Vendredi 16 juin, le Président de la République s'est rendu à Villaroche, en Seine-et-Marne, sur le site de Safran Aircraft Engines.

À quelques jours de l'ouverture de la 54ème édition du Salon International de l'Aéronautique et de l'Espace au Bourget, cette visite a été l'occasion pour le Président Emmanuel Macron de partager sa vision pour l'avenir de la filière aéronautique française, entre souveraineté et planification écologique.

Filière d’excellence de notre industrie, l'aéronautique doit désormais participer aux efforts de réduction de nos émissions. Alors qu’un avion sur deux produits dans le monde est français, l'enjeu est d’engager rapidement la planification écologique du secteur en accélérant le développement de solutions moins consommatrices d’énergie et moins émettrices de gaz à effet de serre, tout en préservant sa compétitivité.

Revoir le discours du Président :

16 juin 2023 - Seul le prononcé fait foi

Télécharger le .pdf

DISCOURS DU PRESIDENT DE LA REPUBLIQUE DEPUIS SAFRAN AIRCRAFT ENGINES SUR LA SOUVERAINETE ET LA PLANIFICATION ECOLOGIQUE DE LA FILIERE AERONAUTIQUE FRANÇAISE.

Madame, Messieurs les ministres, 
Madame la députée, 
Mesdames, Messieurs les élus, 
Monsieur le préfet, 
Mesdames et Messieurs, 

D'abord, merci beaucoup de m'accueillir parmi vous. Si je suis là, c'est aussi et d'abord pour être aux côtés des collaboratrices et des collaborateurs d'un grand industriel français dont on est fier, qui a une part de marché dominante et même au-delà, une grande puissance dans les moteurs, dans un secteur qu'on va célébrer à nouveau pour la première fois depuis quatre ans : l'aéronautique. En effet, quelques jours avant Le Bourget, je voulais être à vos côtés ici, un an avant la célébration d'un grand anniversaire ; et je serai aussi à vos côtés dans un an pour fêter cette alliance franco-américaine qui nous a rendus si forts dans le secteur. 

Être à vos côtés, c'est d'abord reconnaître la qualité du travail qui est fait et ce que vous représentez pour le secteur de l'aéronautique français et international, puisque vous êtes un champion et un leader. Alors en étant là parmi vous, je voulais d'abord vous dire mes remerciements et ma fierté, mais aussi vous dire que je crois très profondément dans l'avenir du secteur et vous dire à vous et à toutes celles et ceux qui veulent s'engager dans le secteur qu'il y a un avenir dans l'aéronautique en France et à l’international. 

Parce qu'au fond, on a trois batailles à mener en même temps, et ces trois batailles, on va les livrer et on va les réussir. La première bataille, c'est celle de continuer à réindustrialiser, innover et accélérer. Je le dis, on l'évoquait avec vos dirigeants, on sort d'une crise qui était très difficile. Le Gouvernement a beaucoup aidé pendant la crise, on l’assume totalement. Vous avez d'un seul coup vu l'effondrement de 80 % du marché, parce qu'il n'y avait plus un avion qui volait et ça a duré des mois. Mais alors que le trafic aérien a repris — on est au même niveau aujourd'hui qu'en 2019 — la production n'a pas encore repris au même niveau. 

Je parle sous le contrôle des experts, mais on me dit plutôt fin 2024 pour atteindre le niveau de 2019. Pourquoi ? Parce qu'on a des tensions sur certaines matières premières, on a des goulots d'étranglement, parce qu'on a des sous-traitants qui ont souffert. Et donc, la bataille pour la compétitivité, la réindustrialisation, elle, demeure d'actualité. Comme on ne veut pas perdre de parts de marché, ni dans les moteurs, ni dans les autres secteurs, on va continuer à livrer, à innover, à soutenir le secteur, je vais y revenir. 

