9 juillet 2012 - Seul le prononcé fait foi
Déclaration de M. François Hollande, Président de la République, sur les défis et priorités de la politique économique et sociale de son quinquennat, à Paris le 9 juillet 2012.
Monsieur le Président du conseil économique, social et environnemental
Je veux d'abord vous remercier vous personnellement de nous avoir permis d'être accueilli ici pour cette Conférence sociale inédite.
A l'instant où je parle j'ai une pensée pour Jacques DERMAGNE, disparu le 3 juillet dernier qui a présidé pendant 11 ans cette grande institution.
Le 12 juin ici même je m'adressais au Conseil économique social et environnemental, j'en soulignais le rôle comme lieu d'échange, de dialogue entre l'ensemble des forces vives de la Nation et je considérais qu'il pouvait offrir un cadre naturel à la Conférence sociale que je voulais ouvrir au début de ce quinquennat.
Cette conférence accueille le gouvernement et d'abord le Premier ministre, les ministres, des élus de nos territoires mais surtout les présidents, les Secrétaires généraux des grandes organisations professionnelles et associatives de notre pays. Ce qu'on appelle les corps intermédiaires, sans lesquels la France ne serait pas ce qu'elle est aujourd'hui. Et c'est parce que je voulais les rassembler autour d'une grande mission qui est celle d'ouvrir une perspective à notre pays que j'ai souhaité que cette Conférence sociale accueille largement tous ces participants.
Cette rencontre exceptionnelle engage une démarche dont l'horizon est celui des cinq prochaines années. Elle doit démontrer à la fois une prise de conscience sur la situation de notre pays, une prise de responsabilité par rapport à ces choix que les uns et les autres nous devrons faire et aussi une prise de risque par rapport à l'idée de nous retrouver tous ensemble pour déterminer un agenda et des objectifs communs.
Nous nous retrouvons dans un moment particulier de notre vie publique : c'est-à-dire au lendemain d'une élection présidentielle qui a forcément divisé et dont le vainqueur doit nécessairement rassembler, à quelques semaines des élections législatives qui sont passées et qui ont confirmé le choix majoritaire des Français en faveur de familles politiques qui se sont engagées devant eux, pour le changement.
Mais le moment est venu de mettre la France en mouvement et il n'y a pas de temps à perdre.
Je ne veux rien cacher de la situation de notre pays. Nul besoin de forcer le trait, de noircir l'horizon, et en même temps il ne serait pas digne de celui qui est en charge de l'essentiel dans notre pays que de nier les réalités.
Je veux que chacun prenne conscience des trois grands défis que nous devons collectivement relever.
D'abord le redressement de nos comptes publics.
La dette a augmenté de 800 Milliards depuis 10 ans. Elle atteint désormais 90 % de la richesse nationale. Quant au déficit public, il a dépassé encore 100 Milliards d'euros en 2011 et ne pourra être contenu autour de 4,5 % de la richesse nationale en 2012 qu'au prix d'un ajustement fiscal dont le gouvernement a pris à juste raison la responsabilité.
Comme la Cour des comptes l'a souligné, cette dégradation n'est que partiellement le résultat de la crise. Elle reflète plutôt le choix qui a été fait depuis trop longtemps de perte de recettes inopportunes et qui seraient aujourd'hui bien précieuses pour non seulement réduire nos déficits mais agir pour l'emploi. Et une structure de nos dépenses publiques particulièrement rigide, malgré ou à cause de l'application de formules mécaniques pour les maîtriser, qui se sont révélées aussi peu efficaces que mal acceptées.
J'estime que notre pays ne peut pas prendre le risque de consacrer près de 50 Milliards d'euros au paiement des charges d'intérêt mais également celui de lever des fonds qui peuvent à tout moment être rendus plus onéreux par une éventuelle vulnérabilité de notre dette souveraine sur les marchés.
Nous devons retrouver de la souveraineté, de l'indépendance par rapport aux marchés et par rapport aux besoins de financer nos dépenses collectives. Ce n'est donc pas un choix pour l'austérité qui ne serait d'ailleurs rien d'autre qu'une régression mais un choix pour la souveraineté et pour l'avenir de notre pays.
