25 mai 2012 - Seul le prononcé fait foi

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Conférence de presse de M. François Hollande, Président de la République, sur la préparation d'un pacte de croissance et sur l'avenir de la Grèce au sein de la Zone euro, à Bruxelles le 25 mai 2012.

LE PRESIDENT - Mesdames, Messieurs, bonsoir ou plutôt bonne nuit. Je participais pour la première fois à un Conseil européen, il était informel au sens où il ne visait qu'à préparer la réunion qui se tiendra à la fin du mois de juin et qui devrait, si le travail est fait dans ce sens, préparer un pacte de croissance qui pourrait être une dimension supplémentaire à ce qui s'est jusqu'à présent construit. J'ai rappelé dans ce Conseil ce qu'était ma conception de la croissance. Il ne s'agit pas de la mettre en opposition avec le sérieux budgétaire. Le sérieux budgétaire peut permettre de retrouver de la croissance et la croissance peut faciliter la consolidation budgétaire.
J'ai également donné une conception de la croissance qui devait être globale. Il y a ce qui relève de réformes structurelles que chacun des pays membres peut conduire pour améliorer sa compétitivité. Il y a ce que peut faire l'Europe, ce qu'elle fait déjà pour favoriser le marché unique et donc permettre qu'il y ait plus d'échanges entre les pays membres. Mais il n'y a pas suffisamment d'incitation à l'investissement qui pourrait permettre aux pays européens de retrouver des taux de croissance plus élevés. C'est d'autant plus dommageable qu'aujourd'hui, la croissance européenne est nulle pour l'année 2012 voire en légère récession pour la zone euro et les prévisions pour 2013 sont relativement pessimistes puisque le taux de croissance sur l'ensemble de l'Union ne serait qu'à peine de 1%. Donc l'enjeu c'est bien de remettre de l'énergie dans le moteur de la croissance. Sur les propositions, il y en a qui aujourd'hui peuvent déjà faire consensus et c'est déjà pas si mal, sur ce qu'on appelle les « projects bonds », sur la recapitalisation de la Banque européenne d'investissement, sur la mobilisation de fonds structurels, aujourd'hui inutilisés, sur l'orientation du budget européen.
Mais j'ai proposé qu'on aille plus loin encore, notamment sur le fait que les projets européens devraient être davantage ciblés sur les technologies nouvelles, sur la transition énergétique, sur les projets industriels et notamment à travers la mondialisation de la BEI. J'ai également souhaité que soit inscrite la perspective des eurobonds qui seraient l'étape supplémentaire de l'intégration. Dès lors qu'il y a une volonté de mettre en commun des politiques budgétaires, il y a une politique monétaire conduite par la Banque centrale, il est légitime qu'il y ait des instruments nouveaux et les eurobonds peuvent s'inscrire dans cette perspective d'intégration. J'ai également réaffirmé l'attachement de la France à la taxe sur les transactions financières. Non pas parce que la taxe serait elle-même un facteur de croissance, il est rare qu'un impôt créée de la croissance par lui-même, mais parce que les recettes qui seraient tirées de la taxe sur les transactions financières permettraient d'être affectées à un fonds qui lui-même pourrait être utile à l'investissement.
Enfin, j'ai insisté sur l'utilisation qui pourrait être faite du mécanisme européen de solidarité qui n'est pas encore complètement installé dès lors qu'il n'y a pas eu les ratifications qui étaient prévues pour le 1er juillet, mais en tout cas, le fonds européen de stabilité financière pourrait déjà jouer ce rôle, de façon à ce que ce mécanisme puisse être utile à la recapitalisation des banques en lien avec la Banque centrale européenne.
C'était donc un échange de vues. Tous les pays membres ne partagent pas nécessairement ma conception, je dois en faire l'aveu, mais il y en a un certain nombre qui se sont exprimés dans le même sens, d'autres ont pu avancer des idées sur la meilleur façon de tenir compte des dépenses d'investissement dans le calcul du Pacte de stabilité.
