14 décembre 2012 - Seul le prononcé fait foi

Télécharger le .pdf

Conférence de presse de M. François Hollande, Président de la République, sur le pacte de croissance, la responsabilité budgétaire, le mécanisme européen de stabilité, la taxe sur les transactions financières et sur la supervision bancaire, à Bruxelles le 14 décembre 2012.

LE PRESIDENT -- « Je vous félicite une nouvelle fois pour votre patience, pour votre courage, pour votre ténacité qui, conjugués à la nôtre, a permis depuis 6 mois de faire avancer l'Europe d'un bon pas.
Puisque, si l'on regarde le chemin parcouru depuis le sommet européen du mois de juin, nous avons eu : le pacte de croissance, la responsabilité budgétaire, l'entrée en vigueur du mécanisme européen de stabilité, la taxe sur les transactions financières -- qui d'ailleurs a été adoptée au Parlement européen à une très large majorité et va donc se mettre en place au 1er trimestre 2013 -- le règlement de la Grèce -- qui a longtemps occupé les réunions européennes et pas simplement les réunions mais aussi les marchés -- et maintenant la supervision bancaire.
La supervision bancaire a été travaillée et élaborée, à partir des orientations qui avaient été fixées au mois de juin. Au cours du l'ECOFIN, puis lors de ce Conseil européen, elle a été précisée et organisée selon un calendrier précis.
La supervision bancaire, c'est d'abord la Banque centrale qui se voit confier cette responsabilité. Elle aura autorité sur l'ensemble des banques de la zone euro même si, pour ce qu'on appelle les banques de taille modeste, le superviseur national jouera le rôle de premier vérificateur, sous le contrôle de la banque centrale européenne. Pour être précis, ce dispositif permet en Allemagne de contrôler 82 % du secteur bancaire et pour la France 95 %. C'est dire si la règle qui a été choisie pour la supervision unique permet d'assurer aux épargnants -- puisque c'est là l'objectif -- une grande sécurité par rapport à leurs dépôts et aux Etats d'être davantage garantis par rapport au fonctionnement des banques.
Le deuxième étage de l'union bancaire, c'est la recapitalisation directe des banques. C'était déjà prévu au sommet européen du mois de juin et c'est maintenant précisé, quant au calendrier, puisqu'au premier semestre 2013 la recapitalisation pourra, sous certaines conditions, intervenir. Toujours dans ce même processus, le mécanisme de résolution a été acté. Il verra le jour à la fin de l'année 2013 et sera complété par la garantie des dépôts.
Nous pouvons donc dire qu'au début de 2014 l'ensemble de l'édifice sera à la disposition de l'Europe et notamment de la zone euro. C'est un grand progrès parce que, si l'on songe à ce qui a provoqué la crise, c'est d'abord la défaillance des banques américaines puis des banques européennes. Quelles ont été les conséquences de cette dérive du système financier ? L'intervention des Etats, le déséquilibre des comptes publics puis le ralentissement de la croissance.
Dès lors que nous réglons les questions qui sont à l'origine de la crise -- les banques --, que nous avons également traité les déséquilibres budgétaires à travers le pacte budgétaire et que nous avons aussi déterminé un pacte de croissance, tout en permettant plus de stabilité avec le Mécanisme européen et l'intervention de la Banque centrale, je répète ce que j'ai déjà dit : je considère que les conditions de sortie de crise de la zone euro sont désormais réunies.
A partir de là, nous avons à construire la sortie de la crise économique elle-même. C'est le deuxième résultat de ce Conseil européen. Au-delà de ce qui a été décidé, précisé et renforcé en termes de supervision bancaire et d'union bancaire, il a été également décidé une meilleure coordination des politiques économiques à travers des contrats de compétitivité et de croissance. Ils pourront être conclus selon des modalités qui vont être précisées par le président du Conseil européen au mois de juin.