Le second défi auquel nous faisons face est la détérioration de notre compétitivité. La France, les chiffres sont maintenant bien connus, est passée d'un excédent commercial de 3 Milliards et demi d'euros en 2002 à un déficit de 70 Milliards d'euros en 2011.
Nous avons perdu des parts de marché sur les principaux biens d'exportation.
Notre industrie qui représentait 18 % de la valeur ajoutée de la production donc il y a 10 ans n'en représente plus que 13 % aujourd'hui. 400 000 emplois dans les secteurs manufacturés ont été perdus ces 5 dernières années. Nous connaissons les causes de cette situation : une mauvaise spécialisation industrielle, un trop faible nombre d'entreprises exportatrices, une insuffisance dans l'innovation, la recherche, la connaissance. Mais cette dégradation de nos comptes extérieurs est également aussi le produit de certaines rigidités de structure y compris de nos coûts qu'il nous appartiendra de corriger.
La désindustrialisation est inacceptable. Là encore elle nuit à notre indépendance, elle fragilise nos territoires, elle réduit notre capacité à créer des emplois.
Le troisième défi est le plus exigeant, c'est celui du chômage et de la précarité. Le nombre de demandeurs d'emplois est aujourd'hui le plus élevé depuis 12 ans. Le taux de chômage atteint près de 10 % de la population active et progresse de manière continue depuis 30 mois. Il touche les jeunes et les travailleurs plus âgés : seuls 45 % des plus de 55 ans seulement ont un emploi et près de 460 000 personnes sont au chômage depuis plus de 3 ans, ce qui signifie pour eux une exclusion profonde.
4 embauches sur 5 aujourd'hui s'effectuent en CDD et pour l'essentiel ce sont les femmes qui sont victimes de la précarité de l'emploi et du temps partiel.
Et dans ce contexte, l'annonce de plans sociaux, qui ont pu être opportunément retardés, est encore plus inquiétante surtout si l'on songe à des licenciements silencieusement vécus dans bon nombre de petites entreprises. Le retour à une croissance élevée est une obligation si nous voulons retrouver un niveau d'emploi. Or chacun sait que, pour le premier semestre de l'année, la croissance sera nulle. Dès lors nous devons mobiliser toutes nos forces, toute notre imagination, toutes nos capacités pour construire une croissance durable pour les prochaines années. Il y a en Europe des pays où la croissance est très faible voire même des pays qui sont en récession mais il en est d'autres qui ont réussi à partir de réformes engagées depuis plusieurs années, à porter un niveau de croissance bien supérieur au nôtre.
Quand je regarde d'autres régions du monde, pas simplement les pays émergents je constate aussi qu'en mobilisant davantage l'offre, en soutenant plus intelligemment la demande, il existe des potentialités de croissance. D'ici à l'affirmation de cette stratégie, il nous faut parer au plus pressé. Nous avons à améliorer notre système de formation professionnelle, répondre plus efficacement aux offres d'emploi, accompagner plus rapidement les chômeurs vers l'activité, utiliser tous les mécanismes de l'insertion. Mais je le dis ici devant vous, je n'admettrai pas qu'un pays comme le nôtre se résigne à considérer le chômage comme une fatalité.
Voilà pourquoi la période que nous traversons si j'ajoute tous ces défis - compétitivité, chômage, mais également redressement de nos comptes publics -- oui, cette période exige des réponses fortes et nouvelles.
Il est des moments dans la vie d'une Nation, nous en traversons un, où nous devons prendre collectivement notre destin en main, redéfinir le contrat collectif et assurer notre redressement. Pour y parvenir des efforts seront nécessaires aussi bien sur le plan de nos comptes publics donc de notre politique budgétaire et fiscal que dans le domaine productif et industriel. Ces efforts, chacun est prêt à y consentir.