Moi, ce que j'ai voulu c'est qu'il puisse y avoir des instruments nouveaux qui puissent être proposés, eurobonds, taxes sur les transactions financières, mécanisme européen de solidarité pour recapitaliser les banques. Il n'empêche, je regarde ce qui a déjà été proposé de manière consensuelle et que le Président du Conseil européen a résumé dans un document. Donc, c'est une première étape qui était nécessaire, mais nous ne sommes pas encore à la fin du mois de juin et il y aura encore un travail de conviction à mener.
Sur la Grèce un texte a été adopté pour rappeler la volonté des pays membres de l'Union, pas simplement de la zone euro que la Grèce reste dans la zone euro, tout en respectant ses engagements, et tout en soulignant déjà l'effort qu'a engagé la zone euro pour venir en soutien à la Grèce, il a été indiqué qu'il y aurait une mobilisation des fonds structurels pour soutenir l'effort de croissance des Grecs et pour ainsi donner confiance aux électeurs grecs par rapport à ce qui peut se passer après le 17 juin.
Voilà le sens de ce que je voulais vous dire, si ça a duré aussi longtemps c'est parce que tous les pays représentés au Conseil européen parlent et parfois longuement. Donc ne pensez pas qu'il y a eu des débats qui ont pu saisir tel ou tel participant. Non c'était très calme mais très long. Voilà je peux répondre à vos questions malgré l'heure tardive.
QUESTION -- Est-ce que vous avez eu le sentiment qu'une majorité s'est dégagée à l'occasion de ces discussions sur, par exemple, la thématique des eurobonds ?
LE PRESIDENT -- Il n'y a pas eu de comptabilité aussi précise. J'ai compris que certains pays étaient totalement hostiles, d'autres l'envisageaient à très long terme et d'autres encore pouvaient considérer que ça pouvait être plus rapproché. Mais si votre question c'était de dire est-ce que j'étais seul à défendre les eurobonds ? Non je n'étais pas seul.
QUESTION -- Je poursuis la question, quelle a été la position de l'Allemagne, puisque c'est l'Allemagne qui compte dans ce débat, puisque ce sera elle qui aura le plus à perdre, donc est-ce que l'Allemagne vous a dit son opposition totale, absolue et définitive à la création des eurobonds ? Sur la Grèce, vous avez bien souligné que la Grèce devait tenir ses engagements. Imaginons que le suffrage universel qui peut réserver des surprises amène au pouvoir un gouvernement qui ne tiendra pas ses engagements puisqu'il a annoncé qu'il ne les tiendrait pas. Qu'est-ce que l'on fait ? Avez-vous envisagé des hypothèses et préparé éventuellement une faillite, une sortie de la Grèce de la zone euro ?
LE PRESIDENT -- Première question, ce n'est pas à moi de parler au nom de l'Allemagne. Mais ce que je retiens c'est que Mme MERKEL ne considère pas les eurobonds comme un élément de croissance mais comme une perspective lointaine d'intégration. Si je veux être juste et ne veut pas tirer la position allemande dans un sens qui me serait favorable ou défavorable, j'essaie de comprendre. Moi j'ai une autre conception, les eurobonds ce n'est pas simplement un point d'aboutissement au terme d'un processus d'intégration, ça peut être l'occasion de mutualiser non pas une dette passée mais une dette future pour permettre à des Etats qui, aujourd'hui empruntent avec des taux d'intérêt à 6% de pouvoir accéder plus facilement au marché et par ailleurs, d'utiliser les eurobonds pour des projets d'investissement ou qui seraient portés directement par l'Union. Ce qui justifierait de modifier les traités. J'en conviens. Je fais une distinction avec les « projects bonds » qui m'ont paru être maintenant largement acceptés mais qui sont davantage des garanties que des emprunts nouveaux, davantage du partenariat public-privé que de l'initiative européenne prise par l'Union.
Donc je vois quand même que, dans cette discussion, d'abord des clarifications, des progrès et aussi des débats qui se poursuivent.
