Anne-Marie Krug-Basse était une héroïne de la Résistance, une patriote d’exception qui avait consacré toute son existence au service de la France. Si son tempérament l’inclinait à la discrétion, elle aura marqué par son courage et ses sacrifices l’épopée de la France libre.

Anne-Marie Krug-Basse était née en 1923 dans une famille imprégnée de dévouement militaire. Son grand-père et l’un de ses oncles, anciens élèves de Polytechnique, étaient morts pour la France pendant la Première Guerre mondiale. La famille Krug-Basse était aussi tournée vers les beaux-arts. Le père d’Anne-Marie, Jean Krug-Basse dirigeait les usines Pleyel de Saint-Denis, et sa mère, Marie Anna Dumur, se consacrait à la peinture. L’Histoire fit toutefois prendre un tour différent à son destin comme à celui de tous ses proches. A dix-sept ans, étudiante en anglais à la faculté des langues étrangères à Paris, Anne-Marie Krug-Basse participa à la manifestation interdite du 11 novembre 1940, organisée devant la tombe du Soldat inconnu sous l’Arc-de-Triomphe. Arrêtée, elle parvint à s’évader le jour-même grâce à la complicité de la police française. Aussitôt, elle s’engagea dans la Résistance en fournissant de l’aide aux prisonniers évadés et aux aviateurs alliés et en participant à la propagande antiallemande.

En juin 1943, elle entra en contact avec le secrétariat du Bureau des opérations aériennes (BOA), service de la Délégation générale de la France libre en métropole créé deux mois plus tôt par Jean Moulin pour organiser les parachutages et les atterrissages en zone nord. Ses parents, son frère Pierre et sa sœur Odile s’engagèrent eux aussi dans les réseaux de résistance, en lien avec le Bureau central de renseignements et d’action (BCRA).

Sous le pseudonyme d’Anne-Marie Bel D., Anne-Marie Krug-Basse officia également comme agent P2, c’est-à-dire sous le statut équivalent à un engagement militaire complet au sein de la Résistance, au service du réseau « Action D ». Elle occupa des fonctions de secrétariat auprès des responsables pour la région C (Châlons-sur-Marne et l’Est) du BOA, François Delimal, « Pichard » et Desgranges. Sous leurs ordres, elle participa au transport d’armes, de fonds, de documents et aux opérations de parachutage, chaque fois avec une vaillance décrite par les témoins de l’époque comme remarquable.

Le 20 mars 1944, une descente de la Gestapo eut lieu rue de Lourmel, siège parisien du BOA. Arrêtée, Anne-Marie Krug-Basse subit les tortures de la Gestapo pendant plus d’une semaine, sans livrer aucune des informations qu’elle détenait. Elle prétendit même, sans peur d’en perdre la vie, et pour sauver ses camarades, être la seule responsable de l’organisation. Son chef, François Delimal, alias Faraday, arrêté lui-aussi, se suicida rue des Saussaies et fut incinéré en même temps que Pierre Brossolette au Père-Lachaise. Anne-Marie Krug-Basse fut ensuite internée à la prison de Fresnes, « au secret » et « au cachot », puis déportée, le 13 mai 1944, à Ravensbrück. De là, elle fut envoyée deux mois plus tard au Kommando de Zwodau, à Svatana en Tchécoslovaquie, où les femmes étaient vouées au travail forcé.

Le 13 avril 1945, alors que les nazis évacuèrent le camp de Zwodau, la colonne revint finalement à son point de départ après une marche de dix jours. Le 7 mai 1945, Zwodau fut libéré par les troupes américaines et Anne-Marie Krug-Basse fut rapatriée en France le 18 mai 1945.

A peine sortie de la guerre, Anne-Marie Krug Basse prolongea son engagement pour la nation en demandant une affectation au sein de la Direction générale des études et recherches, ancêtres des services secrets actuels, et partit rejoindre le corps expéditionnaire français en Indochine en novembre 1945. Elle fut rapatriée en août 1946 pour raisons sanitaires. Après un séjour aux Etats-Unis, à compter de 1951, où elle dirigea le service des enquêtes de la Chambre de commerce française et s’impliqua pour les œuvres de l’ambassade de France, elle se porta encore volontaire pour servir la France dans l’épreuve. Cette fois, elle fut affectée en Algérie, où elle dirigea le service social de la Sûreté nationale, de 1956 à 1962. Enfin, elle devint haut-fonctionnaire au ministère de l’Intérieur puis de l’Environnement jusqu’à sa retraite en 1983, concluant une carrière tout entière dévouée à servir la France. Elle ne compta pas son temps pour transmettre ensuite aux jeunes générations son expérience de la guerre et de la déportation. Le 1er janvier 2021, Anne-Marie Krug-Basse fut élevée à la dignité de Grand-Croix de la Légion d’honneur.

Ainsi, les mots d’«Armée des ombres » avaient trouvé en Anne-Marie Krug-Basse l’une de leurs plus remarquables incarnations. C’est toute la nation qui doit à ses sacrifices une part de sa liberté. Le Président de la République et son épouse s’inclinent devant la vie de cette femme aux presque cent ans de bravoure, de sacrifice et d’éclat secret. Ils adressent leurs condoléances émues à sa famille et à ses proches.

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