
Le Président Emmanuel Macron s'est rendu à Madagascar dans le cadre de la tournée dans l’océan Indien, les 23 et 24 avril 2025.
Le Chef de l'État s'est entretenu avec le Président malgache Andry Rajoelina après son accueil à Antananarivo.
Revoir la déclaration conjointe :
23 avril 2025 - Seul le prononcé fait foi
Visite officielle à Madagascar - Déclarations à la presse du président Emmanuel Macron et du Président Andry Rajoelina.
Emmanuel MACRON
Merci beaucoup, Monsieur le Président. Merci pour l'honneur que vous nous faites de cette invitation à Madagascar, en visite d'État. Je tiens ici, au nom de ma délégation et moi-même, à remercier le Président Andry RAJOELINA.
Je suis sincèrement heureux d'être ici aujourd'hui sur les hauts plateaux de l'île, à Antananarivo et de pouvoir avoir ces temps d'échange avec vous, comme toujours, vous l'avez dit, avec respect et volonté d'agir ensemble. Et c'est une occasion unique de continuer à consolider et même transformer la relation bilatérale et dans le même temps aussi d'œuvrer pour l'océan Indien. Et je me réjouis tout à l'heure de retrouver nos homologues de la région, notre famille de l'océan Indien, et honoré d'être accompagné par les dirigeants régionaux et départementaux de nos territoires dans la région qui sont La Réunion et Mayotte.
Lors de nos échanges aujourd'hui avec le Président RAJOELINA, nous avons pu une fois de plus en effet, constater que nos deux pays sont unis par un lien fort, riche et dense. Vous l'avez rappelé. Et ce lien est enraciné dans une histoire et aussi tourné vers l'avenir avec des liens linguistiques, vous venez de mentionner la francophonie, culturels et humains inédits. La France, en effet, compte la plus importante diaspora malgache au monde, avec environ 150 000 personnes, et Madagascar accueille l'une de nos plus grandes communautés en Afrique, avec bien plus des 20 000 personnes enregistrées, et j'en retrouverai tout à l'heure une partie en fin de journée. Madagascar est aussi le réseau d'écoles et d'alliances françaises le plus dense en Afrique subsaharienne, et je me félicite qu'un nouveau bâtiment de l'Alliance française à Antananarivo soit inauguré demain en marge de cette visite. C'est le témoignage éloquent de la vitalité de la francophonie à Madagascar et aussi notre volonté d'accompagner cette ambition que vous portez.
Ces liens ont été parfois, nous le savons, forgés dans la douleur et nous avons engagé un travail mémoriel de fond pour apaiser les mémoires. La restitution des trois crânes sakalava dans quelques mois aura, je le sais, un sens profond. Madagascar devient ainsi le premier pays où sera mise en œuvre notre loi sur la restitution des restes humains de décembre 2023. Et je suis également à cet égard très honoré de visiter demain le musée du Rova, où se trouve le dé de la Reine qui a été remis par la France en 2020. Cet agenda des restitutions, nous le poursuivrons et il est jumeau de la coopération muséale renforcée que nous voulons entre nos deux pays. Pour autant, les brûlures du passé ne consumeront en rien les liens qui nous unissent, et la France demeure l'un des principaux partenaires économiques de Madagascar, à travers des échanges bilatéraux qui, ces trois dernières années, ont dépassé le milliard d'euros par an, et j'en suis très fier. Plus de 55 filiales d'entreprises françaises sont présentes et emploient plusieurs dizaines de milliers de Malgaches. Elles investissent dans l'énergie, l'agro-industrie, le textile, les télécommunications, la distribution, les infrastructures de transport, les services financiers.
Et avec monsieur le Président, nous souhaitons aller plus loin. C'est pourquoi nous participerons tout à l'heure à un forum économique et plusieurs accords ont été en effet signés aujourd'hui pour favoriser l'accès à l'énergie et à l'eau à travers des projets structurants de grande envergure qui correspondent aussi aux besoins croissants du pays. Et je pense notamment au barrage hydroélectrique de Volobe avec l'implication d'EDF, vous l'avez rappelé. L'Agence française de développement porte aujourd'hui 600 millions d'euros de projets à Madagascar et nous engageons à poursuivre nos investissements solidaires sur un rythme encore plus important. Lors de notre entretien avec Monsieur le Président, nous avons évoqué aussi des pistes nouvelles de partenariats et nous souhaitons en effet consolider nos relations stratégiques autour des axes que nous avons demandés à nos ministres et à nos services de travailler : l'énergie avec le projet hydroélectrique, mais également les projets d'éolien et de solaire, le train et la voie ferroviaire, au-delà de ce qui a déjà été fait par plusieurs entreprises françaises en termes de connectivité et de transport dans la capitale. C'est la volonté, en effet, d'améliorer les connexions au sein du pays. Vous avez rappelé cette histoire plus que séculaires entre nous sur ce sujet : dotation de matériel, financement, compétences. C'est participer à la transformation agricole dans le domaine du maïs, du blé, des engrais comme du riz. C'est la formation des médecins et de l'ensemble des professions de santé et des professions paramédicales. C'est la coopération universitaire renforcée à travers plusieurs projets de partenariat et un projet de construction d'universités de référence à Madagascar. Ce sont les projets que nous poursuivons sur les milieux stratégiques, matériaux critiques et le développement de filières et de productions sur votre sol et ce sont aussi plusieurs autres projets d'infrastructures civiles que nous avons pu évoquer.
Vous le voyez, l'ambition est grande qui, sur la base des accords déjà historiques que nous avons signés aujourd'hui, nous permettra d'aller plus loin encore. Notre partenariat, c'est aussi de répondre aux grands défis de notre temps qui ne connaissent pas de frontières, et en particulier sont ces défis régionaux, qui lient tout particulièrement la France à travers La Réunion et Mayotte avec Madagascar. Nous y répondons ensemble avec tous nos acteurs réunis : l'Agence française de développement, nos organisations scientifiques comme l'IRD, le CIRAD, l'Institut Pasteur ou d'autres associations tournées vers la jeunesse comme France Volontaires, Expertise France ou nombre de nos ONG. Parmi ces grands défis, la réponse aux crises avec une coopération exemplaire en matière de sécurité intérieure, de défense ou de protection civile. Je pense en particulier aux crises climatiques, et je veux saisir cette opportunité pour remercier Madagascar d'avoir fourni à la France un appui après les ravages des cyclones Chido et Garance.
Notre ministre d'État, qui s'est rendu à chaque fois sur place dans les jours qui ont suivi, a pu constater l'extraordinaire coopération de votre pays. Notre coopération de défense aussi, ce sont 150 stagiaires malgaches envoyés en formation en France ou dans les Écoles nationales à vocation régionale que nous soutenons en Afrique. Ce sont aussi des exercices interarmées comme l'exercice naval qui se tient en ce moment même à Majunga avec 1 200 militaires et qui implique tous les pays de la COI avec l'appui de nos forces à La Réunion et au total, plus de 500 militaires français. Au-delà des FAZSOI, nous avons en effet délégué frégates, A400M et donc des moyens militaires supplémentaires. Ce partenariat régional, c'est aussi la santé, la lutte contre le chikungunya qui touche aujourd'hui La Réunion, le VIH, le paludisme, la tuberculose, la vaccination, la lutte pour l'éradication de la poliomyélite. C'est encore la préservation de la biodiversité unique de l'île et de toute la région et la valorisation du patrimoine naturel de Madagascar. Le soutien de la France à la Fondation pour les Aires Protégées et la Biodiversité à Madagascar, premier fonds fiduciaire africain pour la nature, qui finance le fonctionnement de nombreuses aires protégées du pays, marque cet engagement sur le long terme. Et à ce titre, Monsieur le Président a rappelé que sur le sujet des îles éparses, nous avons décidé de tenir une réunion de la Commission mixte franco-malgache pour ouvrir des perspectives communes de développement et de coopération le 30 juin prochain à Paris. Et je veux dire que depuis 2019, nous gérons avec pragmatisme ce sujet. Enfin, c'est également notre volonté au niveau régional de travailler à la sécurité alimentaire, thème que vous avez, à juste titre, souhaité placer au cœur de ce Sommet de la COI et qui va nourrir nombre de coopérations dans toute la région. Enfin, parmi ces défis communs, figure bien sûr la préservation de l'océan. Et au-delà de ce que j'évoquais, je remercie aussi les hautes autorités malgaches de s'être engagées à nos côtés sur le traité sur la haute mer des BBNJ avant le Sommet de Nice sur les océans, auquel j'espère participera le Président. Et c'est aussi un sujet commun, et je sais votre engagement en la matière, pour lutter contre la pêche illicite, illégale, et pour faire de la haute mer une zone de droit.
