrôle des terroristes £ mais aussi le devoir des Africains de venir prendre le relais à mesure que nous terminons notre propre opération.
Nous avons également évoqué la nécessité dune transition politique réussie pour le Mali. Ce qui fait que nous devons tout faire pour que lobjectif délection présidentielle au mois de juillet puisse être atteint. Enfin, nous sommes pour le dialogue, la réconciliation mais sur les bases qui sont celles définies par les Maliens et par eux seuls.
Nous sommes également conscients que le terrorisme nest pas quau Mali. Le Président du Nigeria en est parfaitement informé puisquil affronte depuis plusieurs mois, pour ne pas dire depuis plusieurs années, un terrorisme que nous connaissons sous le nom de Boko Haram. Il est également clair quun certain nombre de ces réseaux, de ces groupes, voire même de ces dirigeants, ont pu se réfugier ailleurs quau Mali.
Nous devons donc poursuivre notre coopération au niveau de lensemble de lAfrique de louest mais aussi de lEurope pour que nous puissions donner tout le soutien nécessaire à la lutte contre le terrorisme. Je rappelle que lEurope est pleinement engagée et quelle met en uvre une action de formation de larmée malienne et également de la MISMA.
Nous avons aussi avec les ministres des Affaires étrangères évoqué lavenir de lopération qui prendra une forme nouvelle dans quelques semaines dans le cadre de ce que lon appelle lopération de maintien de la paix.
Nous avons évoqué après nos relations bilatérales qui sont excellentes et notamment dans le domaine économique où de nombreuses entreprises françaises sont présentes, notamment dans le domaine énergétique avec Total. Mais dautres sont aussi prêtes à répondre à un certain nombre dappels doffre, dans les domaines des transports, dans les domaines également de tout ce qui est laménagement. Bref, nous sommes au contact des autorités du Nigeria pour faire en sorte que nous puissions être dans cette économie qui va être à lhorizon 2020 la 20ème du monde à la hauteur des besoins qui sont massifs dans un pays aussi peuplé.
Pour terminer, le Président du Nigeria ma fait part de sa volonté de voir son pays figurer parmi les membres du Conseil de sécurité. Vous savez que nous sommes très attachés à ce quun grand pays de lAfrique de louest puisse à chaque fois être présent au Conseil de sécurité.
Voilà ce que je voulais dire pour cette réception à laquelle jattachais grand prix. Dabord, parce que nous sommes dans le contexte de ce qui se passe au Mali. Ensuite, parce que le Nigeria est un grand pays, qui ne parle pas notre langue, mais qui a également un grand respect pour notre culture, pour les bonnes relations que lAfrique et lEurope doivent nouées et notamment le Nigeria et la France.
Je rappelle que 10% des ressources pétrolières de Total sont tirés du Nigeria. Cest dire sil y a là des liens qui sont profonds, historiques et qui ne demandent quà être renforcés. Merci ».
LA PRESIDENT DE LA REPUBLIQUE DU NIGERIA : « Merci Monsieur le Président. Le Président vient de vous résumer nos échanges et je souhaite le remercier ainsi que le Gouvernement français pour la façon dont ils ont travaillé avec le Nigeria, au soutien des questions africaines.
Monsieur le Président, je vous remercie du rôle de lEtat français au Mali. Vous êtes intervenu quand il a fallu, lorsque les choses allaient mal au Mali et ceci notamment grâce à la bonne relation entre nos deux pays. La France est intervenue, le Nigeria a dû se mobiliser.
Au cours des dernières années, vous avez vu ce qui sest passé en termes de stabilisation de lAfrique de louest. La France a joué un rôle clé. Si nous navions pas travaillé ensemble de la façon dont nous lavons fait, la situation aurait été différente en Côte divoire £ mais nous avons pu travailler ensemble pour stabiliser rapidement la Côte dIvoire. De même en Libye où nous avons coopéré de façon significative, ou encore pour la stabilisation du Niger après lintervention militaire. Bien sûr, en ce qui concerne le Mali, je suis heureux que nous ayons à nouveau pu intervenir ensemble.
Nous avons parlé du Mali, de la façon de traiter les rebelles, mais aussi au-delà.
Le gouvernement malien nest pas un gouvernement élu. LEtat est faible. Des questions se posent au sein de la CEDEAO et nous savons que nous naccepterons quun gouvernement élu par le peuple. A défaut, le gouvernement ne parviendra pas à stabiliser le pays et cest la raison pour laquelle nous soutenons lorganisation délections. LEtat français aidera le Mali à organiser ces élections et à se défendre. La MISMA restera au Mali pour un certain temps, notamment lorsquil sagira dune opération de maintien de la paix, afin de prévenir les actions terroristes organisées dans le but de tuer. Les services de sécurité maliens seront équipés, renforcés et entraînés. Nous en avons parlé.
