30 août 2012 - Seul le prononcé fait foi

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Déclaration de M. François Hollande, Président de la République, sur les relations franco-espagnoles et sur la crise de la Zone euro, à Madrid le 30 août 2012.


Madame la Ministre,
Monsieur le Député,
Monsieur l'Ambassadeur,
Merci à vous d'abord de nous recevoir ici dans cette belle résidence de France, que je connais pour y être venu dans de multiples qualités, mais aujourd'hui, que je redécouvre comme président de la République.
Je salue le Consul général et, mesdames et messieurs, je vous remercie pour votre patience et pour votre présence.
J'étais, en effet, retenu par la rencontre que j'avais souhaitée avec le président RAJOY sur la question de la zone euro de l'Espagne et donc de la France. Car, nous ne pouvons pas isoler un pays quel qu'il soit dans la zone euro. Nous sommes tous concernés dès lors qu'il y a une incertitude, un doute, une interrogation sur l'une ou l'autre de nos Nations dans la zone euro.
J'ai, avec le président RAJOY, évoqué la situation de l'Espagne, que vous vous connaissez bien, avec un taux de chômage très élevé, une récession, des efforts considérables qui ont été faits déjà depuis plusieurs mois et qui sont encore demandés. Et, ce sentiment qu'il éprouvait, mais que les Espagnols doivent encore davantage ressentir, que tant de concessions, tant de sacrifices, tant d'ajustements, pour aussi peu de retour en termes de taux d'intérêt sur la dette souveraine, et surtout, en terme d'activité économique avec un taux de chômage, notamment pour les jeunes, qui est un des plus élevés dans la zone euro.
Je ne suis pas venu exprimer une solidarité, mais une volonté, pour faire en sorte que nous puissions travailler tous pour trouver des réponses durables, aux doutes, aux interrogations, aux scepticismes et parfois aux interpellations dans un délai qui devra être proche.
Déjà, nous avons travaillé, le premier Conseil européen, celui du 29 juin, auquel je participais comme chef de l'Etat. Nous avons décidé un pacte de croissance et je dois dire que l'Espagne nous a soutenu dans cette démarche et nous avons fait en sorte, à côté du sérieux budgétaire indispensable, de compléter le pacte budgétaire par un pacte de croissance mobilisant des fonds, Banque Européenne d'Investissement, fonds structurels, emprunts qui vont être mobilisés pour favoriser des investissements d'avenir.
Nous avons aussi pris des décisions concernant la stabilité de la zone euro, avec des mécanismes, sauf qu'ils tardent à être mis en uvre, ce qui peut permettre de comprendre pourquoi le gouvernement espagnol lui-même ne fait pas forcément appel à l'Europe, alors qu'il en a la possibilité. Parce qu'il y a encore des préalables à lever. Quel va être le rôle de la Banque Centrale Européenne ? Est-ce que le mécanisme européen de stabilité va enfin être actionné dès lors qu'il est suspendu à la décision d'un tribunal de Karlsruhe ? Comment faire comprendre toutes ces contraintes, toutes ces difficultés à des opinions publiques qui sont traversées par l'angoisse du lendemain ou par un certain nombre de régressions sociales ou de prélèvements supplémentaires.
Ma volonté, je voulais ici la partager avec vous parce que je souhaite partout où je me rends rencontrer les Français que l'on appelle de l'étranger alors que vous êtes des Français qui sont pour un temps à l'extérieur et qui travaillent pour leur pays.
Je voulais vous faire partager ma volonté d'obtenir des résultats car nous ne pouvons plus attendre. Il y a sans doute encore des préalables à lever concernant la situation de la Grèce, où l'ampleur de ce qui peut être demandé sur le plan du soutien aux banques espagnoles, mais au prochain Conseil européen, celui qui va se tenir le 19 octobre, c'est tout près, des décisions doivent être prises, comme nous avons été capables d'en prendre le 29 juin et il nous revient de les faire appliquer.