Mais à plusieurs conditions. D'abord, les Français veulent en comprendre le sens. Cela fait trop d'années qu'on les appelle au sacrifice sans qu'il y ait de but qui soit clairement fixé, d'étapes qui puissent être franchies, d'évaluation des politiques qui ont été engagées. Ce que les Français veulent ce n'est pas une rédemption, ils ne sont coupables de rien, ce n'est pas une punition, ils ne la méritent pas, ce n'est pas une régression, comment mobiliser un peuple si c'est pour lui demander de renoncer. Non, ce que veulent comprendre les Français c'est si nous sommes capables de mobiliser nos forces pour permettre de nouveaux progrès, avec la perspective d'ouvrir pour la nouvelle génération pour la jeunesse un avenir meilleur que le nôtre. Voilà l'enjeu.
La seconde condition, c'est la justice. Comment appeler à un sursaut, à un dépassement, à un rassemblement sur l'essentiel, si une fraction la plus favorisée de la population y échappe, si les sacrifices sont demandés aux seuls actifs, si l'entreprise et le travail sont pénalisés par rapport à la spéculation et à la rente ? Poser la question c'est y répondre. La justice sera une condition du redressement. Mais la plus importante si nous voulons parvenir à nos fins, c'est la confiance. Les sociétés qui connaissent les performances les plus élevées en termes de croissance mais aussi en termes de progrès social sont celles qui ont su nouer des compromis durables. Entre l'Etat et les autres acteurs c'est-à-dire les partenaires sociaux, les collectivités locales, les forces vives, un compromis aussi entre le patronat et les syndicats. Un compromis entre les exigences de l'économie réelle et la préservation des ressources naturelles. Un compromis entre le financement de l'économie et la capacité d'investissement des entreprises.
C'est l'enjeu de cette conférence : préparer ensemble les réformes, ouvrir de nouveaux espaces à la démocratie sociale, élaborer donc une feuille de route qui offrira à notre pays une vision claire des objectifs poursuivis et une répartition des responsabilités pour y parvenir.
Ma volonté, c'est de faire évoluer notre modèle social pour mieux le garantir.
Je vous propose une méthode fondée sur trois principes simples.
Le premier dans le cadre de cette conférence sociale : aborder l'ensemble des sujets, sans exclusive. Aucune des grandes questions économiques et sociales qui sont devant nous ne doit être ignorée. L'emploi étant la priorité première. Tout doit être discuté pour parvenir au plus haut niveau d'emploi dans notre pays.
Le deuxième principe : c'est de fixer un agenda cohérent, partagé permettant d'avancer en commun, dans le respect de l'indépendance de chacun. Ce qui suppose d'établir clairement les priorités, de répartir ce qui relève de l'Etat, par la loi ou par le règlement, de la négociation entre partenaires sociaux et de ce qui obéit aux règles de la concertation. Ce sera le sens des conclusions que le Premier ministre tirera de vos travaux.
Le dernier principe : c'est d'inscrire cette Conférence sociale dans la durée. Notre objectif aujourd'hui n'est pas de tenir un sommet social ponctuel, il y en a eu d'autres dans le passé, notre histoire est riche d'un certain nombre d'évènements, surtout en début de quinquennat. Non, notre volonté c'est de jeter les bases d'un processus avec des objectifs et des étapes pour les atteindre.
La démarche que je vous propose est nouvelle à bien des égards. La France, par ses traditions, par son histoire, par son organisation, par son mouvement social n'a pas développé ce qu'on appelle une culture de la négociation.
Chacun y a sa part de responsabilité et l'Etat au premier chef.
Il a souvent mené et l'histoire est longue et les majorités successives, des concertations de pure forme avec des partenaires sociaux, qui y consentaient pour vivre ensuite frustrations et désillusions. En tant qu'employeur l'Etat non plus n'a pas montré l'exemple, c'est le moins que l'on puisse dire. Cela doit changer.
Mais convenons aussi dans ce même souci de vérité que les acteurs sociaux eux-mêmes n'ont pas toujours pris l'initiative pour engager, par la négociation sociale, dans le cadre interprofessionnel et même au niveau des branches, les mutations indispensables.
