Le Président de la République s'est rendu à la réception offerte par le ministre des Armées, Sébastien Lecornu, à l’Hôtel de Brienne, en l’honneur des troupes appelées à défiler à l’occasion de la fête nationale du 14 juillet 2023.

À cette occasion, le chef de l’État a prononcé un discours, après avoir échangé avec les militaires blessés au combat durant l'année, leurs proches, ainsi que des familles de militaires endeuillées. 


Revoir le discours : 

13 juillet 2023 - Seul le prononcé fait foi

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DISCOURS DU PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE AUX ARMÉES.

Madame la Première ministre, 
Monsieur le ministre des Armées, 
Mesdames les secrétaires d'État, 
Mesdames et messieurs les députés, 
Mesdames et messieurs les sénateurs, 
Monsieur le grand chancelier, 
Monsieur le chef d'État-major des armées, 
Mesdames et messieurs les élus, 
Mesdames et messieurs les officiers généraux, officiers sous-officiers, officiers mariniers, soldats, marins, aviateurs, gendarmes, agents civils du ministère des Armées,
Mesdames et messieurs,

Depuis 1790 et la 1ère fête de la Fédération, le 14 juillet, est à la fois une fête populaire et un défilé militaire. Dans ces deux aspects qui n'en font qu'un, se reflètent l'unité de la Nation et des armées. Dans ce temps de cohésion, se lit l'esprit de rassemblement qui doit unir les Français. Et dans l’engagement d’hommes et de femmes pour la défense de leurs concitoyens jusqu'au sacrifice ultime s’il le faut, s'exprime la grandeur des valeurs qui structure les armées et qui irriguent notre peuple, leur force d’âme, leur force morale. Ces mots que je scandais ici même il y a un an, prennent une acuité toute particulière parmi vous, entre ces murs et sous ses fenêtres qui furent celles de Clémenceau en 1917 et de de Gaulle à la Libération et d'où l'histoire semble nous contempler encore. Ce qu'ils verraient ce soir a, je crois, de quoi les tranquilliser, car le flambeau est repris et la présence de nos blessés, des familles endeuillées d'hommes à qui la mention « Mort pour le service de la République » a été décernée, témoignent assez de la persistance d'un héroïsme qui ne se mesure jamais à l'aune de la résignation et de l'habitude. 

J'étais à vos côtés jusqu'à présent et c'est ce qui explique notre retard, à côté de nos blessés et à côté des familles. N'oublions aucun de ceux qui sont tombés. Merci Monsieur le ministre des Armées de l'organisation de cette soirée qui m'a permis de leur témoigner avec la gravité et le respect au cœur, de la solidarité que leur doit la Nation. Tous n'avaient pas reçu encore les marques de cette reconnaissance pourtant vitale. Nous leur devions cette justice face à la singularité d'un engagement qui les a conduits à l'entraînement ou en mission de service public, à faire le don ultime de leur existence. Je m'incline ce soir aussi avec respect devant le sacrifice de l'adjudant-chef Guy Barcarel, mort pour le service de la Nation en Guyane il y a quelques semaines dans une opération de lutte contre l'orpaillage. Quelques semaines après, le décès de son frère d'armes, le major de gendarmerie Arnaud Blanc, tué par un trafiquant qui a été depuis appréhendé et remis à la justice. 

La gratitude de la Nation est profonde envers eux comme envers vous tous, personnels, civils et militaires des armées. Et c’est le message que je voudrais porter ce soir et partager avec nos partenaires internationaux représentés ici et au côté desquels les armées françaises défendent notre sécurité et nos valeurs communes. 

Cette gratitude implique des actes, des améliorations tangibles, en particulier l'amélioration de la prise en charge des blessés. Avec une exigeante confiance, j'avais demandé ici même, il y a un an, un effort renouvelé en faveur de cet enjeu essentiel. Le plan récemment présenté par la secrétaire d'État replace le blessé au centre de tout, de manière concrète, avec le formulaire unique et la maison numérique du blessé, avec le renforcement du nombre de référents pour accompagner les blessés à Paris comme en province, ou encore l'ouverture de deux nouvelles maisons Athos avant 2024. Les fondations de ce vaste chantier sont solides grâce à tous ceux qui y ont œuvré - je voudrais remercier aussi le directeur de projet - mais ce n'est que le début. Il s'agit désormais de passer, comme vous le dites, en conduite et j'y serai très attentif. 