Sur la Grèce, d'abord, je ne suis informé d'aucune simulation par je ne sais quel groupe ou sous-groupe de ce que pourrait provoquer une sortie de la Grèce de la zone euro. Je ne dis pas qu'il n'y a pas de lieu où ça doit se travailler peut-être, il doit en exister, chaque pays peut aussi faire ses études. En tout cas en ce qui concerne la France, je ne suis pas informé de ce type de travaux de simulation et nous ne menons pas directement pour la France ce type d'hypothèse. Pourquoi ? Parce que je privilégie le maintien de la Grèce dans la zone euro, ce qui d'ailleurs a été la position exprimée ce soir. Que se passerait-il si le nouveau gouvernement issu des élections grecques refusait le mémorandum et ne respectait pas les obligations qui sont aujourd'hui celles que la Grèce doit consentir. Je pense et sans partager nécessairement ce point de vue, mais je pense que l'attitude de la zone euro serait de demander le respect strict des engagements. Mais dans l'attente et dans l'espoir d'une autre situation, moi je plaide pour qu'au-delà de ce que les Grecs doivent appliquer c'est-à-dire le mémorandum et au-delà de ce qu'a déjà fait la zone euro pour la Grèce, les fonds structurels puissent être rapidement mobilisés pour que la croissance de la Grèce puisse être encouragée dans un délai très court, afin que les Grecs puissent avoir confiance dans la solidarité de la zone euro et qu'ils puissent se dire qu'ils ont des obligations à respecter mais aussi des perspectives pour avoir un retour de la croissance et une amélioration de leur condition de vie.
QUESTION -- Pour que le débat sur les eurobonds ne restent pas trop hermétiques au grand public, est-ce que vous pourriez nous dire comment vous défendez l'idée d'un pacte de croissance, quel est l'intérêt selon vous d'avoir des eurobonds et est-ce que c'est un nouvel effort de solidarité qu'il faudrait faire à l'égard des pays les plus endettés et est-ce que ça supposerait un transfert de souveraineté ?
LE PRESIDENT -- Il y a plusieurs questions. Pour que nous puissions parler au plus large public, d'ores et déjà l'Europe, sans modifier quelque traité que ce soit, peut utiliser la Banque européenne d'investissement. Donc la première idée est d'augmenter le capital de la Banque européenne d'investissement et grâce à cet apport, cette banque pourra prêter plus largement à des entreprises pour réaliser un certain nombre de projets d'investissement.
Donc chacun peut comprendre que sans aller jusqu'à émettre des titres d'emprunt, l'utilisation de la Banque européenne d'investissement peut déjà servir à financer un certain nombre de projets.
Deuxième idée qui s'ajoute à la première, les « projects bonds », là-aussi c'est une innovation, c'est-à-dire des projets qui naissent d'une initiative privée, des entreprises lèvent des emprunts et l'Union apporte sa garantie, par un mécanisme approprié. Il y a là des possibilités donc d'investissements supplémentaires.
Alors dernière idée, les eurobonds en tant que tels ont plusieurs conceptions, soit c'est pour mutualiser les dettes passées, ce n'est pas acceptable, on ne va pas emprunter pour couvrir la dette qui a déjà été constatée dans un certain nombre de pays, ce n'est pas du tout ma conception. Deuxième conception c'est de dire que les eurobonds peuvent servir pour les emprunts nouveaux d'un certain nombre d'Etats, ce serait souhaité par ceux qui empruntent à des niveaux de taux d'intérêts très élevés, ce qu'on appelle les « spreads », par rapport à l'Allemagne qui emprunte maintenant à 0%, l'Espagne emprunte à 6%. Donc les eurobonds seraient un facteur de mutualisation permettant d'emprunter pour ces pays-là, d'emprunter à moindre coût et donc leur permettant aussi d'aller plus vite dans l'ajustement budgétaire et de réaliser un certain nombre d'investissements.
Puis il y a une troisième conception qui supposerait je l'ai dit une modification des traités qui va dans le sens de l'intégration, puisqu'il y a une politique budgétaire commune, on peut aussi imaginer une politique d'investissements qui pourrait être engagée et à ce moment-là les eurobonds deviennent un instrument pour l'Europe, une ressource supplémentaire.
A cet égard, la taxe sur les transactions financières peut avoir aussi un lien avec les eurobonds puisque ça peut permettre de rembourser les intérêts des emprunts contractés. Mais la taxe sur les transactions financières est également une idée qui permet de lever des ressources, enfin d'encaisser des recettes qui ensuite peuvent être utilisées pour renflouer le budget et financer les opérations que les Européens peuvent décider par eux-mêmes avec le contrôle du Parlement.