Il faut donc retrouver le sens du dialogue. Ce qui suppose d'en faire un principe de notre vie démocratique et de renforcer les représentants qui sont les plus qualifiés pour mener à bien les négociations.
C'est pourquoi, je confirme ici que je souhaite, si le Parlement y consent et si les partenaires sociaux y adhèrent, inscrire dans notre Constitution le rôle du dialogue social et la place des grandes organisations représentatives. Il conviendra de prévoir plus clairement les obligations de concertation préalables à la décision publique. Il n'y aura pas de loi dans le domaine de la vie économique et sociale qui pourrait être votée par le Parlement sans qu'il y ait eu une phase de dialogue et de concertation. L'affirmation de ce principe constitutionnel ne remet pas en cause la primauté de la loi et donc le rôle du législateur, mais il permet d'engager avec plus de confiance que par le passé les modes de concertation et de négociation indispensables.
Pour que cette démocratie sociale fonctionne harmonieusement, il convient que les interlocuteurs soient eux-mêmes légitimes. Ce qui rend d'autant plus nécessaire l'aboutissement de la réforme de la représentativité, qui a été lancée par la loi du 20 août 2008, et qui doit trouver sa conclusion l'année prochaine.
D'autres sujets sont à prendre en compte : les moyens financiers des organisations, la conduite du dialogue social sur le plan territorial, en particulier pour les bassins d'emplois, l'évolution des institutions représentatives du personnel, la place du syndicalisme dans l'ensemble des entreprises car nous devons permettre que les garanties offertes aux salariés soient les mêmes quelle que soit la taille, quel que soit le lieu des entreprises. Plus largement, cette conférence est un acte de confiance dans la démocratie sociale.
Le dialogue social ce n'est pas une contrainte, c'est une condition pour atteindre l'objectif. C'est la raison pour laquelle sept grands thèmes ont été retenus pour cette conférence.
D'abord, l'emploi.
Avec deux enjeux principaux.
Le premier est de répondre à la faiblesse d'activité des séniors et de réduire le chômage des jeunes, qui représente, je le rappelle le double de celui des adultes.
J'ai proposé aux Français le contrat de génération : associer les âges et non pas les opposer, faire davantage de place dans nos entreprises aux jeunes qui veulent s'insérer et aux seniors qui veulent continuer à travailler et transmettre leur savoir-faire et leurs compétences.
Les modalités du contrat de génération devront être simples et efficaces et en même temps adapté aux situations des entreprises. Ce sera donc l'objet de vos échanges de déterminer le cadre dans lequel le contrat de génération sera défini. Il vous appartiendra notamment d'indiquer si vous voulez vous emparer de ce sujet pour négocier un accord interprofessionnel, avant ou après une loi qui en fixera les principes juridiques nécessaires. En tout état de cause, je souhaite que le dispositif du contrat de génération puisse entrer en vigueur au début de l'année prochaine.
Autre question sensible : la précarité. L'embauche en CDI, qui devrait être le droit commun, laisse de plus en plus de place à une multiplication de formules diverses : CDD, intérim, voire stages.
La précarité qui en résulte pour les travailleurs concernés est néfaste pour les travailleurs concernés, mais aussi pour les entreprises, car elle nuit à l'investissement durable dans la qualification des salariés. Il nous appartient donc aussi bien Etat que partenaires sociaux d'envoyer des signes pour modifier ces comportements. L'assurance-chômage ne pourra pas indéfiniment considérer de manière identique les entreprises recourant largement à ces contrats précaires et les autres, celles qui font le choix de la stabilité. Plus largement, une réflexion sur le contrat de travail doit être engagée. Vous la mènerez.
La question de la sécurité et des garanties collectives, se pose aussi face aux restructurations d'entreprises. L'intervention des pouvoirs publics peut être utile. Mais là encore des formes nouvelles peuvent être trouvées pour prévenir les plans sociaux ou en limiter l'impact. Et je vous invite à vous saisir de tous ces sujets, de manière à mieux anticiper, mieux prévenir ces mutations d'entreprises à permettre une meilleure information des salariés, voire même leur intervention et là encore place doit être à la négociation.
