Il était le dernier résistant du plateau des Glières, là où voilà 78 ans, quelques centaines d’hommes se sont dressées face à l’occupant nazi et ses complices de Vichy. Jean Isaac-Tresca, héros de la Résistance intérieure, nous a quittés à l’âge de 104 ans.

Né à Lyon en 1918, il grandit dans une famille qui avait le service de la France chevillé au corps. Petit-fils d’un président de la Chambre de commerce de Lyon qui fut député du Rhône et ministre du Commerce et de l’Industrie, fils d’un adjoint au maire de Lyon qui avait reçu la croix de guerre et la Légion d’honneur pour sa bravoure au front, le jeune Jean releva leur flambeau lorsque, de nouveau, sa patrie fut attaquée.

Dans une France terrassée, occupée, bâillonnée, Jean Isaac-Tresca, du haut de ses 25 ans, entra en résistance. En 1944, il prit le chemin d’un maquis de Haute-Savoie, à 1400 mètres d’altitude. Militaires du 27e bataillon de chasseurs alpins d’Annecy, hommes de l’Armée secrète, réfractaires du STO, communistes, francs-tireurs, partisans ou républicains espagnols, ils furent bientôt 460 à l’hiver 1944, à gagner le plateau des Glières. Comme une ascension vers la Liberté.

Sur ce petit bout de France, des hommes d’origines et de conditions diverses, mais que le combat unissait en une troupe solidaire et fraternelle, pouvaient, fièrement, porter nos valeurs, chanter nos hymnes, faire claquer au vent notre drapeau tricolore frappé de la croix de Lorraine, et vivre selon leur cœur pour la première fois depuis l’Armistice de 1940. Sous le pseudonyme de Pasquier, Jean Isaac-Tresca agit non plus comme une ombre, dans l’anonymat des sabotages nocturnes et de la guérilla, mais à visage découvert, dans la frontalité des combats. D’abord commandés par le lieutenant Tom Morel, puis par le capitaine Maurice Anjot, ses camarades et lui mirent à mal des groupes mobiles de réserve de Pétain. Aussi est-ce aux Glières, dans ce dernier bastion de liberté sur le sol de France, que les hommes libres de Londres dirigèrent leurs parachutages pour armer la Résistance intérieure.

Mais les victoires du maquis irritaient l’Occupant, l’inquiétaient. Alors pour venir à bout de ces 460 irréductibles, il y dépêcha bientôt toute une division de la Wehrmacht, appuyés par la Luftwaffe, l’artillerie lourde et la Milice française. A partir du 23 mars, les hommes des Glières, déjà assaillis par le froid, le furent aussi par le fer et le feu. Face à un ennemi dix fois plus nombreux, ils combattirent valeureusement, jusqu’à ce 26 mars où ils se retrouvèrent cernés par des troupes allemandes prêtes à l’assaut. Alors les frères d’armes sonnèrent le repli et se séparèrent pour mieux se faufiler entre les mailles étroites du filet ennemi.

Beaucoup n’échappèrent pas à ses rets. « Vivre libre ou mourir ! », tel était le serment des hommes des Glières. 129 d’entre eux périrent. D’autres furent capturés, torturés, déportés. Les rescapés poursuivirent leur combat pour la Liberté, comme Jean Isaac-Tresca, qui malgré une grave blessure, eut la vie sauve, et la fierté immense d’avoir contribué à maintenir la France.

Après la guerre, il reprit le fil normal de son existence, vécut longtemps au Japon où le mena son métier d’ingénieur, répétant jusqu’au dernier jour, avec la même humilité, qu’il n’avait fait là que son devoir de Français et d’homme libre.

Le Président de la République s’incline devant les combats de Jean Isaac-Tresca qui, dans la neige des Glières, risqua sa vie pour que la France reste la France. Il adresse à sa famille, ses amis, et tous ceux que sa leçon d’honneur et de courage a inspirés, ses plus respectueuses condoléances.
 

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