11 décembre 2012 - Seul le prononcé fait foi

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Conférence de presse conjointe de M. François Hollande, Président de la République, et Mme Dilma Rousseff, Présidente de la République Fédérative du Brésil, sur les relations franco-brésiliennes, à Paris le 11 décembre 2012

LE PRESIDENT : « J'ai été très heureux d'accueillir aujourd'hui Dilma ROUSSEFF pour cette première visite d'Etat depuis qu'elle est devenue présidente de la République. C'est une visite d'Etat très importante pour la France. D'abord par le partenariat stratégique qui existe entre nos deux pays depuis 2006. Et aussi par l'ampleur de la relation que nous avons su donner pour aller plus loin dans la coopération.
Nous en avons administré la preuve en signant un certain nombre d'accords, tout à l'heure, dans des domaines aussi différents que l'éducation, l'enseignement supérieur, la poste et même le champagne. Mais nous avons ensemble des projets bien plus grands encore, notamment dans le domaine industriel où nous partageons un certain nombre de projets dans les domaines des transports, de l'aéronautique militaire, du nucléaire civil ou de l'industrie agro-alimentaire.
Le Brésil est l'un de nos principaux partenaires. Nous souhaitons qu'il puisse accueillir encore davantage d'entreprises françaises -- qui je le rappelle ont créé des dizaines de milliers d'emplois au Brésil -- et nous souhaitons aussi accueillir des entreprises brésiliennes en France.
Nous avons des domaines sur lesquels nous pouvons faire davantage. Je pense notamment à l'énergie. Que ce soit pour l'exploitation pétrolière ou gazière au Brésil, que ce soit dans le domaine du nucléaire civil, nous avons développé, avec des entreprises brésiliennes et françaises, des relations qui nous permettent d'être confiants pour l'avenir.
Il y a aussi ce qui relève de la défense puisque nous avons d'ores et déjà vendu des sous-marins et des hélicoptères au Brésil. Ce n'est pas le seul matériel. Mais pour l'instant je ne veux pas parler des contrats mais de la qualité de nos relations entre nos deux pays.
Pour en faire une nouvelle fois la démonstration, nous avons développé des échanges universitaires et scientifiques. Je rappelle que la France est le deuxième pays d'accueil des étudiants brésiliens à l'étranger et le premier pays d'accueil des étudiants brésiliens boursiers. Nous avons aussi décidé, dans le cadre du programme « Sciences sans frontières » qu'a lancé la Présidente du Brésil, d'accueillir 10 000 boursiers d'ici 2015 ainsi que 5 000 doctorants. Si nous pouvons faire davantage, nous ferons davantage.
Nous avons aussi une frontière commune avec le Brésil. Le Brésil est notre plus grand voisin, puisqu'avec la Guyane nous avons 700 km de frontière commune. Sur le fleuve Oyapock, chacun sait qu'il y a un pont. Nous aurons dans les mois prochains un rendez-vous, Dilma ROUSSEFF et moi-même, pour inaugurer ce pont. D'ici-là, il faudra aménager des routes et des postes de douane... Mais c'est un engagement que nous avons pris car nous croyons aussi à cette opportunité de développer nos échanges, nos relations grâce à cette frontière, même si nous sommes préoccupés, l'un comme l'autre, par l'exploitation de l'or en Guyane et le trafic qu'il peut générer avec un certain nombre de drames intervenus ces derniers mois.
Nous avons aussi des convergences dans l'appréhension des grands problèmes de la planète. J'en citerai trois principaux. Le premier sujet, c'est la régulation de la finance et de l'économie. Nous avons développé ces arguments, tout à l'heure, lors du forum que nous avons organisé.
Le second sujet, c'est la lutte contre le réchauffement climatique et pour le développement durable. Je rappelle que c'est Mme Dilma ROUSSEFF qui a accueilli, il y a quelques mois, le sommet Rio+20. Nous nous sommes mobilisés côte à côte à Doha -- les ministres sont présents -- pour arracher un accord encore insuffisant. Nous continuerons à le faire puisque j'ai dit que la France était candidate pour accueillir la Conférence sur le climat en 2015. Je ne doute pas que le Brésil nous apportera toute son expérience pour réussir.