Enfin, notre partenariat s'adresse à la jeunesse civile, malgache et à la jeunesse plus largement. C'est pourquoi nous allons participer dans un instant à un programme des Young Leaders de la French African Foundation, dont nous sommes pour la génération de cette année, en 2025, les co-parrains. C'est une nouvelle génération qui s'élance, cette année encore, un jumelage fructueux, vecteur d'innovation. Et je suis très heureux de savoir aussi que la Fondation pour l'Innovation et la Démocratie a choisi Madagascar pour ouvrir son laboratoire Océan Indien, inaugurée le mois dernier en présence du professeur Achille MBEMBE, ce qui montre toute la vitalité de notre relation et la vitalité aussi de notre volonté d'un dialogue constant avec la jeunesse du continent. Comment enfin ne pas mentionner la forte mobilisation de nos collectivités territoriales qui s'investissent aux côtés de leurs homologues malgaches depuis des décennies ? Ensemble, nous avons acté l'organisation des Assises de la coopération décentralisée à Antananarivo en septembre prochain, ce qui permettra à un nombre de collectivités territoriales françaises, qui nouent des partenariats depuis des décennies avec plusieurs de vos communes, districts et avec votre pays, d'être là et de renforcer ce lien. Voilà l'étendue de notre action commune. Voilà aussi les pages nouvelles que nous voulons ouvrir. Et au-delà de l'excellente discussion que nous avons eue aujourd'hui, les accords signés, des échanges économiques et avec la société civile que nous aurons, la feuille de route sur la base des propositions faites par le Président RAJOELINA est une étape nouvelle au service de nos intérêts communs, au service de votre peuple. Et je veux vous remercier, monsieur le Président, et remercier votre peuple dont j'ai senti ce matin l'accueil très chaleureux tout au long de la route et vous redire la joie qui est celle de mon épouse, de l'ensemble de ma délégation et de moi-même d'être parmi vous aujourd'hui.
Je vous remercie infiniment. Misaotra. Merci.
Revoir l'entretien :
23 avril 2025 - Seul le prononcé fait foi
Entretien avec le Président Andry Rajoelina - Propos introductifs du Président de la République.
Emmanuel MACRON
Merci Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs les ministres, merci d’abord de l’amitié et de l’honneur que vous nous faites de nous recevoir avec nos délégations dans le cadre de cette visite d’État telle que vous l’avez décidé. Je tenais avant toute chose à réitérer ici, les condoléances de la France après le décès de votre ambassadeur à Paris. Veuillez transmettre à sa famille, mais aussi à toute la Nation, les condoléances de notre pays.
Monsieur le Président, nous avons, lors de cette visite d'État, plusieurs accords importants qui seront signés et qui scandent déjà l'agenda que vous avez ici décrit et qui est l'engagement de la France pour le développement économique, éducatif et de l'ensemble de la population. Et qu'il s'agisse de la présence de nos grandes entreprises et de nos entrepreneurs aux côtés des interlocuteurs malgaches, du GEM et du forum d'affaires que nous irons conclure, en matière d'énergie, de numérique, d'infrastructures, de connectivité, de tourisme, plusieurs projets seront finalisés.
Je me réjouis, pour ma part, du lancement des travaux à venir du projet du barrage hydroélectrique à Volobe, avec un investissement important d'EDF, un accompagnement par le groupe AFD, et en particulier Proparco, et un prêt du Trésor accordé pour soutenir ce projet. Nous avons aussi beaucoup avancé dans les documents structurants qui vont intégrer la feuille de route, je vais y revenir, que vous avez présentée. Et nous avons également, dans la connectivité, on évoquait le groupe POMA, dans la gestion des grandes infrastructures, des projets qui sont déjà structurants, en même temps que l'AFD continue de vous accompagner avec le ministère des Affaires étrangères en matière de développement agricole, comme d'éducation. C'est aussi l'occasion, et je vous en remercie et vous en félicite, de tenir ce sommet de la COI dans le cadre duquel nous souhaitons accroître nos coopérations. Et la France est un contributeur important de la COI, et à travers en particulier les projets pour la sécurité alimentaire, nous souhaitons en quelque sorte faire levier sur la coopération régionale pour faire encore davantage en matière de coopération bilatérale.
Nous allons signer des accords aussi importants en termes de sécurisation de vos apports en blé. Et nous comptons aussi être des partenaires de votre développement agricole, comme vous venez de le présenter. Et puis, avant de revenir sur les projets structurants et la feuille de route que vous avez présentée, Président, redire ici qu'il y a deux sujets dont nous sommes, en effet, fiers et qui ont consolidé la relation ces dernières années. Le premier, ce sont les enjeux patrimoniaux et mémoriels. Et merci de vos mots. Je serai très heureux de la visite au Palais du Rova demain matin et au cœur de votre histoire. Et après, en effet, la restitution de l'ornement de la reine Ranavalona, de pouvoir organiser avec vous les bonnes conditions pour la restitution des crânes de Sakalava, d'ores et déjà décidée et actée. Mais votre pays est au cœur de notre stratégie de restitution, comme vous le savez, et je crois que c'est à la mesure de notre histoire. Et puis l'autre point, c'est de vous dire combien nous voulons être des partenaires aussi fiables et constants en termes de sécurité et de défense, pour vous aider à lutter contre la pêche illicite et illégale, pour vous aider à sécuriser, face aux prédations et provocations géopolitiques. Et à ce titre, la tenue de l'exercice Tulipe en cours sur le territoire malgache, regroupe l'ensemble des forces de la région. Et ce sont 500 militaires français qui ont été déployés dans ce cadre, ce qui est, à mes yeux, un point important.
Le Président a en effet proposé plusieurs axes structurants et je veux dire ici que nous sommes en parfaite harmonie, et donc l'un et l'autre nous soutenons cette volonté d'aller plus loin sur ces grands projets. Le Président a présenté 5 projets. Le projet hydroélectrique, qui vient donc compléter ceux sur lesquels nous sommes déjà engagés Antetezambato, et donc avec la possibilité d'un accompagnement financier. Trains et voies ferroviaires avec, là aussi, accompagnement financier, mais aussi des capacités de matériel, du soutien technique. La transformation agricole avec, au-delà de ce qu'on a décidé aujourd'hui, les dotations en semences de maïs, de blé, la mise en place d'usines d'engrais et des coopérations sur le riz. La formation, largement et merci de cet engagement pour la francophonie à laquelle nous tenons, et donc nous souhaitons être des partenaires, en effet, à cet égard, et la formation en matière de santé est un axe stratégique. Et puis le partenariat avec des grandes universités françaises et l'avancée vers une université de référence à Madagascar. Ces 5 points stratégiques, nous les avons validés.
Nous souhaitons aussi que ce qui a été préparé par nos ministres en matière de minerais critiques et de terres rares puisse abonder cette feuille de route. Et donc que sur ces projets structurants, et je rajoute ce thème à dessein parce que nous avons la conviction que nous pouvons avoir un partenariat en matière de terres rares, de minerais stratégiques, et nous pouvons développer des filières pour les valoriser. En prenant l'exemple du photovoltaïque, vous avez toutes les composantes premières pour développer une telle filière et nous souhaitons être des partenaires d'une valorisation sur celle-ci. Et donc ces 6 axes, nous souhaitons que les ministres maintenant et l'ensemble de nos administrations puissent les faire avancer avec des rendez-vous réguliers pour qu'à l'été, nous puissions finaliser une feuille de route, un partenariat stratégique commun qui vienne à décliner l'ensemble de ces priorités et les financements qui les accompagnent. Nous souhaitons aussi être des partenaires de confiance avec le FMI, la Banque mondiale et tous les bailleurs actuels de votre pays pour pouvoir optimiser au mieux les financements actuels et aider à décliner derrière ces grands projets qui ont un impact concret pour la population, notre partenariat bilatéral. Président, je salue ici votre volonté de faire de ce partenariat un ensemble de projets qui a un impact concret sur la vie de vos compatriotes. Et c'est l'idée que nous nous faisons de la coopération entre la France et Madagascar.