Mais l'esprit a été ainsi défini aujourd'hui : des contrats seront conclus entre l'Europe et chacun des Etats, quelle que soit sa situation économique. Il ne s'agit pas de contrats qui seraient simplement dédiés -- si je puis dire -- à des Etats qui seraient en difficulté. Il existe déjà des procédures. Non, il s'agit de permettre -- par ces contrats -- de coordonner, de conjuguer les efforts de tous les pays vers la compétitivité, la croissance et l'emploi. Pour faciliter ces contrats ou ces réformes, un mécanisme de solidarité est envisagé. Là encore, les modalités seront proposées par le président du Conseil européen.
Voilà ce Conseil, tel qu'il s'est déjà déroulé, me paraît être une bonne conclusion pour l'année 2012. Il permet, à la fois, de régler les situations nées du passé et d'ouvrir la perspective pour l'approfondissement de l'Union économique et monétaire, au moins jusqu'en 2014.
En 2014, il y aura des élections au Parlement européen, il y aura une nouvelle Commission. Ce sera donc à ce moment-là qu'il pourra être envisagé une autre étape avec éventuellement une révision des Traités. Jusqu'en 2014, c'est avec les Traités existants que nous pouvons avancer. Mais il ne faut surtout pas perdre de temps. Ce qui a permis à l'Europe de sortir de la situation qu'elle connaissait il y a encore quelques mois, c'est qu'elle a décidé d'avancer. Elle a décidé d'accélérer. Elle a décidé de mettre en place des mécanismes.
Finalement nous avons trois mécanismes qui sont à l'uvre : un mécanisme budgétaire (le pacte), un mécanisme de stabilité pour venir au soutien des Etats et des banques (le MES) et un mécanisme de résolution des difficultés bancaires à travers la supervision. A cela s'ajoutera un autre mécanisme, mais qui n'est pas encore défini, même s'il est maintenant cadré à travers le rapport de M. Van ROMPUY, c'est celui de la coordination des politiques économiques.
Est-ce que pour autant nous sommes maintenant sur une perspective de croissance ? C'est vrai que l'Europe s'est engagée pour la croissance, mais nous avons aussi une conjoncture qui reste difficile. Pour moi, la priorité restera en 2013, la croissance, le soutien à l'emploi. Je constate que, sur la question de la compétitivité et de l'emploi, le Conseil européen s'est mobilisé, y compris même sur l'emploi des jeunes.
Voilà -- sans tomber dans je ne sais quelle autosatisfaction qui ne serait pas de mise compte- tenu de la situation du chômage et de la faible croissance -- un travail a été conduit depuis maintenant plusieurs mois, tout au long de l'année 2012, et les résultats sont là. La confiance peut revenir. D'ailleurs, sur les marchés, elle s'est déjà manifestée.
Pour prendre le seul sujet de la France -- même si je suis conscient que tous les pays ne sont pas nécessairement dans cette configuration -- les taux à 10 ans sont inférieurs à 2% et nous avons même, sur certaines échéances, des taux négatifs. Mais cela vaut aussi pour des pays qui étaient jugés dans une situation plus délicate. L'Espagne et l'Italie ont vu également leurs taux d'intérêt diminuer, même s'il peut y avoir, pour des raisons politiques, parfois des sursauts ponctuels ».
QUESTION -- « Monsieur le Président, en juin dernier, vous avez beaucoup insisté sur le volet de la croissance. Il était sorti de ce sommet un accord sur 120 milliards d'euros qui devaient être débloqués dans les deux ou trois années qui viennent pour relancer la croissance. Vous dites qu'en 2013, la priorité cela va être l'emploi, la croissance. Or, ces investissements de 120 milliards d'euros, on en entend plus parler ? »
LE PRESIDENT -- « Je demande à chaque Conseil qu'il y ait une évaluation sur le pacte de croissance qui a été adopté au mois de juin. Nous avions déjà fait cette appréciation au cours du Conseil européen du mois d'octobre. Il y avait même eu un rapport de la Commission qui nous avait été présenté. A ce Conseil-là, nous y reviendrons encore. Parce que nous voulons consommer le plus vite possible les fonds structurels qui ont été dégagés et les crédits de la Banque européenne d'investissement -- je n'oublie pas les « projects bonds ». Si nous mettons deux à trois ans pour consommer ces crédits-là, alors, nous ne serons pas au rendez-vous de ce qu'est justement l'objectif. L'objectif, c'est de venir en soutien à la croissance des pays qui, en plus, affrontent des politiques de redressement de leurs comptes publics.