Le second sujet c'est la formation et le développement des compétences tout au long de la vie. Là encore nous avons quatre obligations :
La première c'est de donner à ceux qui n'ont pas reçu une formation initiale suffisante, une deuxième voire une troisième chance.
Ensuite c'est d'accompagner les salariés qui veulent changer de secteur d'activité de pouvoir le faire, car la mobilité doit être conçue comme un atout plutôt que comme une contrainte. C'est l'idée de la sécurisation des parcours professionnels, utile aux salariés, utile aux entreprises permettant de mieux accompagner les mutations et de rendre plus adéquats les besoins des entreprises avec les qualifications des salariés.
Troisième obligation : aider les entreprises à traverser des périodes de baisse d'activité sans recourir à des licenciements, en s'inspirant des dispositifs négociés que certaines régions ont expérimentés avec succès en France et que d'autres pays que le nôtre ont mis en uvre depuis longtemps et avec là encore des leçons que nous pourrions tirer utilement pour nous-mêmes.
Enfin, nous devons rendre notre système de formation professionnelle plus lisible et davantage accessible aux demandeurs d'emploi et aux salariés qui sont en mutation.
Le troisième enjeu, c'est la rémunération. Elle doit être digne, équitable, établie à l'intérieur d'un système intelligible et efficace. Je pense au SMIC, il a été revalorisé. Mais au moment où nous avons pris cette décision et le Premier ministre y a veillé, nous avons voulu aussi ouvrir une phase de délibération sur le mode d'indexation du SMIC mais également sur les évolutions de carrière, car trop de salariés demeurent des années durant au niveau de salaire le plus bas. La question des minima de branches devra être abordée, de même que les effets du temps partiel subi. Et plus généralement, nous devons faire en sorte que les exonérations de cotisations sociales soient davantage conditionnées à des efforts de discussion, de négociation sur les questions salariales et sur les questions d'emploi.
En ce qui concerne les rémunérations des dirigeants d'entreprises, sujet qui revient régulièrement selon les révélations de l'actualité, nous devons avancer avec plus de transparence et en même temps plus de cohérence. Il est normal qu'il y ait des écarts de salaires dans les entreprises. Mais il y a eu des excès qui sont devenus incompréhensibles, injustifiables, surtout quand les augmentations dont bénéficient certains contrastent avec l'extrême modération qui est appliquée aux autres et souvent par les premiers. Il y a là un enjeu d'ordre moral qui peut tous nous rassembler et il reviendra au législateur de se prononcer le moment venu et je fais confiance aussi aux organisations pour introduire plus de moralisation.
Les dirigeants, qu'ils soient politiques, sociaux ou économiques, ont des responsabilités. L'exemplarité en est une. Ils doivent accompagner le redressement du pays en montrant le chemin et en faisant pour eux-mêmes un effort dans cette période si difficile.
Sur cette question, comme plus généralement sur la marche de nos entreprises, je souhaite que les salariés soient davantage associés dans les Conseils d'administration, de surveillance mais aussi dans les comités de rémunération.
Ensuite il y a l'enjeu de l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, trop de retards ont été accumulés. Des textes ont été adoptés depuis longtemps, des lois se sont ajoutés les unes, les autres depuis la loi ROUDY pour mettre un terme à cette injustice inacceptable, qui veut qu'en France, à compétences égales, à emploi égal, une femme gagne près de 25 % de moins qu'un homme.
Le droit à l'égalité existe, il faudra l'appliquer. Et là encore j'attends qu'il y ait des propositions précises, assorties d'un calendrier exigeant. Trente ans après la loi sur l'égalité professionnelle, il est temps, plus que temps de la mettre en application.