À ce titre, laissez-moi vous dire, pour conclure, la fierté qui est la nôtre, au-delà des ministres qui m'accompagnent, d'avoir aussi, dans le cadre de la COI, les exécutifs de nos territoires de la région. La présidente de la région et le président du département de La Réunion et le président de Mayotte sont à nos côtés avec le vice-président du Parlement européen et ils vont pouvoir aussi porter la voix de ces territoires français éminemment intégrés dans l'espace qui est le vôtre et voulant aussi davantage travailler avec votre pays et avec toute la sous-région.
Merci beaucoup, Monsieur le Président. Mesdames, Messieurs les ministres, je crois que nous avons une convergence de vues qui, maintenant, implique d'être au rendez-vous des résultats.
Six accords de coopération ont été signés entre les membres de la délégation française et les ministres malgaches, couvrant des domaines tels que l’énergie hydroélectrique, l’éducation, l’agriculture, les échanges internationaux et un partenariat stratégique pour des investissements durables.
La coopération économique entre Madagascar et la France se trouve renforcée, particulièrement dans le domaine de l’énergie avec l’appui d’EDF à la réalisation du barrage de Volobe. Ce projet de centrale hydroélectrique de 120 MW au bord du fleuve Ivondro, permettra l'accès à l'électricité de 2 millions de Malgaches.
L’après-midi, le Président Emmanuel Macron a rencontré et échangé avec de jeunes entrepreneurs du monde francophone dans le cadre du programme Young Leaders. Cette édition 2025, coparrainée par la France et Madagascar, vise à accompagner les jeunes talents de France et d’Afrique dans différents secteurs.
Revoir les échanges :
23 avril 2025 - Seul le prononcé fait foi
Echanges entre le Président de la République et des jeunes malgaches.
Emmanuel MACRON
Merci, Monsieur le Président, d'abord de votre invitation et de cet accueil pour cette visite d'État. On est très heureux avec toute la délégation et je suis très heureux, aux côtés du Président, de vous retrouver. Puisque le jour de l'Africa Day, on avait, à l'Élysée, reçu la French-African Foundation, elle est très fière qu'avec le Président, nous puissions coparrainer cette nouvelle promotion.
Donc, on est très fiers de vous. Je vous le dis en toute sincérité. Je fais une minute de publicité. Le projet dont vient de parler le Président, c'est l'entreprise POMA qui l'assure et c'est un super projet. Donc on va aller au bout de la ligne 1 et on veut en pousser d'autres.
Alors maintenant, je voulais peut-être, en complément de ce qu'a dit le Président, revenir sur votre point sur l'agriculture, parce que le Président, à juste titre, a mis au cœur de notre Sommet de demain, justement de la communauté de l'océan Indien, la sécurité alimentaire. Et c'est vrai que quand on regarde la situation, elle est très contrastée, parce qu'il y a un potentiel agricole dans toute la région qui est absolument formidable, qui n'est pas totalement exploité. Il y a en même temps des défis climatiques qui font que les épisodes de sécheresse sont de plus en plus nombreux. Les cyclones, et nous les avons connus, et Mayotte et La Réunion pour nos territoires français, et Chido et Garance ont connu des moments absolument terribles pour nos territoires et nos agricultures, et donc on doit, aller vers l'autonomie alimentaire de la région, et on doit aller vers une agriculture plus résiliente. Et pour ce faire, on a besoin de plus de coopération.
La France est présente dans cette région à travers deux territoires très contrastés. Mayotte n'est pas en autonomie alimentaire, et en fait, si on veut que la vie soit moins chère, il faut développer l'agriculture mahoraise, mais il faut aussi beaucoup plus coopérer avec le reste de la sous-région. Ce qu'on a fait au moment de Chido, on a pris les décisions d'un seul coup de suspendre les règles et je veux vous remercier parce que vous nous avez beaucoup aidés, comme tous les pays de la région, et ce faisant, on a pu consommer du zébu de Madagascar à Mayotte, on a pu avoir du riz des Comores ou d'ici.
Ensuite, on a La Réunion, un territoire qui, lui, est allé vers beaucoup plus d'autonomie alimentaire. Si je prends les fruits et légumes, ils consomment 70 % de ce qu'ils produisent. Mais on veut encore faire davantage, mais on veut, là aussi, quand on ne produit pas, développer de l'apport qui vient de la sous-région, parce que ça correspond au goût, c'est beaucoup moins cher, et puis ça nous permet aussi d'avoir des coopérations régionales. Et donc, ce qu'on veut vraiment travailler, c'est la consolidation d'une agriculture dans l'océan Indien qui soit beaucoup plus productive et beaucoup plus résiliente.
Pour ça, qu'est-ce qu'on veut faire ?
1), continuer les projets entre nos territoires et les pays de la région, et c'est pour ça qu'on a amené avec nous l'Agence française de développement, mais aussi nos organismes de recherche : l'IRD, le CIRAD, l'Institut Pasteur, etc., pour aller vers des programmes qui améliorent les pratiques, qui préservent mieux les sols et qui permettent aussi d'améliorer les rendements. Et dans les axes qu'on a définis pour la feuille de route à venir du Président, il y a un axe agricole où, vraiment, on veut améliorer la productivité sur le riz, le maïs, le blé, mais aussi les filières élevage.
2), on veut travailler à une zone commune, et donc on veut convaincre aussi les Européens, filière par filière, pour avoir, en quelque sorte, des normes partagées et, au fond, aller vers un marché beaucoup plus intégré.
3), on veut aider à former. A Mayotte et à La Réunion, on est en train de former de plus en plus de jeunes dans les métiers agricoles. On veut aussi être des partenaires ici pour former sur ces métiers techniques agricoles la jeunesse malagasy. Parce qu'il y a un potentiel extraordinaire. Il y a milliers d'hectares qui ne sont pas exploités aujourd'hui sur le territoire et qui vont permettre d'aller améliorer la résilience, l'autonomie alimentaire. Mais il faut pour ça former des jeunes, parce qu'aujourd'hui, vous avez une agriculture mais on peut encore aller beaucoup plus loin. Mais si on veut la faire gagner en productivité, il faut des meilleures pratiques et une formation.
Et puis enfin, il faut du capital pour ce faire, et l'intégration régionale permet aussi de faire cela. Et donc, c'est dans cette coopération qu'on veut bâtir notre feuille une route, qui est toujours, comme on la pense ensemble, très respectueuse, très pragmatique, mais où on veut faire avancer vraiment le modèle agricole. Ce doit être un modèle agricole, vous le voyez, qui est plus productif, qui sort de l'informel, qui en même temps repose sur l'innovation, comme vous l'avez dit vous-même, parce que c'est comme ça qu'on aura de la résilience, qu'on aura des espèces qui résistent mieux, parfois, à certains épisodes climatiques, aussi à certaines mutations, à certaines attaques, on le sait, qui peuvent exister, sur le végétal. Et donc c'est pour ça aussi qu'elle repose sur une vraie coopération scientifique et de formation.
Voilà un peu l'esprit de notre coopération. Elle est régionale, elle passe par l'innovation, elle passe par la formation. Et moi, je vois un très grand avenir pour toutes ces filières ici. Et elle repose aussi sur une histoire. On en a parlé avec le Président tout à l'heure. La vanille, qui est une très grande force de votre territoire, qui fait de vous l'un des grands exportateurs, c'est une histoire franco-malgache. Je parle de vanille, j'ose à peine, devant les élus réunionnais et mahorais, parce qu'ils vont me rappeler que ça vient de chez eux, à juste titre. Et le Président le reconnaît lui-même. Mais ça fait partie de la créolisation de nos pratiques. Ils en ont fait aussi un trésor ici, et donc cette histoire, elle vient de très loin entre nous.
Et sur les tables françaises, je peux vous dire qu'on a envie de trouver l'excellence des produits de Madagascar. Et c'est aussi pour ça que derrière ça, il y a la gastronomie et c'est toute une filière. Il y a les métiers de la table, il y a la gastronomie. Le chef Gomez est là, il a monté ici une école, en lien avec le Père Pedro. Il y a tout un écosystème avec un potentiel d'avenir formidable. Vous pouvez vraiment, pour les plus jeunes, vous lancer dans l'entrepreneuriat, mais aussi convaincre des jeunes de rentrer dans ces métiers.