Ce n'est que justice que de veiller à la sécurité de ceux qui veillent à la sécurité des Français chaque jour sur toutes les latitudes. L'actualité des conflits est forte et faisant le bilan de ce qui a été fait depuis un an, au-delà de ce qui a été donc présenté pour nos blessés et leurs familles, je voulais ici aussi, plus largement, tirer à la cavalcade le bilan d'un 13 juillet, l'autre de notre action. 

La guerre en Ukraine témoigne de ruptures stratégiques qui se manifestent largement de l'Asie à l'Afrique, du fonds des océans jusqu'aux confins de l'espace et du numérique. Je sais les efforts consentis pour y faire face. Nous allons poursuivre notre aide à l'Ukraine. La livraison de missiles SCALP annoncée il y a deux jours en témoigne et ce que vous avez accompli est déjà largement considérable. La qualité des formations dispensées en France et en Pologne, la livraison des matériels de premier rang de nos armées, la capacité française à proposer des solutions de rupture comme les chars ou la défense sol/air ont été un appui essentiel à la bravoure des Ukrainiens. Je mesure que ce que cela implique d'efforts dans vos unités et la préoccupation que peut générer une guerre qui dure. Le chef d’Etat-major des armées me conseille dans ses choix car il n’est pas question de fragiliser notre défense. Ces matériels seront recomplétés et cela ne se fera pas aux dépens de l’ambition que porte la programmation militaire. Le ministre y veille mais le terrain commande, comme le disent les forces. Le tempo de la guerre dicte le rythme de notre soutien et je sais la mobilisation de nos unités comme la mobilisation industrielle. J'en attends beaucoup. La capacité à répondre à cette urgence stratégique déterminera aussi la place future de notre industrie car l'objet du chantier sur l'économie de guerre que je vous ai confié, monsieur le ministre, est bien là. Je salue les résultats déjà obtenus sur les délais de production du CAESAR, par exemple, ou les premières relocalisations. C'est la voie à suivre. Mais nous sommes dans un moment où il ne faut pas faire mieux simplement. Il faut faire plus, plus vite et différemment. Il faut faire ce qu'il faut. Pour nos amis ukrainiens, une semaine est une éternité et les soutenir, c'est intégrer leur temps en acceptant de prendre des risques, en acceptant aussi des ruptures de rythme et en faisant des choix clairs, comme nous avons commencé à le faire, pour y arriver. 

Mais vous le voyez bien, le retour de la guerre sur le sol européen nous a conduits à réfléchir différemment, à réagir différemment, et je veux dire ici que la France a démontré aussi la force de son modèle. En quelques jours, nous avons su réagir. À chaque fois, nous avons su ouvrir les flancs. Lorsqu'il a fallu livrer nos chars, et lorsqu'il a fallu ouvrir la voie à cette détermination, nous l'avons fait, ouvrant le chemin pour d'autres. Et ça doit être une fierté pour nos armées et pour nos industriels, mais cela doit renforcer notre exigence, car l'effort se fera dans la durée et ne saurait se faire, de manière très claire, en soustraction de notre engagement pour nous-mêmes. 

De la même manière, nous avons su réagir en quelques jours pour nous déployer sur le flanc Est de l'Alliance. C'est un choix qui a démontré la force du modèle français. Être nation-cadre tout de suite, en Roumanie, et décider et déployer en quelques jours, cela a forcé l'admiration de certains, mais cela renforce la confiance de tous. Et aujourd'hui, la France, dans ce contexte, en un an a renforcé très largement sa mobilisation dans le sein de l'Alliance, en Roumanie, en Estonie, mais dans la police de l'air aussi, où nous sommes respectés et appréciés. 

