Fait partie du dossier : Visite d'État au Brésil.

Le Président Emmanuel Macron s'est rendu en visite d’État au Brésil du 26 au 28 mars 2024. Il a passé la première journée à Belém.

Dès son arrivée de Guyane, le Président de la République a été accueilli par le Président Lula da Silva à Belém : une marque d’amitié et un honneur accordé à la France, pour cette première visite d’État au Brésil.

Afin de se rendre sur l’ile de Combu pour visiter une entreprise de production de cacao, le Chef de l'État a embarqué à bord d'un bateau où il s'est entretenu avec le Président Lula. L'entretien a notamment permis de fixer un cap commun sur les questions environnementales et climatiques, en termes d’actions pour la forêt Amazonienne mais également de méthode à l’échelle globale.

Le Président de la Répubique a ensuite décerné la Légion d’honneur au Cacique Raoni, figure internationale de la lutte pour la préservation de la forêt amazonienne et de la culture des peuples premiers.

Revoir la décoration : 

27 mars 2024 - Seul le prononcé fait foi

Télécharger le .pdf

Visite d'État au Brésil : journée à Belém.

Emmanuel MACRON

Monsieur le Président, cher LULA,

Mesdames, Messieurs les ministres.

Mesdames et Messieurs.

Chef. Mon cher Raoni.

Merci Monsieur le Président de nous recevoir ici et merci à Monsieur le Gouverneur également qui est avec nous au milieu des ministres. Heureux d'être avec vous dans l'Etat de Para.

Mon cher Raoni,

Je disais qu’à plusieurs reprises, tu étais venu en France et à travers l'Europe pour porter la cause et j'avais pris l'engagement de venir dans ta forêt, aux côtés des tiens, cette forêt qui est souvent source de convoitise et pour laquelle vous vous êtes battus depuis des décennies. Et au fond, aux côtés de mon ami le Président LULA, aujourd'hui faisons cause commune pour l'Amazonie qui vous appartient et qui est ce trésor tout à la fois de biodiversité, mais aussi où tant de peuples autochtones ont bâti leur vie, leurs traditions et sont les dépositaires d'un art de vivre, d'un savoir-faire, d’une connaissance profonde. Je suis heureux que nous puissions en cet instant te célébrer. Le combat que tu mènes pour la tribu Metuktire du peuple Kayapo, dont vous êtes le chef. Ce peuple de l'eau, l'eau du fleuve, peuple de l'eau donc, et peuple infiniment libre, comme tu l'es d'ailleurs, empreint constamment de liberté, parfois de témérité et d'insolence, mais chaque fois porteur d'une espérance.

En effet, tout commença avec un appel, appel de la forêt, l'appel des arbres, des plantes, des fleurs, des femmes et des hommes de cette forêt en forme de protestation et de révolte. C'est votre rencontre avec les frères Villas-Bôas en 1954, alors que vous n'aviez qu'une vingtaine d'années, qui a marqué un tournant dans votre vie. Ces indigénistes brésiliens vous préviennent des conséquences prévisibles de l'arrivée de la modernité occidentale sur vos terres et aussitôt, vous décidez d'entamer la lutte. Et vous allez devenir, à partir de ce moment où vous n'avez au fond qu'une vingtaine d'années, l'ambassadeur de ces luttes. En effet, tu es devenu à partir de ce moment ambassadeur de ton peuple, interlocuteur des pouvoirs publics brésiliens et inlassable sentinelle du territoire. Cassique, mais jamais totalement cassandre et en effet cherchant à chaque fois à améliorer les conditions de vie et à préserver l'espace. En 1977, en foulant les marches du festival de Cannes ou RAONI, documentaire qui raconte votre histoire exceptionnelle est diffusé. Ce combat devient plus familier au monde entier, c'est en effet dès ce moment un succès international. En 1987 et 1988, vous faites partie des chefs qui se battent pour inclure les droits des communautés autochtones dans la nouvelle constitution fédérale du Brésil, des droits originaires et imprescriptibles. En 1989, vous entamez une tournée avec STING pour porter plus qu'un “message in the bottle”, mais un message pour la planète et c'est votre combat qui porte ses fruits puisque le projet de barrage de Kararao contre lequel vous vous êtes élevé sera alors abandonné. Dans les années 90 et aux côtés de beaucoup de compagnons de combat ici présents, après votre première tournée européenne, votre mobilisation fait avancer le processus de démarcation des terres autochtones au-delà du parc de Xingu, unifiant plusieurs territoires pour former l'une des plus grandes réserves de forêt tropicale du monde. Jamais vous ne vous êtes arrêté, jamais vous ne vous arrêtez et je sais la fierté du président LULA d'être ici à vos côtés et d'être aux côtés d'ailleurs de tous les peuples autochtones, lui qui pour la première fois a décidé de nommer une ministre originaire de l'un d'entre vous en charge au niveau fédéral de ce sujet.