Enfin, le troisième sujet de préoccupation, c'est la situation en Syrie. Nous avons partagé nos points de vue pour faire en sorte que puisse s'accélérer la transition politique.
Bref, vous l'aurez noté, entre nos deux pays, il y a déjà l'acquis avec tout ce qui a été fait par l'Histoire, par l'économie, par les relations humaines... Et il y a tout ce que nous avons encore à engager ensemble et que nous avons décidé d'amplifier à travers cette visite d'Etat.
Je remercie encore Dilma ROUSSEFF de l'avoir acceptée et je peux dire aujourd'hui qu'elle est un grand succès ».
DILMA ROUSSEFF (traduction) : « « J'aimerais tout d'abord exprimer mes remerciements pour l'accueil qui nous a été réservé, à moi et à ma délégation, par le Président Hollande et par toute son équipe. Voici ma première visite officielle et je vous remercie beaucoup de cet accueil.
Notre dialogue, ici à Paris, nous a permis de reprendre et d'approfondir la vision que nous partageons sur la crise mondiale comme nous l'avions déjà fait lors de la dernière réunion au G20 à Los Cabos et en marge de la conférence Rio+20 quand nous avions pu nous rencontrer.
Aujourd'hui, lorsque nous avons ouvert le séminaire de la Fondation Jean Jaurès et de l'Institut Lula, nous avons eu l'occasion d'analyser la crise internationale. J'ai pu reprendre certaines positions qui ont déjà été amplement diffusées au Brésil.
Nous sommes d'accord pour dire que les politiques exclusivement d'austérité ont montré leurs limites. Au lieu de réduire la crise, elles l'approfondissent, provoquant le chômage, le désespoir et la paupérisation des classes moyennes, ce qui est regrettable puisqu'elles représentent la base de l'état de bien-être social.
Nous avons rappelé que les situations sont différentes entre les pays. Nous pensons qu'il est possible -- principalement pour les pays excédentaires -- de prendre des mesures afin d'augmenter leurs investissements. Au Brésil, nous sommes certains qu'il est très important de travailler ensemble avec tous les pays, notamment avec la France, pour éviter que les politiques récessives -- qui ont été un échec en Amérique latine par le passé -- continuent à empêcher la croissance internationale. Au Brésil, nous avons développé une forme nouvelle pour conjuguer responsabilité budgétaire et croissance économique, stabilité et croissance, dans la justice sociale.
J'ai apprécié l'importance que François Hollande donne au secteur productif et à la défense de la compétitivité et de l'emploi. Le Brésil est engagé dans une politique contra-cyclique de stimulation de la croissance et de la compétitivité. J'espère que cette vision de sortie de la crise prévaudra, celle où les plans d'ajustement auront lieu plus fortement à moyen et à long termes, conjugués à des investissements à court terme.
Nous savons que les mesures prises dans la zone euro ont été importantes et nous pensons qu'il est important de mettre en uvre les engagements que nous avons pris lors du sommet du G20, notamment la promotion de la croissance et de l'emploi. Nous sommes aussi d'accord -- et c'est une chose importante -- sur les décisions du G20 concernant l'amélioration de la régulation financière et de la régulation économique dans le monde. Elles doivent être poursuivies et mises en uvre, en vue d'améliorer la gouvernance de la Banque mondiale et du Fonds monétaire international. Le Brésil est décidé à diversifier sa base économique. Les efforts que nous faisons en commun pour dynamiser nos économies sont donc très importants.
J'ai aussi félicité le Président Hollande de la création de la Banque publique d'investissement et de la décision de donner la priorité au financement des PME innovantes. Sur le plan bilatéral, le Président Hollande et moi nous sommes tombés d'accord sur la nécessité de renforcer la formation professionnelle et technologique dans des secteurs stratégiques, notamment dans l'industrie.
