Le Président Emmanuel Macron s'est rendu ce dimanche au Palais de Chaillot, à l’occasion des 75 ans de la Déclaration universelle des droits de l’Homme

Le chef de l’État a rappelé l’importance de la Déclaration universelle des droits de l’Homme adoptée le 10 décembre 1948 à Paris, au Palais de Chaillot. Cet anniversaire permet de célébrer la puissance et le rayonnement de ce texte traduit dans plus de 500 langues, qui a inspiré la constitution de nombreux États.

Le Président de la République est revenu sur ses priorités en matière de défense des droits : la sécurité dans l’environnement numérique, la protection des enfants et la défense du droit des femmes. Il a également rappelé l’engagement de la France dans la lutte contre l’impunité sur tous les terrains.

Lors de son discours le Président Emmanuel Macron a enfin annoncé que la France accueillerait en 2026 le prochain Congrès mondial pour l'abolition universelle de la peine de mort en faveur du pardon et de la réconciliation comme il s'y était engagé auprès de Robert Badinter.

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10 décembre 2023 - Seul le prononcé fait foi

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Discours du Président de la République à l’occasion du 75e anniversaire de la Déclaration des Droits de l’Homme.

Mesdames et Messieurs les représentants d’organisations internationales et non gouvernementales,
Mesdames et Messieurs les ministres, parlementaires, ambassadrices, ambassadeurs
Mesdames et Messieurs, en vos grades et qualités,
Vous tous, engagés pour les droits humains au quotidien,

Ici même, il y a 75 ans exactement, dans ce palais de Chaillot qui se tient au cœur battant de Paris, fut adopté un texte qui héritait d’une longue tradition des Lumières, et l’élargissait aux dimensions du monde : la déclaration universelle des droits de l’Homme. Après trois mois de session au Trocadéro, devenu pour l’occasion territoire international, les 58 délégués de l’Assemblée générale des Nations unies, au terme d’un débat vigoureux, s’accordèrent le 10 décembre 1948, à une large majorité, sur une déclaration de trente articles qui, depuis, reste une boussole pour la communauté internationale. 

Nous avons bien entendu complété ce socle ensuite par les Pactes pour les droits civils et politiques, pour les droits économiques, sociaux et culturels, ainsi que de sept conventions visant à mieux protéger les droits des plus fragiles et de mettre fin aux situations les plus inhumaines.

Car c’est au fond ce qui nous rassemble tous ici, il y a ici, rassemblés, des femmes et des hommes venant de pays qui tout à la fois ont négocié ce texte, qui l’ont voté, ou pas, et de pays que l’histoire avait privés d’être autour de la table à ce moment-là. Mais une chose est sure, c’est que ces droits sont universels et j’insiste en ce moment, où certains dirigeants de pays qui pourtant étaient là et l’avaient signée, sont en train de nous expliquer que ces droits seraient devenus relatifs ou régionaux et que d’autres viendraient nous expliquer qu’au fond, le respect de la dignité ou l’égalité entre les femmes et les hommes, serait quelque chose qui changerait selon la latitude ou la longitude. Non, c’est faux et résolument faux, et ce serait faire terriblement reculer l’Histoire que de céder à cette espèce de révisionnisme contemporain qu’on voit partout réapparaître et qui vient au fond fracturer ce que cette déclaration universelle a permis de faire, le fait qu’il y a un intangible derrière ces droits et qu’ils s’appliquent sur la planète tout entière. 

Ces principes ne sont pas culturels, ils ne sont pas occidentaux, ils ne sont pas datés ni géographiquement circonscrits. Ouverts à tous les peuples, quels que soient leur histoire et leur bagage culturel, ils constituent l’horizon d’un projet humaniste sur lequel sont fondées nos démocraties et le projet multilatéral onusien de paix et de prospérité partagée. 