Question :
Comment est-ce qu’on arrive à accéder à vos fonctions aussi jeunes ? Et comment on garde avec le temps, cette fraicheur et ce lien avec les aspirations de la jeunesse qui font la force des jeunes leaders ?
Emmanuel MACRON
Merci beaucoup et bravo d'entreprendre comme vous le faites et de porter un projet à l'échelle du continent. C'est vraiment ce à quoi on croit très profondément. Et je trouve aussi que votre média fait partie de ces initiatives qui portent aussi un imaginaire extrêmement positif pour le continent. Et là où il y a parfois beaucoup de propagande, de passé mal remâché, si je puis dire, l'idée de se dire ce continent, qui est avant tout un continent de jeunesse, regarde devant, est une chance. Donc moi aussi, je veux vous encourager dans ce sens.
Le Président a dit beaucoup de choses. D'abord, il faut toujours avoir beaucoup d'humilité quand on parle de là où nous sommes. Je voudrais d'abord dire aux plus jeunes qui se posent cette question, rassurez-vous, la jeunesse est un état très transitoire et ça passe assez vite. Donc, si vous pensez que c'est un problème ou si des gens vous disent que c'est un problème d'être jeune, ça se règle assez naturellement. La deuxième chose, je pense que ce qui permet de mener des combats, c'est d'être porté par quelque chose qui est plus grand que soi. Et donc, avec les différences qui vont être nos histoires, nos pays, je crois que quand on s'engage, et ça, c'est vrai, je crois de toutes les femmes et les hommes qui s'engagent dans des aventures collectives, qu'elles soient d'ailleurs politiques ou associatives, c'est d'être porté par quelque chose de plus grand. Et moi, je voudrais vraiment dire à la jeunesse qui est ici, on vit dans un monde où l'individualisme est quand même roi et où je trouve que très souvent, l'engagement politique est décrié, à tort, parce qu'il faut des femmes et des hommes pour s'occuper de la vie de la cité. C'est même la chose la plus importante. C'est noble. Et donc, engagez-vous. Parce que c'est un supplément d'âme qu'on ne retrouve nulle part ailleurs. Et je crois qu'on arrive à faire des grandes choses quand on est porté par celle-ci, par un enthousiasme qui, au sens propre du terme, étymologique du terme, consiste à avoir un petit Dieu en soi qui nous pousse un peu plus loin, un peu plus haut. Et donc ayez cet enthousiasme qui va avec l'engagement public. Et je crois que ce qui nous a permis d'accéder aux fonctions qui sont les nôtres, c'est qu'on était porté, que nous sommes toujours portés par un enthousiasme et la conviction, l'attachement, en effet, à la patrie, au pays, qui est plus grand que nous-mêmes. Et ça, c'est fondamental que ça ne vous quitte jamais. Après, il faut prendre son risque. Et parfois, on réussit, parfois, on perd. Et c'est un autre message que je voudrais avoir pour la jeunesse qui est là.
Le succès est marginal dans l'aventure. Je veux dire par là que beaucoup d'entrepreneurs, de responsables politiques, de responsables, d'ailleurs, de tous ordres, ce sont des femmes et des hommes qui ont beaucoup tenté et beaucoup échoué. Mais ils se sont relevés une fois de plus qu'ils n'ont connu l'échec et c'est ça le plus important. La pire des choses, ce serait de ne pas tenter. Et donc, notre message, c'est un message d'audace. Prenez votre risque.
Ce qui va avec le risque, c'est la possibilité d'échouer. Mais apprenez de ces échecs pour rebondir. Parce que c'est ça qui vous apporte à vous et à ceux qui sont autour de vous. Et je ne connais aucune grande aventure qui ne repose pas sur des erreurs multiples, simplement ces erreurs à un moment sont corrigées. Les seuls défauts terribles, c'est de renoncer ou c'est de ne pas apprendre de ses échecs. Je crois que c'est ça qui nous permet après d'avancer.
Et puis, la dernière chose, c'est l'intranquillité. Je disais, on est de moins en moins jeunes quand même, même si le Président n'arrête pas de dire qu'il est toujours jeune, je m'inscris dans son sillon. Mais ça fait huit ans que j'occupe ces fonctions, il n'y a pas un jour où je ne me réveille en continuant de croire aussi fort aux idées que je porte et à être toujours aussi insatisfait et convaincu qu'il y a encore des montagnes de choses à accomplir. Et en vérité, on ne fait sans doute pas ce que nous sommes en train de faire. Et c'est peut-être le moment où on arrête d'être jeune quand on est trop content de soi, qu'on devient tranquille. Et donc, soyez très longtemps intranquille. C'est une bonne recette pour continuer d'agir. Voilà.
Question :
Merci, Monsieur le Président, pour vos réponses. Du coup, comment vous restez connecté à la jeunesse ?
Emmanuel MACRON
D'abord, ça fait partie de cette intranquillité. Si on n'est pas connecté, elle nous le rappelle. Ensuite, il y a des choses qui émergent de la jeunesse, des sentiments, on le voit très clairement. Par exemple, la question climatique dans nos sociétés a été très portée par la jeunesse. La question de la santé mentale aujourd'hui émerge beaucoup de la jeunesse. Il y a une capacité d'indignation qui, quand on s'occupe de la chose publique, fait qu'on ne peut à aucun moment s'en écarter. Et donc les réseaux sociaux servent à ça, évidemment. Le contact direct, comme ce qu'on fait là aujourd'hui, la capacité à échanger avec des jeunes qui sont engagés, soit dans l'action publique, les ONG, le militantisme ou l'université. Mais je crois, en écoutant les indignations de la société et du temps que nous vivons, sur le continent africain comme sur le continent européen, c'est le meilleur moyen de continuer d'être connecté.
Question :
Quel est le rôle du secteur privé dans votre carrière ? Et quel rôle du secteur privé dans le développement économique ?
Emmanuel MACRON
Oui. Tout ce qu'a dit le Président à l'instant, ce que ça apporte, le secteur privé, c'est une culture du collectif, un sens des résultats et de l'exécution. Et je crois d'ailleurs que c'est assez voisin des défis qu'a aujourd'hui la question politique dans notre société, qui a un besoin d'efficacité, de résultats tangibles. Quand j'ai dit ça, je pense que le secteur privé a une contribution énorme au développement du Continent Africain et à nos partenariats. D'abord, on investit beaucoup et on a beaucoup réinvesti ces dernières années dans le cadre de ce qu'on appelle l'investissement solidaire, le rôle de l'AFD, nos coopérations. Mais malgré ce réinvestissement, la première solidarité qui existe entre la France par ses diasporas, et le continent, ce sont les financements privés et ce sont les solidarités de ces diasporas qui est une richesse extraordinaire, et c'est vrai encore plus de beaucoup d'autres pays en Europe. Et donc il y a les financements publics, mais il y a aussi tous les financements privés qui vont derrière.
Néanmoins, ce n'est pas suffisant, et le défi du continent africain, c'est essentiellement un défi formations et capitaux, si on résume les choses. C'est-à-dire que c'est un trésor démographique, avec une dynamique extraordinaire, des marchés en pleine expansion. Mais tout le défi de chaque pays, et c'est exactement le défi du président aujourd'hui, c'est d'être sûr que ces 700 000 jeunes qui arrivent chaque année sur le marché du travail, ils aient des perspectives, et donc qu'ils aient la formation qui corresponde aux métiers possibles. On en a parlé pour les métiers agricoles, c'est vrai pour le textile, c'est vrai pour votre volonté d'industrialiser, de développer le secteur marchand, etc., et qu'il y ait des capitaux pour y venir. Et ça, c'est notre double problème. Et donc le secteur privé a un rôle très important, 1) pour aider à structurer des filières et recruter des jeunes. Et nous, notre travail, c'est d'aider à consolider des formations professionnelles et universitaires qui vont avec ces besoins. C'est une des priorités qu'on a mises dans nos axes. Et c'est pour ça qu'à côté d’agriculture, santé, écologie, énergie, on a l'axe éducation qui est clé, formation des talents. Le deuxième élément, c'est d'être sûr qu'il y a une circulation des capitaux privés pour aider à faire décoller les économies et à pousser ces projets. Et là, la clé, c'est de développer. C'est ce qu'on avait fait il y a 3 ans, l'ambassadeur LE ROY était là avec nous, qui avait beaucoup aidé à ce travail pour le financement des économies africaines. On l'avait fait en plein Covid en 2021, puis on l'a poursuivi avec notre Pacte pour la prospérité des peuples et de la planète, le 4P.