La deuxième bataille, c'est la décarbonation et c'est le climat. Et c'est ça aussi qui me rend confiant dans l'avenir du secteur. Parce qu'il y a deux manières de voir les choses. L'aéronautique, ça représente 3 à 4 % des émissions mondiales. Alors on pourrait dire qu’on arrête tout. Pas une bonne idée ! Je vous vois hocher de la tête. Je partage. Et je vais vous dire, si nous, on arrêtait, d'autres iraient plus vite et donc, on désindustrialiserait sans forcément régler le problème. 

Là où on a une chance et une opportunité, nous en France et grâce à vous et à l’histoire du secteur et des industries françaises, c’est que nous produisons environ un avion sur deux dans le monde, grâce à ce que vous faites dans les moteurs, grâce à Airbus, grâce à toute la filière et à tous les sous-traitants. Donc ça veut dire que si on sait complètement pivoter l’industrie française, on peut être leader dans la décarbonation et on peut réussir à baisser de manière substantielle les émissions. Quand on nous dit : ça ne sert à rien de faire des efforts en France parce qu'on est une goutte d'eau dans la planète, ce n'est pas du tout vrai dans le secteur parce qu'on est très forts en termes de production donc il faut prendre ce virage, investir. Investir par la modernisation, vous l'avez très bien fait avec les moteurs LEAP qu'on voit ici. On verra ensemble RISE au Bourget et donc là, vous avez déjà fait moins 20 % par rapport au précédent, on l'évoquait. On va faire encore -10 % au moins et -20 % même sur RISE sur les générations à venir. Et puis on va accélérer sur les carburants. Comment on va réussir cette bataille de la décarbonation ? 

C'est par l'innovation, c’est-à-dire améliorer les moteurs qui sont existants et je sais que c'est une bonne partie de votre métier, en les modernisant, en améliorant leur performance, en faisant qu’ils consomment moins ou qu’ils aient une meilleure performance à consommation égale et donc on décarbone. En continuant à innover, en allégeant l'avion, en transformant le moteur LEAP puis RISE, et puis en introduisant de nouveaux carburants, ces fameux carburants durables, les SAF, qui vont nous permettre, là aussi, de beaucoup réduire nos émissions. Et puis, pour une autre catégorie d'avion, avec l'électrique et l'hydrogène, plutôt pour les petits. Ça, c'est la stratégie d'ensemble qu'on va mener, mais c'est la deuxième bataille. 

Puis, on a une troisième bataille, c'est celle de la souveraineté. On l'a vécu pendant les crises Covid et là aussi pendant la guerre. On dépend encore. Le titane, on l’a tous vécu, on dépendait, on dépend encore pour quelques mois de la Russie. Et donc là, on est engagé dans une bataille de reconquête de nos souverainetés. On l’a fait autour de grands acteurs industriels qu'on a restructurés. Vous êtes en train, vous-même, avec d'autres collègues, de faire des productions alternatives au titane pour pouvoir réussir à s'en passer. On diversifie notre sourcing et donc on reconstruit de la souveraineté. 

C'est la même chose qu'on va devoir faire sur les SAF. Ce qu'on doit réussir à viser, c'est que dans cinq ans, dans dix ans, dans vingt ans, on aura des moteurs à Villaroche qui pourront voler avec des réservoirs qui seront faits en Allemagne, un avion qui sera assemblé entre la France et l'Allemagne, et puis des batteries qui seront recyclées à Dunkerque avec du SAF qu'on aura produit sur différents sites français, de La Mède à ailleurs. 

Ça, c'est la bataille de la souveraineté qui est à portée de main, parce que nous sommes forts dans le secteur et qu'on est en train de construire tous ensemble. Je réunissais ici hier soir, à l'Élysée, les acteurs du secteur, avec ceux de l'énergie, pour conduire une stratégie qui est cohérente et qui se tient. Et donc vous le voyez, les trois batailles c'est réindustrialiser et continuer, c'est réussir la bataille du climat et tenir nos objectifs de neutralité carbone 2050 et de -55 % des émissions en 2030. Et puis c'est celle de la souveraineté. 