Il faut redire tout cela aujourd’hui et élever la voix quand il le faut pour défendre cet héritage si précieux, rappeler qu’il s’est construit sur le refus de la violence et de la déshumanisation de la Seconde guerre mondiale. Et ce sont les mêmes formes qu’on voit réapparaitre aujourd’hui, à peu près sur tous les continents. Il est donc de notre responsabilité en cet anniversaire de rappeler combien ce projet est important. 

Notre République française est elle-même fondée sur ce principe d’universalité de nos citoyens, égaux devant la loi « sans distinction d'origine, de race ou de religion. » Elle respecte toutes les croyances et dès lors, ces institutions, que ce soit l’école, les administrations publiques, avec un devoir de neutralité, protègent les libertés de conscience de chacun face à la pluralité des convictions religieuses ou philosophiques.  La position de la France, porteuse de ce message universel, d’une France qui reconnait la valeur égale de chaque être humain, indépendamment de ses appartenances, indépendamment de ses identités, c’est la puissance de ce message depuis 1948 ou plutôt devrais-je dire, depuis 1789, message qui continue de se battre contre tous les obscurantismes. 

C’est ce que nous nous attachons à faire, au quotidien, en France et à l’étranger, pour faire avancer la bataille des droits. En tant que pays membre des Nations unies, nous nous soumettons bien sûr aux examens périodiques universels, qui permettent à chacun d’entre nous d’identifier ses faiblesses et de renforcer sans cesse la protection des droits sur notre propre sol et nous continuerons de le faire. Je veux ici dire toutefois que la défense de cet universalisme, la défense de ces principes dans un temps où le pire revient, où l’état de droit est parfois bousculé sur notre continent, où la guerre revient, où les principes mêmes, je le dis sont bousculés, ne doit pas s’accompagner d’un relativisme par lequel, à l’issue de ces enquêtes, on pourrait être surpris de voir que des parallèles scabreux sont dressés entre des situations que l’on constate ici et qui n’ont absolument rien à voir et rien de comparables avec ce qui est ensuite dénoncé à l’étranger. Je continuerai de corriger tout ce qui doit l’être en France mais par respect pour ceux qui vivent dans des pays où les droits sont foulés au pied, je pense que tous les combattants des droits humains, de l’état de droit, gagneraient à l’esprit de finesse et de distinction et à éviter les raccourcis qui servent les discours qui ne nourrissent que les extrêmes. 

Ces dernières années, nous avons fait ensemble avancer sur plusieurs fronts de manière très concrète plusieurs combats, et je veux ici les rappeler parce que vous en êtes les artisans :