C'est au fond de se dire, le défi qu'a l'Afrique, ça correspond un peu à ce que vous disiez, c'est un défi d'appréciation du risque. Il y a des potentiels de marché, à chaque fois que des pays s'en sortiront, il y a des classes moyennes qui vont se constituer. Simplement, l'économie mondiale est averse à investir au bon niveau dans ces économies. Pourquoi ? Parce qu'on a un rapport au risque qui s'est déformé. Regardez l'évolution, par exemple, de nos régulations bancaires et assurantielles. Au moment où, moi, je dis : on réinvestit sur l'Afrique, on y va à fond, tous les réseaux européens s'en vont de l'Afrique. Parce qu'ils disent, pardon de cet anglicisme, j’ai ma compliance. Et du coup, ce sont d'autres qui rachètent. On a de la chance d'avoir des réseaux comme le vôtre, on a des grands réseaux bancaires marocains qui le font. Ils ont raison. Mais parce que le rapport au risque n'est plus le bon. Et donc, c'est, un, de multiplier la mobilisation de l'argent privé, ce qu'on a fait avec les droits de tirage spéciaux du FMI, lancés en 2021, remobilisation du bilan de la Banque mondiale pour aller vers plus de risques et décoller ce qui ne peut pas être pris par la partie privée, parce qu'il faut une base de financement public. Tout de suite derrière ça, avoir des mécanismes de garantie. Et en fait, ce qu'il faut, ce qu'on est en train de développer avec le FMI, avec justement ce qu'a fait l'AFD, qui est Finance in Common, c'est-à-dire ce travail entre le FMI, nos banques de développement, les banques régionales, c'est de dire, en quelque sorte, on essaie de manger une part de risque pour faire venir des acteurs privés. Et c'est de dire, on multiplie l'effet de levier et on fait venir du public privé pour aider des filières à décoller. Ce qu'on s'est dit sur l'agriculture, il faut peut-être pour certaines filières mettre de l'argent public, mais très vite, il faut en marquer de l'argent privé pour que quand on met 10 de public, on ait au total un investissement de 100. Et ça, c'est un des défis qu'on a et que le rapport public-privé doit développer. C'est pour moi une des transformations. C'est ce qu'on a demandé dans le cadre du 4P à la Banque mondiale, améliorer son effet de levier. C'est ce qu'on est en train de faire avec l'AFD.
Dans nos secteurs clés, on a amélioré notre effet de levier grâce à Proparco et aussi à l'ensemble du groupe. Et c'est exactement la stratégie qu'on a en Afrique. Ce qu'on a avec la plateforme Digital Africa, ce qu'on a fait avec Choose Africa, qui était de faire venir des grands investisseurs du monde entier sur des opportunités africaines, et ce qu'on a fait avec un guichet associant Business France, la Banque publique d'investissement et l’AFD, c'est une stratégie pour emmener avec nous le secteur privé, français, mais aussi européen, en Afrique, connecter des secteurs privés africains entre eux et dire à chaque fois qu'on fait de l'investissement solidaire, on déclenche une filière et surtout de l'investissement privé. Et la capacité, en fait, à décloisonner l'approche public-privé est clé. C'est faux de dire qu'on va avoir d'un seul coup un tsunami d'argent privé qui va arriver en Afrique. Pas vrai, parce qu'il y a plus de crises, parce qu'il y a des sujets de gouvernance qui existent encore, parce qu'il y a un climat des affaires qu'on doit améliorer, parce qu'il y a parfois des risques climatiques qui sont là, parce qu'il y a des risques sécuritaires qui sont encore plus importants. Donc c'est normal qu'on ait un investissement public pour consolider chacun de ces points et qu'on ait de l'investissement solidaire. Par contre, dès que c'est parti et que ça se stabilise, il faut très vite enclencher, fertiliser tout cela avec de l'investissement privé. Et développer, c'était le cœur de ce qu'on a avec le Pass Africa et avec toutes nos initiatives, c'est développer, consolider, un entrepreneuriat et des investisseurs privés africains qui pensent à l'échelle du continent, investissent entre eux, et je dirais que vos entrepreneurs sont un merveilleux exemple de cela, eux qui investissent à travers tout l'océan Indien et même au-delà.
Et donc voilà la stratégie qu'on poursuit, et donc vous l'avez compris, c'est une approche complètement intégrée où on mobilise tout le monde, mais où on a besoin en effet d'accélérer ce rapport public-privé, la prise de risque par une partie garantie et l'accélération des grands investissements privés.
Question :
Comment voyez vous le rôle de la culture entre les deux pays ? Et comment on peut davantage soutenir les artistes malgaches dans l’espace francophone ?
Emmanuel MACRON
Merci beaucoup. Écoutez, moi, je crois très profondément à ce qu'on appelle ce sujet de la restitution. En novembre 2017, quand je m'adressais à la jeunesse africaine à Ouagadougou, c’était, il n'y a pas si longtemps, ça paraît une éternité quand on voit ce qui se passe aujourd'hui à Ouaga, j'avais mis la restitution des œuvres d'art au cœur.
Pourquoi ? Parce que c'est absolument anormal qu'une jeunesse, quelle qu'elle soit, pour se reconnecter avec son histoire, il fallait qu'elle aille dans les grands musées parisiens, britanniques ou autres. C'est une aberration de l'histoire. Comment on veut bâtir notre avenir quand on leur dit : « tu es dépossédé de ton passé ». Et donc, on a fait un travail vraiment scientifique, qui a d'abord été nourri par deux très grands scientifiques, Bénédicte SAVOY et Felwine SARR, qui ont fait un travail en 2018, un rapport qui a fait date, et qui a construit une méthodologie. Et cette méthodologie, on l'a appliquée à plusieurs pays, le Bénin, la Côte d'Ivoire, au Sénégal et Madagascar. Et on a passé une série de lois, et en particulier une loi il y a un an et demi, qu'on inaugure d'ailleurs avec les crânes de Sakalava, vous l'avez évoqué, pour Madagascar, qui va permettre ces restitutions. Et au fond, ça dit des choses très simples, notre approche. Quand des objets, des œuvres d'art, ont été volées à un peuple, et donc on regarde les conditions dans lesquelles elles sont arrivées dans le musée, elles doivent être restituées. Et ensuite, tout ça n'est pas simplement un geste qui consiste à dire, reprends ce qui est à toi, je ne veux plus le voir. Parce que cette restitution ne peut pas non plus être une séparation. C'est la construction de quelque chose de neuf.
Deuxième acte, on dit que ça doit passer par une coopération muséale et muséographique, et donc une formation. Et donc derrière, il y a tout un travail pour que ces œuvres, ces objets, qui ont souvent d'ailleurs une dimension culturelle très profonde, puissent être accueillis, conservés dans les meilleures règles. Et donc il y a tout un programme de formation. Ce qu'on a fait, et d'ailleurs sur les craintes, c'est toute l'exigence que vous portez, Président. Et demain, moi, je serai ravi de voir, en effet, le dais de la dernière reine ayant retrouvé son palais, ce qui est très émouvant.
Mais la troisième chose, ça fertilise un imaginaire. C'est-à-dire que ce n'est pas simplement la jeunesse et tout un peuple qui reprend possession de son histoire, des objets, mais ils ont circulé. Et donc, les artistes contemporains se les réapproprient. Et je vais vous raconter une histoire toute simple. Un des moments les plus beaux que j'ai eu à vivre, c'est quand, au palais présidentiel à Cotonou, on a fait revenir une partie des trésors du royaume de Dahomey qui avaient été dérobés par Dodds. Et ils ont repris leur place dans le palais. Et des artistes béninois contemporains avaient, en parallèle, mené un dialogue et fait des œuvres. Et il y a quelques mois, on les a accueillis à Paris, à la conciergerie ; c'est-à-dire dans un des lieux les plus anciens, au cœur de la capitale, du fin fond du Moyen-Âge, on a mis des artistes béninois qui s'étaient réappropriés les œuvres qui avaient été dérobées, qu'on venait de leur restituer. C'est exactement ça, cette circulation des talents et des imaginaires. Et c'est pour ça que ça a une puissance folle de restituer, parce que ce n'est pas restituer, c'est revigorer, c'est réinventer, c'est repermettre de créer pour que ça circule. Et donc c'est pourquoi ce que nous voulons faire avec le président, c'est en effet développer aussi les coopérations artistiques et permettre de simplifier, en particulier dans tout l'espace océan Indien et dans tout le dialogue que nous avons au sein de la COI, on va drastiquement simplifier les voies et moyens de faire circuler nos talents, nos talents réunionnais et mahorais chez tous leurs voisins, les talents malagas et autres en France, avec des visas simplifiés, talent pour les entrepreneurs, mais aussi les créateurs et les intellectuels. Et ça, c'est absolument clé.