Nous avons également évoqué Boko Haram, un groupe terroriste local ayant des liens avec Al-Qaïda. Vous savez que du fait de la pression exercée contre Al-Qaïda, elle se réfugie dans des pays plus faibles, mais nen terrorise pas moins lensemble du monde. Nous avons des problèmes dans certaines régions du Nigeria, mais cest le cas également au Cameroun et en République du Niger. Nous travaillons très dur, avec le soutien du gouvernement français, pour nettoyer toutes ces régions, où que se trouve la terreur dans le monde.
Nous avons également parlé du golfe de Guinée, des problèmes de piraterie qui perturbent le commerce. Monsieur le Président a fait référence à la question de Total, une grande compagnie pétrolière qui, parmi dautres, est présente au Nigeria. Les pirates opèrent dans le golfe de Guinée £ ils y volent du pétrole brut et parfois aussi au Nigeria même. Dans ces domaines, nous sommes donc convenus de coopérer pour que lEtat français et en particulier la marine française aide la marine nigériane à patrouiller le long des côtes. Il est très onéreux de garder certaines infrastructures à long terme et nous avons besoin dun soutien financier, en terme de renseignement aussi. Monsieur le Président, je remercie le gouvernement français de son soutien. Nous sommes très heureux dêtre partenaires de la France pour contribuer à la paix et au développement économique de lAfrique occidentale et de lAfrique entière ».
LE PRESIDENT : « Je voudrais en remerciant encore le Président JONATHAN Goodluck pour sa visite évoquer les deux sujets dont il vient de parler.
Le premier, cest la piraterie dans le golfe de Guinée. Vous savez quun tanker a été capturé, il ny a pas dautres mots, il y a quelques jours et dévalisé pour sa cargaison. Nous devons donc lutter avec efficacité contre la piraterie dans le golfe de Guinée, ce qui suppose de mettre tous les moyens nécessaires.
Et puis, second sujet, cest linstabilité qui peut régner dans une partie du territoire de lAfrique de louest. Nous en avons eu une illustration avec la prise dotages par le groupe Ansaru de notre ressortissant Francis COLLOMP. Je remercie le Nigeria de nous aider pour obtenir, dans les meilleures conditions et le plus vite possible, sa libération ».
QUESTION : « Le Président Goodluck JONATHAN sest entretenu aujourdhui avec le Premier ministre britannique et a parlé de limportance dexercer une certaine pression sur le G8 afin que les sociétés qui raffinent du pétrole volé puissent être sanctionnées. Le suivez-vous sur ce terrain ? »
LE PRESIDENT : « Oui, le Président du Nigéria ma parlé de cette question, cest-à-dire du recyclage, par les groupes, du pétrole volé. Ce qui est une incitation forte à un tel trafic et je dois dire aussi le financement de groupes qui ont aussi des activités terroristes. Car il y a un mélange entre le banditisme et le terrorisme. Je partage donc complètement la démarche du Président JONATHAN : éviter que des groupes, par esprits lucratifs, puissent recycler de telles ressources pétrolières, de pétrole raffiné ».
QUESTION : « Ce qui sest passé ce week-end à Gao montre que les djihadistes ont encore les moyens de passer à loffensive. Tout le monde savait que le début de lintervention militaire française serait sans doute ce quil y avait de plus facile et que laprès est beaucoup plus difficile. Est-ce que vous pensez quils ont encore les moyens de mener des offensives extrêmement meurtrières, est-ce quils ont des moyens de continuer à déstabiliser longtemps cette région ? Est-ce que vous pensez que Boko Haram et Aqmi ont les moyens de coopérer ensemble pour frapper la région ? Concernant cet otage français, est-ce que vous avez quelques nouvelles, Monsieur le Président, que vous pourriez nous donner ? »
LE PRESIDENT « Peut-être dabord le président du Nigeria sur le lien Boko Haram avec Aqmi, Al-Qaïda. Sur lotage, jai dit ce que javais à dire et je nen rajouterai pas ».
LE PRESIDENT DE LA REPUBLIQUE DU NIGERIA : « Concernant les djihadistes, ils fonctionnent comme un groupe terroriste. Les groupes terroristes ne sont pas des groupes dont on peut venir à bout instantanément car ce ne sont pas des forces conventionnelles. Nous le voyons dans la région, même la MISMA, même en travaillant avec les troupes françaises, on reprend des villes mais ensuite ils se disséminent dans la population et ils attaquent par surprise, ils tuent avec des fusils, ils organisent des attaques suicides. Si nous nutilisons pas toute notre intelligence et les renseignements, cela pourra se poursuivre pendant longtemps. Il y aura toujours un risque dattaques sur des marchés, dans des écoles, etc., par surprise.
Les troupes doivent donc nettoyer le pays, mais cela prendra du temps, cela ne se fera pas du jour au lendemain.
Quant à la question de Monsieur COLLOMP qui a été pris en otage le 19 décembre au Nigeria, Monsieur le président, je vous lai dit, nous travaillons très dur pour obtenir sa libération. Voilà ce que je peux en dire à ce stade mais je ne veux pas vous donner de fausses informations. Tout ce que je peux vous dire cest que nous travaillons très dur à sa libération ».