  • Les droits des femmes d’abord. Les droits des femmes d’abord. Grandes causes des deux quinquennats, porté par plusieurs d'entre vous, militantes et militants et évidemment représentants gouvernementaux, nous avons ensemble en 2021, accueilli avec le Mexique le Forum Génération Égalité afin de mobiliser la communauté internationale à une heure où la pandémie avait fait régresser les droits des femmes et notamment des filles sur la planète. Plus de 40 milliards de dollars d'engagements pour mener la bataille de la santé sexuelle et reproductive, de l'éducation, de l'autonomisation économique ont été réunis à cette occasion. C'est un combat que nous devons poursuivre sans relâche partout. Et quand je vois aujourd'hui, à chaque fois que la violence s'installe, ce sont les femmes et les jeunes filles qui sont les premières victimes. Quand le terrorisme revient, elles sont touchées. La pandémie, nous l'avions vu, avait bousculé les droits économiques et sociaux dans de nombreux pays d'Afrique. Ce sont les jeunes filles avant toutes choses qui en ont été les victimes et qui ont été le plus privées d'écoles. Quand la guerre est venue et continue de sévir au Proche et Moyen-Orient, ce sont les jeunes filles, et je le dis devant Nadia MURAD, dont le combat est si courageux en la matière, qui ont été les premières victimes, jeunes filles yézidies mais de tant d'autres peuples, des violences et des violences sexuelles, en particulier, de la sortie de l'école, de l'abandon, de la séparation des familles. Ce combat universel est indispensable et le combat pour l'éducation des jeunes filles est un combat essentiel, en particulier à continuer de mener sur le continent africain. Et je le dis à un moment où, malheureusement, en raison des coups d'État répétés, le Sahel aujourd'hui est tenu bien trop souvent par des militaires qui ont oublié l'intérêt de leurs peuples et où on voit encore aujourd'hui le recul de la scolarisation des jeunes filles après des efforts salutaires qui avaient été faits par plusieurs dirigeants ces dernières années. Nous continuons de nous battre avec les organisations non gouvernementales, avec les acteurs de notre investissement solidaire en la matière mais ces combats sont aussi à mener dans nos pays et nous l'avons vu ces dernières années, car les libertés reconnues aux femmes, que l'on pensait en quelque sorte impossible de faire reculer, sont remises en cause par des mouvements politiques, parfois par des dirigeants qui arrivent au pouvoir, par des jurisprudences qui changent, en fonction d'équilibre politique. C'est pourquoi j'ai pris l'engagement de mener ce combat, et c'est pourquoi la France se félicite de montrer l'exemple en inscrivant dans sa constitution la liberté de la femme de recourir à l'interruption volontaire de grossesse. Cette liberté sera inscrite dans notre constitution, et le texte, suite à son passage au Conseil d’Etat arrivera dans les prochains jours sur la table du Conseil des ministres pour que nous puissions l'adopter, et qu'il fasse ensuite son chemin législatif puis constitutionnel. 
  • Pour les droits des enfants, le combat est aussi mené chaque jour. Ils sont les plus vulnérables, et je l'évoquais à l'instant en parlant de l'éducation, tout particulièrement des jeunes filles. La France est devenue un soutien majeur du Partenariat mondial pour l'éducation, et pour nous, c'est une grande occasion de présenter sur l'importance de celui-ci, qui a réussi ce tour de force de faire augmenter les budgets consacrés à l'éducation dans tous les pays d'intervention ces dernières années, grâce à la mobilisation avec le Sénégal que nous avions conduite en 2018, et à beaucoup des acteurs aussi sur ce sujet sur la terre entière. Nous avons également lancé, avec le Programme Alimentaire Mondial, dont je veux saluer la mobilisation, une grande coalition en faveur de l’alimentation scolaire. Cette coalition a permis de retrouver le niveau pré-Covid en nombre de repas servis, et notre objectif, nous l'avons réaffirmé ici même en octobre dernier, vise à assurer que chaque enfant dans le monde ait accès à un repas nutritif par jour d'ici 2030. En le disant en ces termes, mesurons tous combien c'est fou de se dire que c'est un objectif pour 2030, mais nous en sommes là. Et donc nous devons continuer de mobiliser les financements internationaux et l'organisation, avec évidemment tous les réseaux gouvernementaux et non gouvernementaux, pour pouvoir venir en soutien de tous ces enfants, car nous avons encore des centaines de millions d'enfants à travers le monde qui n'ont même pas un repas normal par jour. Ce combat est essentiel pour l'ordre. Et bien évidemment, nous continuerons le combat, mené en lien étroit avec l'UNESCO et avec plusieurs d'entre vous, pour la protection des enfants, la protection de leurs droits, leur sécurité, la lutte contre les crimes qui les touchent et les violences, pour que justice soit faite et que les politiques de prévention soient menées dans tous nos pays, la lutte évidemment contre la pédophilie et la pédopornographie. 
  • Pour les droits des personnes LGBT+, là aussi, le combat ces dernières années s'est poursuivi. Et conformément à mon engagement, j'ai nommé l'an dernier un Ambassadeur qui défend aux quatre coins du monde et porte devant les Nations unies ce combat qui est pour nous essentiel de la dépénalisation de l'homosexualité. Nous ne pouvons pas accepter aujourd'hui encore que quiconque puisse être jugé en fonction de son orientation sexuelle. Ce combat est très loin d'être gagné. Là aussi, cette pénalisation est aujourd'hui portée par des discours relativistes sur de nombreux continents. Elle est portée par des discours religieux ou traditionalistes qui sont complètement falsifiés sur de nombreux continents. Et ces discours reviennent, y compris sur le continent européen, y compris au sein de l'Union européenne et du Conseil de l'Europe, d'une manière intolérable, en justifiant en quelque sorte le pire par une forme de conservatisme détourné ou de traditionalisme qui aurait lui-même perdu le nord. Rien, rien ne peut justifier une pénalisation, quelle qu'elle soit, de l'homosexualité. 
  • Pour le droit à un environnement sain, nous nous battons au quotidien pour la transition écologique en France, en Europe, dans le monde, pour une transition solidaire qui permette d'assurer qu'aucun pays n'ait à choisir entre lutter contre la pauvreté et investir pour la planète, avec une mobilisation financière inédite de la France, qui, je veux le dire ici, non seulement est sur sa trajectoire des accords de Paris, mais est aussi, et surtout, sur la trajectoire de sa juste part en termes de financements internationaux. Nous sommes peu dans le club des pays du G7 à avoir ces deux qualificatifs. Mais je veux le dire ici aussi, car il s'agit de rendre ces droits effectifs et nous sommes à un moment de la vie de la planète, où beaucoup de pays, de peuples qui n'ont rien fait pour créer les dérèglements climatiques sont les premiers à en être victimes. C'est pourquoi je me félicite des avancées que nous avons ensemble construites la dernière année avec un fonds permettant de faire face aux dommages et préjudices qui a obtenu un début de mobilisation internationale. C'est pourquoi nous devons aller plus loin et plus fort pour accompagner beaucoup plus massivement des pays qui déjà subissent les conséquences de la vulnérabilité climatique. Ce que nous allons signer dans quelques semaines avec le Bangladesh où nous investirons, levant des financements internationaux, nous