Depuis le 13 juillet dernier, je constate aussi avec satisfaction que les armées ont entamé la transformation de leur présence aux côtés de nos partenaires du Sahel et plus largement sur le continent africain. Je l'annonçais ici même il y a un an. Ce n'était pas facile et c'est aujourd'hui un acquis. C'est un changement de posture majeur, un changement de logiciel en somme qui témoigne d'une plus forte écoute, d'une plus grande intimité avec nos partenaires. Une empreinte repensée, des missions ambitieuses redéfinies avec chacun des pays avec qui nous coopérons. Une volonté toujours affirmée d'aider ce continent à vivre dans la paix. La présence des emblèmes des lycées militaires africains demain sur les Champs-Elysées en est pour moi l'incarnation la plus forte, celle de la fidélité de la France à sa parole et ses engagements et à la préparation de l'avenir. Mais au fond, ce que nous avons décidé, c'est d'avoir un dispositif moins posé et un partenariat mieux pensé, où nos partenaires expriment leurs besoins, où nous y répondons, et où nous savons aussi réinvestir en profondeur la formation, l'intimité de partenariats respectueux et une sécurité dans la durée pour le continent. 

Enfin, je n'oublie pas, sans toutes les énumérer, la somme des opérations menées pour la sécurité des Français, la poursuite des missions de lutte contre le terrorisme, notamment en Afrique et au Moyen-Orient, l'affirmation de notre présence dans les espaces communs, avec par exemple l'opération Pegase ou la mission Jeanne d'Arc. Les secours apportés à nos compatriotes, à nos alliés et aux populations, en particulier au Soudan, où l'efficacité de nos armées pour nos propres ressortissants, mais aussi pour le monde entier, a été saluée. Les concours apportés aux forces de sécurité intérieures dans les luttes contre les incendies de l'été, contre les trafics, l’orpaillage illégal, la sécurité des grands événements et la force et l'efficacité de nos services de renseignement pour nos compatriotes, comme pour l'ensemble de nos partenaires qui nous respectent et encore récemment ont salué la qualité de ces partenariats et des informations françaises. Je sais tout ce que cela implique aussi dans l'ombre et je connais tous les invisibles sans qui rien n'est possible. Comme toujours, vous avez répondu rapidement et présent. 

Alors, au-delà de ce rapide bilan, je veux aussi revenir au cap. Nul ne peut sérieusement le contester désormais. L'effort consenti en matière de défense depuis un peu plus de cinq ans était et est plus que jamais nécessaire. Il se traduit désormais dans les faits et la France, nous devons nous en féliciter, n'a pas attendu la guerre en Ukraine pour engager un effort massif, vous le savez. Nous n'avons pas eu besoin de réveil pour être conscients de la nécessité de réinvestir, réengager et faire face aux nouveaux conflits partout dans le monde. Mais chaque jour qui passe apporte une confirmation supplémentaire des conclusions de notre revue nationale stratégique que je présentais en novembre dernier à Toulon. 

Je veux donc que la France hexagonale et d'outre-mer, puissance d'équilibres et d'entraînement, continue à disposer des armées de référence en Europe. Des armées plus endurcies, plus entraînées, qui continuent de se moderniser et renforcent leurs soutiens, leurs stocks, tout ce qui fait la force et la cohérence de notre défense. Des armées qui maîtrisent les nouveaux espaces de conflictualité, une défense qui repose sur une dissuasion renouvelée et qui investit dans les innovations majeures. Tout cela a été d'ailleurs parfaitement illustré lors de l'exercice interarmé multinational ORION. 

