Le chef de l’État a présidé la cérémonie de commémoration du 80e anniversaire de la Victoire du 8 mai 1945 sous l'Arc de Triomphe.
Ce 80ᵉ anniversaire confère à la cérémonie un caractère particulier et symbolique.
Le Président Emmanuel Macron a insisté sur la nécessité de toujours défendre la paix.
Il a également remis la Légion d’honneur à Jean Daikhowski, grande figure de la Résistance et rescapé du Vél’d’Hiv.

Des musiciens militaires venus des États-Unis, du Royaume-Uni, du Canada, du Cameroun et d’Allemagne prendront ont pris part à cette commémoration, illustrant la dimension internationale de cet hommage rendu aux combattants de 1945.
Un défilé de reconstituants et de scolaires a conclu la cérémonie.
Revoir l'événement :
8 mai 2025 - Seul le prononcé fait foi
Discours du Président de la République lors du 80e anniversaire de la Victoire du 8 mai 1945.
À 15h, il y a 8 décennies de cela, retentissaient les mots du général De Gaulle : « La guerre est gagnée ! Voici la victoire ! »
Au soir du 8 mai 1945, à Berlin, tout était prêt pour la signature de la capitulation. Et quand le général De Lattre de Tassigny, mandaté par le général De Gaulle, pénétra dans la salle de la cérémonie, un détail le frappa : aux côtés des drapeaux russes, américains et britanniques ne figurait pas celui de la France. Il comprit qu'à l'instar de ce qui s'était passé la veille à Reims, les Alliés comptaient le reléguer au rang d'observateur. Il entra alors dans une colère contenue que nul ne put ignorer, et après trois heures de négociations ardues, il obtint gain de cause. La France retrouvait sa place dans le faisceau des drapeaux et son rang à la table des vainqueurs, rappelant solennellement que le 8 mai était l'accomplissement de la promesse du 18 juin. À cet instant, l'étrange défaite était lavée par l'éprouvante victoire.
Alors, quand le « feld-maréchal » nazi vit remettre en bonne place le drapeau bleu-blanc-rouge ce soir-là, les observateurs l'entendirent murmurer « Doch nicht nur Frankreich », tout de même, pas la France encore. Et pourtant si, la France encore. La France de 1940 encore. Et l'appel du général De Gaulle qui avait refusé de rendre les armes et de collaborer. La France de 1943, encore, qui, depuis l'ombre des caves et des maquis de France, aux grands jours de Londres ou sous le soleil de l'Afrique, rassemblait toutes les forces de la Résistance en une. La France de 1944, encore, assaillant l'ennemi depuis la Normandie, puis la Provence, volant de clocher en clocher jusqu'aux tours de Notre-Dame, jusqu'à Strasbourg, jusqu'à l'Allemagne, avec toutes les forces Alliées, les Forces françaises libres ; la France de 1945 encore, qui conquérait le droit de s'asseoir parmi les vainqueurs.
Alors oui, la colère du général De Lattre, c'était la France, encore, et c'était une colère de géant, car elle venait de loin. Elle disait la fierté d'un peuple qui refusait de se laisser dicter son histoire, qui affirmait sa volonté encore et encore d'avoir voie à la paix. On savait qu'il avait un rôle à jouer ce pays, notre vieux pays, dans le dialogue des puissances, l'équilibre du monde et la stabilité de l'avenir, et que là où flottait son drapeau, là aussi flottait une certaine idée de l'homme. Alors oui, quand claque au vent notre drapeau en ce 8 mai, quand retentit notre Marseillaise, puis le chant des partisans, ce sont ces années qui remontent, le cortège des héros qui ont tenu la France, le cortège de souffrance de tant d'anonymes. Le général De Gaulle ralliant les résistants à Londres, Jean Moulin, Rol-Tanguy, les Glières, Joséphine Baker, les hommes de l'affiche rouge, ce sont ces femmes et ces hommes de toutes les conditions, de toutes les opinions, de tous les âges, des pêcheurs de l'Île de Sein aux résistants du Maquis Corse, c'est l'audace juvénile de Jean Daikhowski qui recevra tout à l'heure les insignes de chevalier de la Légion d'honneur. C'est la ferveur adolescente d'Odile De Vasselot qui s'en est allée, il y a quelques jours, rejoindre l'éternité de la mémoire. C'est le courage du jeune Cristiani, bravant tous les interdits pour rejoindre la Résistance. Ce sont tant de destins bouleversés qui sont là, à nos côtés aujourd'hui et devant lesquels je m'incline.
Résistants de France comme de Londres, d'Afrique, communistes, gaullistes, socialistes, juifs, maquisards, espagnols, tirailleurs africains, marocains, algériens, tunisiens, sénégalais, camerounais, syriens, libanais et tant d'autres, mais aussi arméniens, polonais ou belges, roumains, yougoslaves, tous unis à l'ombre de la Croix de Lorraine, rassemblés sous ce drapeau tricolore dont le maréchal de Lattre, le 8 mai 1945, à Berlin rappela l'universalité. Ce sont tous ces combattants, aux côtés de nos alliés américains, britanniques, canadiens et de tous les peuples soviétiques, dont la valeur et le courage firent basculer autour de l'année charnière 1942 le rapport des puissances et la prédominance stratégique de l'Axe. Et je m'incline aujourd'hui devant la mémoire de tous ces résistants de l'intérieur, de tous ces combattants de la France libre, à Londres, en Afrique comme ailleurs, et de tous nos alliés qui ont contribué à libérer la France et permettre ce jour de victoire. Grâce à eux, grâce à chacun de leurs sacrifices, s'achevait, il y a 8 décennies, l'ère de l'oppression nazie, s'achevaient plus de 6 ans de conflits et 5 ans d'occupation, s'achevaient les 300 jours les plus longs, se refermait l'immense tenaille qui avait broyé l'Axe entre les armées alliées à l'Ouest et celle des peuples soviétiques à l'Est.