Alors pour ce faire, on doit avoir un objectif simple, c’est que nous, Français, on doit être les champions de l'avion ultra sobre et que l'avion ultra sobre à travers toutes les générations à venir et ça va aller très vite, c’est 2027, 2030, 2035, 2050. On sait nos échéances et elles dépendent d'ailleurs des grands acteurs de l'industrie. Vous avez tous des rendez-vous dans les années qui viennent. C'est qu'on construit peu à peu des briques qui vont nous permettre de garder notre compétitivité et de rester les champions, d'accélérer la décarbonation et de gagner en souveraineté. Et donc, oui, on a les moyens d'être les champions de l'avion ultra sobre et de le produire en France. En faisant quoi ? 

En accélérant sur l’investissement dans la filière. Le CORAC [Conseil pour la Recherche Aéronautique Civile], c’est tout ce qu’on a bâti ensemble sur la période 2020-2030, et d’ailleurs largement lors du dernier Salon du Bourget. Et la filière, avec un grand esprit de responsabilité, a investi 14 milliards d’euros pour la solidarité avec les PME-TPE. C’est bien dire, au fond, qu’il y a une responsabilité à l’égard des sous-traitants, pour l’innovation, et déjà pour la décarbonation. Et l’Etat a mis 2,3 milliards d’euros dans cette affaire. C’est précisément le CORAC qui nous a permis de contribuer à financer le moteur LEAP, l’A350, les nouveaux hélicoptères, le H160 et d’autres ; et donc d’accélérer l’innovation dans la filière et de faire monter en gamme nos TPE, nos PME, et tous vos collègues des sous-traitants partout sur le territoire. Et je sais que beaucoup d’entre vous viennent d’ailleurs de ces entreprises.

Sur la période qui s’ouvre, ce que je voulais vous dire aujourd’hui, un peu en avance de phase du Bourget, c’est qu’on va tripler notre effort. Le Gouvernement va s’engager sur la période 2024 jusqu’à 2030 à tripler notre effort, et monter à 300 millions d’euros par an, chaque année, pour précisément faire plus. Faire plus grâce à quoi et à travers quoi ? A travers le moteur RISE, à travers le CORAC 2ème génération. Cette accélération va nous permettre de contribuer à RISE et donc de baisser encore de 20% la consommation. Elle va nous permettre d’aller justement vers les nouvelles pièces en titane que vous faites, ce que fait aussi et veut développer Airbus Toulouse. Cela va nous permettre d’aider aux propulseurs hybrides électriques de DAHER à Tarbes, pour citer quelques exemples ; d’aider encore plus les TPE-PME et d’avancer. Donc voilà à partir de lundi, si je puis dire, on accélère, on triple l’engagement pour réussir ces trois batailles que je viens d’évoquer auprès de vous. 

À côté de ça, on veut aussi accélérer l’aide aux acteurs émergents, c'est-à-dire aussi aux startups du secteur qui vont collaborer avec vous. Peut-être que certains d’ailleurs les rachèteraient dans les années à venir, vous créerez des contrats, vous allez en faire des fournisseurs de plus en plus fidèles. Mais on a en effet des nouveaux acteurs qui émergent. Et en particulier avec France 2030, on va mettre 200 millions d’euros sur ces acteurs émergents, principalement pour développer les petits avions électriques et hydrogènes parce que ça, on y croit beaucoup et on pense que c’est vraiment une filière d’avenir. Ces nouveaux acteurs, Beyond Aero, Elixir Aircraft qui sont vraiment des startups, sont partout sur le territoire, de l’Occitanie à la Nouvelle-Aquitaine en passant par Auvergne Rhône-Alpes. Ces nouveaux acteurs, on va les financer pour les aider à aller plus vite et plus fort, gagner cette bataille de l’innovation et participer à côté des grands groupes, des TPE-PME qui bossent avec vous à cette transformation. 

