Nous vivons depuis maintenant un peu plus d’une décennie une révolution qui a envahi nos vies et qui mérite un grand débat dans la société : la révolution des modes d’information et de communication avec Internet. Là où hier, il y avait des rendez-vous de l’information, des rites, qu’étaient la lecture du journal, le journal télévisé, pour les enfants les temps de classe, existe aujourd’hui une profusion qui fait que chacun, via son téléphone portable, sa tablette, peut s’informer à portée de poche, à portée de main. Les Français passent en moyenne plus de la moitié de leur temps libre sur les écrans, plus de 2h par jour sur Internet, plus de 4h pour les 15-24 ans.
Internet est un progrès indéniable. L’information n’est plus seulement réservée à une élite mais elle est accessible à tous. Jamais l’humanité n’a brassé autant de savoirs.
Mais cette révolution est aussi porteuse d’une face sombre. Car l’information ne s’est pas seulement démocratisée, elle a changé de nature. Nos sociétés sont confrontées à une fragmentation du débat, un phénomène de bulles où s’enferment des individus qui ne se parlent plus, à une résurgence de discours de haine, à un recul du savoir et de la science dans certaines circonstances.
Il est toujours sain en démocratie de prendre un peu de recul sur ce que nous sommes en train de vivre. Ce qui n’existait pas pour la plupart d’entre nous a envahi nos vies en dix ou quinze ans. Nous passons plusieurs heures par jour sur cet espace qui est à la fois public et privé, Internet. Ce changement est vertigineux, il est nécessaire d’essayer de comprendre ce qui s’est transformé dans notre manière de nous informer, d’échanger, notre rapport à l’autre, au savoir, à la violence. C’est d’autant plus important qu’il n’y a pas une génération qui puisse guider l’autre par son expérience. Presque toutes ont été « conquises » à grande vitesse par ces nouveaux espaces.
Garant de l’unité de la Nation et de la pérennité de nos institutions, le Président de la République Emmanuel Macron a souhaité qu’un large débat s’engage sur le sujet des impacts d’Internet sur notre information, notre démocratie et ce qui unit notre société, qui soit de nature à provoquer un sursaut collectif. Il a chargé ce jour une quinzaine d'experts (historiens, universitaires, journalistes, acteurs de terrain etc.), autour du sociologue Gérald Bronner, dans une commission nommée « Les Lumières à l'ère numérique », pour penser l'espace de débat commun de notre démocratie.
D'ici la mi-décembre, la commission devra dévoiler une série de propositions concrètes dans les champs de l'éducation, de la régulation, de la lutte contre les diffuseurs de haine et de la désinformation.
Avec plusieurs objectifs :
➜ Définir un consensus scientifique qui sera mis à disposition du grand public, des médias, des acteurs de la société civile sur l’impact d’Internet dans nos vies de citoyens : notre information, notre rapport à l’autre, notre représentation du monde et de nous-même, notre exposition à des biais cognitifs qui peuvent enfermer.
➜ Formuler des propositions dans les champs de l’éducation, de la prévention, de la régulation, et de la judiciarisation des entrepreneurs de haine afin de libérer la société des bulles qui enferment une partie de nos concitoyens et nourrissent les extrémismes, la haine, la violence, les dérives sectaires et les obscurantismes.
➜ Proposer de nouveaux espaces communs de la démocratie, de la citoyenneté, du collectif qui puissent trouver leur place dans le monde numérique, donner du sens à des citoyens isolés.
➜ Développer une analyse historique et géopolitique de l’exposition de la France aux menaces internationales qui pèsent sur notre démocratie et notre société au travers d’Internet et des recommandations sur les enjeux à porter dans le débat international et européen.
Composition de la commission :
- Gérald Bronner : professeur de sociologie à l’Université de Paris, membre de l'Académie nationale de médecine, de l'Académie des technologies, de l'Institut universitaire de France, ainsi que du comité de rédaction de L’Année Sociologique ;
- Roland Cayrol : politologue ;
- Laurent Cordonier : directeur de la recherche à la Fondation Descartes à Paris ;
- Frédérick Douzet : spécialiste des enjeux géopolitiques du cyberespace et professeure à l’Université Paris 8 ;
- Rose-Marie Farinella : ancienne journaliste de la presse écrite et enseignante ;
- Aude Favre : journaliste web ;
- Jean Garrigues : historien spécialiste d’histoire politique de la France contemporaine ;
- Rahaf Harfoush : anthropologue canadienne ;
- Rachel Khan : juriste, actrice, écrivaine ;
- Anne Muxel : sociologue et politologue ;
- Rudy Reichstadt : fondateur et directeur de Conspiracy Watch ;
- Iannis Roder : historien spécialiste de la Shoah ;
- Bertrand Warusfel : avocat au barreau de Paris spécialiste du droit du numérique, professeur à l'Université Paris 8 et vice-président de l'Association française de droit de la sécurité et de la défense ;
- Annette Wieviorka : historienne spécialiste de la Shoah de l'histoire des Juifs au XXe siècle.
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