Je veux aussi vous dire combien nous devons poursuivre notre engagement européen avec nos amis espagnols. Je me souviens encore d'une campagne référendaire que je faisais en 2005, sur le traité constitutionnel européen, un sujet qui n'était pas facile à traiter en France, la preuve, c'est que le résultat a été la victoire du non. Mais, il y avait eu un référendum en Espagne sur le traité constitutionnel européen, et j'avais été invité par José Luis ZAPATERO à participer à la campagne en Espagne. Je ne sais pas si j'ai apporté quoi que ce soit, mais c'était pour partager notre même ambition pour l'Europe. Je me souviens à l'époque de l'enthousiasme qui existait en Espagne par rapport à l'euro, par rapport à l'union politique, qui s'esquissait.
Et quand je constate aujourd'hui les taux d'adhésion des Espagnols à l'idée européenne, je regrette de voir qu'ils ont fondu. Il y a là une prise de conscience que nous devons avoir, c'est que nous devons redonner confiance dans le projet européen, et c'est ce qui suppose bien sûr de considérer comme irréversible l'euro pour tous les pays qui composent cet ensemble, à condition que chacun fasse la preuve de sa crédibilité. Mais en même temps, que nous puissions définir une perspective, un projet mobilisateur, d'où le pacte pour la croissance, mais aussi l'union politique que nous devrons bâtir. Car l'idée n'était pas simplement de faire une monnaie, mais aussi de concevoir un projet politique, pas forcément avec autant de pays qu'il y en a dans l'Europe, mais au moins avec un certain nombre d'entre eux, qui voulaient aller plus loin. Eh bien, nous avons à reprendre cette belle idée et à redonner du sens à la construction européenne. Cela sera sûrement, là encore, l'enjeu d'un Conseil européen à la fin de l'année où à partir d'une feuille de route, nous devrons définir ce que nous voulons faire pour l'union économique et monétaire ainsi que pour l'union politique.
Et, j'ai défini une idée simple : moi je suis pour l'union politique mais à condition que cela corresponde à des étapes qui apparaissent, pour chacun des pays qui constituent l'Europe, comme des progrès. D'accord pour l'union budgétaire, mais à condition qu'il puisse y avoir une mutualisation des dettes, d'accord pour qu'il y ait une union bancaire à condition qu'il y ait une supervision et donc une capacité pour l'Europe de surveiller et d'intervenir pour protéger les épargnants. Il y a aussi, sans doute, des harmonisations à faire sur le plan fiscal, à condition que cela corresponde à des progrès.
Voilà ce que je plaiderai pour le Conseil européen de la fin de l'année.
Mais je veux revenir à ce qu'est la relation entre la France et l'Espagne. C'est une relation qui est fondée sur la confiance, c'est un aspect important que nous avons évoqué avec le Président RAJOY et nous avons décidé qu'il y aurait, le 10 octobre prochain le sommet bilatéral entre la France et l'Espagne. Il se tiendra à Paris et nous aborderons les thèmes qui nous unissent, les infrastructures de transport, l'énergie, les autoroutes de la mer, mais également les échanges culturels, la capacité que nous pouvons avoir pour porter des projets ensemble, sur le plan de la recherche, mais également, des coopérations qui sont liées à nos propres sécurités et notamment la lutte contre le trafic de drogue, dont on sait qu'il affecte nos deux sociétés, ainsi que la lutte contre le terrorisme.
Nous nous sommes retrouvés, le Président RAJOY et moi-même, sur les mêmes positions concernant le Sahel. Vous savez qu'il se passe au Nord du Mali, une occupation par AQMI qui est extrêmement dangereuse pour les Maliens, bien sûr, pour l'Afrique de l'Ouest, mais aussi pour nos propres intérêts.
Comme vous pouvez le constater, les relations franco-espagnoles sont en plein essor et je veux ici vous remercier pour ce que vous faites, dans tous les domaines de vos activités, chefs d'entreprise, cadres, mais également fonctionnaires participant à notre réseau culturel ou à notre réseau éducatif, ou à notre réseau consulaire, les personnes qui sont venues passer leur retraite ici ainsi que les jeunes venus ici pour un parcours universitaire ou de recherche.
