21 septembre 2012 - Seul le prononcé fait foi

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Déclaration de M. François Hollande, Président de la République, sur le plan Alzheimer, à Paris le 21 septembre 2012.

Mesdames les ministres,
Mesdames et Messieurs,
Merci Madame la ministre, je salue donc les ministres ici présents, l'ensemble des personnalités que vous représentez les unes et les autres. Je suis venu aussi vous dire que si ce comité se réunit, ici, en cette journée, c'est bien parce que nous voulons marquer l'importance que nous attachons d'abord à la maladie elle-même : 850 000 personnes sont aujourd'hui touchées par ce fléau £ je pense aussi aux familles qui sont directement concernées.
Je voulais que pour cette journée consacrée à la maladie d'Alzheimer, nous puissions nous réunir ici, les ministres, votre comité pour saluer le rôle que vous jouez et cette construction originale que vous avez été capables de bâtir.
Votre comité a d'abord cette force qui est celle de diversité. Il y a ici des personnalités médicales, scientifiques. Nous avons beaucoup d'attente en matière de recherche. Il y a des professionnels, ceux qui soignent, aident, accompagnent. Il y a des représentants des familles qui sont angoissés, souvent dans le désarroi. Il y a toutes les associations qui accompagnent les patients et leurs familles. Il y a les aides à domicile, sans lesquelles il n'y aurait pas le soutien de tous les instants. Donc, je pense que ce qui a fait la force et l'originalité de votre démarche, c'est d'être capable de vous réunir toutes et tous.
Je n'oublie pas les administrations qui sont là encore précieuses, aussi bien au niveau central qu'au niveau territorial, pour permettre la bonne prévention, mais aussi l'organisation des soins.
En deuxième lieu, je voulais aussi souligner ce que votre comité a pu apporter : si la maladie d'Alzheimer est un drame pour des familles, pour des personnes touchées, dans le même temps, vous avez donné à espérer. Vous avez avancé des pistes, des réponses. Vous avez également permis des progrès. En cette journée, beaucoup se retournent vers vous, votre comité notamment, pour savoir ce que nous pouvons, ce que vous pouvez faire encore.
Je veux donc insister sur les progrès. Il y a eu d'abord ces maisons pour l'autonomie et l'intégration des malades d'Alzheimer qui, sur le territoire, pas encore partout, donnent aux familles une adresse, une porte à pousser, donc, un moment, un soutien, un réconfort, une aide. Face à ce trouble, qui n'est pas simplement vécu par la personne malade, mais qui se diffuse à tout son entourage, il est très important de pouvoir être compris, de pouvoir être guidé dans un chemin douloureux qui est souvent long, très long, interminable.
Vous avez ensuite permis de mieux comprendre ce que nous pouvons faire tous ensemble pour la prise en compte des aidants. Je veux parler de la formation de tous les personnels à quel que niveau qu'elle se situe en terme de qualification, pour leur permettre de mieux appréhender et donc de mieux soigner ou de mieux accompagner les personnes touchées par Alzheimer.
Vous avez enfin, grâce à la mobilisation des chercheurs, permis que nous comprenions mieux les mécanismes de cette maladie et donc, de mieux la prendre en charge afin de pouvoir, demain, espérer la guérir.
Je voulais également insister sur ce qu'a dit la ministre en résumant le débat que vous avez eu ensemble aujourd'hui. Grâce à vous, vous avez permis de mieux appréhender la question globale du vieillissement. J'ai d'ailleurs une pensée pour Geneviève LAROQUE longtemps présidente de la fédération nationale de gérontologie, qui hélas, nous a quittés il y a quelques jours. Elle avait souhaité depuis longtemps cette approche intégrée, ne pas séparer les malades, mais au contraire considérer que nous avons à faire ensemble une approche cohérente par rapport à la grande question du vieillissement.
Nous savons bien que le débat va s'installer dans la société. Il est déjà là, par rapport à l'isolement, à l'extrême détresse des fins de vie, à la dépendance, Alzheimer étant une des pathologies, mais pas la seule. Il y en a d'autres, ce que l'on appelle les pathologies neuro dégénératives et également un certain nombre d'affections psychiatriques chroniques. Nous devons les appréhender de la même manière comme l'a fait votre comité £
Nous aurons à y revenir à l'occasion de la réforme de la dépendance que les ministres ici présentes et notamment Madame DELAUNAY ont en responsabilité. Nous finissons de préparer cette réforme qui sera bientôt présentée, ce qui suppose qu'elle soit financée. C'est pour cela que nous gardons un certain nombre de ressources pour y parvenir. Mais cette réponse ne doit non pas simplement être une réponse à tel ou tel cas £ elle doit prendre en compte cette approche globale que nous attendons par rapport au vieillissement de la population.