Mais il y a un deuxième mot qui est également apparu, c'est celui de compétitivité. Qu'est-ce que nous entendons par compétitivité ? Il ne s'agit pas simplement de coût du travail. Il s'agit de mettre en avant l'innovation, la recherche, un certain nombre de projets d'investissements ... Nous en reparlerons aussi à l'occasion du Conseil européen, sans doute au mois de février. Ce n'est pas encore sûr que ce soit à cette date, mais ce serait bien que cela le soit. Nous reviendrons sur le cadre financier de l'Europe ».
QUESTION -- « Juste une question sur le successeur de M. JUNCKER. Est-ce que c'est un sujet qui a été discuté aujourd'hui ? Et est-ce qu'il y a un candidat que vous « supporteriez » en particulier ? »
LE PRESIDENT -- « Le sujet n'a pas été évoqué et il y a des candidats que je supporterais ou d'autres que je ne supporterais pas, c'est cela ? Mais, comme le sujet n'a pas été évoqué, je ne vais pas vous parler des candidats ».
QUESTION -- « Vous avez parlé des arrangements contractuels, cela à l'air d'être une idée particulièrement poussée par Mme MERKEL. Est-ce que vous pouvez préciser ce que vous avez en tête ? Vous essayez de lui répondre sur cette question et notamment ce terme croissance, qu'est-ce que cela peut bien vouloir dire dans l'esprit de la France ? »
LE PRESIDENT -- « Moi, je suis pour le contrat avec un mécanisme en plus de solidarité ou d'incitation. Nous en avons parlé avec Mme MERKEL avant le Conseil et nous avons pu trouver, comme à chaque fois, un compromis. Ce contrat n'est pas un mécanisme supplémentaire d'ajustement des budgets nationaux. Il y a des procédures qui existent, ce que l'on appelle le « six pack », le « two pack » et puis le traité budgétaire. Il ne servirait donc à rien de rajouter encore une initiative qui verrait les Etats répéter les engagements qu'ils ont déjà actés dans d'autres cadres institutionnels.
En revanche, de quoi a-t-on besoin ? Et pas simplement pour l'année 2013, puisque ces contrats ne verront pas le jour en 2013, c'est plutôt pour la période suivante. De quoi a-t-on besoin ? Qu'il y ait une coordination des politiques économiques. C'est ce qui manqué ces dernières années : ces grandes orientations de politique économique que nous devons tous poursuivre, même si nous ne sommes pas tous dans la même situation.
Il y a des pays qui ont des excédents de balance de paiement courant et qui peuvent avoir des politiques économiques qui ne soient pas forcément les mêmes que ceux qui connaissent des difficultés plus structurelles. Chaque Etat qui le voudra, puisque c'est un processus contractuel, aura donc un arrangement avec l'Europe dans lequel il y aura un certain nombre d'engagements ou d'orientations qui pourront être pris dans le domaine de la compétitivité, de la croissance, de l'emploi, de la formation, de la qualification, de la recherche... Cela permettra justement d'avoir cette vision complète des politiques économiques.
Pourquoi est-ce un contrat ? Parce que ce ne sont pas dans les compétences de l'Europe. L'Europe et la Commission ont vocation à examiner les politiques budgétaires, pas celle de s'occuper des politiques économiques dans tous les secteurs de chacun des pays. Cela ne peut donc être qu'une démarche volontaire et qui doit être accompagnée. Avec Mme MERKEL, nous nous sommes retrouvés sur cette conception du contrat. Nous devons prendre en compte un certain nombre de politiques économiques et de réformes que des pays ont à conduire et les soutenir pour en faciliter la mise en uvre. Cette démarche doit être différente selon les pays. Voilà pourquoi nous avons trouvé cet accord.