Nous avons donc élaboré une loi de programmation militaire volontariste. Dans la continuité de la précédente, ce qui nous permettra — et je le dis ici avec beaucoup de solennité, parce que c'est un engagement fort dans le contexte que nous connaissons pour la Nation — ce qui permettra à la France d'avoir doublé son budget annuel de la défense sur la durée de ces deux lois de programmation. Quel pays peut dire avoir fait un tel engagement dans la durée et la constance ? Et avec la crédibilité qui est la nôtre, puisque la loi de programmation votée, signée ici même pour sa promulgation, je ne l'oublie pas, il y a quelques années, a été exécutée, ce qui n'était jamais arrivé depuis des décennies à l'euro près. Il en sera de même pour la suivante. Car oui, la loi de programmation a d'abord été préparée, et je veux ici en remercier personnellement le ministre, le CEMA, le major général des armées, le général AUTELLET que je tiens à saluer ce soir, et l'ensemble de nos armées et de leurs chefs sous leur autorité, parce que de manière inédite, cette loi de programmation a été un travail, une maïeutique, si je puis dire, à laquelle j'ai présidé à travers plusieurs conseils de défense, mais qui vous a tous mobilisés. Et je pense que c'était un exercice indispensable. Elle a permis de repenser en profondeur beaucoup de choses. Elle a mobilisé aussi, et je veux également remercier le DGA, le SGA, la DGRIS pour leur engagement essentiel dans cette entreprise, l'ensemble de votre ministère. Mais nous avons proposé, je crois, une stratégie solide. Cette loi a ensuite été débattue, ce qui est un gage de démocratie. Et je veux là aussi remercier le ministre pour son action personnelle et tous les parlementaires ici présents pour avoir débattu, enrichi ce texte, mais aussi, je dirais, pour la Nation tout entière, reposé avec vitalité la force de ces débats et, jusque dans les dernières heures, sous l'autorité de la Première ministre, qui y a veillé tout personnellement, avoir su trouver les bonnes décisions et les bons compromis. 

À Mont-de-Marsan, j'avais fixé les axes : une armée d'emploi cohérente, moderne, présente dans tous les champs, tous les espaces, crédible, capable de gagner la guerre. Je crois que la stratégie sous-jacente était la bonne, que cette loi est celle dont nos armées ont besoin et que ce que vous avez voté est un bon texte. Nous aurons, dans les délais d'usage et après les saisines et les contrôles que la Constitution prévoit, à promulguer un texte qui, ensuite, nécessitera l'engagement de l'ensemble de celles et ceux que j'ai cités, et en qui j’ai pleine confiance. 

Nous avons adopté un nouveau cap. Et je veux le dire, ce soir, celui-ci nous oblige tous. Avec confiance, avec exigence aussi, votre premier devoir sera donc de bien exécuter cette loi de programmation militaire, comme la précédente, mais aussi de la faire vivre dans un contexte stratégique instable, naturellement parce que notre défense en a besoin, mais aussi parce que c'est le prix de la confiance de nos concitoyens. Pour cela, et je ne veux pas ici revenir sur tout ce que j'ai déjà largement détaillé à tout long et à Mont-de-Marsan de la stratégie et du cap. 

Je voudrais peut-être plus longuement revenir ici sur la transformation du ministère. Le ministère des Armées doit être repensé. C'est une responsabilité impérieuse. Le modèle actuel d'organisation et de fonctionnement a été mis en place dans une période de réduction continue des dépenses pour la défense. Et il avait été orienté vers cette finalité. Le ministère s'est alors adapté avec la discipline intellectuelle que nous lui connaissons, et je sais les efforts, les trésors d'ingéniosité, les souffrances parfois aussi, qu'il a fallu traverser. Mais ce modèle procède d'une logique qui faisait primer les économies sous couvert de rationalisation et de fragmentation budgétaire. Une logique qui ne place pas toujours ou pas assez la guerre au cœur de ces organisations ou de ces processus. Or aujourd'hui, ce modèle n'est plus adapté. D'abord, parce que les choix que je porte à votre tête depuis six ans ne sont plus ceux-là. J'ai eu l'occasion parfois de le rappeler avec une certaine vigueur ici-même. Ma mémoire est bonne. Mais les esprits mettent parfois du temps et les organisations plus encore à changer. Moi, j'ai confiance dans nos armées. J'ai fait des choix qui ont manifesté cette confiance. Et j'ai eu l'immense honneur d'avoir, à mes côtés, de grands chefs qui m'ont bien conseillé. 