Que pouvez-vous dégager comme leçon utile pour nous aider, nous aussi, à un certain nombre de décisions ? Je pense qu'il y a deux grandes questions éthiques auxquelles vous avez forcément réfléchi. La première, c'est la dignité des personnes, celles-là même qui sont diminuées, affectées dans ce qu'il y a de plus essentiel, c'est-à-dire la mémoire, les souvenirs, la capacité de se repérer dans le temps, la reconnaissance de leurs proches, de leurs familles. Donc, comment aborder cette question essentielle de la dignité de la personne elle-même à ce point diminuée, de ne pas la réduire encore davantage par l'intervention que nous pouvons faire auprès d'elle. Chaque personne, même malade, même sans mémoire a une histoire qui lui est propre, que d'ailleurs souvent vous contribuez à faire un instant resurgir, comme pour lui redonner son sens. Chaque personne a un itinéraire de vie, une singularité. Donc, c'est à partir de cette personnalité unique que nous devons, que vous devez intervenir. C'est en ce sens que l'approche clinique ne suffit pas. Nous touchons à la reconnaissance de l'identité.
D'où toute la question, aussi, de la formation des aidants pour y parvenir. Mais également de notre volonté, notre priorité de pouvoir garder au domicile, c'est-à-dire dans les lieux familiers, les lieux du quotidien, dont la situation le permet.
Nous devons donc tous réfléchir à la meilleure façon de donner, à chacune des personnes malades, la capacité de vivre encore pleinement un destin contrarié.
La seconde grande question éthique, c'est le traitement de ce que l'on appelle les directives anticipées. Les mots sont souvent pris pour ne pas dire les choses dans leur crudité. C'est-à-dire, en fait, les décisions données par une personne qui se sait touchée par une maladie évolutive et qui, encore consciente et disposant de son jugement, entend transmettre une volonté. Comment respecter cette décision, comment analyser le moment où elle intervient ? Est-ce un moment de lucidité, ou est-ce un moment de faiblesse ? Pas facile, j'en conviens, de trouver là, la bonne manière de traiter ces choses. Mais il ne s'agit pas de choses, il s'agit de gens. Et donc, ce respect de la décision portant sur les choix les plus intimes, y compris sur la fin de vie, j'ai voulu qu'une mission puisse y travailler. C'est celle que j'ai confiée au Professeur SICARD.
Je veux lancer ici un appel pour que toutes les expériences qui sont les vôtres soient versées, utilisées pour les conclusions de cette mission.
Je veux terminer par des mots d'encouragement, pour ce que vous avez à faire. Le plus dur dans l'action publique c'est la durée, cela vaut pour chacune et chacun d'entre nous. Il y a une impatience pour les malades, pour les familles et cela vaut aussi pour tous les citoyens. On veut avoir immédiatement la réponse, immédiatement le traitement, immédiatement la solution, voire même l'établissement qui peut accueillir ou l'aidant qui peut venir. Et donc, ce que vous avez à faire, c'est à offrir un horizon de temps, à montrer qu'il y a un engagement qui trouvera sa traduction.
Vous avez aussi, c'est votre responsabilité et c'est aussi la nôtre, à mobiliser toute la société. Il se trouve que la maladie d'Alzheimer angoisse et inquiète et parfois chacun se pose la question, y compris au plus haut niveau, de savoir si nous ne sommes pas touchés à un moment par les premiers signes. Mais en réalité, nous avons maintenant des informations sur le fait que bien avant 60 ans, des personnes sont touchées par la maladie. Et, parce qu'il y a cette inquiétude, cette appréhension, nous devons mobiliser toute la société. D'abord pour qu'elle comprenne ce que signifie cette maladie, comment elle se manifeste, pour qu'elle fasse aussi en sorte que tous soient prévenus, informés et que nous puissions combattre ensemble aussi, tout en assurant la dignité de ces personnes. Donc, je voulais vous dire que cette volonté qui est la vôtre d'agir dans la durée, de vouloir donner à ce grand sujet de la maladie d'Alzheimer une dimension nationale, les pouvoirs publics la partagent.
C'est pourquoi le plan Alzheimer sera prolongé au terme d'une évaluation, parce que nous en avons besoin. Ce plan sera même élargi à l'ensemble des maladies neurodégénératives, de façon à ce que nous puissions utiliser tout ce qui a été déjà engagé, réalisé, avancé, recherché au service des malades dont les troubles peuvent être à un moment ou à un autre comparables à Alzheimer.
Une action comme la vôtre a besoin de constance, y compris dans les soutiens qui peuvent être apportés, mais aussi de courage et de ténacité. Et, vous recevant ici, dans ce lieu qui était généralement réservé aux hôtes de marque étrangers - toutes ces personnes n'étaient pas forcément respectables, mais, c'était un lieu où l'on voulait donner une certaine majesté - j'ai considéré qu'il était très important que votre comité puisse être accueilli ici et se sentir investi d'une grande mission avec le soutien des pouvoirs publics que je représente avec les ministres qui se trouvent autour de moi.
Merci