mobilisons également plus d'un milliard et demi d'euros pour le Bangladesh. Mais nous devons aussi prendre en compte le fait qu'aucun pays n'a à choisir entre lutter contre la pauvreté, pour la biodiversité et contre le réchauffement climatique. C'est le sens même du Pacte de Paris pour les Peuples et la Planète que nous avons bâti ici même en juillet dernier et bâti ensemble. Car pour la première fois depuis bien des années, ce pacte a été construit, conçu avec des pays de tous les continents, sur un consensus établi entre toutes les latitudes et permettant justement de mobiliser, là aussi, plus de financements internationaux sur une philosophie commune. C'est aussi par ce texte que nous mettons au cœur de ce projet pour le droit à un environnement sain, la reconnaissance du droit des peuples autochtones. Et je le dis devant le Cacique Raoni qui nous fait l'amitié d'être là, à nos côtés, avec plusieurs autres représentants dans cette salle des peuples autochtones. Il n'y a pas de solution durable véritable si elle ne prend pas en compte le fait que la lutte pour la biodiversité, la lutte contre le réchauffement climatique est une lutte respectueuse des peuples qui vivent dans ces écosystèmes, de leurs droits et de leur mode de vie. Et c'est pourquoi, aux côtés du gouvernement brésilien, nous continuerons de nous battre pour lutter contre toute déforestation, pour reconnaître le droit des peuples autochtones de manière solide et effective. 
  • Le XXIᵉ siècle a vu également l'avènement d'un monde numérique. Et parler des droits humains, c'est parler de ce qui existe dans ce nouvel ordre public dans lequel les normes de l'État de droit doivent s'appliquer. Défi que nos pères, il y a 75 ans, n'avaient évidemment pu prévoir. Depuis 2017, nous avons œuvré sans relâche avec nos partenaires, que ce soit pour la protection de la démocratie qui passe par l'intégrité des processus électoraux ou la protection de l'information, la lutte contre la pédopornographie, mais également contre le harcèlement en ligne ou contre les contenus terroristes et haineux. Et je veux le dire ici, nous avons, ces dernières années, procédé à un début de révolution normative. D'abord en Europe, avec les directives DSA et DMA, mais également à l'international, en réussissant à construire une forme de droit innovant grâce à l'appel de Christchurch d'abord, que nous avons réussi à transposer, permettant le retrait des contenus terroristes dans la fameuse heure d'or et continuons à nous battre pour le retrait des contenus haineux. Mais nous avons encore beaucoup à faire pour bâtir une véritable régulation en dur. Parce qu'aujourd'hui, nos enfants sont plongés dans un ordre public où tout est possible, où les discours de haine, d'antisémitisme, de racisme peuvent pulluler sans qu'ils soient protégés de cela, où la désinformation est partout et où le harcèlement, contre lequel nous luttons en classe et auprès des familles, peut revenir à travers les réseaux. Et donc nous allons continuer de nous battre pied à pied pour l'inscrire, comme on a commencé de le faire dans notre droit européen et le droit dérivé, mais aussi pour l'inscrire dans le droit international. Parce que c'est ça la réalité qui est seule efficace, on le sait, dans le droit numérique. Nous avons plusieurs travaux qui sont en cours, et je veux saluer, je sais que vous en avez parlé cet après-midi dans vos travaux, les états généraux de l'information qui ont cette mission difficile et merci beaucoup Madame RESSA d'être à nos côtés pour ce combat, avec RSF et tous les membres de la commission et de l'organisation de ces états généraux de l'information. Et je souhaite que la France puisse être, en quelque sorte, aux avant-postes de ce combat, mais avec la volonté qu'il soit tout de suite internationalisé parce que c’est la question de savoir comment, en quelque sorte, nos démocraties, à l’ère numérique peuvent continuer de vivre. Quelle démocratie peut survivre aux fausses informations répandues sans limite, à l'hyperconcentration économique dans le monde de la presse, des médias, à la manipulation de l'information qui est la forge de l'opinion publique ? L'hypothèse de base de nos démocraties, c'est que les consciences sont libres, éduquées, librement informées. Et tout cela est en train d'être perverti par un système de plus en plus opaque sur ses fondamentaux, dont les équilibres économiques ne sont pas ceux de l'ordre public et de l'intérêt général, mais de la publicité individualisée et au fond qui vend de l'information en ligne, plutôt qu'il fait mine de la donner pour mieux vendre derrière d'autres choses qu'il monétise. À cet égard, notre responsabilité est de créer de la transparence, des règles internationales nouvelles, et de le faire avec détermination et force, c'est l'objectif ô combien ambitieux de ces États généraux, et ce que nous continuerons de faire. À ce titre aussi, nous avons évidemment à mener ce combat à l'heure de l'intelligence artificielle, qui a des conséquences sur l'information, sur nos démocraties et sur beaucoup d'autres éléments touchant nos droits. La France s’honore d'accueillir le prochain sommet de l'intelligence artificielle, et compte sur vous tous pour nous aider à établir un cadre de gouvernance qui nous permette le respect des droits de chacun. Nous devons innover, faire de l'Europe une terre d'innovations en la matière, mais aussi de règles qui font que cette innovation soit au service de l'humanisme auquel nous croyons. 
  • Enfin, notre combat passe évidemment par le soutien à tous ceux qui défendent les droits humains au quotidien. Vous êtes nombreux ici parmi nous ce soir, je le sais, et j’en ai croisé quelques-unes et quelques-uns. J'ai souhaité créer, avec le soutien de collectivités et d'organisations que je remercie, un dispositif d'accueil en France de défenseurs des droits actifs aux quatre coins de la planète, qui peuvent ainsi trouver chez nous un temps de repos, de recul, de formation. Nous avons eu la chance de rencontrer le lauréat des deux premières promotions de cette initiative Marianne, et je veux redire ici tout mon respect pour les combattantes et les combattants de la liberté que vous êtes ; pouvoir les accueillir pendant six mois sur notre sol et garder sur le long terme des liens d'amitié avec la France nous honore et nous continuerons de le faire dans la durée. La France conserve sa longue tradition d'asile pour tous ceux dont les droits se trouvent menacés dans leur pays, et nous continuerons de défendre ce droit d'asile ; c'est celui qui protège les combattantes et les combattants de la liberté, qui a été conçu au sortir de la deuxième Guerre mondiale quand tant d'apatrides circulaient à travers l'Europe, et penser régler nos problèmes contemporains en oubliant ces droits qui sont dans le socle même de notre République pour ce qui est de la France, mais dans l'identité même de notre Europe, serait une faute pas simplement politique mais morale. Le Forum mondial sur les réfugiés qui se tient dans 3 jours sera l'occasion de redire le soutien fort de la France à tous ceux qui ne peuvent aujourd'hui plus rester chez eux, car ils sont en danger pour ce qu'ils sont, pour les combats qu'ils mènent. La France, à cette occasion, s'engagera en particulier aux côtés des femmes afghanes, dont les droits les plus élémentaires sont aujourd'hui si gravement bafoués. Nous redirons aussi notre soutien plein et entier au Haut Commissaire GRANDI, à son organisation, et nous serons au rendez-vous des engagements financiers que nous avons pris. 