D'une manière générale, la qualité de la vie au travail est devenue une préoccupation de bon nombre de salariés mais aussi de bon nombre de chefs d'entreprises qui sont conscients de l'enjeu : la santé, la prévention des risques psycho-sociaux, la conciliation de la vie familiale et professionnelle, sont des sujets essentiels pour améliorer le rapport au travail mais aussi l'efficacité de celui-ci et donc la productivité globale de l'économie française. Dans la France de 2012, le travail ne peut pas être considéré comme une souffrance. Sur ces sujets, une délibération sociale vient de s'achever. Elle ouvrira la voie à une très prochaine négociation. Et je souhaite là encore que cette Conférence puisse appuyer cette démarche.
Le cinquième thème, c'est l'avenir de la protection sociale et notamment des retraites.
Des mesures de justice ont été décidées dès les premiers jours de mon quinquennat, et j'en avais pris l'engagement, en direction de ceux qui ont commencé tôt à travailler et qui ont cotisé 41 années. Nous devrons aborder la question des retraites complémentaires. Le gouvernement a pris des engagements, définir un dispositif qui permettra de financer nos retraites dans la durée, et qui réponde au constat, dont nous nous réjouissons par ailleurs, de l'augmentation continue de l'espérance de vie.
J'ajoute qu'il est temps, plus que temps, de définir les critères de pénibilité, car c'est à la fois la condition de la justice sociale et de la recherche d'équilibres plus durables pour nos régimes d'assurance-vieillesse. Là encore des discussions, négociations avaient été engagées, il est temps d'en terminer.
Pour la protection sociale dans son ensemble, nous avons une volonté : pérenniser nos régimes sociaux. Reconnaissons aussi qu'ils ont été imaginés dans un tout autre contexte que celui d'aujourd'hui, sur la base de besoins bien différents, en matière de santé, de retraite ou même de politique familiale. Les liens entre les principes d'assurance collective fondés sur des cotisations et la solidarité qui appelle l'impôt devront donc être réaménagés, notamment du point de vue de l'équité mais également du coût du travail et de la justice fiscale. Là encore, aucun de ces sujets ne devra être éludé. Pas davantage celui des déficits sociaux. 14 milliards sont aujourd'hui prévus pour l'année 2012 et nous y avons mis bon ordre dans le peu de temps qui nous a été laissé. Comment admettre que chaque année depuis plus de 10 ans et davantage, une partie de la protection sociale soit financée à crédit, c'est-à-dire par emprunt ? J'évoquais tout à l'heure les risques sur les marchés, la vulnérabilité, la dépendance au sens financière, comment admettre qu'une partie de nos retraites et de nos prestations sociales soient financées sur d'autres bases que des recettes durables.
Une solution pourrait être de revoir à la baisse les ambitions de la protection et de protéger moins les Français. Ils s'y refusent et ils ont raison.
Cela ne veut pas dire pour autant que rien ne doit changer. Nous devons trouver de nouveaux modes de financement, de nouvelles organisations de notre modèle social. Faire en sorte aussi de limiter un certain nombre de dépenses inutiles, inefficaces, qui sont en fait source de profit pour certains sans amélioration de la qualité du soin pour d'autres.
L'équilibre de nos comptes ne doit pas être simplement fondé sur des impératifs économiques ou financiers. Ce sont des obligations sociales parce que nos mécanismes de solidarité seront menacés si nous ne savons pas les faire évoluer, les faire progresser, les faire financer.
Un grand défi, je l'évoquais ce sont les entreprises qui sont exposées à la mondialisation, à la concurrence internationale. Nous devons trouver le moyen de les aider à rester dans la course, c'est bien le moins, mais de le mettre dans la meilleure des situations par un renforcement de l'offre productive. J'évoquais l'innovation, la recherche, l'investissement. Mais en même temps nous devons aussi traiter les questions qui sont liées à des distorsions dans les modes de financement de notre protection sociale. Voilà pourquoi je crois nécessaire que la Conférence sociale aborde cette question. Parce que je ne considère pas que de faire peser sur le seul travail le coût de notre dépense sociale soit un bon moyen d'assurer la pérennité du financement.
