Fait partie du dossier : 80 ans de la Libération.

Le Président Emmanuel Macron a prononcé un discours à Bayeux, ce vendredi, dans le cadre des commémorations des 80 ans du Débarquement. 

80 ans après la libération de la ville par les forces britanniques, le Président a rappelé l'importance du discours du général De Gaulle dans le retour de la souveraineté française. C'est à cet endroit que les « Français ont fait renaître la France ».  

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7 juin 2024 - Seul le prononcé fait foi

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Discours du président de la République - Cérémonie à Bayeux sur le retour de la souveraineté républicaine et de l’autorité de l’Etat.

Madame, Monsieur le ministre, Madame la Première ministre, Mesdames et Messieurs les parlementaires, Monsieur le Maire, merci pour votre accueil. Monsieur le Préfet, Mesdames et Messieurs les élus, Mesdames et Messieurs en vos grades et qualités, Mesdames et Messieurs, chers compatriotes.

Ici, sur cette place de Bayeux, dans l'après-midi du 14 juin, la voix du général DE GAULLE salua la foule, nous venons de l'entendre, et par-delà la France et le monde. Voix familière, voix entendue le 18 juin 1940, 4 ans plus tôt, presque jour pour jour pour fustiger l'armistice signé par le maréchal PÉTAIN et signifier que si la France avait perdu une bataille, elle n'avait pas perdu la guerre. Voix guidant les pêcheurs de l'Île-de-Sein et les patriotes en route vers Londres. Voix qui avait exhorté, tempêté, convaincu sur les ondes de la BBC, où il pouvait se faire entendre grâce à l'amitié du peuple britannique et de son gouvernement. Voix dessinant toujours le chemin du combat, de la liberté, de l'honneur, de la résistance. Peu à peu, la voix du général durant ces années s'était imposée à travers tant d'épreuves, dans les silences, les couloirs vides de Carlton Gardens, dans la solitude souvent, dans la mélancolie des outrages, dans les batailles diplomatiques homériques avec les alliés et la joie des compagnonnages héroïques. Voix de commandement dont la force avait permis, pour le salut de la France, de rassembler autour d'elle des femmes et des hommes représentant toutes les traditions politiques de la République et même celles qui, avant-guerre, lui étaient opposées.

Voix que l'on racontait, que l'on imaginait, que l'on guettait autour d'une TSF, dans l'arrière salle d'un café clandestin ou dans un poste militaire des déserts tunisiens. Voix qui n'avait jamais cessé de porter une parole de devoir et d'espoir et qui, le jour du débarquement, avait célébré le début de la bataille de France. Alors, le matin du 14 juin, sur la plage de Courseulles-sur-Mer, la voix du général De Gaulle, à coup sûr, s'était altérée d'émotion en saluant des Français aux premières heures de son retour sur le sol de France métropolitaine pour la première fois depuis 4 ans. Et sa voix avait dû gronder encore au quartier général de Montgomery, quand le général De Gaulle avait exigé de se rendre seul à Bayeux, libéré une semaine plus tôt.

A Bayeux, une foule l'attend, prévenue, assemblée grâce au chef de la Résistance locale, Guillaume Mercader, patientant devant l'estrade disposée sous la cime des arbres et à l'abri des escadrilles allemandes. Pour la première fois depuis quatre affreuses années, écrira plus tard le général, une foule française entend un chef français dire devant elle que l'ennemi est l'ennemi, que le devoir est de combattre et que la France, elle aussi, remportera la victoire. En quelques phrases, le général De Gaulle galvanise une fois encore les forces de la résistance intérieure. Les troupes du général Leclerc s'apprêtant à débarquer et viser Paris, les maquisards du Vercors et de Provence. Parole, aussitôt acclamé et salué, affirme les mémoires locales par un rayon de soleil traversant la grisaille.