Certaines initiatives en cours sont positives, telles que le programme des sous-marins entre la France et le Brésil ou le programme « Sciences sans frontières ». J'aimerais à ce sujet remercier publiquement la France pour être un pays d'accueil des étudiants que le Brésil envoie dans les meilleures Universités du monde entier £ évidemment la France se devait d'être l'une de nos destinations ! Le programme Prosub est à mes yeux un programme extrêmement important, un programme de formation technologique et industriel dans le domaine de la défense.
J'ai aussi remercié le Président Hollande qui nous a permis d'avoir des relations de haut niveau concernant l'enseignement et la recherche. Nous avons décidé aussi d'ouvrir et d'augmenter nos domaines de coopération dans le domaine spatial, de la défense, de l'énergie, de l'agro-alimentaire et dans tous les secteurs où cette coopération est nécessaire. Le groupe d'innovation France-Brésil nous fournit une plate-forme efficace pour nous permettre de poursuivre et d'atteindre cet objectif.
Nous aimerions aussi stimuler des flux de commerce et d'investissement entre la France et le Brésil. A ce sujet, le Président Hollande et moi-même avons pris l'engagement d'augmenter nos relations.
Je porterai demain un message très positif au séminaire du Medef devant lequel je m'exprimerai.
J'aimerais aussi vous dire que le Brésil et la France ont un projet de partenariat dans le domaine commercial mais aussi dans le domaine des investissements directs, autant de la France au Brésil que du Brésil à la France. Evidemment, la France a une présence plus forte dans les secteurs stratégiques. Nous aimerions que cette relation s'approfondisse.
Nous avons aussi beaucoup apprécié le soutien constant que nous recevons de la France en faveur de la réforme du Conseil de sécurité des Nations Unies. Nous remercions immensément M. Hollande pour sa participation à la conférence Rio+20. Elle indique de façon très claire l'importance que la France donne au développement durable.
Le Brésil respecte tous ses objectifs d'émission des gaz à effets de serre sur lesquels il s'était engagé à partir de la conférence de Copenhague. Nous regrettons profondément que le protocole de Kyoto ait été prolongé sans la participation de tous les pays. Nous nous sommes battus pour cela, avec la France à nos côtés, pendant la récente conférence de Doha. Nous sommes déterminés à rechercher un consensus plus ambitieux pour faire face aux urgences de la lutte contre les changements climatiques.
J'ai aussi exprimé au Président Hollande la position du Brésil sur la situation au Moyen-Orient. Nous considérons que la meilleure politique dans cette région est celle du dialogue et de la négociation, et d'un strict respect de la souveraineté nationale, des droits de l'Homme et des libertés civiles. Nous avons des positions en commun telles que la reconnaissance de la Palestine en tant qu'Etat non membre observateur à l'ONU.
L'affinité des positions du Brésil et de la France est, sans aucun doute, un élément fondamental dans notre partenariat. Nous apprécions nos relations avec la France en raison de toutes ses contributions à la démocratie, au combat pour les droits sociaux et pour la citoyenneté. J'aimerais souligner que notre partenariat deviendra de plus en plus important au fur et à mesure que le monde évoluera vers un monde multipolaire. Nos deux pays ont vocation à être côte à côte dans le domaine industriel, dans le domaine des infrastructures, des transports, de l'énergie, de l'industrie navale... Ce sont des domaines qui nous permettrons d'élever le niveau de nos échanges en ce moment si spécial, en ce moment de crise.
Il nous faut donc profiter de cette situation pour approfondir la coopération, j'en suis convaincue. Voilà pourquoi nous regardons l'avenir : pour établir une relation d'alliance et de fraternité. Nous partageons des conceptions communes. C'est pour cela que je pense que ce partenariat sera toujours voué au succès ».
LE PRESIDENT -- « Merci Dilma. Est-ce qu'il y a des questions ? »
QUESTION -- « D'abord au nom de la presse brésilienne j'aimerais bien souligner notre intérêt, à nous journalistes brésiliens, de vous interviewer Monsieur le Président. Cela fait dix ans déjà, depuis Jacques CHIRAC, que la presse brésilienne n'a pas eu l'opportunité d'interviewer un président français. Nous considérons cela difficile à comprendre !