QUESTION -- Toujours sur ces eurobonds, vous avez décidé avec Mme MERKEL de ne pas reparler immédiatement de la question de la renégociation du traité pour parler d'abord de la question des outils de croissance. Est-ce que du coup les deux sont liés, est ce que l'on peut imaginer que dans votre esprit l'idée d'inscrire ces eurobonds comme une perspective soit un préalable à l'idée de rouvrir la négociation sur le traité ?
LE PRESIDENT -- A ce stade pour permettre la discussion la plus large, nous n'avons pas évoqué d'instrument juridique donc les idées sont échangées et c'est au terme de nos délibérations du Conseil européen de fin juin que des éventuelles modifications de traité peuvent être proposées, mais à ce stade il n'y a eu aucune discussion sur des traités existants qu'il conviendrait de modifier ou des traités nouveaux qu'il conviendrait de négocier
QUESTION -- Est-ce que vous le souhaitez ?
LE PRESIDENT -- Je verrai à la fin ce qui peut être effectivement mis sous une forme juridique de traité.
QUESTION -- Dans le train qui vous menait ici à Bruxelles, vous avez dit que vous n'allez pas vous présenter comme le sauveur de l'Europe faisant surement référence à votre prédécesseur et on a senti également que vous avez trouvé que l'Europe allait peut être trop lentement pour résoudre cette crise, or tout à l'heure dans cette même conférence de presse, vous avez avec un certain humour montré que les discussions avaient été longues parce que les 27 avaient pris la parole très longuement. Ma question est un peu personnelle, c'est votre premier sommet, est ce que finalement vous trouvez que le fonctionnement européen est conforme à l'actualité par exemple qui est très brulante en ce qui concerne la Grèce et l'Espagne, est ce que les Européens devraient changer de mode de fonctionnement ?
LE PRESIDENT -- D'abord sur le passé, c'est le 24ème sommet depuis octobre 2008, ça ne veut pas dire qu'il ne s'est rien fait pendant les 23 autres et il y a eu des mécanismes qui ont été inventés, élaborés, élargis, il y a eu des décisions qui ont été prises et c'est dire s'il y a une lenteur dans le processus, mais c'est sans doute lié au mode de décision. Il y a eu du travail de fait et aujourd'hui, ce qui doit compter, c'est de donner une dimension nouvelle et notamment de croissance. Ensuite sur les mécanismes eux-mêmes, je ne veux pas parce que je suis nouvellement élu, faire la leçon, mais quand on se réunit à 27, les 27 parlent, parce que quand 22 ont parlé, pourquoi 5 resteraient silencieux ? Il faut qu'ils en rendent compte à leur opinion publique et ils parlent avec des durées extrêmement variables, certains peuvent dire leurs pensées en quelques minutes, d'autres, allez savoir pourquoi, prennent une partie de la nuit. Alors c'est aussi le respect des souverainetés, chaque pays compte et doit être entendu. Alors peut-être plus tard quand j'aurai fait plusieurs conseils européens, je suggérerai d'autres méthodes, mais pour l'instant je ne veux pas faire la leçon, donc je me suis adapté, j'ai été plutôt bref dans mon intervention. Donc ce n'est pas là-dessus qu'on peut me faire le reproche, mais j'ai été clair.
QUESTION -- Ce matin, le Premier ministre, M. AYRAULT qui était sur RTL, à la question pos??e de savoir si la croissance n'était pas au rendez-vous comme on l'espérait l'engagement de ramener le déficit à 3% l'an prochain pourrait être tenu, il a répondu c'est ce que nous souhaitons. Entre le souhait et un engagement il y a une différence, est- ce que pour rétablir la confiance avec les partenaires de la France vous avez été amené à préciser l'engagement de la France sur ses 3% pour l'an prochain ?
LE PRESIDENT -- Non j'ai dit que pour ce qui me concernait je voulais atteindre les objectifs qui avaient été fixés que j'avais moi-même donné dans la campagne d'atteindre les 3% à la fin de l'année 2013. Ensuite ce que l'on va apprendre de l'état des comptes il nous faudra attendre la fin du mois de juin que le premier président de la Cour des Comptes nous donne son rapport. Nous verrons, je pense que tout va dépendre du taux de croissance sur l'année 2013. C'est pourquoi la discussion de ce soir et surtout celle de la fin du mois de juin n'est pas une discussion théorique car autant la croissance pour 2012 est déjà donnée, l'OCDE a confirmé plutôt 0,6, enfin on sait qu'on sera entre 0,5 et 0,7. Pas de surprise. En revanche, l'enjeu est de savoir si en 2013 on est à 1,3 ou 1,7 ? Si on est à 1,7 c'est plus facile d'atteindre les 3%.