J'ai voulu, et le Gouvernement a mis en uvre ce principe, abandonner la TVA sociale car je considérais que c'était un prélèvement sur la consommation des Français au moment même où la croissance se ralentissait et où le pouvoir d'achat se rétractait. Imaginons, si rien n'avait changé qu'au mois d'octobre il y ait une augmentation d' 1,6 % de TVA sur la consommation des Français ! Nous nous y sommes refusés et pour autant nous devons mener cette discussion sur d'autres moyens de financer la protection sociale que sur le seul facteur travail, en appelant donc d'autres facteurs de production, d'autres contributions et cela a fait partie du débat que vous devez mener.
La modernisation de l'action publique est aussi un impératif. Elle devra être conduite avec les agents de l'Etat, des collectivités locales, c'est finalement la réforme de l'Etat et le nouvel axe de la décentralisation. Le ministre est particulièrement en charge de ce dossier. Les deux vont de pair. Nous devons à la fois réfléchir aux missions de l'Etat, aux moyens de les exercer et en même temps au niveau qui doit être le plus efficace pour les mener à bien. Rien ne pourra se faire sans l'intervention des agents eux-mêmes.
Je me refuse à considérer l'emploi public comme une variable d'ajustement de la maîtrise de nos finances. C'est pourquoi le gouvernement a mis un terme à ce qu'on appelait : la « révision générale des politiques publiques » et qui n'avait été qu'une contrainte supplémentaire d'ailleurs sans rendement considérable.
Au cours des cinq prochaines années, le nombre des fonctionnaires restera stable. C'est-à-dire qu'il y aura des créations d'emplois dans les secteurs prioritaires : éducation, justice, sécurité.
J'ai fait le compte, tous ces ministères représentent 60% de l'emploi public de l'Etat. Donc la priorité est large. Là, il y aura des créations.
En revanche dans les autres secteurs, il ne pourra y avoir de renouvellement de tous les départs de fonctionnaires partant à la retraite. Mais nous serons dans la stabilité des effectifs. Ces efforts concerneront aussi ce qu'on appelle les opérateurs publics qui vivent des subventions de l'Etat et là encore il y aura une participation des agents parce qu'il ne s'agit pas simplement de réduire ici ou d'augmenter là, il s'agit de faire en sorte que les missions des administrations publiques à tout niveau puissent être exercées avec efficacité.
Mais le sujet majeur c'est aussi le redressement productif. Nous avons aujourd'hui des plans sociaux qui nous sont annoncés dans plusieurs entreprises importantes (automobile, sidérurgie, et tant d'autres). Il semble qu'ils aient été envisagés depuis longtemps mais pas nécessairement proclamés dans les premiers mois de l'année.
L'Etat ne pourra pas rester inactif, il agit déjà. Il cherche des solutions, il mobilise des financements mais nous ne pouvons pas être simplement dans le traitement de l'urgence, nous devons avoir une stratégie, nous devons faire en sorte d'anticiper, nous devons mobiliser des moyens nouveaux, la Banque publique d'investissement en sera un.
Mais également une mobilisation, je souhaite également qu'on mobilise l'épargne vers l'investissement productif notamment pour les PME. Je veux qu'on élargisse tout ce qui est recherche à l'innovation dans les PME. Nous faisons aussi grande confiance dans les entreprises pour qu'elles puissent exporter ce qui suppose de leur donner toutes les conditions pour le faire. Et c'est aussi une responsabilité des grandes entreprises d'emmener les PME vers les marchés à l'exportation.
Le redressement productif n'est donc pas une stratégie défensive, c'est une volonté d'être dans la mondialisation, les meilleurs. Ce qui exige de permettre à la France, à ses travailleurs, à ses entreprises, de s'adapter aux changements, de s'orienter vers des secteurs d'avenir, de faire le pari de nouvelles technologies, d'assurer les transitions indispensables : industrielles, énergétiques, écologiques. Il y aura la conférence environnementale prochainement à l'automne. Les partenaires sociaux y seront associés parce que c'est un enjeu pas seulement pour la préservation de la planète mais pour l'émergence d'une nouvelle économie à laquelle d'ailleurs beaucoup ici se sont préparés, sont déjà engagés notamment dans le secteur du bâtiment, dans le secteur des nouvelles énergies, notamment dans le secteur aussi de l'industrie qui utilise des matériaux d'un nouveau genre, d'un nouveau type. Oui, nous avons des capacités en France à mettre en uvre. Nous devons redouter rien d'autre que l'immobilisme.