Monsieur le Président, aujourd'hui vous avez proposé la création d'un Conseil de sécurité économique et social au sein des Nations Unies. Comment le rôle de cette institution pourrait-il être différent de celui d'autres institutions internationales à l'instar du FMI par exemple ?
Madame la Présidente Dilma ROUSSEF, ma question pour vous est une question d'intérêt national mais elle a une répercussion internationale. Aujourd'hui, le journal Estado de Sao Paulo a publié des détails de l'interrogatoire du publicitaire Marcos VALERIO qui affirme que le Président LULA a donné son aval au scandale des mensualités, que le Président a eu des dépenses personnelles payées par ce dispositif et que lui-même aurait été menacé par le Parti des travailleurs et menacé de mort en raison de ce dispositif. Quelle est votre position sur ces accusations ? »
DILMA ROUSSEFF -- « Je vais vous dire mon admiration, mon respect et mon amitié pour le Président LULA. Je réfute donc toute tentative, et ce n'est pas la première, de le destituer de l'immense respect que le peuple brésilien a pour lui.
Respect car le président LULA a été le Président qui a développé le pays et qui est responsable de la distribution de richesses la plus remarquable des dernières années. Respect pour ce qu'il a fait sur le plan international, pour son extrême amitié envers l'Afrique, pour son regard sur l'Amérique latine et pour l'établissement de relations sur un pied d'égalité avec les pays développés du monde.
Je pense que c'est une question à laquelle je dois vous répondre au Brésil mais je ne peux m'empêcher de vous dire que je considère lamentables ces tentatives d'abimer l'image du Président LULA. Je les trouve lamentables ».
LE PRESIDENT -- « Sur votre proposition, d'abord, de livrer un entretien du Président français à la presse brésilienne -- sachant son indépendance, eu égard à votre question -- cela doit pouvoir être possible. Sur l'interrogation sur le Conseil de sécurité économique et social, c'est une idée qui a déjà été avancée depuis plusieurs années. Elle pourrait conduire l'organisation des Nations Unies à fédérer les principales puissances du monde et un certain nombre d'Etats qui ne sont ni des pays développés, ni des pays émergents, à participer à la gouvernance économique mondiale. De la même manière qu'il existe un Conseil de sécurité pour traiter des questions de la paix, il doit être possible dans le cadre onusien d'avoir un Conseil de sécurité traitant des questions de la crise ou de la coordination des politiques économiques.
Je ne mets pas en cause le G20 qui est une institution qui a été renforcée. Cela a été une étape utile. Mais nous avons besoin, davantage qu'aujourd'hui, de coopération économique mondiale, de gouvernance économique mondiale. Tel est le sens de cette proposition.
Sur le Président LULA, je dois dire qu'il a en France l'image considérable d'un homme qui a constamment défendu les principes de justice et de solidarité tout en assurant au Brésil un développement économique tout à fait exceptionnel. Donc, ici, le Président LULA est regardé comme une référence ».
QUESTION -- « J'ai des questions d'abord à Madame Dilma ROUSSEFF puis à Monsieur HOLLANDE sur le Rafale.
Madame ROUSSEFF, pouvez-vous nous dire si la décision sur le marché des avions sera prise au plus tôt en mars 2013 -- comme on a pu le lire -- et sinon à quel moment et sur quels critères principaux ? Pouvez-vous nous confirmer le montant de ce marché ? On parle de 4 milliards d'euros et de 36 avions ? Et enfin avez-vous -- comme votre prédécesseur Monsieur LULA -- une préférence marquée pour le Rafale ? Monsieur LULA s'était exprimé à plusieurs reprises sur ce sujet...
Quant à Monsieur HOLLANDE, j'aimerais savoir si, là-aussi comme votre prédécesseur, vous êtes prêt à un transfert de technologies sur un éventuel marché concernant le Rafale et jusqu'à quel point ? Merci ».