Le Président Emmanuel Macron s'est ensuite exprimé devant la communauté française à Madagascar.
Revoir le discours :
23 avril 2025 - Seul le prononcé fait foi
Discours du Président de la République à la communauté française de Madagascar.
Emmanuel MACRON
Monsieur l'ambassadeur, merci de nous accueillir. Messieurs les ministres, Mesdames, Messieurs les parlementaires, Mesdames, Messieurs les élus, Mesdames, Messieurs en vos grades et qualités, chers amis, je suis très heureux d'être parmi vous. Et merci d'être là, et je sais qu'on vous a fait attendre longtemps parce que nous avons passé beaucoup plus de temps que prévu avec le Président. Et donc tout s'est réarrangé, le ministre d'État est en train de me remplacer au forum économique, sinon vous m'auriez attendu jusqu'au bout de la nuit. Donc, je le remercie.
En tout cas, je suis très heureux d'être parmi vous aujourd'hui, vous qui êtes cette communauté française, parfois binationale, si loin, si proche. Et en m'adressant à vous, j'ai conscience que — je le fais après plusieurs de mes prédécesseurs qui, ces dernières années et dernières décennies, ont pu venir — mais avec aussi un très long temps depuis la dernière visite d'État, puisqu'il faut remonter 20 ans en arrière avant de voir la visite d'État du Président Jacques Chirac ici-même sur le plan bilatéral. Et je suis très reconnaissant au Président d'avoir organisé cette invitation, d'avoir sanctuarisé ce moment d'amitié entre nos deux pays et au-delà de la COI de véritablement avoir souhaité que nos deux pays qui ont ce lien si singulier puissent avoir ce temps de visite d'État. Alors, je le disais, cette visite est placée sous le signe d'une coopération renforcée, je dirais d'abord et avant tout grâce à vous, parce que les communautés de part et d'autre sont inédites. La communauté malgache, hors de ses frontières la plus importante au monde, c'est en France. Plus de 150 000. Et vous êtes la communauté, à coup sûr, la plus dynamique et la plus nombreuse dans l'Afrique subsaharienne. 20 000, selon les policiers, beaucoup plus selon les manifestants. Il se peut que les manifestants aient raison dans cette affaire. En tout cas, vous êtes là, et pour certaines et certains d'entre vous, depuis bien longtemps, nourrissant ce lien fraternel, cette amitié qu'il y a et qui est nourrie par notre histoire.
Et puis il y a aussi toute la communauté estudiantine de part et d'autre avec beaucoup d'étudiants qui continuent à alimenter ce lien. Alors avant de vous dire ce que je suis venu faire, et un peu ce que nous avons voulu avec le président dessiner pour l'avenir, je veux vous remercier et vous dire quelques mots de vous.
Je ne pourrai pas être exhaustif, donc je veux d'abord m'excuser peut-être d'en oublier, mais je vais vous dire combien vous comptez pour cette relation bilatérale. Je l'ai encore mesurée tout au long de cette journée. D'abord, commencer par la communauté de nos entrepreneurs. Certains sont encore, je le disais avec notre ministre à l'Orange Digital Center. Cette réalisation formidable est en train de restituer les travaux de nos rencontres économiques entre entrepreneurs malgache et français. Il y a une véritable vitalité. Vous êtes beaucoup à travailler pour parfois ces grands groupes français et de TotalEnergies, La Brède, Meridiam, Poma, Action, EDF, Orange, Casino, Accor, Air France, Canal+. Je vais faire beaucoup de jaloux, mais on a des dizaines de grands groupes qui sont présents et aussi beaucoup d'ETI et de PME depuis tant et tant d'années. Ce qui fait que la présence française évidemment structure la vie du pays dans tant de secteurs, du BTP aux hydrocarbures, aux énergies à la communication, des transports urbains à la logistique, de l'industrie à l'environnement, du consulting aux télécommunications, de la distribution aux services financiers, mais surtout, nous lui avons donné collectivement ces trois dernières années une dynamique inédite. Ça fait trois ans qu'on dépasse le milliard d'euros par an d'échanges d'affaires. Et donc il faut maintenant consolider cette dynamique, aller encore plus vite et plus fort, mais on a atteint une vitalité qui commence à être au niveau de la profondeur de ces relations. C'est évidemment le fruit de votre travail, votre esprit d'initiative, et puis c'est également aussi notre engagement collectif. L'AFD a augmenté son portefeuille d'affaires, et passe maintenant à 600 millions d'euros ici même, et c'est une façon d'aller plus loin.
Alors, je veux ici vous dire le soutien total et constant de la France pour continuer d'accompagner le développement économique de Madagascar, et je veux à ce titre remercier pour leur mobilisation les conseillers du commerce extérieur, la Chambre de commerce et d'industrie France-Madagascar, et évidemment l'ensemble des services de l'État mobilisés sous la houlette de notre ambassadeur. Je veux ici bien sûr également souligner la vitalité et l'exceptionnelle richesse de notre réseau éducatif. J'en suis très fier et je veux ici remercier les enseignants, les responsables administratifs et les parents d'élèves, parce que je sais leur engagement, qui portent nos établissements, et donc personnel enseignant, administratif, vous avez une charge importante. Nous avons là un réseau exceptionnel également pour le continent. 25 établissements français à Madagascar, plus de 14 000 élèves, et depuis 6 ans, 30 % d'augmentation. Et donc, cette réforme à laquelle, je crois, qu'on a portée avec le ministre à l'époque, qu'on continue de déployer, est un vrai succès. Madame la députée, nous savons combien. Elle l'a portée avec courage dans toutes ses circonscriptions.
Je salue aussi notre sénateur président du groupe d'amitié. Le ministre aussi l'a beaucoup portée dans ses fonctions. Nous allons de plus en plus former d'élèves, et je veux dire la fierté que j'ai de la force de ce réseau et de ce que vous représentez ici. Les Alliances françaises viennent compléter cette force, 28 établissements. Ils contribuent à ancrer Madagascar au cœur de la francophonie, et l'ouverture d'un nouveau bâtiment de l'Alliance française de Tananarive demain matin marque notre volonté de consolider et d'aller encore plus loin dans ce lien. Je veux également, saluant votre vitalité, saluer la présence ici, ce soir, de quelques représentants de nos volontaires, VIA, VIE, volontaires du service civique, volontaires de solidarité internationale. Vous apportez une contribution essentielle au bon fonctionnement de nos entreprises, de nos institutions, de nos ONG, dont les fonctions sont aujourd'hui incontournables dans le pays. Et je sais aussi qu'il y a beaucoup d'entre vous qui font vivre la coopération décentralisée, et je me réjouis à cet égard des assises de la coopération décentralisée en septembre prochain, qui permettront là aussi d'accompagner la dynamique qu'il y a à cet égard, nous y tenons beaucoup. C'est le fruit d'ailleurs d'un travail mené avec la présidente de l'Assemblée, le président du Sénat et les forces politiques. C'est une des conclusions des rencontres de Saint-Denis. Elles vont se décliner ici concrètement, et nous les accompagnons. Et puis, je veux également adresser des mots de remerciement à nos services consulaires dont l'engagement envers vous demeure fort. Et s'il existe un pont entre Madagascar et la France, c'est en vous qu'il trouve ses piliers les plus solides.
Je veux saluer aussi la constance de nos conseillers des Français et de l'étranger, de nos consuls honoraires, qui partout dans le pays font un travail remarquable, et de nos organismes locaux d'entraide sociale, qui sont cette trame du lien entre nous tous absolument fondamentale. Et soyez remerciés, Monsieur l'Ambassadeur, avec l'ensemble de notre réseau, nos consuls, tout l'engagement qui est le vôtre et de vos personnels à travers toutes celles et ceux que je viens d'évoquer. Et donc, vous le voyez en me présentant devant vous, c'est d'abord et avant tout un message de gratitude, de reconnaissance pour tout ce que je viens de décliner, que vous faites vivre, et souvent par beaucoup d'engagement personnel, largement au-delà de votre présence professionnelle.