S'engager pour le respect des droits, c'est aussi s'engager auprès de ceux qui le font respecter, notamment auprès des juridictions internationales, afin que les principes de 1948, notre unique standard, soient pleinement appliqués sur tous les terrains d'affrontement. La fin de la Seconde guerre mondiale a tourné la page de l'impunité comme modalité de règlement des conflits, avec le procès de Nuremberg, mais aussi la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide, adoptée ici même le 9 décembre 1948. Et c'est cette même volonté qui nous a conduit à mettre en place la Cour pénale internationale, à qui je souhaite redire notre soutien sans faille, y compris contre les tentatives d'intimidation inadmissibles dont elle a été victime récemment. J'espère que nous pourrons rapidement parachever ce mouvement avec une Convention contre le crime contre l'humanité, actuellement discutée par les Nations unies, parce qu'il n'y a pas de paix sans justice. Et la lutte contre l'impunité n'est pas négociable. La laisser de côté au motif qu'elle rendrait la négociation de paix impossible revient à nier la lourde responsabilité que nous avons, nous, dirigeants, que de faire la vérité sur les faits afin de préparer la paix. Le travail est immense, tant les terrains de conflit sont nombreux, Sahel, Soudan, Proche-Orient, Ukraine, Caucase connaissent en ce moment même la violence. La Cour pénale internationale a été saisie de 17 situations. Tous les continents sont concernés. J'ajouterai ici le courage que je veux mentionner de l'Arménie qui a décidé d'adhérer au statut de Rome ; geste ô combien remarquable alors que les derniers mois ont amené leur lot de tragédies dans ce pays et pour ce peuple si courageux. 