Donc toute ma politique nationale ou mes engagements européens, ma volonté de mettre de la croissance à l'échelle de l'Europe et même dans les discussions que nous pouvons avoir au G8, ça a été fait à Camp David et bientôt au G20, c'est de faire en sorte que la croissance revienne plus vite qu'il n'était prévu.
QUESTION -- Hier, pour la première fois on voit qu'en Chine le taux de change entre l'euro et le yuan est tombé pour la première fois de 1 euro égale 8, et il y a deux ans, c'était 1 euro égale 12, donc beaucoup de Chinois ont comme premier réflexe « il faut venir en Europe pour faire les courses » donc vous voyez que la crise en Europe, la crise de la dette européenne peut aussi faire une dévaluation de l'euro et favoriser plutôt le commerce, l'exportation en Europe. Quelle est votre appréciation de cette situation ? Qu'est-ce que cela peut changer dans les relations commerciales entre l'Europe et la Chine ?
LE PRESIDENT -- J'apprécie beaucoup votre présentation de la réévaluation de Yuan. Comme si c'était une volonté chinoise. Non, c'est le produit d'une situation que nous connaissons sur la zone euro qui fait que l'euro voit son cours baissé par rapport au dollar et par rapport au Yuan. Il n'y a pas que des inconvénients à cette situation, mais je ne crois pas que la compétitivité européenne sera trouvée simplement par des ajustements de change. Il conviendra de faire aussi des efforts d'investissements et de redressements productifs.
La Commission européenne va bientôt sortir me dit-on des chiffres sur la compétitivité des différents pays membres de l'Union européenne et sans que j'ai connaissance de ces chiffres, je sais ce qui s'est passé depuis 5 ans pour ne pas dire 10 ans, c'est qu'il y a une dégradation de la compétitivité de l'économie française notamment détérioration de sa balance commerciale, donc nous avons à faire des efforts d'investissement et nous ne pouvons pas simplement fonder notre amélioration de balance commerciale sur la réévaluation implicite du yuan. Ce qui n'empêchera pas les Chinois de venir nombreux je l'espère passer leur vacance en France.
QUESTION -- Quelle chance vous donnez au sommet de fin juin, d'arriver à une convergence de vues entre la France et l'Allemagne, notamment sur cette question des eurobonds ?
LE PRESIDENT -- Pour l'instant il y a de la part de l'Allemagne, l'idée que les eurobonds si je veux donner la version la plus optimiste, que les eurobonds ne peuvent être qu'un point d'aboutissement alors que nous nous considérons que ce devrait être un point de départ. Voilà si je veux dire ce que sont aujourd'hui les positions respectives. Mais c'est vrai qu'il y a là une différence et elle a été constatée par le Président du Conseil européen. Ce n'est d'ailleurs pas nouveau. Je respecte le point de vue de Mme MERKEL quand elle dit les eurobonds ce n'est pas un instrument de croissance, en tant que tel. Mais c'est un instrument qui peut permettre dans certaines conditions la croissance. Donc nous aurons ce débat qui va se poursuivre. Il ne pouvait pas être tranché là, d'ailleurs personne n'imaginait qu'il le serait et donc il n'y a pas eu, si c'était cela que vous attendiez, de conflits, de confrontations. Chacun a donné son point de vue, et il y a des pays qui ont dit leur opposition aux eurobonds de manière beaucoup plus fermes que Mme MERKEL en écartant toute hypothèse d'eurobonds. Vous en avez d'autres qui sont pour les eurobonds et qui ne sont pas pour la taxe sur la transaction financière, exemple la Grande-Bretagne. Et puis, il y a des pays contre tout, je ne les citerai pas, mais vous pouvez les retrouver, ils sont contre les eurobonds, contre la taxe financière, contre l'augmentation du capital de la BEI, contre l'augmentation du budget européen. Ça existe.