Je veux vous remercier pour ce que vous faites, pour notre pays, pour la relation entre la France et l'Espagne. Et je veux vous encourager. Il y a près de moi, la ministre Hélène CONWAY qui a en charge les Français que l'on dit de l'étranger. Et nous devons concevoir cette présence à la fois comme un devoir de vous assurer la meilleure protection, faire que les enfants puissent être accueillis dans les établissements scolaires, j'y reviendrai. Mais également de permettre qu'il y ait tous les soutiens à la création d'activités économiques ou à des investissements qui peuvent se faire ici et qui peuvent aussi se faire en France.
Vous contribuez chacun, chacune à votre place à la fois à l'amélioration de nos relations avec l'Espagne, mais également à ce que l'on appelle le rayonnement de la France.
La France et l'Espagne, c'est une histoire humaine qui a commencé depuis longtemps, parfois douloureuse. Je n'exhumerai pas un certain nombre d'événements historiques, parfois des événements qui ont créé des liens indissolubles. Samedi dernier, je e participais à l'anniversaire de la Libération de Paris et il y avait là de nombreux espagnols qui étaient venus se souvenant qu'il y avait la compagnie « la nueve » qui était intervenue et qui avait prêté mains fortes aux forces du Général LECLERC et aux résistants français pour libérer Paris.
Et puis il y a tous ces liens que nous avons tissés à travers les années qui font que nous avons un potentiel considérable pour notre pays et pour les relations avec l'Espagne. Je rappelle que la France est le premier client de l'Espagne et le second exportateur. Nous sommes le second investisseur étranger en Espagne. Il y a 1800 filiales d'entreprises françaises implantées ici, 300 000 emplois qui sont concernés, c'est considérable. Je sais qu'il y a des conseillers du commerce extérieur, 60. Je salue d'ailleurs leur président, Yves DELMAS, je sais qu'il est parmi nous.
C'est de tout cela que nous devons tirer avantage. Cette semaine il y a eu à Paris ce que l'on appelle la conférence des ambassadeurs, ce qui explique que, pendant quelques jours l'ambassadeur n'a pas pu être là. Mais il est revenu. Dans cette conférence des ambassadeurs, le thème qui a été développé, c'est la diplomatie économique. La meilleure façon d'utiliser tout notre réseau diplomatique et consulaire, toute notre présence, pour porter davantage d'exportations et favoriser la croissance.
Il y a aussi ce qui relève de la présence culturelle, je l'évoquais, la culture, la langue, la création, cela fait partie de l'identité de la France. Cela nous permet, là encore, de rayonner à condition qu'on accepte toutes les cultures et je veux saluer tous ceux qui s'y dévouent. Il y a les réseaux des lycées français en Espagne, je salue les personnels, 20 établissements, plus de 20 000 élèves, des résultats tout à fait exceptionnels, une réputation excellente. Je suis fier notamment de notre lycée à Madrid qui a fêté son 125ème anniversaire et qui a tenu un rôle tout à fait particulier dans les périodes noires de l'histoire espagnole.
Je sais que les parlementaires aussi bien les sénateurs que les députés, et je salue le député présent aujourd'hui, suivent attentivement la question des frais de scolarité à l'étranger. L'exigence de justice nous a conduit à supprimer la fausse gratuité qui était intervenue pour les classes de lycée, parce que cette mesure avait, en définitive, provoqué un renchérissement de l'accès à l'enseignement. Donc nous allons, sur les économies qui seront faites, tout redéployer pour augmenter les bourses scolaires et améliorer partout l'offre éducative. Faire que toutes les familles françaises qui vivent à l'étranger puissent voir leurs enfants accueillis dans les établissements. Mais aussi en accueillir d'autres, parce que cela contribue au rayonnement de la France que notre langue puisse être pratiquée par un nombre toujours plus grand d'enfants des pays concernés.