Maintenant, je vais vous dire quelques mots de ce que je suis venu faire. Au moment où beaucoup doutent du continent africain, où des grands pays, parfois alliés historiques, se désengagent de ce continent, coupent brutalement les financements, plaçant d'ailleurs la coopération sanitaire dans des situations terribles. La France, elle, y croit plus que jamais et se réengage ; plus que jamais. Parce que c'est notre histoire, parce que c'est nos intérêts, parce que ce sont nos principes. Et ce sont les trois réunis. Notre histoire, c'est ce lien humain que vous représentez, mais c'est une histoire qui vient de plus loin, qui a des pages sombres, parfois terribles, nous le savons et nous les regardons en face. Mais je crois que nous avons donné aussi à ce lien historique un nouveau jour ces dernières années à travers les restitutions. Et je veux dire ici que votre présence, ce que vous portez, c'est une autre façon de regarder le continent africain depuis qu'on a lancé ces restitutions. Je serai demain avec quelques-uns d'entre vous a admirer le dé de la dernière reine, revenue en sa place, et c'est le fruit de choix que la France a fait à partir de novembre 2017, d'un très gros travail scientifique qui a été fait en partenariat. Et les crânes vont revenir dans quelques mois, au mois d'août, après une coopération scientifique, muséale, qui va permettre de les réaccueillir, et de les réaccueillir, là aussi, en leur sein. Et ceci est une manière de revisiter notre passé. J'espère que, d'ailleurs, en prévision de l'année 2027, on lancera aussi des travaux scientifiques, d'historiens, parce que c'est regarder lucidement ce qui est notre passé commun, c'est permettre de refaire circuler les œuvres d'art et les objets qui nous lient, de leur donner une nouvelle place, un nouveau rôle, et aussi de libérer, ce faisant, les énergies créatives. Ça, c'est pour l'histoire. Nous essayons d'en changer le regard, de le dépassionner et, au fond, de nous permettre de se tourner devant.
Ensuite, je l'ai dit, ces trois dernières années, on a encore multiplié les liens économiques. La visite ici aura permis de signer beaucoup d'accords sur des sujets absolument essentiels, les câbles, les services financiers, le barrage qui était tant attendu avec EDF et des grands investisseurs déjà cités qui permettent d'avancer et de répondre aux défis énergétiques ici présents, des partenariats en matière agricole et agroalimentaire. Mais au-delà des projets très importants que nous avons signés aujourd'hui, aussi de rénovation de nos infrastructures, il y a la consolidation de ce qui s'est fait ces dernières années. L'innovation de la mobilité urbaine grâce à Poma, qui est un exemple pour le continent africain, qui va être suivi par d'autres, et des financements, d'ailleurs, de l'AFD et de plusieurs partenaires. L'investissement dans les infrastructures, avec Meridiam, je l'évoquais. La connectivité avec toute la sous-région, avec Action. Je revendique que c'est un groupe français, il paraît qu'il est franco-malgache, mais on joue sur les ambiguïtés. Mais ce que nous voulons faire, c'est bâtir une nouvelle feuille de route. Et nous l'avons défini autour de quelques axes sur lesquels nous allons bâtir un partenariat stratégique avec le président. Le premier, aller encore plus loin sur l'énergie. Et donc, on a plusieurs projets hydroélectriques qu'on va considérer ensemble avec des financements français. Et nous voulons, sur l'éolien et le photovoltaïque, lancer plusieurs grands projets parce que, vous le savez mieux que moi, si nous voulons résoudre le défi de la sortie de la pauvreté, de la construction des filières, c'est l'énergie qu'il faut apporter dans tant et tant d'endroits. Poma étant d'ailleurs un bon exemple. Si on veut que la première ligne ouvre, il faut que l'énergie soit là. Premier axe. Le deuxième axe, continuer sur nos forces, trains et voies ferroviaires. Il y a une demande forte du président que la France, qui a porté les grands projets d'aménagement ferroviaire, il y a plus d'un siècle, dans d'autres temps et d'autres cadres, soit un partenaire pour rénover la ligne Antananarivo-Tamatave, et d'autres matériels, de wagons, plusieurs lignes existantes. Et donc, c'est de la compétence, ce sont des matériels, ce sont des financements, c'est du partenariat, axe essentiel, là aussi, pour développer le pays. Le troisième axe auquel je crois profondément, et on a commencé avec les premiers contrats, mais on doit aller beaucoup plus loin, c'est la transformation agricole. Il y a ici un trésor d'agriculture. Il suppose des réformes du pays, nous le savons, sur le foncier, sur la gouvernance.
Plus largement, et tout ce dont je parle suppose, et nous avons eu cette discussion franche avec le président, et je sais qu'en ce moment, le sommet qui s'achève en parlera. Il faut améliorer le climat des affaires pour attirer encore davantage d'investisseurs, mais il y a ici un potentiel agricole considérable et la France veut en être un partenaire, ça suppose d'aider à la formation dans les métiers agricoles, ça suppose de transférer nos connaissances et nos capacités dans la dotation en semences de maïs ou de blé, dans la montée en productivité de toute cette économie qui doit sortir de l'informel pour aller vers le formel, et dans la mise en place aussi de capacités d'engrais. Au fond, il faut réussir à faire plus sur le maïs, le blé, le riz, il y a encore des dépendances. Il faut réussir à faire plus encore sur l'élevage et réussir à bâtir et structurer des filières qui, au-delà d'aller vers la soutenabilité et l'autonomie alimentaire, doivent permettre de coopérer dans toute la sous-région. Quatrième axe, ce sera la formation de médecins spécialistes et professeures chirurgiens en France. C'est donc une coopération sur la formation des métiers du soin, médicaux et paramédicaux. Le cinquième axe, ce sera la coopération universitaire sur plusieurs métiers technologiques, mais aussi la consolidation d'un premier cycle universitaire que le président veut développer ici. Le sixième axe, c'est sur les minerais stratégiques et les terres rares, nombreux ici, et nous voulons, avec le BRGM, aider à consolider une vraie souveraineté de la connaissance de ces capacités, mais avec beaucoup d'entre vous déjà et des capacités nouvelles, aider à les valoriser au maximum ici, sur le sol national. Et puis, nous souhaitons aussi consolider le lien avec la sous-région, et c'est le dernier axe et celui sur lequel je veux conclure, qui est au fond le deuxième temps de ma visite, ce sommet de la COI. Et donc, au-delà de tous ces axes qui vont, vous le voyez, nous mener encore plus loin que tout ce que nous faisons aujourd'hui, nous aider à réinvestir massivement et à aller encore beaucoup plus vite et beaucoup plus fort. Ma conviction profonde, et je l'ai portée dans la région, vous le savez, depuis 2018, c'est celle d'une stratégie indopacifique. La France a été le premier pays à articuler une stratégie indopacifique, en effet, dès 2018. Nous l'avons fait en lien très étroit avec l'Inde. Et nous l'avons structuré, je l'ai fait à La Réunion en 2019, et avec l'Inde, puis en Australie et au Japon, ensuite, dans les années qui ont suivi. Nous l'avons européanisée, cette stratégie, et les évolutions géopolitiques, si je puis dire, l'ont consolidée. L'espace dans lequel vous vivez est l'un de ceux qui a le plus d'opportunités au monde, mais qui sera aussi l'un des plus soumis aux défis géopolitiques. Parce que s'y joue la confrontation entre les deux grandes puissances économiques du moment. Et au fond, c'est l'inscription dans l'Indopacifique et dans l'océan Indien qui est le défi pour la réussite de Madagascar et notre défi à nous. Parce que je ne parle pas simplement à une communauté française installée ici qui aide à développer ce pays, qui porte nos intérêts et qui y croit.