Puis il y a aussi des pays qui peuvent être pour les eurobonds, pour la taxe sur les transactions financières et pour la recapitalisation de la BEI. Donc il y a un Conseil européen qui va continuer à travailler et sans doute à chercher le compromis, il faut chercher le compromis toujours. Mais nous n'en sommes pas encore là. Ce qui était nécessaire était de mettre les idées sur la table et de dire nettement qui était pour qui était contre, pour qu'ensuite le Président du Conseil européen, le Président de la Commission européenne puissent travailler pour rapprocher les points de vue.
QUESTION -- Si les Allemands persistent dans la résistance, est ce que vous pourrez imaginer ou envisager de monter un projet d'eurobonds avec moins de pays, sans les Allemands peut être et de faire ce projet avec certains pays plutôt que l'Union complète. Deuxième question, la Banque centrale européenne comment imaginez- vous que l'on pourrait faire plus pour la croissance ?
LE PRESIDENT -- D'abord, je ne me place pas dans l'hypothèse où nous devrions faire sans l'Allemagne, ou l'Allemagne sans la France. Nous recherchons des positions qui peuvent être partagées, c'est l'idée. Si plus d'un mois avant un Conseil européen qui va prendre des décisions, j'étais déjà dans la perspective qu'il n'y aurait pas de décision et qu'il y aurait une séparation, je ne respecterai pas l'idée que je me fais de ce qu'est la construction européenne. Donc je travaillerai pour qu'il soit possible de trouver les solutions permettant que la croissance puisse être véritablement une dimension de l'action européenne. J'ai parlé de Pacte de croissance, le mot a été repris, y compris par le Président de la Banque centrale européenne et je crois que maintenant il est installé.
Sur la Banque centrale européenne, son Président était présent à nos travaux, ce que j'en ai retenu, c'est qu'il avait déjà permis une intervention massive pour que les banques puissent trouver de la liquidité et qu'il regardait la situation sans que nous ayons à débattre de la banque centrale, nous n'avons pas débattu de la banque centrale ce soir.
Il y a eu des opinions qui se sont exprimées, moi j'ai défendu ma position, je l'ai rappelée, d'une recapitalisation des banques par le mécanisme européen de solidarité en liaison avec la Banque centrale.
QUESTION -- Je voudrais revenir sur la question de la Grèce. Vous avez dit à propos des simulations nous ne menons pas ce type d'hypothèse parce que je privilégie le maintien de la Grèce dans la zone euro. Mais il faut être deux pour cela, les Grecs peuvent très bien voter contre un maintien de leur pays dans la zone euro, il peut y avoir des événements qui se passent des « bankrun », des successions d'événements qui font qu'on est mis devant le fait accompli. Refusant de vous placer dans cette situation, est-ce que vous ne risquez pas de commettre une faute, parce qu'après tout gouverner c'est prévoir, est-ce que vous ne risquez pas de vous le faire reprocher, de commettre une faute qui aurait des conséquences assez graves ?
LE PRESIDENT -- De prévoir quoi ? La sortie de la Grèce de la zone euro et ses conséquences ? Mais déjà si on se mettait dans cette réflexion, je ne dis pas qu'il n'y a pas de travaux, il y a eu une information selon laquelle il y avait un certain nombre de simulations qui pouvaient exister. Mais si je me mettais publiquement à parler de l'hypothèse de la sortie de la Grèce, à ce moment-là ça veut dire que nous aurions déjà envoyé un signal. Un signal aux Grecs et un signal aux marchés. Donc je préfère, parce que j'ai une responsabilité, m'adresser aux Grecs en leur disant : « La France et d'ailleurs l'Europe nous voulons que vous restiez dans la zone euro, que vous respectiez les engagements qui ont été pris, mais que nous fassions des gestes pour vous démontrez que nous sommes attachés à ce que vous puissiez retrouver espoir ». C'est l'intérêt des Grecs, c'est l'intérêt de la zone euro et même l'intérêt de l'économie mondiale. Au G8 le Président américain s'intéressait à la situation de la zone euro, pas simplement par solidarité à l'égard des Grecs, mais parce qu'il savait bien que s'il y avait, comme vous dites, un « bankrun » cela aurait des conséquences sur l'Europe et aussi sur la croissance américaine. Voilà pourquoi je ne me mets pas dans ce cas de figure.