Oui, cette voix, les Français la connaissait. Voix de la France. Voix reconnaissable entre 1 000. Voix que les patriotes avaient appris à tenir pour celle de l'honneur. Mais l'homme, ils le découvrent. A Bayeux, en juin 1944, une voix prend visage humain et la France reparaît sur notre sol. Depuis 1940, le général De Gaulle insufflait l'espérance à Bayeux. D’un mois de juin l'autre, il incarne la Renaissance. Ce jour-là, la France est là. Elle renaît. Avec la force de notre longue histoire, cette tresse dont le fil déjà, passé dans la tapisserie de Bayeux, dans les batailles et les victoires de notre peuple menées pour l'universel, avec la fin du régime de Vichy dont l'ordre s'écroule peu à peu, et l'un des fidèles compagnons du général, Claude Hettier de Boislambert, jette à terre le portrait du maréchal Pétain qui trônait dans la sous-préfecture de Bayeux. La France est là, patrie de la cathédrale de Rouen et des commandos de Kieffer. La France se dresse aux yeux du monde à Bayeux, alors que jusqu'alors l'avenir du pays libéré restait en suspens. Serait-elle, comme l'Italie, délivrée du fascisme mais administrée militairement par les Alliés ? À quelle autorité incomberait la charge de relever la nation et d'unir un peuple éprouvé ? À Bayeux, la France s'affirme comme à Isigny, où le général se rend ensuite, quand sur les routes de Normandie, dans l'ombre des plages du Débarquement, le pays l'acclame. Onction populaire qui tranche tous les fantasmes, toutes les intrigues. Le destin de la France s'écrira avec le chef de la France libre, à travers lui.

C'est décidé à Bayeux, « la France renaîtra avec notre peuple, pour notre peuple, par notre peuple ». La France reprend pied sur un sol encombré des fosses communes, des morts du mont Valérien, un sol où fut assassiné Jean Zay par la milice, et assassiné puis enfoui Missak Manouchian par les Nazis, sol ensanglanté par le sacrifice des maquis des Glières et de Saint-Marcel. Un sol où passe encore les chemins de fer de la Shoah, un sol parcouru de tant d'ombres, de tant de spectres. La France, pourtant, se relève. Avec ces mots de Bayeux, avec cette acclamation du peuple, avec les premières décisions du Général, la France reprend ses droits pour elle-même et pour le monde. Dès cet instant, Roosevelt et Churchill en prennent acte. La France comme continuité dans l'histoire et présence dans le siècle, patrie rêvée et charnelle. France, doux pays de l'espérance. La France se retrouve à Bayeux quand, à l'invitation du Général, la foule entonne la Marseillaise. Ce chant dont Marc Bloch, officier de l'étrange défaite, disait qu'il exprimait à la fois le culte de la patrie et l'exécration des tyrans. La France reparaît alors, universelle et fière, comme l'appelait pour l'avenir Marc Bloch avant sa mort.

La France renaît avec ceux entourant le Général de Gaulle sur la place de Bayeux ; avec Maurice Schumann, l'orateur de la France libre, qui a introduit alors le discours du Général ; avec Pierre Viénot, le diplomate ; avec Pierre de Chevigné, nommé chef de la région militaire libérée ; avec Gaston Palewski, l'un de ceux qui préparaient à Londres le retour de l'Etat républicain ; avec ce qui a créé la nation, lui assure ordre et progrès, autorité et liberté. La France renaît par la force de l'Etat. Ainsi la France renaît-elle avec François Coulet, premier commissaire de la République, avec Raymond Triboulet, premier sous-préfet à Bayeux, qui pendant les semaines estivales de la bataille de Normandie, font de la ville un îlot de calme dans une mer de combats, organisant le soin des blessés, l'accueil de milliers de réfugiés, fortifiant la solidarité exceptionnelle des habitants de la ville, restaurant sur notre sol l'esprit de fraternité. Avec les autres commissaires de la République et tous les serviteurs de l'Etat, nommés par le Général de Gaulle qui dissipe la tentation de se concilier avec les autorités de Vichy ou à l'inverse, de céder aux sirènes du chaos de la sédition, la France renaît dans l'ordre de la République ; avec Charles Luizet, le préfet qui a rétabli l'autorité de l'Etat dans la Corse libre, désigné pour accomplir le même rôle à Paris, encore aux mains des Allemands ; avec Jean Cassou, l'amoureux d'art et de fraternité, ancien du cabinet de Jean Zay, nommé commissaire de la République à Toulouse ; avec Raymond Aubrac, héros de l'armée des ombres, commissaire de la République à Marseille ; avec Francis-Louis Closon, Commissaire de la République à Lille ; avec Michel Debré, Commissaire de la République à Angers ; avec Yves Farge, Commissaire de la République à Lyon ; avec Henry Ingrand, Commissaire de la République à Clermont-Ferrand. Avec eux qui font face aux difficultés épiques d'un pays qui manque de tout mais s'abreuvent de liberté. Avec ces serviteurs de l'Etat, héritiers des représentants de la Convention et de la Révolution, dépositaires de la mémoire de Jean Moulin, préfet d'Eure-et-Loir, martyr de la Résistance. Avec l'esprit de l'œuvre de Jean Moulin, le Conseil National de la Résistance, esprit de dépassement et de rassemblement, la France renaît en rétablissant les libertés démocratiques de notre peuple dans un fleurissement de journaux enfin libres.