Je ne dis pas que cela a été simple parce que -- je ne parle pas de Mme MERKEL -- il y avait certains pays qui voulaient revenir à des procédures qui existent déjà ou qui avaient peur que cela ne soit un nouveau Fonds qui allait être créé pour venir amortir des chocs. Il ne s'agit pas de cela, il s'agit d'une politique durable pour que nous puissions converger et coordonner nos politiques économiques ».
QUESTION -- « Martin SCHULTZ estime que le projet de renforcement de l'Union économique et monétaire manque de vision sociale. Partagez-vous cette analyse et y-a-t-il des idées pour faire évoluer cette situation ? »
LE PRESIDENT -- « D'abord il a été demandé au Président du conseil européen, Herman Van ROMPUY, d'intégrer la dimension sociale dans les recommandations qu'il aura à faire et notamment le dialogue social. Cela fait partie des points qu'il devra présenter au Conseil du mois de juin dans le cadre de l'approfondissement de l'Union économique et monétaire.
Deuxièmement, à titre personnel, mais là nous n'en avons pas discuté ce soir, je souhaiterais que l'Eurogroupe -- qui existe pour faire en sorte que nous puissions prendre un certain nombre de décisions économiques -- puisse également rassembler les ministres du Travail et de l'Emploi régulièrement pour qu'il y ait aussi cette dimension-là qui soit intégrée. Mais pour l'instant ce n'est qu'une idée française ».
QUESTION -- « Il y a quelques jours vous souhaitiez qu'un certain nombre de pays réduisent leurs excédents commerciaux et soutiennent leur demande intérieure. On pouvait imaginer que ce souhait s'adressait en particulier à un voisin de la France qui s'appelle l'Allemagne. Est-ce que cela peut faire partie de ces fameux contrats et de leurs objectifs? »
LE PRESIDENT -- « Si on demande à l'Allemagne de passer un contrat pour faire la politique économique qu'elle ne souhaite pas conduire, elle n'y adhèrera pas et d'ailleurs elle aura raison £ pas plus que la France n'adhèrera à ce qui serait contraire à ce qu'elle croit être ses intérêts.
Mais je pense que les pays qui sont en excédent de balance des paiements ont plus de facilités que d'autres pour soutenir leur demande intérieure. Par exemple, j'ai noté qu'en Allemagne il y avait un certain nombre de propositions qui étaient déjà présentées par le gouvernement pour accorder des avantages à certaines catégories, voire même à être plus ouvert sur la négociation salariale dans les entreprises. Cela fait partie des ajustements qui peuvent se faire.
Mais je sais aussi que l'Allemagne est très attachée à sa compétitivité et ne fera rien pour la dégrader. Donc c'est à nous aussi de nous mettre au bon niveau. Mais un pays comme l'Allemagne peut parfaitement -- si ces contrats voient le jour -- en rechercher un aussi pour présenter ce qui lui paraît être la meilleure politique économique pour elle et pour l'Europe ».
QUESTION -- « Avez-vous pu parler de cette capacité budgétaire propre à la zone euro et quel serait son objet ? »
LE PRESIDENT -- « Vous avez raison de poser cette question parce que j'ai souhaité que l'on soit précis sur les termes. Je préfère dire « mécanisme de solidarité », « fonds dédié aux contrats » plutôt que « capacité budgétaire », parce qu'à ce stade nous n'avons pas encore réglé la question du cadre financier de l'Europe à 27. Si nous commençons à dire qu'il pourrait y avoir une capacité budgétaire autonome pour les pays de la zone euro, nous rentrons dans une confusion. Pour l'instant, je ne parle donc que de mécanismes qui pourraient être liés aux contrats.