[Applaudissements]

Je me souviens aussi que le Covid ne vous a pas arrêté, tu avais fait des heures et des heures de pirogues, puis de voitures, pour retrouver à l'époque une station essence pour que nous puissions mener une visioconférence entre le cœur de l'Amazonie et Paris et qu'on puisse, on s'en souvient à quelques-uns, et que nous puissions alors porter à nouveau la cause, des aides et que nous puissions, face aux manœuvres prédatrices qui étaient alors à l'œuvre ici au Brésil, essayer de mobiliser la communauté internationale, mobiliser des financements — on était quelques-uns à tes côtés — et réussir l'impossible. Je me félicite aujourd'hui qu'avec le président LULA, il y a un gouvernement fédéral qui fait de la protection de l'Amazonie, du développement de la bioéconomie et de l'avenir des peuples autochtones, une cause qui n'est pas simplement une cause de résistance où vous devez vous appuyer sur le reste du monde, mais qui est bien épousé par le gouvernement fédéral lui-même. Mais tout cela n'est possible aujourd'hui, et tout cela n'a été possible que parce que vous êtes ici plusieurs caciques, chefs responsables avec cette légitimité et ce savoir qui avait continué de vous battre durant ces années, et parce que oui, RAONI, tu as porté ce combat, peut-être encore plus loin et plus résolument que d'autres. Et le cacique que tu es n'a plus d'âge, il a une énergie chaque fois plus forte, à chaque fois que je le revois et il faut dire, LULA, que c'est une source d'espoir pour nous puisqu'il y a plusieurs années RAONI est venu à Paris pour faire une tournée d'adieu, mais il est revenu plusieurs fois après cette tournée d'adieu et à chaque fois que je le revois, tels les grands chanteurs, il est encore plus en forme, encore plus prêt à mener le combat et je pense qu'au-delà de nos fonctions respectives, il continuera de le mener.

En tout cas, cher RAONI, je voulais, en étant ici au cœur de l'Amazonie à tes côtés, avec ton Président et tant de tes homologues, te remercier au nom de la République française. Celle d’un peuple, d’un État qui est aussi présent en Amazonie, qui voulait, après tant d’années, célébrer le combat qui fut le tien. Dire toute notre reconnaissance. J'ai une pensée aussi pour Nicolas HULOT qui t'a aidé à porter ce combat en France avec beaucoup d'autres ici présents et qui continuent de t'accompagner. Ce combat, tu le mènes depuis tant de décennies. Et très modestement, je voulais dire que nous continuerons de le mener à tes côtés. Quand il a fallu soutenir la fondation, préserver votre part de forêt, nous étions là. Et donc, nous continuerons d'être là avec le président LULA aujourd'hui, et donc, plus fort encore. Parce que ce combat n'a pas trouvé son terme. Parce qu'aujourd'hui encore, vous vous battez pour la reconnaissance de votre terre natale, celle où vous avez passé votre jeune enfance et où est enterré votre père, et qui est délimitée mais non encore démarquée ni homologuée. Et je sais que ce combat, tu ne l’abandonneras pas et on fera tout ce qui est en nos capacités respectives pour t'y aider. En tout cas, dès à présent, on attend ce soir à vos côtés. Je voulais te dire, nous te disons tous merci, pour ton œuvre, ton combat inlassable pour toi, ton peuple et pour toute l'Amazonie et ses peuples autochtones. Résolument, le peuple a eu de la chance d'avoir un chef comme toi, un cacique aussi inspiré. Et je sais que ce peuple de l'eau a eu la chance d'avoir un chef au tempérament de feu.

Et donc, merci Raoni. Nous étions là. Nous serons là encore demain. Je vais maintenant te décorer. Bravo à toi !

À consulter également

Voir tous les articles et dossiers