QUESTION -- Vous avez eu la bilatérale avec le Premier ministre polonais. Je voudrais vous demander est-ce que dans le budget de l'Union européenne 2014-2020 vous voyez des sources de croissance, des sources d'investissements surtout dans les fonds structurels ou vous allez continuer la politique de votre prédécesseur ? Deuxième question, est-ce que vous allez en Ukraine pour les championnats de football ?
LE PRESIDENT - Sur la rencontre que j'ai eu avec le Premier ministre polonais, elle a été tout à fait agréable. Nous avons parlé du triangle de Weimar, parce que c'est une volonté commune, Mme MERKEL, les autorités polonaises et moi-même d'avoir ces rencontres dans ce cadre-là et également d'avoir une relation bilatérale avec la Pologne, disons meilleure que précédemment.
Sur la perspective budgétaire, vous avez raison, il y a un débat là-dessus, il a eu lieu ce soir, il reviendra pour la fin du mois de juin. Il y a ceux qui sont pour un budget plus important de l'Europe, ceux qui veulent moins de dépenses européennes, considérant que moins il y a de budget européen moins il y a de participation des Etats et il y a ceux qui, dans le cadre du budget européen, veulent faire une part plus grande aux fonds structurels et une part moins grande à la politique agricole commune. De ce point de vue, j'ai une position constante qui est de maintenir à un niveau élevé la politique agricole commune, mais d'avoir aussi des fonds structurels.
L'Ukraine, cette question a été évoquée dans la rencontre bilatérale, j'aime beaucoup le football, mais ce qui se passe en Ukraine est un problème.
QUESTION -- Au cur de la crise, il y a le lien entre le risque bancaire et le risque souverain et pour traiter ce problème il y a les discussions au niveau des banques centrales sur la possibilité d'une union bancaire européenne, M. MONTI aux Etats-Unis a évoqué la possibilité de créer un fonds de garantie des dépôts européens pour éviter la contagion en cas de crise bancaire en Espagne ou en Grèce, qu'en pensez-vous ?
LE PRESIDENT -- C'est aussi ma position. C'est-à-dire que M. MONTI et moi-même avons défendu cette proposition dans le Conseil informel. Je l'ai dit moi-même, je souhaite qu'il y ait une intégration des mécanismes de supervision financière et des garanties de dépôts et de résolution des crises. Donc c'est un point sur lequel nous reviendrons. Plus on coordonne, on centralise, meilleure est la réponse sur la supervision, sur la résolution des crises et surtout sur la garantie des dépôts. D'ailleurs sur beaucoup de points nous nous sommes retrouvés avec M. MONTI ce soir.
QUESTION -- Vous avez évoqué cet après-midi à Paris, à coté de ces enjeux financiers importants un enjeu démocratique, sur fonds des montées de mouvements populistes en Europe et on pourrait ajouter sur fonds de méfiance accrue des citoyens européens par rapport à la construction européenne à l'heure actuelle. Est-ce que vous en avez parlé ce soir et qu'ont dit vos homologues ?
LE PRESIDENT - Oui j'insiste sur le double enjeu, il y a un enjeu économique pour permettre que la croissance revienne plus vite, accélère le rétablissement des comptes et améliore le niveau de l'emploi. Ça c'est l'enjeu économique que chacun comprend. Mais il y a un enjeu démocratique, c'est-à-dire que nous avons aujourd'hui un double populisme qui émerge ou qui se consolide. Un populisme en Europe du nord, par rapport à des citoyens qui ne veulent plus donner et un populisme d'Europe du sud par rapport à d'autres pays qui sont frustrés d'être obligés de subir des plans d'austérité et nous voyons dans des élections locales ou dans des élections nationales ces mouvements émergés, prendre des noms très différents, ça peut être d'ailleurs des mouvements qui ne sont pas extrémistes mais qui traduisent un refus du fonctionnement de l'Europe telle qu'elle est aujourd'hui. Quand je dis fonctionnement ce n'est pas des modes de décision, ce n'est pas de savoir comment on parle dans les Conseils européens, c'est plutôt des politiques qui sont mises en uvre parce que certains, je l'ai entendu ce soir, considèrent qu'ils ont déjà beaucoup donné. Ce sont les pays d'Europe du nord, par rapport au pays d'Europe du sud et dans les pays d'Europe du sud, une grande inquiétude qui, malgré tous les efforts d'austérité, de se retrouver encore avec des taux d'intérêt très élevés.