En revanche -- je m'étais déjà exprimé là-dessus -- j'estime possible qu'à terme il puisse y avoir pour les pays de la zone euro des ressources qui soient dégagées à des fins particulières ou dédiées à des objectifs précis. Je vais prendre une illustration : la taxe sur les transactions financières va être mise en uvre au premier trimestre ou au premier semestre 2013. Les choses sont bien engagées et nous avons passé toutes les étapes. Mais des questions n'ont pas été réglées, concernant le taux et le devenir de la recette : des pays vont-ils garder la recette pour eux-mêmes -- certains en auraient besoin -- d'autres vont-ils accepter de mutualiser cette recette et à quel niveau ? Qu'est-ce que l'on ferait de la recette ? Par exemple nous pourrions l'affecter à des programmes de formation pour les jeunes, à des accompagnements d'un certain nombre de mutations industrielles, ou même au financement de ces contrats si nous pensons que cela peut être une ressource utile et qu'elle est suffisante.
Nous voyons bien qu'il y aura -- à travers l'intégration solidaire dont j'ai parlée -- des recettes nouvelles qui seront affectées à la zone euro. Mais en parler tout de suite cela crée immédiatement le doute sur la capacité qui doit être la nôtre de régler le problème budgétaire européen. Cela sera donc après le cadre financier -- j'espère après le mois de février -- que nous pourrons éventuellement parler, au lendemain des élections de 2014, d'un budget spécifique pour la zone euro. »
QUESTION -- quels seront les mécanismes de financement de ces contrats ?
LE PRESIDENT -- « C'est une bonne question et c'est ce que nous avons demandé à M. Van ROMPUY de préciser. Cela peut être financé à partir de fonds structurels qui existent, à partir de prêts qui pourraient être affectés à ces pays ou par une recette qui pourrait être celle dont je viens de parler, à savoir la taxe sur les transactions financières ».
QUESTION -- « Je manque sans doute un peu d'imagination mais j'ai du mal à comprendre cette idée du contrat. On peut partir du principe qu'un pays doit savoir ce qui est bon pour lui sans avoir la nécessité de passer un contrat avec une institution européenne. Avez-vous un exemple concret dans lequel il serait judicieux de passer un contrat ? »
LE PRESIDENT -- « D'abord, il y a des pays qui ont besoin de faire des efforts pour améliorer leur compétitivité, leur productivité, leur croissance et qui en même temps qu'ils font des efforts pour être dans le cadre du pacte de stabilité ont besoin d'un soutien pour faire un certain nombre de réformes. Le contrat n'est donc intéressant pour ces pays que s'il est accompagné, parce que vous avez raison : pourquoi signer un contrat s'il n'y a pas de contrepartie ?
Il y a des pays qui diront : « moi je signe un contrat pour bien m'insérer, m'intégrer dans une politique économique cohérente pour la zone euro ». Vous savez qu'il existe déjà ce qu'on appelle le « programme pays », où chaque pays avec la Commission doit respecter un certains nombres d'engagements. On voit donc bien que, de toute manière, il y a des obligations et que, plutôt que de rester dans les cadres existants qui demeureront, mieux vaut avoir un système contractuel - dans le temps d'ailleurs - permettant d'accompagner des réformes.
Et puis, il y a des pays qui diront : « moi je ne veux pas passer de contrat du tout, parce que si ce sont des contrats, personne n'est obligé de les signer ». D'ailleurs dans le texte vous verrez que ce sont des contrats mutuels, non pas une procédure imposée. Il y aura des pays qui décideront de ne pas passer de contrat parce qu'ils estiment qu'ils n'ont pas à en référer ou qu'ils n'ont pas nécessairement à se soumettre à quelque procédure que ce soit, surtout s'ils n'ont pas de contrepartie ».