Je parle aussi, en tant que Président d'un pays qui a des territoires dans la région. Et je suis très fier d'être accompagné pour ce sommet pour la première fois par la présidente de la région La Réunion, par le président du Conseil départemental de la Réunion et par le président de la collectivité de Mayotte, et par le vice-président du Parlement européen, qui est réunionnais. Ces élus de la République, aux côtés des sénateurs, des députés, des Français et de l'étranger, portent cette vocation dans l'océan Indien de la France. Et ce en quoi nous croyons profondément, c'est que c'est un levier pour créer des coopérations à développer. Et au fond, de ne pas simplement penser la France dans l'océan Indien à hauteur d'une communauté d'un million d'habitants, mais de 80 millions d'habitants, celle de l'océan Indien et de cette Afrique de l'Est, dans laquelle plusieurs d'entre vous sont développés et ont des activités, et bien plus largement dans cet espace indopacifique où nous avons des solutions communes à bâtir. Ça veut dire qu'ensemble, dans ce sommet de la COI, ce que nous voulons porter, c'est notre capacité collective à répondre aux défis contemporains. Et nous avons les moyens de le faire. Et c'est un levier de création d'opportunités, de richesses et de mieux vivre pour nous tous, inédit. D'abord, la sécurité alimentaire. Mayotte a besoin de mieux s'inscrire dans la sous-région. Sommes-nous fous de faire venir depuis Marseille ou Paris des aliments qu'on mange en Dzaoudzi ou en Mamoudzou, alors que nous avons dans toute la sous-région des capacités de produire et d'échanger ? Il faut simplement bâtir ce marché commun aux meilleures normes, bâtir aussi une coopération. C'est pour ça que j'ai fait venir dans cette délégation l'AFD avec nos meilleurs organismes, CIRAD, IRD, pour bâtir des solutions communes, faire monter la productivité agroalimentaire et agricole à Madagascar et dans toute la sous-région, pour bâtir un modèle agricole qui aille vers la soutenabilité alimentaire pour tous. Et nous avons les moyens de le faire. C'est créateur d'emplois, c'est créateur de soutenabilité, de justice. Ça améliore le pouvoir d'achat dans nos territoires ultramarins pour vous. Et surtout, c'est ce qui va nous permettre de bâtir une économie qui aidera à sortir de la pauvreté tant et tant de Malagasy, utilisant le potentiel du pays, qu'il fera avec les meilleures règles et en ayant une agriculture qui s'adapte aux sécheresses comme aux cyclones.
Le deuxième axe, c'est la coopération sanitaire. Elle est fondamentale. Et là-dessus, je le disais, là où des grands programmes sont en train de s'effondrer, ce qui est une catastrophe pour Madagascar et pour d'autres, le retrait de USAID, pour le dire de manière très simple, dans la lutte contre le palu, le VIH, c'est absolument terrible. Nous avons aussi des défis communs, Chikungunya ou autres, où la coopération est essentielle. Et donc, au sein de la COI, nous voulons développer des axes de coopération dans lesquels nous inscrirons nos deux territoires. C'est notre défi pour qu'ils soient éligibles au programme, mais pour bâtir ensemble des solutions pour faire face à ces défis sanitaires. Mécanismes de prévention commun, tests, déploiement de vaccins quand ils sont disponibles, capacité à faire coopérer aussi nos ONG dans ce travail. Le troisième axe, c'est le digital. La connectivité de la sous-région est clé. Plusieurs d'entre vous, je l'ai déjà évoqué, sont engagés dans cette connectivité, dans les câbles, mais nous avons à déployer des solutions souveraines de connectivité, c'est-à-dire qui ne soient pas dépendantes ni des Chinois ni des Américains. C'est ça, l'accent do-pacifique. Et donc, par la stratégie en océan Indien que nous portons à travers vos entreprises, à travers aussi nos territoires, ce que nous voulons faire, c'est bâtir une stratégie de connectivité européano-africaine, en tout cas dans laquelle la France aura un rôle clé à jouer parce que nous avons des champions en la matière. Action en est un, Orange en est un. Plusieurs d'entre vous portent aussi des solutions et ont déjà fibré la Réunion ou d'autres territoires. Et nous avons aussi avec Eutelsat une capacité d'orbite basse comme d'orbite haute inédite qui nous permet de nous désensibiliser de certains acteurs qui, parfois, sont inamicaux. Le changement climatique, autre axe de coopération. Nous avons à bâtir des solutions de résilience au niveau de l'océan Indien. Et là aussi, par les stratégies d'atténuation et d'adaptation, nous avons, avec la COI, à financer tant et tant d'infrastructures résilientes au changement climatique. Et cela correspond à ce marché, c'est-à-dire des stratégies d'habitat, d'économie circulaire, de mobilité, qui permettent tout à la fois de réduire les émissions, mais de construire aussi des filières économiques qui permettent de répondre à de la construction, au développement urbain, en zone cyclonique, en zone sismique. Nous avons les savoir-faire pour le faire, c'est ce que nous voulons développer à l'échelle de la COI, avec des programmes dédiés pour l’AFD et Proparco.
Et puis, le dernier axe, c'est la sécurité et la défense. Et je vois plusieurs de nos militaires dont je salue ici la présence. Je disais, cette zone sera contestée. Et la France dans la COI, c'est aussi une présence militaire, géopolitique essentielle. Et nous ne payons pas de mots, puisque cette stratégie que nous avons lancée il y a 6 ans, nous l'avons investie, nous avons commencé à développer et déployer, beaucoup plus de postes diplomatiques, beaucoup plus d'emprises militaires. Et nous avons, vous le savez bien, une rotule dans la région que sont les FAZSOI. Nos forces armées sont en train d'ores et déjà d'augmenter, et ce de plus de 15 % d'augmentation de nos forces qui sont décidées dans le cadre de la loi de programmation militaire. Plus de 15 %. Et donc nous allons porter ces FAZSOI. à un niveau inédit de leur histoire. Nous allons les équiper avec là aussi les meilleurs équipements, frégates, patrouilleurs, pour donner les capacités d'exercice communs, évidemment de protéger notre espace et nos territoires, mais aussi de participer à des opérations pour lutter contre la pêche illicite, la pêche illégale, et donc toutes les prédations, et pour protéger nos emprises. Et c'est un axe essentiel du développement de la sous-région. Madagascar se fait piller ses ressources halieutiques par certains grands acteurs internationaux, par incapacité de surveiller ses eaux. Cette coopération le permettra.
Mais surtout, imaginez demain ce monde où on va développer des data centers, des capacités industrielles qui seront des sujets de prédation. Avoir un partenaire comme la France, parler en étant français ici, c'est parler avec la réassurance d'une grande puissance militaire dotée membre permanente du Conseil de sécurité, mais présente dans la région, et qui a réinvesti dans la région, et qui a accru sa présence dans la région. Et donc avec ce réinvestissement et cette augmentation de nos FAZSOI., nous développons aussi des exercices communs. Au moment où je vous parle, l'exercice Tulipe mobilise des milliers de forces associant les soldats de toutes les régions. On a 1 200 militaires de tous les pays de la COI, avec une grande implication malgache, et on a plus de 500 militaires français venant des FAZSOI, mais aussi d'un déploiement d'A400M, de Frégate, que nous avons mobilisé pour un exercice en ce moment. Ce qui montre que nous sommes des partenaires fiables pour Madagascar, pour la COI, et c'est un axe essentiel de cette coopération. Vous l'avez compris, en venant ici, je venais consacrer plusieurs des contrats et des engagements que vous portez qui sont importantes, mais nous avons aussi, avec le président RAJOELINA, décidé de bâtir une nouvelle feuille de route stratégique pour la coopération bilatérale au travers des axes que j'ai évoqués, mais surtout, j'ai voulu manifester la volonté de porter ici la voie de la France dans l'océan Indien, de l'apporter par vous et pour vous, par ces réengagements sur tous les enjeux du moment, de l'apporter avec Mayotte et La Réunion, qui doivent prendre toute leur place dans ce développement et intégrer tous les programmes de la COI.
Vous avez compris ma confiance dans ce pays qui vous abrite, qui vous accueille, que vous aimez, et que j'aime aussi, ma confiance dans cette région et ce continent. Vous faites bien d'être là et de porter le visage, la voie, les intérêts de la France. Faites-le avec fierté et faites-le chaque jour avec la conviction que vous avez un ambassadeur, des ministres, un gouvernement et un président qui sont à vos côtés et qui n'ont qu'une volonté, c'est que vous puissiez faire encore davantage. Soyez fiers de cela ! Pour ma part, je suis fier de vous. Merci à toutes et tous.
Vive Madagascar ! Vive la France ! Vive l'amitié entre nos deux pays ! Vive la République et vive la France !