Donc, il faut que tout le modèle s'adapte et continue de se transformer. Le contexte stratégique est radicalement différent. L'effort de défense est confirmé. De nouvelles formes de conflictualité se sont développées. En outre, les jeunes Français ont un regard différent sur leur engagement. Et donc, c'est tout un ensemble de changements très concrets qu'il nous faut porter. La fidélisation, qui est plus que jamais un défi auquel nous devons répondre par un fonctionnement quotidien simplifié, régi par plus de subsidiarité, un effort renouvelé pour donner du sens au métier et aux missions confiées, un style de commandement qui est au cœur de cette bataille et qui est là aussi à renforcer. Et au fond, ce qui fait la force de nos armées en opération, il faut savoir le garder dans tous les registres et dans tous les lieux. Monsieur le ministre, vous avez perçu cela et mesurez parfaitement cette nécessité. Et je sais que le CEMA vous a fait des propositions et qu'il a d'ores et déjà engagé la réforme du centre de planification et de conduite des opérations dans ce sens. Je vous demande donc de me proposer des scénarios d'adaptation du ministère d'ici l'été prochain en accordant une attention particulière aux femmes et aux hommes du ministère qui sont le centre de gravité de la transformation à venir. Un modèle tourné vers la réussite des missions que je peux être amené à confier aux armées pour défendre notre pays, nos concitoyens, nos intérêts, nos valeurs. 

Voilà la vocation du ministère. Voilà l'esprit et l'héritage de ceux qui fondèrent notre République. Et je veux pour cela redonner les leviers d'action à ceux qui portent les missions en opération comme au cœur des territoires. L'organisation devra encourager la réactivité, faciliter la capacité à entreprendre, démultiplier les énergies, concentrer les volontés sur la réalisation de la mission, pas sur l'évitement de difficultés internes, au risque de revivre les errements décrits par Marc Bloch. Garantissons aux soldats sur le terrain les moyens d'accomplir leurs tâches avec toute la fluidité et la performance possible. 

Au fond, il y a pour moi quatre axes essentiels. Il ne faut jamais perdre l'esprit stratégique - il est déterminant - et la finalité des missions. Il faut garder partout l'esprit de responsabilité, qui est celui qui irrigue le bon commandement. Il faut partout imposer la subsidiarité que nous savons penser en opération. Et il faut décliner à chaque endroit l'agilité. Partout où nous oublions une de ces quatre valeurs cardinales, nous nous perdons dans des lenteurs qui deviennent bureaucratiques, dans de la déresponsabilisation qui décourage. Et au fond, nous perdons ce qui est la force de nos armées à chaque fois qu'elles ont à agir et qu'elles démontrent à chaque instant, et qui sont notre fierté. 

S'agissant des femmes et des hommes de ce ministère, je souhaite que le modèle futur intègre les attentes des plus jeunes qui s'engagent. Je tiens à la militarité. Je l'ai rappelé, je n'ai plus à le démontrer ici pour nous, en Europe, partout où on voudrait la banaliser et je le ferai jusqu'au dernier quart d'heure. Mais cette militarité n'enlève pas que les femmes et les hommes que vous êtes vivent dans la société, avec des aspirations, des réflexions, des familles et qui viennent bousculer, il faut bien le dire, certaines de nos organisations. Et donc, nous devons en effet avoir sans doute une vision moins linéaire du parcours, prendre en compte des aspirations qu'il faut entendre, pour recruter mais aussi fidéliser. 

Nous aurons aussi besoin de nouvelles compétences, nous le savons. Et lorsqu'on parle de menaces cyber, du spatial, il faut que nous soyons en capacité de recruter des talents, des compétences qui n'étaient pas forcément celles que nous connaissions et des profils qui ont parfois d'autres aspirations. Nous aurons besoin de nouveaux parcours moins cloisonnés, plus ouverts aussi sur les administrations, les collectivités, les entreprises. Et donc, l'escalier social doit être réaffirmé. Le style de commandement doit continuer à s'adapter aux générations qui viennent. Nous devons continuer, comme nous l'avons fait, de mieux prendre en compte les familles, ce que le « Plan Famille II » permettra, en renforçant certes les moyens, mais aussi et surtout les relations avec les maires, les présidents de départements et de régions. Pour faire droit aux liens intimes entre nos armées et nos territoires, nous gagnerons à atténuer la concentration parisienne, comme à affirmer notre présence internationale, avec plus de responsabilités à chaque niveau de progression. 