Je le dis ici, cette lutte contre l'impunité est essentielle. Et les gens qui voudraient en quelque sorte faseiller avec ce principe confondent deux choses : la possibilité d'oublier et de pardonner et la négociation sur les crimes. Il y a ensuite dans le travail des sociétés des moments de réconciliation et de vérité. Mais ils sont le choix des sociétés elles-mêmes, de leurs dirigeants éclairés par les historiens, décidés par l'ensemble des protagonistes et ils peuvent prendre des années et des années. L'Afrique du Sud l'a vécu, le Rwanda. Nous y avons modestement œuvré avec plusieurs historiens présents dans cette salle et d'autres pays ont amené ce chemin. Mais jamais ce chemin et le chemin du pardon ne peuvent s'inscrire sur l'impunité et la négation du droit des victimes. Jamais. C'est une confusion funeste. Et donc nous continuerons de nous battre aux côtés des militants, des avocats, des magistrats, des diplomates sur ce sujet. 

Face à notre droit international, là aussi, il n'y a pas de Nord ni de Sud, il n'y a pas d'Est ni d'Ouest. Il y a des faits qui doivent être documentés, qualifiés, jugés. Nous mobilisons des moyens importants pour aider les juridictions internationales dans leurs investigations, avec des renforts judiciaires, policiers d'enquête. Le ministre de l'Europe et des Affaires étrangères, le garde des Sceaux, qui m'accompagnent, se sont par exemple immédiatement mobilisés dès le début de l'agression russe en Ukraine pour que nous ayons justement, aux côtés du peuple ukrainien, ces moyens qui sont mobilisés pour établir les faits et pour que la vérité, dans la durée, puisse être faite et que la justice puisse passer. Toutes les victimes ont droit à la justice, toutes les situations doivent faire l'objet de la même attention impartiale et objective. Les démocraties qui respectent le droit, incriminent et enquêtent sur leurs crimes, ne peuvent avoir peur de la CPI. Avec le principe de subsidiarité, une démocratie qui fait bien son travail n'a rien à craindre. 