Et ici, à Bayeux, parut bien vite la Renaissance du Bessin, premier journal de la France métropolitaine libérée. La France renaît en accordant de nouvelles libertés parce que notre Nation procède toujours ainsi à travers les soubresauts, les tourments, dans une conquête plus complète encore des droits et de l'émancipation. La France renaît avec les Françaises dont l'établissement du droit de vote fut l'une des premières décisions en avril 1944, du Comité français de libération nationale. La France renaît avec ses pionnières, avec Jeanne Atger, première femme médecin de campagne dirigeant la libération de l'Hérault, Marie-Hélène Lefaucheux, Résistante organisant le rapatriement des prisonniers, des déportés. Gilberte Brossolette, qui prête sa voix et son courage à la cause de la liberté. Avec Raymonde Fiolet, première femme à Soissons à diriger une municipalité. Avec tant d'autres anonymes et inlassables, la France renaît, confiante malgré les deuils, le chagrin, les privations. Mais unis dans la liesse, ce jour-là, à Bayeux. Oui, notre territoire n'est pas encore totalement libre que déjà dans les préfectures et les conversations, dans les songes et les décrets s'inventent un avenir de progrès.

La France n'est pas encore totalement délivrée du joug nazi. Le Reich n'est pas encore vaincu que déjà notre nation est assise à la table des vainqueurs, place que le sacrifice des Français libres lui a conquise. La France renaît à Bayeux autour de ce qui nous fonde comme Nation, une histoire millénaire, l'indépendance du pays, la souveraineté du peuple et l'autorité de l'Etat. Vision de la France qui nous constitue. Quête d'idéal poursuivi ici en 1944 et en 1946 par le général de Gaulle, revenant là pour présenter son ambition d'une République nouvelle. Oui, quand le siècle est sombre, toujours, les Français font renaître la France. Alors je le dis devant vous qui êtes dépositaires des plus hautes responsabilités électives, vous qui êtes dépositaires des fonctions les plus importantes de l'Etat sur ce sol, je le dis devant nos compatriotes ici et nos enfants, ce jour-là, à Bayeux, rien n'était écrit. Mais par la volonté d'un homme et l'intuition d'un peuple, tout s'est réinstallé et nous sommes tous ensemble, chacun, chacune, les dépositaires de cette histoire plus grande que nous, de ces femmes et ces hommes que je viens ici d'évoquer devant vous et qui ont eu le courage, au milieu du chaos, de restaurer l'autorité de l'Etat pour que revive la nation libre et indépendante, ne l'oublions jamais.

Nous sommes toutes et tous les citoyens d'une nation, d'une République plus grande que nous, parce qu'elle est le fruit d'une volonté chaque jour, chaque jour, réinventée au service de nos enfants et forte de cette histoire millénaire plus grande que nous. Alors quand les temps sont difficiles et quand la peur ou la résignation menacent de vaincre, toujours, toujours, voilà la France, notre devoir et notre chance. Et à présent, je vous demande de chanter avec moi notre hymne national La Marseillaise. Vive la République ! Vive la France !

Le Président Emmanuel Macron s'est ensuite rendu à Cherbourg, pour une cérémonie militaire, Voie de la Liberté. 

Au coeur des combats entre les Alliés et l'armée allemande, la ville est finalement libérée le 26 juin 1944 après de rudes combats.

Devenue centre de ravitaillement pour les troupes américaines et britanniques pendant la guerre grâce au port, le général de Gaulle a fait de la ville le fer de la lance de la Marine française, avec la construction des sous-marins nucléaires.

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