Je souhaite aussi que l'expérience des armées dans le retour à l'emploi des jeunes, au SMV ou au SMA, que les possibilités ouvertes par le Service national universel et les travaux engagés autour des nouvelles réserves puissent continuer de tisser un lien renouvelé entre les armées et la Nation. Je crois que nous l'avons déjà démontré dans beaucoup de territoires de la République, ce modèle est une force qui a démontré son efficacité. Ce que nous allons faire avec le SNU va le conforter. Et beaucoup des réflexions légitimes qui aujourd'hui émergent en raison de ce que nous venons de vivre et, au fond, de ce que notre République connaît depuis tant d'années, a pour partie une réponse aussi dans le sens rappelé de l'engagement. Il ne s'agit pas de tout confondre, ni là aussi de banaliser la militarité ou de remettre en cause nos principes ou de revenir à ce qu'est une armée de métier. Non, pas du tout. Mais de savoir tisser des liens nouveaux, comme nous l'avons fait, du SMV au SMA, en passant par les premières étapes du SNU, qui nous permettent de redonner un sens à l'engagement. Et si vous voulez le fond de ma pensée, aussi de redonner du sens aux devoirs qui vont avec la citoyenneté. 

Le renforcement de nos réserves opérationnelles répond aussi à ces impératifs : à la bataille des effectifs, à la bataille des compétences, aux liens Nation – armée et surtout au renforcement de nos armées. Le cap est fixé : à terme, nous aurons un réserviste pour deux militaires d'active. C'est l’« acte II » de la professionnalisation, ce choix était le bon. Notre armée, désormais professionnelle, doit être durcie. Elle doit s'appuyer sur une réserve plus puissante, plus nombreuse, mieux équipée, mieux formée, mieux intégrée. 

Il faudra aussi s'assurer d'un positionnement harmonieux dans la société pour tous les militaires. Et à cet égard, je salue une fois encore la qualité des travaux du HCECM. Le rapport sur les officiers, qui m'a été officiellement remis cet après-midi, pointe des enjeux importants de positionnement des différentes catégories de militaires entre elles et par rapport aux catégories civiles correspondantes, avec des risques identifiés qui sont réels en termes d'attractivité, de fidélisation, et nous y apporterons des réponses adaptées, pérennes en termes matériels, indiciels, symboliques, mais aussi de sens de la mission et d'organisation. 

Mesdames et Messieurs, ces armées fortes, cohérentes, sont la garantie pour notre pays d'exercer sa souveraineté, défendre la richesse de son territoire, son ancrage dans l'Europe et sa capacité à porter une voix écoutée et respectée dans le reste du monde. Cette force impose que nous réduisions nos dépendances car chacune d'elles fragilise notre défense. C'est tout le sens de l'agenda que nous portons depuis six ans, celui que j'ai défendu à la Sorbonne dès l'automne 2017, d'une souveraineté européenne dans tous les domaines, du militaire au technologique, et que nous avons su convaincre l'Europe de pleinement adopter en mars 2022, lors du Sommet de Versailles. 

Cela passe pour notre défense, par une vraie transformation de notre organisation collective. Cela passe par l’innovation, par nos petites et moyennes entreprises, par nos starts up mais aussi par nos grands groupes qui irriguent les grandes filières de nos industries de défense et aussi de l’industrie duale par des relations exigeantes et constructives avec ces industriels et par un esprit critique si cher à la France. Et je veux ici remercier toutes celles et ceux qui y contribuent et qui, en lien étroit avec la DGA mais avec l’ensemble de nos armées, car la force est ce lien organique, nous permettent d’avancer. 