Chers amis, nous héritons des siècles de lumière et d'engagement en faveur des droits mais une grande partie de nos combats sont devant nous encore. Paris n'oubliera pas qu'elle a été le berceau de la déclaration universelle des droits de l'Homme et que cette filiation l'honore et l'oblige. Bientôt, elle accueillera une Maison des droits de l'Homme pour épauler les organisations qui les font vivre et que je tiens ici à remercier tout particulièrement et pour sensibiliser également le grand public à leur cause. Nous avons établi l'initiative Marianne pour offrir chaque année à 15 combattantes et combattants de la liberté un répit, un havre, avant de poursuivre leur combat dans leur pays. Et je souhaite que désormais, les défenseurs des droits identifiés par nos ambassades et que nous savons porter un combat juste, bénéficient par défaut d'une procédure de traitement accélérée de leur demande de visa afin qu'ils puissent circuler en France qui est et doit rester un repère, une boussole pour ceux qui croient en nos valeurs et les portent coûte que coûte dans leur pays. 

En écho aux travaux engagés par la présidence espagnole du conseil de l'Union européenne, je souhaite également renforcer la collaboration européenne en matière de visa, en développant notre réponse d'urgence face aux dangers qui pèsent sur les défenseurs des droits. 

Enfin, il y a encore un combat, et je finirai sur ce point qui me tient particulièrement à cœur. Monsieur Robert BADINTER, le sait ô combien, je m'étais engagé à ses côtés en septembre 2021 lors du 40e anniversaire de l'abolition de la peine de mort en France. Je m'y tiens. J'ai l'honneur ainsi de vous annoncer que la France accueillera en 2026 le prochain Congrès mondial pour l'abolition universelle de la peine de mort en faveur du pardon et de la réconciliation. Ce combat est essentiel. Rendons justice à nos prédécesseurs de 1948 qu’en nous voyant rassemblés aujourd'hui ils soient fiers du respect des combats qu'ils ont menés, de notre volonté de reprendre le flambeau. Et nous, soyons lucides sur la nécessité de ce texte et des combats qu'ils ont conduits, sur leur extrême fragilité, y compris aujourd'hui, et la nécessité de mener tant de combats encore qui sont devant nous. Rien n'est acquis, rien. 

Il faut chaque jour remettre ces combats dans nos sociétés, où parfois les consciences s'endorment, chez nos voisins, où parfois, par facilité, le discours des combattants de liberté l'emporte, dans la planète entière, quand les vents mauvais se lèvent, ou quand l'universalité de ces combats a été bafouée. Le travail est immense, mais je vous sais courageux, et je nous sais surtout ensemble, unis par la force de ces combats et par la certitude qu'à chaque fois que nous cédons un centimètre, c'est un centimètre de recul que nous acceptons pour nous-mêmes, ou pour nos enfants, ou pour nos frères et nos sœurs. Car parce que ces combats sont universels, les céder à un endroit, c'est les accepter ou en accepter le recul pour nous-mêmes. 

Rien, rien ne doit être cédé. 

Je vous remercie. 

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