L’un des plus grands noms français et internationaux de l’histoire de l’architecture, Jean-Louis Cohen, s’est éteint à 74 ans. D’une érudition et d’une curiosité insatiable, il abordait sa discipline avec l’œil de l’architecte, de l’historien, du théoricien et du critique à la fois, pour mieux l’étudier, la transmettre et la faire rayonner.

Né à Paris en juillet 1949, il grandit dans le quartier populaire de la Butte-aux-Cailles, au sein d’une famille d’intellectuels communistes qui lui inculquèrent deux idéaux : la science et la révolution. Son père, journaliste à l’Humanité devenu rédacteur en chef de la revue officielle du parti communiste français, l’emmena avec lui dans ses voyages à l’Est. Il hérita de son enfance une force de caractère profonde, et des idéaux politiques qui le menèrent au PCF et à l’UNEF.

La finesse de ses connaissances lui venait autant de l’École spéciale d’architecture et de l’unité pédagogique UP6 que de ses explorations de jeunesse dans les villes du monde entier. Car sa conception de l’architecture se jouait des frontières : auteur d’une thèse sur André Lurçat à l’EHESS, grand exégète du modernisme de Mallet Stevens et de Le Corbusier, passionné par Frank Gehry, Jean-Louis Cohen enseignait aussi bien à Paris-VIII qu’à New-York et au collège de France, écrivait dans la revue transalpine Casabella, s’affirmait comme l’un des plus fins connaisseurs de l’urbanisme parisien et allemand, se penchait sur les anciens bâtiments coloniaux au Maroc et en Algérie, montait des projets avec l’architecte italien Manfredo Tafuri et des expositions sur l’architecture soviétique au centre Pompidou. Loin des simplifications, il s’attachait à croiser les pays, à étudier les transferts culturels, à sonder les influences, à déployer les nuances.

Un temps directeur du programme de recherche architecturale du ministère de l’Équipement, de 1979 à 1983, il se vit confier en 1997 par le ministère de la Culture la création de la Cité de l'architecture et du patrimoine, où il dirigea le Musée des Monuments français jusqu'en 2003 et l'Institut français d'architecture jusqu'en 2004.

Attaché à la préservation de notre patrimoine architectural, il milita pour sauvegarder la maison du Peuple de Clichy, se porta au chevet de la villa E-1027 à Roquebrune-Cap-Martin pour la restaurer de fond en comble, défendit les logements sociaux de la cité-jardin de la Butte-Rouge, à Châtenay-Malabry, convaincu de l’aspect éminemment démocratique de la beauté architecturale, qu’il voulait partager au plus grand nombre.

Sa vitalité fascinante lui permettait de maîtriser une dizaine de langues, de sillonner les pays, de siéger dans les conseils scientifiques internationaux, du MoMA au centre d’architecture de Montréal, de l’Académie des arts de Berlin à la Chine. Il y a quelques semaines, encore, il inaugurait à Shangaï une exposition sur le Paris de l’entre-deux-guerres dont il était co-commissaire, avec Pascal Mory et Catherine Örmen.

Le Président de la République est profondément attristé de la disparition de ce grand penseur de l’architecture qui bouillonnait encore de projets. Il adresse à ses proches, ses collègues et ses élèves ses condoléances sincères.

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