Ce qui n’implique pas de s’isoler de nos alliés européens avec qui nous partageons un destin et de nombreux défis parce qu’ensemble, nous sommes plus forts pour les relever. C'est donc dans le collectif européen qu’il faut investir car il a fait ses preuves et je crois à notre souveraineté - nous réinvestissons dans nos armées, nos industries - mais je le crois dans un modèle plus fort en Européens et renforcé au sein de l’Alliance. Et je crois que ces souverainetés se complètent parce qu’elles sont choisies. Il n’y a pas de bonne souveraineté si on est dépendant : souveraineté nationale. Il n’y a pas d’Europe forte qui peut se projeter s’il n’y a pas plus d’autonomie stratégique et un vrai pilier européen au sein de l’Alliance pour être respectés parce que, demain, nous aurons à mieux protéger notre voisinage. Et il y a à défendre l'interopérabilité que nous offre l'OTAN. Cet ensemble n'implique pas des choix qui seraient nocifs. Non, il implique de porter ces complémentarités. C'est pourquoi la France est à l'origine d'initiatives pragmatiques pour renforcer justement cette capacité d'avoir une Europe de la défense avec des réponses opérationnelles et industrielles. C'est le cas de l'initiative européenne d'intervention, dont la Task force Takuba illustre le potentiel opérationnel et que nous aurons à continuer de renforcer. Je pense à cet égard aussi à l'escadron franco-allemand qui sera représenté demain au défilé et qui montre que la défense européenne ne consiste pas à coudre des écussons bleus sur vos tenues, mais à travailler avec tous ceux qui sont prêts à s'engager à nos côtés pour agir. 

La défense européenne n'est pas un mirage administratif, c'est une démultiplication de l'énergie de ceux qui s'engagent et du Fonds européen de défense à l'Initiative européenne d'intervention, à ce que Takuba a permis de faire que nous allons démultiplier dans les années qui viennent, à coup sûr, et de ce que nous avons su bâtir sur le plan industriel, c'est indispensable car dans le domaine industriel, là aussi, nous tirons les leçons ensemble du Covid comme de l'Ukraine. Nous réduisons nos dépendances. Nous ne renonçons pas à nos forces, nous les mettons en commun. Le travail sur l'accord ASAP pour produire en Europe les munitions et missiles qui manquent à l'Ukraine et qui nous sont aussi nécessaires en est une bonne illustration. Nous sommes ouverts au partenariat sur une base pragmatique et équitable. Elle passe par l'acceptation du changement chez nous comme chez nos partenaires. Je pense par exemple au SCAF, au MGCS, projets essentiels sur lequel je me suis engagé dès l'été 2017, avec à l'époque la chancelière MERKEL, qui reconfigurent les équilibres, qui consolident l'avenir de l'excellence aéronautique et terrestre française et à l'équilibre desquels nous veillons en confiance et en exigence avec nos partenaires. 

Une France indépendante affirmant son destin européen, c'est aussi une France fidèle à ses alliances internationales, à ses partenaires stratégiques, historiques ou plus récents, ouverte sur le monde tel qu'il est, comme le récent Sommet de Paris l'a montré. Il n'y a là ni paradoxe, ni contradiction. En atteste notre place de pilier européen de l'OTAN, qui offre un cadre d'interopérabilité efficace et quasi exclusif pour nombre d'alliés. Et notre rôle de nation cadre dans les engagements opérationnels est à cet égard essentiel. Ce que nous avons commencé à démontrer en Roumanie et que j'évoquais, est inédit. C'est ce pour quoi nous pensons le modèle de nos armées pour aujourd'hui et pour demain : pouvoir être une nation cadre pour des opérations que nous aurons à définir parce que l'interopérabilité le permet, mais parce que surtout, nous nous dotons d’une autonomie qui va du renseignement à la capacité à nous déployer et à agréger autour de nous les alliés et les partenaires que nous choisissons. 

C'est un changement profond, c'est un élément de crédibilité de la France, c'est un élément de confiance au sein de notre Alliance car je le dis avec beaucoup de force : nous avons aujourd'hui la chance d'avoir une administration américaine qui est à nos côtés, la guerre revenant sur le sol européen, mais notre devoir impérieux pour nous Européens, au sein de l'Alliance, est d'être lucides. Pour les décennies qui viennent, c'est nous qui aurons à porter le fardeau de notre sécurité et des conflits dans nos voisinages car la géopolitique internationale nous l’imposera. Refusons la cécité de court terme qui nous conduira à des réveils trop tardifs, et je le dis ici à tous nos partenaires. Donc cet investissement est indispensable. Cette Europe de la défense, qui nous suppose tous de réinvestir pour agir, c'est celle qui nous protège aujourd'hui et qui nous protégera plus encore demain au sein de cette Alliance entre partenaires qui se respectent. Et on se respecte quand on ne dépend pas, mais qu'on choisit de travailler ensemble. 