DILMA ROUSSEFF -- « Permettez-moi de dire que nous avions ouvert la discussion sur le Rafale, le Super Hornett et le Gripen. Cette discussion a eu lieu pendant les années 2009 et 2010. Face à l'aggravation de la crise, le gouvernement brésilien a repoussé sa décision et nous avons vu la diminution de nos recettes budgétaire cesser.
Une certaine reprise s'annonce mais nous devons encore avoir énormément d'attention avant de prendre des décisions sur les dépenses extraordinaires, pour nous permettre de prendre des mesures budgétaires telles que les diminutions d'impôts et les investissements en infrastructure. Nous en avons besoin pour relancer l'économie. Nous avons donc repoussé le choix de l'un des trois avions de chasse et cela pourra prendre encore un certain temps en fonction du délai que mettra l'économie à récupérer. Nous attendons une croissance pour les prochains mois à un taux qui nous permettra de reprendre la sélection et de la remettre à l'ordre du jour prioritaire. J'espère avoir répondu à votre question ».
LE PRESIDENT -- « La France a avec le Brésil une coopération en matière d'industrie de défense qui est élevée, puisque nous avons déjà des contrats en matière de sous-marins, et d'hélicoptères. Dans un autre domaine, l'espace, nous avons également fait des choix tout à fait importants, même décisifs sur le plan technologique.
Nous avons toujours souhaité qu'il y ait, à travers ces contrats, des transferts qui puissent s'opérer. C'est-à-dire qu'il y ait, dans la négociation d'un contrat, à la fois un intérêt pour la France de livrer des matériels mais aussi un intérêt pour le Brésil de pouvoir capter une part de la technologie et de la mettre en uvre, ensemble, dans le cadre d'un partenariat. C'est la méthode que nous avons définie et c'est la démarche que nous avons choisie sur plusieurs matériels. Je pense à la satisfaction et du Brésil et de la France.
Sur le Rafale, le Brésil a tous les éléments pour choisir. C'est donc sa liberté du moment et du choix du matériel. Je sais les qualités exceptionnelles du Rafale. Elles ont été plusieurs fois démontrées et je ne pense pas qu'il soit utile d'en dire davantage. C'est au Brésil, au moment où il choisira ce matériel -- c'est-à-dire un avion -- de dire quel est celui qui retient sa décision. Je souhaite que ce soit un matériel français mais je ne fais pas de proclamation. S'agissant des contraintes financières -- nous en avons tous --, c'est au Brésil de dire le moment £ s'agissant des qualités technologiques des matériels, c'est au Brésil de dire lequel il choisit.
QUESTION -- Une question pour la Présidente Dilma mais qui vaut aussi pour le Président HOLLANDE. Un journal français a dit que vous seriez déçue, jusqu'à un certain point, de la timidité du gouvernement français pour la mise en uvre d'une politique de croissance que vous espériez être un peu plus agressive, semble-t-il, pour sortir de la crise. Le Brésil qui a mis en uvre de forts encouragements budgétaires, sous votre direction, a été assez décevant jusqu'à présent avec la croissance la plus faible parmi les pays des BRICS. Pensez-vous donc que c'est la voie à suivre ?
DILMA ROUSSEFF : « Je trouve bizarre cette affirmation du journal. Elle n'est pas réelle et n'a rien à voir avec ce que je pense. Nous faisons tous face à une conjoncture extrêmement difficile. Ce processus prend donc du temps. Ainsi, nous tenons à rétablir des mesures budgétaires car nous avons une situation très stable : un ratio dette/PIB de 35%, une inflation sous contrôle, des réserves monétaires significatives.
Le Brésil dépense son budget pour améliorer les conditions macroéconomiques du pays, en diminuant les impôts, en investissant dans les infrastructures, en cherchant à maintenir les conquêtes sociales. Nous avons créé 3,7 millions emplois. C'est un processus dont on sort d'une façon plus lente qu'en 2008 et 2009, lorsqu'il a eu une crise aigüe avec la faillite de Lehman Brothers.