J'ai reçu tout à l'heure le président du gouvernement espagnol. Il n'est pas de la même sensibilité politique que la mienne. Il évoquait tout ce qui avait été décidé depuis les élections en Espagne pour des réformes structurelles, tous les ajustements qui ont été faits, toutes les amputations de pouvoir d'achat qui ont été consenties. Les grèves générales qu'il a subies. Et malgré cela, disait-il, il a encore des taux d'intérêt à 6%. On voit bien le risque. En Italie, vous avez vu aux élections locales ce qui s'est passé y compris à Parme, avec un argument qui n'est pas différent de celui que je viens d'indiquer. Pourquoi, alors qu'il y a autant d'efforts, il y a aussi peu de résultats.
Donc, voilà, l'enjeu, il est aussi démocratique. J'ai même dit que cela avait aussi une conséquence de favoriser les alternances. J'en étais le produit vivant. Tout cela pour les inquiéter, pour ceux qui avaient quelques élections à venir. Parce que c'est vrai que c'est aussi un élément qui doit être pris en compte. Regardez ce qui s'est passé dans les dernières élections partout en Europe. Quelles que soient les qualités de ceux qui se sont présentés au scrutin. Il y a quand même une loi des séries qui traduit sûrement une exaspération.
QUESTION -- Je voulais savoir si vous avez discuté ce soir de qui remplacerait Jean-Claude Juncker.
LE PRESIDENT -- Jean-Claude Juncker était à côté de moi et je n'ai pas parlé de cela.
QUESTION -- Pourtant c'est prochainement au mois de juillet ?
LE PRESIDENT -- Non, ce sujet n'a pas du tout été évoqué. Pas le sujet des nominations à des postes. Je ne dis pas qu'il n'existe pas, mais ce n'était pas du tout le cadre.
QUESTION -- Monsieur le Président, deux questions, la première, vous avez dit que vos homologues européens étaient d'accord sur le principe d'un pacte de croissance et sur cette terminologie, quel est le statut juridique de ce pacte de croissance ? Est-ce que ce sera aussi contraignant que le traité budgétaire ? Première question, deuxième question, pendant la campagne présidentielle vous avez annoncé vos objectifs pour l'Europe. Cette fois-ci c'était la première fois que vous présentiez ces objectifs devant vos partenaires. Est-ce que, du coup, vous êtes plus pessimiste, plus optimiste par rapport à ces objectifs, est-ce que vous avez mesuré que c'était plus difficile ou moins difficile que vous ne l'imaginiez ?
LE PRESIDENT -- Est-ce que le mot pacte lui-même sera repris par tous. Certains pourront évoquer une stratégie de croissance ou une perspective de croissance. Ce sera à la fin du mois que l'on saura si c'est un véritable pacte avec un ensemble de mesures dont nous ne pouvons pas encore préjuger la nature juridique.
Sur la difficulté de l'exercice, je l'avais quand même anticipé. La composition du Conseil européen est connue. Mais ce qui était important, au-delà des sensibilités politiques différentes ou des situations des pays qui ne sont pas les mêmes, il y avait quand même de toute part l'idée que nous devions faire un effort de croissance. Alors, si je veux être pleinement conscient des réalités, c'est que derrière le mot croissance, certains mettent les réformes structurelles, la concurrence, la directive service, la flexibilité du marché du travail, les accords commerciaux avec d'autres zones géographiques que l'Europe. Cela c'est une vision, et puis il y a une vision consistant à mettre, non pas des dépenses publiques en plus, chacun connaît l'état des finances publiques, mais des instruments qui peuvent permettre de lever des fonds supplémentaires. Et là, on peut retrouver la BEI, les « projets bonds » et des instruments, même s'ils ne font pas consensus comme la taxe sur la transaction financière.
Voilà, merci beaucoup pour votre patience et alors rendez-vous au mois de juin.