LE PRESIDENT : « Nous sommes le 11 février, c'est-à-dire quil y a un mois jour pour jour, je décidais lintervention de la France au Mali avec lappui des Africains. Un mois après, lessentiel du territoire malien a été libéré £ aucune ville nest occupée par un groupe terroriste £ les réseaux ou groupes qui jusque-là mettaient en péril la vie des Maliens, aucun de ces groupes nest capable de mener une véritable offensive.
Pendant ce mois, les forces africaines de la MISMA se sont mises en place et il y a aujourdhui plus de soldats africains que de soldats français au Mali. Quand je dis « soldats africains », jentends des contingents hors larmée malienne. En un mois nos deux objectifs - la libération totale du territoire malien et le relais par la MISMA de nos troupes - sont donc en voie dêtre atteints.
En avons-nous terminé ? Non, puisquil y a encore de manière plus ou moins organisée des groupes qui peuvent se livrer soit à des attentats soit à des opérations de guérilla. Nous devons donc poursuivre non plus la libération, mais la sécurisation du territoire malien et faire en sorte que ne se cachent plus un certain nombre de groupes. Nous avons notamment à lextrême nord du Mali à faire un exercice de clarification, pour savoir où sont encore un certain nombre de commandos terroristes et éventuellement les chefs de ces groupes. Enfin, il y a toujours nos ressortissants qui sont retenus en otages.
Mais je considère que, pour lessentiel de ce que javais décidé il y a un mois, les objectifs ont été atteints. Sil y a encore un certain nombre dinsécurités, nous veillerons dans les prochains jours, avec les forces africaines, à lever tous les doutes. Car nous devons avoir comme perspective lélection présidentielle au Mali au mois de juillet. Il ne peut pas y avoir de scrutin organisé sil ny a pas la certitude de la liberté pour les électeurs de faire leur devoir.
Est-ce quil y a des risques ? Oui, il y a toujours des risques puisque les terroristes se sont dispersés, éparpillés £ dautres se sont cachés. Cest pourquoi nous nen navons pas terminé. Je vous lai dit, le prochain objectif est la sécurisation du territoire malien et la mise hors détat de nuire des groupes qui ont pendant trop longtemps soumis le Nord-Mali à une domination barbare ».
Ensuite, il y a ce que nous devons faire dans toute lAfrique de louest, éviter quun certain nombre de groupes terroristes qui ont pu quitter le Mali viennent jeter là-encore la terreur ailleurs. Nous devons donc travailler en bonne intelligence avec lensemble des pays concernés ».
QUESTION : « Ma question sadresse au président HOLLANDE. Vous avez dit que le Nigéria et la France partageraient des rapports de renseignement, je sais quil nest pas facile déchanger des renseignements dans ce domaine. Mais comment allez-vous faire, concrètement, ces échanges dinformations, de renseignements ? »
LE PRESIDENT : « Nous échangeons des informations, des renseignements, y compris en nous rencontrant. Pour le reste, nos armées travaillent bien ensemble au Mali. Nous avons veillé à ce que ce soit bien le cas. Je me félicite de la présence au Mali du chef détat-major qui est lui-même nigérian et qui commande les forces de la CEDEAO. Pour tout ce qui est service du renseignement, il y a là encore une très bonne collaboration.
Maintenant si je vous donnais les renseignements, cela voudrait dire que notre objectif pourrait ne pas être atteint ».
QUESTION : « La question sadresse à vous deux. Etes-vous surpris tout dabord ? Est ce que vous considérez que cest un signe de modernité quun Pape, qui estime ne pas être en mesure dassurer sa tâche, démissionne ? Une question plus directement au président du Nigeria : pensez-vous quil soit lheure quun Pape africain soit élu, que ce serait une bonne chose pour votre pays et pour lensemble du continent en général ? »
LE PRESIDENT : « Je ne peux pas répondre à votre place sur le second sujet ! »
LE PRESIDENT DE LA REPUBLIQUE DU NIGERIA : « Je remercie le Président dêtre un bon catholique ! Moi je suis chrétien, je suis anglican et les questions de religion je les laisse toujours aux professionnels. Si un Nigérian était élu pape, bien évidemment nous nous en réjouirions, je crois que cétait le sens de votre question, nest-ce pas ? »
LE PRESIDENT : « La décision de Benoit XVI suscite le plus grand respect. Cest une décision courageuse, et aussi exceptionnelle, mais je ne veux pas ajouter dautre commentaire. Le président du Nigeria dailleurs a dit les choses : nous devons laisser lEglise catholique déterminer comment elle entend organiser cette succession et nous ne présentons pas de candidat. Enfin, je dois saluer le pontificat de Benoit XVI pour tous les efforts qui ont été menés en faveur de la paix ».