Et alors qu'en Asie, les combats continuaient contre le Japon, en Europe, la joie éclatait. Aux fenêtres pavoisées de tricolore, les silhouettes se massaient, brandissaient des drapeaux, images gravées de liesse populaire. Dans le carillon des cloches à toutes volées, des hommes hissaient des enfants sur leurs épaules, dans les arbres, sur le passage des convois, des femmes embrassaient les soldats, les uniformes alliés mêlaient les tâches bleues, vertes, brunes. Des passantes défilaient, vêtues de drapeaux qu'elles avaient taillés de leur mieux dans des draps roses et des rideaux bleus. À Paris, la foule se massait là où nous sommes. Et comme aujourd'hui, il se fit autour de l'Arc un mouvement de recueillement, un moment de silence. Au Soldat Inconnu, la France venait exprimer sa reconnaissance.
Moment d'insouciance et pourtant, la France, dans sa joie, se souvenait de ses larmes, car toute douleur ne s'achevait pas au son des cloches. Faut-il qu'elles s'en souviennent ? Oui, dans la joie perçait encore la peine. Et l'histoire ne pourvoit pas de sentiments sans mélange, car dans ce moment chacun savait que tout était à reconstruire, et d'abord la nation : des centaines de milliers de morts, militaires, civils, déportés, plus d'un million de prisonniers de guerre, 400 000 immeubles détruits, les Français sans logement, sans école, sans transport, sans nourriture. Sur nos côtes, l'océan charrié des mines, dans nos villes, s'accumulaient les gravats, les rayonnages vides, les cheminées sans feu, les semelles de bois et les bons de rationnement. Et ces quais des gares de France qui voyaient revenir les rescapés des camps de concentration, des silhouettes hagardes, fantomatiques, titubantes, venues d'Auschwitz, de Buchenwald ou de Mauthausen, de tous les lieux où l'antisémitisme, la haine, avaient industrialisé l'enfer, et tant d'autres, tant d'autres, qu'elles ne voyaient pas revenir.
Tant de mères qui attendaient sur le quai de gare, les yeux usés, que surgisse le visage de la photo qu'elles tenaient serrée contre elles, et parfois, elles attendraient éternellement, et parfois, il n'y avait plus personne, même pour attendre. Car oui, certaines familles payèrent notre liberté d'un point de sang sans mesure. Comme les 4 frères Mougeotte, tous morts pour leur pays, tombés un à un, face contre terre, sous les balles allemandes, dans leur Maquis des Vosges. Comme les 4 frères Amyot d’Inville, tombés bien loin de là où ils étaient nés, tombés pour le sol natal, sous un ciel étranger, et tant d'autres, tant d'autres qui ont mis la vie de la France au-dessus de la leur, le cri de la liberté au-dessus de la voix de la peur.
Non, toute souffrance ne s'achevait pas le 8 mai 1945, mais déjà percée des commencements. Les conférences de Yalta, San Francisco, Potsdam, les accords de Paris redessinaient le monde. Déjà s'annonçait l'Organisation des Nations Unies, déjà s'esquissait la Déclaration universelle des droits de l'homme signée à Paris en octobre 1948. Des peuples colonisés accédaient à la liberté, affirmant le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes, mais là aussi, en mai 1945, des violences et des massacres venaient préfigurer l'histoire, Sétif, Béjaïa, la région de Kherrata, Guelma, en Algérie, en Syrie aussi. Des peuples qui se détestaient s'asseyaient côte à côte à la table des nations, soudés par des traités et par-dessus le Rhin, au prix d'un long chemin, se préparait la réconciliation franco-allemande, socle de notre Europe à venir, pour qu'il n'y ait plus la France contre l'Allemagne, pour qu'il y ait la France et l'Allemagne unies dans l'Europe des Lumières contre les ennemis des Lumières.
Alors oui, les enfants de 45, qui ont hissé sur les épaules, allaient voir sur leur continent se dresser, puis tomber un rideau de fer, allaient bâtir la fraternité européenne, prendre part à ce qui leur semblait une marche vers la paix perpétuelle. Oui, après ce 8 mai, il y aurait d'autres 9 mai. Et puis, tout à coup, cette paix qu'on pensait perpétuelle, cette prospérité, cette démocratie sur notre continent. Et enfin, ces dernières années, voir réapparaître le spectre de la guerre, ressurgir les impérialismes et les comportements totalitaires, et voir bafouer à nouveau le droit des nations.
Péguy écrivait dans ses batailles : « les soirs de victoire, on s'imagine qu'il n'y aura plus jamais, jamais, jamais de défaite. Et les soirs de défaite, on s'imagine qu'il n'y aura plus jamais, jamais, jamais de victoire. Mais quand on est un vieux soldat, on sait ce qu'il en est. J'ai tant vu de défaites qui arrivaient après des victoires, et j'ai tant vu aussi tant de victoires qui arrivaient après des défaites, que je ne crois plus jamais que c'est fini. » Ce n'est pas fini. Et nous n'aurons jamais fini de nous battre pour la victoire. Et nous n'aurons jamais fini de défendre la paix. Nous n'aurons jamais fini. Et si certains le pensaient, ces dernières années en Europe et dans le monde nous l'ont rappelé. Nous n'aurons jamais fini d'affirmer la place de notre pays, des idéaux qu'il porte, de défendre notre indépendance, notre liberté et une Europe plus forte, alors oui, il y aura la France encore, encore et pour toujours, et avec elle l'Europe, notre Europe et notre paix.
Vive le 8 mai ! Vive la République ! Et vive la France !