Et puis, comme je le disais, cette bataille, on la gagnera si on sait investir sur ces nouveaux carburants, ces carburants durables, les SAF. C’est une bataille mondiale et elle permet si je puis dire de redoubler les performances. C’est très complémentaire avec ce que vous faites : vous gagnez en performance sur les moteurs LEAP puis RISE, mais à côté de ça, si on intègre ces carburants durables, on décarbone encore plus vite. Alors vous savez qu’on est en train de passer au niveau européen, on s’est donnés un objectif d’incorporation de 6% de ces carburants durables, ce qui est déjà une sacrée bataille. Je sais que la filière, elle, vise plutôt 10% pour aller plus loin, ce qui correspond d’ailleurs aussi à ce que veulent faire les Américains. Ces carburants durables, c’est un formidable levier de décarbonation mais là aussi, de création d’emplois sur notre sol et de valorisation de toute une chaîne. Car, avec nos normes, on va les faire grâce aux déchets. Et donc on crée aussi une filière d’économie circulaire qui, pour notre secteur agroalimentaire et d’autres, donne des débouchés à des choses qui n’avaient pas de valeur par le passé, et qui va permettre aussi à des sites qui étaient menacés il y a quelques années, de retrouver un avenir industriel. On est en train de développer une filière de production de ces carburants durables en France. Ce que je peux vous dire, et les industriels nous l’ont confirmé hier, si on veut atteindre nos 6 % de carburants durables pour 2030, il faut qu’on ait 500 000 tonnes. On a sécurisé la capacité à produire en France 500 000 tonnes de carburants durables. Grâce aux grands acteurs : à ENGIE, à TotalEnergies, à Avril et à d'autres groupes. 

Et donc ces acteurs se sont engagés, ont commencé à transformer des sites et apporter justement ces innovations. Et nous serons en capacité, dès les prochaines années, de produire des carburants durables sur notre sol et donc d'être au rendez-vous de la souveraineté, de l'industrialisation, de la décarbonation. Ce qu'on veut faire là aussi, c'est continuer à accompagner des acteurs innovants, et donc on va mettre 200 millions d'euros pour investir dans la filière et les biocarburants innovants. Et c'est cet argent qui va nous permettre, à côté de nos grands industriels, de développer des projets. Un exemple simple : BioTJet qui est un projet de biocarburant, va ouvrir à Lacq, dans une région qui connaît bien l'énergie et qui, par le passé, fournissait du gaz et a contribué à l'industrie française. Mais on va réinventer un avenir énergétique et industriel à Lacq avec BioTJet qui grâce, justement à un jeune acteur français qu'on va accompagner, va créer 700 emplois directs, va permettre d'en avoir 100 sur le site, 600 sur tous les acteurs du recyclage, et va nous permettre de créer cet e-biocarburant que vous allez utiliser. Vous le voyez, c'est une filière de production de carburant mais aussi de valorisation de déchets, d'économie circulaire qui est au cœur des projets d'avenir. 


Voilà ce que je voulais vous dire ce matin, à travers, en particulier ces annonces : notre triplement de l'investissement dans le CORAC, nos investissements sur les projets d'avenir avec France 2030 sur l’avion électrique et hydrogène pour les petits formats. Et puis notre investissement dans les carburants durables, les SAF, pour l'avenir. Plus largement tout ça, ça vient en quelque sorte en soutien d'un message très simple par lequel je commençais, c'est que votre secteur est un secteur d'avenir. C'est un secteur fort de notre industrie, qui continue à embaucher, qui a continué à réembaucher après crise, qui est un secteur qui exporte et alors que nous sommes un pays qui a une balance commerciale qui est déficitaire, l'aéronautique est excédentaire. C'est un secteur qui s'exporte partout dans le monde, des moteurs aux avions. 

Oui, ce que je veux vous dire aujourd'hui, c'est que vous pouvez avoir confiance et être fiers grâce à cette force, grâce au travail que vous faites chaque jour. Et par l'investissement collectif et l'accélération de nos transformations, nous serons encore demain une très grande nation de l'aéronautique qui va réussir à réconcilier l'industrie, le climat et la souveraineté grâce à votre travail, grâce à nos transformations et grâce à notre investissement. Je ne serai pas plus long, mais ce que je voulais vous dire quelques jours avant le Bourget, c'est qu'on y croit, on va investir et on va redoubler d'efforts. Merci à tous. 

Vive la République et vive la France !

À consulter également

Voir tous les articles et dossiers