QUESTION -- « Deux questions, pour revenir à ces contrats. On a l'impression que la France est plutôt sur les droits et l'Allemagne sur les devoirs. C'est une conception un peu politique française. Et puis une toute autre question : Lakshmi MITTAL, ce matin, a déclaré que la nationalisation, si elle avait été envisagée, aurait été un bond en arrière et aurait fait fuir les investisseurs étrangers. On aimerait savoir quelle est votre doctrine sur ce sujet ».
LE PRESIDENT -- « Nous n'avons pas parlé de M. MITTAL dans le cadre du Conseil européen. Je n'en parlerai donc pas ici mais je vous donnerai ma doctrine le moment venu.
Pour la première question sur les droits et les devoirs, un pays a des droits -- c'est à chacun des Etats de l'Union européenne de déterminer sa politique économique -- mais il a des devoirs aussi. Il ne peut le faire que si cela ne met pas en cause la stabilité de la zone euro ou même la croissance de la zone euro. On n'insiste pas assez là-dessus.
Mais il y a des pays qui, par leur politique économique, peuvent mettre en cause la croissance, soit parce qu'ils ne respectent pas leurs engagements et déstabilisent le système, soit parce qu'ils ont une politique tellement restrictive que l'austérité devient la seule doctrine. A partir de là, des conséquences dommageables peuvent se produire. Je pense que nous avons intérêt à laisser les pays libres de signer ces contrats le moment venu. Mais vous savez qu'on n'en est pas là. Il va falloir attendre que M. Van ROMPUY précise bien le processus».
QUESTION -- « Pour revenir à ces contrats, vous dîtes que les Etats qui voudront le faire pourront le faire. Première question, la France veut-elle le faire ? Et deuxième question, si oui, quel contenu vous pourrez imaginer mettre dans un contrat que la France signerait ? »
LE PRESIDENT -- « Alors pour l'instant, nous ne nous sommes pas posé la question puisque ces contrats ne sont pas encore définis par leur contenu, ni même par le mécanisme de solidarité. Si je devais imaginer un contrat, ce serait un contrat pour accompagner la croissance, l'innovation, la recherche, la compétitivité, de manière à ce que nous puissions utiliser à plein les financements européens -- notamment ceux du pacte de croissance et de la Banque européenne d'investissement -- tout en respectant nos engagements, par ailleurs, sur le plan budgétaire. Mais comme je vous l'ai dit, sur le plan budgétaire, c'est une autre procédure. Dès lors, nous ne pouvons imaginer un contrat que s'il accompagne la politique économique qui nous paraît la meilleure pour la France et pour l'Europe. Voilà ce que nous ferons ».
QUESTION -- « A votre arrivée, vous avez dit que vous souteniez et aviez de l'intérêt pour les propositions de M. MONTI sur une façon de comptabiliser les investissements productifs publics. Est-ce que vous avez évoqué ce sujet ? Est-ce que cela reste à l'agenda ou est-ce que cela a disparu ? »
LE PRESIDENT -- « Nous en avons parlé assez longuement. Ce qui a été convenu, vous le verrez dans le texte, c'est que pour un pays qui respecte le volet préventif du pacte de stabilité -- c'est-à-dire qui sont en-dessous des 3 % et qui doivent aller vers l'équilibre de leurs comptes publics -- la Commission pourrait considérer que lorsqu'ils font un effort d'investissement, ils sont dans le respect du pacte de stabilité -- dans son volet défensif -- et qu'ils peuvent donc avoir un rythme les conduisant vers l'équilibre différent de celui qui avait été initialement prévu. Nous n'avons pas besoin de changer les traités. Nous n'avons pas besoin de convaincre la Commission. Elle est prête à prendre en compte les investissements d'avenir -- dès lors que le pays est en-dessous de 3 % pour son déficit par rapport à la richesse nationale. C'est un point qui a été débattu, à la fois politiquement et techniquement. Il a mieux valu passer par la voie technique pour arriver à la solution politique.
En gros, dans le cadre du pacte de stabilité, ce sera possible. D'une certaine façon, cela incite ceux qui ne sont pas de bons élèves à le devenir, puisque -- étant en dessous de 3% -- ils peuvent avoir des avantages à investir puisque ces investissements d'avenir pourront être considérés par la Commission comme participant du redressement.
