De lui, Duke Ellington louait la « sensibilité », la « fraîcheur », la « créativité » et la « technique extraordinaire ». Figure majeure du jazz, compositeur pour le cinéma, en solo ou en duo, le compositeur Martial Solal inventa et interpréta des centaines de mélodies, une partition à la hauteur de son destin : extraordinaire.
Son « siècle de jazz » selon le titre de son autobiographie commença le 23 août 1927 en Algérie, dans une famille juive amoureuse des mélodies. Ce fut sa mère, chanteuse d’opéra amatrice, qui l’initia au piano. Dès sa dixième année, Martial Solal révéla son talent d’improvisateur en réinterprétant un morceau de Liszt – cette faculté de réinventer les thèmes demeura l’une des marques les plus distinctives de son génie. A l’adolescence, la découverte du jazz et les leçons du chef d’orchestre à succès d’Alger, Lucky Starway lui permirent de trouver sa vocation. Ambitieux, curieux, gagné par la soif de vivre, Martial Solal gagna Paris, déterminé à y faire carrière. A l’aube des années cinquante, le jeune prodige, âgé de 22 ans fut bien vite repéré dans les bars de jazz de Saint-Germain-des-Prés et devint titulaire du « tabouret » au Club Saint-Germain puis au Blue Note. Trio avec Kenny Clarke le batteur et Pierre Michelot le bassiste, Martial Solal croisa alors la route des plus grands, de Chet Baker à Django Reinhardt, participant même à un album avec Sidney Bechet. Ces premiers succès lui permirent de se consacrer à sa musique : une musique où il injectait sa personnalité, son humour, son goût pour l’invention et la facétie.
A l’orée des années soixante, Martial Solal se diversifia en composant pour le cinéma, ajoutant aux imaginaires de Jean-Luc Godard ou Jean-Pierre Melville. Les circonstances le firent enregistrer presque par hasard un « Twist à Saint-Tropez » devenu en 1961 un tube de Dick Rivers. Surtout, le musicien s’affirma comme un jazzman de première importance : il créa son premier big band, composa une « Suite en ré bémol pour quartette de jazz » jouée chaque soir au Club Saint-Germain, et s’aventura même aux Etats-Unis. La suite de sa carrière fut marquée par des disques représentant des jalons majeurs dans l’histoire du jazz français et mondial : avec ses collaborations associant Guy Pedersen et Daniel HUMAIR, puis Bibi Rovère et Charles Bellonzi, ou Gilbert Rovère et Jean-François Jenny-Clark sur « Sans tambour ni trompette » (1970).
Virtuose, artiste composant dans toutes les formes musicales, créant sans cesse et s’aventurant même vers le jazz-rock ou la musique classique, Martial Solal fut aussi un passeur de génie : auprès des auditeurs de France Musique pour laquelle il produisit une saison d’émissions hebdomadaires en 1990, et auprès d’une génération de musiciens. Infatigable, Martial Solal parcourut les scènes du monde entier, de New York en 2001 à la Maison de la Radio de Paris pour des interprétations par l’Orchestre national de France en 2020.
Le Président de la République et son épouse saluent un grand artiste français, dont la musique portait l’empreinte d’un destin infiniment libre, généreux, affranchi. Ils adressent à sa famille, à ses proches, à ceux qui l’aimaient, leurs condoléances émues.