Maintenant nous sommes dans une crise chronique avec une réduction très forte des marchés. A aucun moment, je n'ai dit que la France ne prenait pas les mesures nécessaires. Je pense qu'elle les prend, avec par exemple un texte important, pour le Brésil aussi, comme celui rédigé par Monsieur Louis GALLOIS, rapport sur le pacte de compétitivité. Nous avons trouvé beaucoup de ressemblances entre ce texte et ce que le Brésil propose en ce moment.
Le principal instrument de sortie de crise, c'est la conjugaison de la compétitivité -- dans notre cas de l'amélioration du coût du capital avec la réduction des intérêts et l'amélioration du taux de change -- et de l'investissement -- en faveur de la réduction du coût de l'électricité lorsque c'est possible comme c'est notre cas -- pour prendre les mesures qui permettront à la croissance d'être durable.
Je suis désolée, ce n'est donc pas ce que je pense ! Par contre, je pense que c'est important que vous, Brésiliens, lisiez ce document, ce pacte de compétitivité qui est extrêmement intéressant ».
LE PRESIDENT : « Le Brésil et la France ne représentent pas les mêmes économies, ne comptent pas les mêmes populations, ne sont pas sur les mêmes continents. Il y a donc des différences. Et pourtant nous avons des convergences très fortes dans les politiques conduites.
Première convergence, nous voulons du sérieux budgétaire, mais pas d'austérité. Nous considérons qu'il faut mette de l'ordre dans nos finances publiques mais en même temps nous ne voulons pas pénaliser la demande au point de créer une austérité qui se retournerait contre l'objectif de redressement des comptes. Le Brésil fait même plus vite que nous. Madame Dilma ROUSSEFF l'a rappelé : son niveau de dette publique par rapport au PIB est de 35% et le Brésil a déjà atteint un excédent primaire de son budget. Donc le sérieux budgétaire n'est pas une politique d'austérité.
Deuxième convergence, nous voulons de la croissance. Nous essayons de la chercher dans nos pays respectifs par des politiques d'infrastructures, d'innovation et de financement de l'économie. Nous faisons de la croissance un objectif dans chacune des grandes négociations internationales auxquelles nous participons. Au G20, nous nous sommes retrouvés pour préparer une autre croissance. Partout où nous pouvons plaider et agir, nous faisons de la croissance un objectif pour le monde.
Troisième convergence. Nous défendons des politiques de compétitivité sociale. Nos entreprises doivent être compétitives. Mais pour le rester ou le devenir, elles n'ont pas besoin de mettre en cause le pacte social, les droits sociaux, les niveaux des salaires... Nous pouvons rendre compatibles l'exigence de performance et l'exigence de progrès, tout en menant des négociations avec les partenaires sociaux. En France, nous le démontrons dans le cadre de la discussion qui s'est engagée pour la sécurisation de l'emploi.
Alors c'est vrai que c'est cocasse : pendant la conférence de cet après-midi Mme la Présidente du Brésil a évoqué le rapport Gallois ! Je ne pensais pas, vraiment, qu'il avait atteint ce niveau de notoriété ! Je remercie la presse française de lui avoir donné un écho à un point tel que la presse brésilienne l'a repris -- ce rapport -- et que maintenant monsieur Gallois est devenu -- enfin son rapport -- un produit d'exportation !
Mais que disait-il pour que nous puissions nous retrouver ? Que nous avons besoin d'avoir des économies qui mettent l'accent sur l'innovation, sur la recherche, sur la connaissance £ que nous devons aider nos entreprises à améliorer leurs marges -- et c'est ce que nous faisons à travers le pacte de compétitivité -- et que nous avons aussi à financer différemment notre système de protection sociale.
Il était donc très important, au cours de cette rencontre et au cours de cette visite d'Etat, de montrer qu'il y a des politiques économiques qui peuvent avoir du sérieux budgétaire sans être des politiques d'austérité, qui recherchent de la croissance et qui mettent l'accent sur la compétitivité sans régression sociale. Rien que pour cela, rien que pour l'évocation du rapport Gallois au cours de cette visite d'Etat, je suis très heureux que nous ayons pu nous rencontrer ce soir. S'il n'y a pas d'autres questions nous en terminons là. Merci beaucoup ».