En revanche, je peux comprendre cette thèse même si sur le plan politique je pourrais développer d'autres arguments, si l'on autorisait les pays qui sont à 4 ou 5% de déficit public -- ce qui n'est pas le cas de l'Italie, pour l'Italie ce mécanisme pourrait parfaitement être adapté et c'est pour cela que M. MONTI le propose -- à comptabiliser leur investissement hors du pacte de stabilité, il est vrai que cela ne les conduirait pas nécessairement à l'objectif. Nous en avons donc longuement discuté. Vous imaginez qu'il y a des pays qui ne veulent pas bouger par rapport à cette ligne ».
QUESTION : « Les différents points que vous avez énumérés et qui ont été actés aujourd'hui sont tirés du rapport de M. Van ROMPUY. Quel pourcentage de cette « feuille de route » a été aujourd'hui accepté ? Que reste-t-il à faire pour qu'elle soit achevée ? »
LE PRESIDENT : « M. Van ROMPUY ainsi que les coauteurs -- car il n'est pas le seul à avoir présenté ce rapport -- ont eu l'intelligence de distinguer les temps et les rythmes, de dire ce qu'il était possible de faire en 2013/2014 et après 2014. Je considère que si, en 2013, on arrivait à préciser les contrats, le mécanisme de solidarité, l'union bancaire, la supervision, la recapitalisation, le mécanisme de résolution des crises et le fonds de garantie..., nous aurions fait une étape très importante de l'approfondissement.
Après 2014, il y aura un débat politique pour savoir jusqu'où nous sommes prêts à aller. C'est là que reviendront les questions du Fonds d'absorption des chocs -- qui était dans le rapport Van ROMPUY et qui s'est un peu évaporé car il n'est pas dans l'agenda de 2013 mais il reviendra après 2014 £ c'est là que l'on retrouvera les eurobonds, les mécanismes de solidarité qui pourront être éventuellement renforcés.
Première étape en 2013 : finir l'Union bancaire et créer ce système contractuel avec un mécanisme d'incitation. Nouvelle phase en 2014 : éventuellement une modification de traité pour une nouvelle étape, mais là il y aura un débat politique parce que il peut y avoir des options différentes ».
QUESTION : « Est-ce que vous ne craignez pas que tous ces bons résultats en fin d'année ne soient obscurcis par les menaces de crise en Italie ? Comment les dirigeants européens soutiennent-ils la politique de Mario MONTI aujourd'hui et Mario MONTI lui-même ? ».
LE PRESIDENT : « Moi, je n'étais pas à la réunion du PPE, je n'y étais pas invité... Mais il semble que cela a été assez cocasse ... Je fais confiance à votre travail de journaliste pour connaître exactement ce qui s'est produit.
Je ne veux pas interférer dans les élections italiennes. Je ne veux pas récupérer M. MONTI comme d'autres essayent de le faire. M. MONTI est libre et ira où il voudra aller. C'est lui-même qui décidera de son avenir. Ce sont les Italiens qui, au mois de février, choisiront leurs dirigeants.
Je ne pense pas, pour être tout à fait clair, que l'Italie soit aujourd'hui un problème pour l'Europe. En aucune façon. Parce que l'Italie a fait des choix depuis plusieurs mois et s'est redressée. Je ne pense pas qu'il y ait des perspectives sérieuses du côté de M. BERLUSCONI qui a semblé lui-même exclure sa candidature. Mais enfin, avec lui, ce qui est vrai un jour ne l'est pas forcément le lendemain. Mais je ne crois pas qu'il y aura un mouvement de retour.
Pour être très précis, je ne veux pas parler de la situation politique en Italie. Ce n'est pas mon rôle et ma place. Je serais italien, je n'accepterais pas que l'on puisse commenter une situation politique italienne. Mais ce que je peux dire en tant que chef d'Etat, intéressé et plus que cela par la situation de l'Europe, c'est qu'il n'y a pas de doute sur l'Italie ».