Mesdames et Messieurs, le 14 juillet, la Nation se retrouve dans la solennité du défilé, dans l'insouciance des bals populaires, dans l'émerveillement des feux d'artifice, et demain, nous serons, dans ce contexte, heureux d'accueillir l'Inde comme invitée d'honneur de notre défilé. C'est un géant de l'histoire du monde qui aura un rôle déterminant pour notre avenir. C'est aussi un partenaire stratégique et un pays ami. Et je le disais, j'ai beaucoup parlé de nos partenaires européens, de nos alliés : nous avons su, ces dernières années, renforcer, avec l'Inde en particulier, avec les Emirats arabes unis aussi et avec quelques autres, des alliances inédites, essentielles et en particulier dans le cadre de l'Indo-Pacifique, qui est une stratégie essentielle pour l'équilibre de la planète, pour laquelle la France a un rôle stratégique parce que nous l'avons parmi les premiers pensée, déclinée, et que je crois que la voie médiane que nous poursuivons est la bonne. L'Inde y est un partenaire clé. La visite d'Etat du Premier ministre MODI, sa participation à nos côtés demain au défilé avec la présence des armées indiennes disent beaucoup de notre capacité à dialoguer, à rayonner et à avancer ensemble. Les armées montreront sur et au-dessus des Champs-Élysées, devant nos amis indiens, la force de ce partenariat. 

Elles montreront aussi qu'elles se modernisent pour faire face aux défis de demain et que cette modernisation passe par des forces morales consolidées. Huit décennies après la mort de Jean Moulin, dix jours après la mort de notre cher Léon Gautier, le dernier des commandos du 6 juin, le défilé de 2023 nous invite à nous souvenir de ceux qui nous ont précédés pour mieux reprendre le flambeau d'idéal. En Corse, au Panthéon, en Normandie, en Provence, partout en France, ce parcours de mémoire s'intensifiera jusqu'en 2025, et vous y jouerez un rôle majeur. Et nous aurons à scander dans les mois qui viennent ce parcours célébrant ces moments importants. 

Ce ne sera pas le seul, car nous sommes à un an des Jeux olympiques et paralympiques de Paris, et l'an prochain, la flamme olympique illuminera notre défilé entre Vincennes et la Nation. Vous serez engagés dans le cadre de vos missions intérieures pour aider à sécuriser ces événements de portée mondiale. Certains d'entre vous participeront aussi aux compétitions, et nous serons tous derrière, car nos armées, dans tous les champs, nous inspirent respect et fierté. Elles sont le lieu de l'excellence et de l'idéal chevillés au corps de la Nation. Et la fête du 14 juillet est là pour nous le rappeler. 

Cette année, comme l'an prochain, comme depuis 1790, le défilé du 14 juillet nous rappellera que certaines choses méritent qu'on s'engage et qu'on se batte pour elles, que la paix n'est pas un confort qu'on achète par des concessions. C'est un idéal de justice qu'il faut être capable de défendre. La France du 14 juillet est une France souveraine, rayonnant en Europe et dans le monde, capable de maîtriser son destin pour que chaque Français ait la possibilité de décider du sien à son tour. C'est la France fidèle à l'esprit des compagnons et à leurs cendres. Et c'est une France que vous faites vivre. Et en concluant mon propos, je veux ici vous redire ma confiance et ma fierté. Il y a la stratégie, il y a le cap, il y a les moyens qu'on donne, il y a les choix qu'on fait, il y a les partenariats qu'on noue, il y a les innovations que l'on conduit. Mais chaque petit matin et chaque soir, il n'y a que les femmes et les hommes qui se lancent et qui, jusqu'au sacrifice ultime, retrouvent le sens de ce lien sacré entre l'armée et la Nation. Et c'est vous qui le portez. Ce lien, cet engagement est un trésor. Et ce trésor, j'invite chacun de nos compatriotes à en penser l'intensité, la transcendance, la singularité. C'est celle qui doit nous inspirer chaque jour. C'est celle qui force le respect, l'admiration mais c'est celle aussi qui doit nous conduire dans chacune de nos décisions. Car la République comme la Nation sont un bloc. Vous avez ma confiance et ma fierté. 

Vive la République, vive la France ! 

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