Jane Birkin, disparue le 16 juillet à l’âge de 76 ans, avait incarné une époque, par son élégance, ses transgressions, sa grande liberté. Elle avait continué, les décennies passant, à demeurer chère au cœur des Français, par son mélange de candeur et d’irrévérence, la générosité de ses combats, le caractère inoubliable d’une voix et d’un accent passés dans notre mémoire collective.
Née le 14 décembre 1946 à Londres, rien ne fut banal dans la vie de Jane Birkin. A commencer par une enfance heureuse auprès de parents romanesques : David Birkin, son père, commandant de la Royal Navy, agent de liaison de la Résistance française pendant la guerre, était célébré comme un héros. Sa mère, Judy Campbell, actrice et chanteuse, était applaudie sur les planches de Londres. Ils lui transmirent un certain sens du spectacle, une disposition à refuser les codes établis, et la volonté de lutter pour des idéaux humanistes. Malheureuse dans l’internat où elle avait été envoyée à douze ans, dépensant ses soirées à amuser les autres pensionnaires, l’adolescente convainquit ses parents de lui offrir des expériences plus conformes à ses aspirations. Passant par Paris pour perfectionner son français, scolarisée à Kensington, Jane Birkin n’échappa pas à l’air de liberté qui soufflait alors dans le Swinging London.
Jane Birkin obtint un premier rôle au cinéma en 1964, et adopta alors définitivement cette existence de bohème, de passions et de créations qui fut la sienne. Jeune actrice faisant ses débuts aux côtés de Jacqueline Bisset ou Charlotte Rampling, Jane Birkin joua une mannequin au physique de liane dans « Blow-Up », d’Antonioni. Palme d’or 1967 à Cannes, le film fut un manifeste de ces années-là, faites de rock, de couleurs pops, traversées par les utopies politiques et culturelles de la jeunesse. Interprète dans une comédie musicale, Jane Birkin fut brièvement mariée au compositeur John Barry, légende du cinéma aux six oscars, avec qui elle eut une fille, Kate.
En 1968, elle arriva à Paris pour passer le casting du film « Slogan » pour lequel elle fut retenue.
Son partenaire dans le film s’appelait Serge Gainsbourg. Commença dès lors une histoire qui donna naissance à des tubes passés dans l’imaginaire collectif. Serge Gainsbourg et Jane Birkin formèrent pendant dix ans un couple de légende, chantant « pour les transistors » leur « anamour ». Avec sa voix délibérément frêle et presque chuchotée, un ton enfantin qui clamait des couplets provocateurs, et un accent britannique qui syncopait les paroles, Jane Birkin accompagnait les créations de son compagnon. Leurs chansons firent scandale – « Je t’aime…moi non plus » ou « 69, année érotique » - devinrent des succès populaires, et constituèrent, surtout, parmi les plus beaux chants lyriques et amoureux du répertoire musical français. « Tes 20 ans, mes 40 », comme le chantait Serge Gainsbourg dans « Elisa », composèrent la bande-son de nos années soixante-dix. Leur fille, Charlotte Gainsbourg, reprit, elle aussi les chemins de la chanson et du cinéma.
Jane Birkin poursuivit sa carrière en enchaînant les albums studio dont « Baby Alone in Babylone » (1983) puis, après la mort de Serge Gainsbourg, continua à faire vivre sur scène ou sur disque leur œuvre, avec des albums de reprise : « Version Jane » en 1996 et « Arabesque » en 2002. Jane Birkin écrivit au fil des ans, une discographie personnelle, où son statut d’icône lui permettait de brasser les univers de la chanson française (l’album « A la légère », en 1999, auquel collaborèrent Gérard Manset ou Miossec, ou ses duos avec Etienne Daho) comme les artistes du monde entier.
Au cinéma, elle fut dès la fin des années 1970 une vedette populaire : succès internationaux, tel « Mort sur le Nil », en 1978 ; seconds rôles candides ; ou personnages plus ambigus à l’image de son rôle dans « La Piscine » de Jacques Deray. Avec sa liberté constante, Jane Birkin passa des comédies populaires, chez Claude Zidi ou Patrice Leconte, aux films d’auteur, avec Jacques Rivette ou Jacques Doillon, son compagnon, rencontré sur le tournage d’une « Fille prodigue » en 1981. Avec lui, elle tourna encore « La Pirate » trois ans plus tard, et eut une fille, Lou Doillon, qui, à son tour, mêla tous les talents du cinéma et de la chanson. Passant de la fiction au documentaire, Jane Birkin fut même l’héroïne d’Agnès Varda dans « Jane B. par Agnès V. », pour qui elle écrivit aussi le scénario de « Kung-Fu Master » en 1988. Enfin, elle fit des incursions sur les planches, jouant aussi bien au Théâtre du Splendid qu’interprétant Les Troyennes d’Euripide.
Jane Birkin n’oublia jamais non plus le sens de l’engagement, prenant fait et cause pour de nombreux combats : luttant contre le SIDA, soutenant le Téléthon dont elle fut marraine en 2001, artiste de la troupe des « Enfoirés », ou militante du droit et de la justice universelles, devenant porte-parole d’Amnesty International. Elle mit ainsi constamment son statut d’icône populaire pour aider d’autres vies que la sienne.
Le Président de la République et son épouse saluent la mémoire d’une artiste complète, d’une femme qui incarna et propagea la liberté, d’une âme généreuse devenue, de la rue de Verneuil à la piscine de Jacques Deray, une icône de l’imaginaire français. Ils adressent à ses filles, Charlotte Gainsbourg et Lou Doillon, à ses proches, à tous ceux qui ne se lassent pas d’être « fan des sixties » leurs condoléances émues.
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