QUESTION : « Vous avez commencé en vous félicitant de l'année 2012 qui se termine plutôt mieux qu'elle n'avait commencé. Vous avez renvoyé sur 2014. Mais on a l'impression qu'il y a une parenthèse en 2013 avec l'Italie et les élections allemandes. Est-ce ce calendrier-là qui fait que 2013 est à part ? »
LE PRESIDENT : « Vous avez raison de poser la question. Il y a deux élections qui vont intervenir notamment en Europe : en février l'Italie va voter et l'Allemagne au mois de septembre. La crainte que l'on pouvait avoir est que tout soit arrêté. Or je viens de le dire pour l'Italie : on va sans doute avoir un Conseil européen sur le cadre financier et le budget en février, c'est-à-dire avant même les élections italiennes. En tout cas, moi c'est ma position et je crois qu'elle est partagée.
Nous allons mettre en place et ce n'était pas évident -- je salue le compromis qui a été fait avec l'Allemagne et Mme MERKEL : la supervision bancaire, la recapitalisation des banques, le mécanisme de résolution et peut-être le fonds de garantie -- cela prendra peut-être un peu plus de temps -- dans l'année 2013. C'est-à-dire que même s'il y a des élections en Allemagne, Mme MERKEL a accepté que ce processus de l'Union bancaire soit non seulement formalisé -- elle l'avait déjà accepté au Conseil européen du mois d'octobre -- mais mis en uvre et cela n'allait pas de soi.
De la même manière, on pouvait craindre que la Grèce soit victime des élections qui se préparaient. En fait, nous avons réglé la difficulté grecque et la menace même d'un éclatement de la zone euro.
Même chose pour l'approfondissement de l'Union économique et monétaire. Nous aurions pu retarder les décisions à la fin de l'année 2013. Or il y aura un Conseil européen au mois de mai et un Conseil européen au mois de juin pour examiner les propositions de M. Van ROMPUY ».
QUESTION : « Une question sur la recapitalisation directe des banques. Pouvez-vous un peu préciser les critères dont vous avez parlé au tout début ? »
LE PRESIDENT : « Là aussi, nous n'attendrons pas qu'il y ait tout le mécanisme que je viens de décrire -- supervision bancaire, résolution, Fonds de garantie -- pour qu'il y ait éventuellement une recapitalisation via le MES. Pour la recapitalisation, il faudra attendre qu'il y ait la supervision et que la supervision ait été suffisamment effective pour donner une vision claire de la situation des banques, pour que si une banque ou plusieurs établissements présentaient une demande, elle puisse être traitée. La recapitalisation des banques pourra donc se faire dans l'année 2013 sans avoir à être reportée à 2014.
Je termine en disant que, c'est vrai, l'année 2012 a permis de clore une étape importante puisque nous avons conforté les mécanismes, introduit de la stabilité, permis qu'un pacte de croissance soit lancé, introduit la taxe sur les transactions financières, engagé l'Union bancaire, réglé la situation de la Grèce et des banques espagnoles. Franchement, si l'on m'avait dit au mois de mai que nous aurions pu aller aussi vite, j'aurais été le premier surpris.
Je veux donc ici, à la fois, saluer le travail engagé et considérer que, dans cette Europe qui est composée comme vous le savez, l'esprit de compromis -- même s'il met du temps avant d'être pleinement traduit -- a été respecté. C'est une belle nouvelle pour l'Europe qui permet de retrouver de la confiance.
Ma conviction, c'est que la confiance autorise la croissance. Mais cela ne suffit pas, la confiance. S'il n'y a pas des politiques économiques dans les Etats de l'Union européenne et au niveau de l'Europe elle-même, la croissance sera bridée. La confiance est une condition nécessaire mais pas suffisante. Cette condition est aujourd'hui réunie. Merci ».