Un mot aussi sur les instituts culturels, les alliances françaises, 5 instituts en Espagne, 22 alliances, c'est une présence, là encore, exceptionnelle et comment ne pas évoquer la haute qualité de la Casa de VELAZQUEZ et son rôle depuis plus d'un siècle.
Et puis il y a la langue, il y a une ministre de la francophonie dans le gouvernement, c'est parce que je considère que la langue n'est pas la propriété de la France. C'est un patrimoine que nous offrons à tous et à toutes, que nous ne gardons pas pour nous-mêmes, que nous offrons comme un modèle de pluralisme, de diversité, d'exception. Je soulignais là encore devant la conférence des ambassadeurs, que demain les principaux locuteurs en français seront africains. Nous devons faire en sorte que cette langue, cette belle langue puisse être un outil de liberté, parce qu'elle évoque des valeurs, mais aussi un outil d'échanges culturels, commerciaux ou économiques.
Je ne veux pas oublier les militaires qui, ici, sont présents, certains d'entre eux servent à l'état-major Terre de l'OTAN situé à Madrid. D'autres travaillent avec nos amis espagnols dans le cadre de notre coopération de défense ou au sein de l'Ambassade et c'est très précieux.
Voilà, chaque fois que je me déplace, je rencontrer ce que l'on appelle la communauté française, elle n'a pas pu être entièrement accueillie ici, malgré l'ampleur de l'espace, mais je souhaite que nous puissions avoir des échanges. J'ai souligné l'importance que j'accorde à la présence de la France dans le monde, au réseau diplomatique, au réseau consulaire, indispensables pour protéger nos compatriotes.
Mais je veux insister aussi devant vous sur le redressement économique. Nous faisons face à une crise, une crise européenne mais aussi mondiale. Nous faisons face à une situation de croissance ralentie en France, une récession ailleurs. Nous avons des équilibres budgétaires à retrouver, une compétitivité à rétablir. Je ne veux rien dissimuler de la situation de la France. D'ailleurs, chacun la connaît. Donc des efforts que nous aurons à engager dans un temps qui devra être proche pour les décisions budgétaires. C'est la loi de finance. Des décisions qui devront être prises aussi dans la conférence sociale pour aboutir sur l'emploi, sur la sécurisation des parcours professionnels, sur le contrat de génération. Des décisions qui devront être prises la compétitivité, pour le financement de la protection sociale.
Voilà ce qui nous attend. Mais le redressement ne se fait pas simplement à travers des décisions et des mesures. Cela se fait à travers une mobilisation de tous les acteurs. En premier lieu, ceux qui ont à prendre des décisions, des acteurs publics, des entreprises, sans lesquelles il n'y a pas de création d'emploi, mais également les Français qui vivent à l'étranger et qui se dévouent pour leur pays, représentés de multiples façons par des élus, par des organisations professionnelles, par des syndicats, par des associations. Chacun à sa place doit faire en sorte de contribuer au redressement de la France. Et cela se joue partout, à tous niveaux.
Vous ici en Espagne, vous êtes nos ambassadeurs si je puis m'exprimer ainsi. Vous contribuez, vous participez à ce redressement. Sachez bien qu'il est engagé, qu'il se fait avec des principes, celui de la vérité, de dire la situation telle qu'elle est, principe de justice, chacun doit contribuer en fonction de ses capacités, principe aussi de volonté. Si on veut qu'un pays se redresse, on ne peut l'accabler, on ne peut pas simplement lui demander, même s'il faut en faire, des sacrifices. On doit lui donner un espoir. Et l'espoir, c'est la place de notre pays dans le monde. Qu'elle est sa capacité encore à peser dans le destin du monde et dans celui de l'Europe. Qu'est-ce que nous pouvons donner comme perspective à la jeunesse ? Quels seront les atouts de la France en termes de formation, de connaissance, de culture, de recherche.
Mesdames et messieurs, je veux vous exprimer ma gratitude pour ce que vous faites, pour ce que vous êtes, Français hors de France pour un temps plus ou moins long, sachez que vous êtes pleinement des citoyens de la République.
Vive la République et vive la France