Voilà une belle ambition pour cette conférence sociale traitant de beaucoup de sujets, mobilisant beaucoup d'acteurs, fixant un agenda réaliste, permettant de nouer un pacte de confiance et d'efficacité entre l'Etat, les salariés, les entreprises, les partenaires sociaux, les organisations professionnelles qui remettent la France au centre du jeu économique mondial. Nous avons besoin de tout le monde, de la petite entreprise artisanale jusqu'au grand groupe. Nous avons besoin du salarié d'exécution qui doit être associé au processus de production jusqu'au chef d'entreprise, au dirigeant qui éclaire l'avenir et qui prépare les mutations.
Je ne préjuge pas ce que sera l'attitude des uns et des autres, vos positions respectives. Je ne sais pas ce que sera l'ampleur de nos convergences, je les souhaite nombreuses, mais il y aura nécessairement des points de des désaccords. Je les respecte. Ce que nous devons chercher c'est comment mobiliser les forces de notre pays vers des solutions nouvelles. Comment nous pouvons nous organiser dans le temps. Je l'ai dit, les pays qui sont capables d'assurer le mieux leur redressement dans la justice sociale, sont ceux qui sont prêts à nouer un contrat entre les différents acteurs.
La conférence sociale n'est donc pas un aboutissement ou une promesse qui viendrait d'être tenue. La Conférence sociale c'est un commencement.
Je demande donc au Premier ministre, à la suite de vos travaux, de tirer toutes les conclusions de cette conférence, pour rendre ensuite les arbitrages les plus conformes à l'intérêt général et au dialogue social qui doit y contribuer avec des Etats et des responsabilités.
C'est la feuille de route qui engagera en tout cas l'Etat pour les années qui viennent.
Je remercie chaque ministre d'être attentif, sur les champs de compétences qui sont les siens, pour donner à cette conférence toute sa traduction de manière à ce que, là encore, il y ait un suivi.
Le Ministre du dialogue social en sera particulièrement chargé.
Voilà Mesdames et Messieurs ce que j'étais venu vous dire ce matin.
Nous lançons un processus nouveau qui déjà nous dépasse. C'est une chance pour notre pays si nous savons la saisir. Je vous donne d'ores et déjà rendez-vous dans un an pour un premier bilan ici même si le Conseil économique, social et environnemental nous en fait encore la proposition. Mais ce serait le cadre idéal. Il y aura dans l'intervalle d'autres rendez-vous avec le Premier ministre, avec les membres du gouvernement.
L'idée que je lance c'est celle du compromis positif. C'est l'idée qui permettra à notre pays de sortir par le haut des épreuves qu'il traverse. Ce compromis positif c'est cette conférence qui peut le nouer, en tout cas l'organiser, le permettre.
Cela ne doit pas être une rencontre sans lendemain, ce doit être une dynamique qui sera elle-même un changement dans la méthode qui permettra un changement dans la réalité.
Je ne demande à personne, ici, d'abandonner ses convictions, de renoncer à ses revendications, de ne céder à je ne sais quelle pression. Je fais confiance à des acteurs libres, indépendants pour prendre leur part de la tâche commune. Celle qui nous dépasse : celle qui nous lie tous, celle qui nous mobilise au fond de nous-mêmes quelle que soit notre place dans la société, quel que soit notre rôle par rapport à ceux que nous représentons, démocratie politique, démocratie sociale, nous n'avons qu'un objectif : permettre d'assurer à la génération qui vient un avenir meilleur que la nôtre, donner à notre pays confiance dans lui-même, réussir à redresser notre pays parce que c'est ce que nous avons eu comme mandat des Français et c'est parce que nous avons à cur de leur donner un bel espoir dans leur avenir.
Merci.