Le chanteur-compositeur Patrick Juvet, idole du disco à la française, s’est éteint.
L’interprète de « Paris by night » et de « I love America » venait des bords du lac Léman. Son amour de la musique fut alimenté par les 45 tours américains que son père, qui vendait des radios et des télévisions, lui procurait en abondance. Élève précoce du Conservatoire de Lausanne, il décrocha un premier prix de piano, avant de passer sur les bancs des arts déco. Pourtant, sa carrière ne commença ni dans les ateliers ni sur scène, mais sur les podiums et les studios de photos, comme mannequin en Allemagne.
Au début des années 70, le jeune Helvète s’installa à Paris en espérant bien renouer avec ses premières amours pour la musique. Eddie Barclay le prit sous son aile et lui donna sa chance. Son flair avait vu juste : le deuxième titre de son protégé, La Musica, se vendit à 300 000 exemplaires. Ce succès devint son sésame, ouvrant le premier chapitre de sa carrière, écrit dans le style de la variété française.
Loin des yéyés, Patrick Juvet composait des chansons originales, signa la partition d’un des plus grands tubes de Claude François, Le lundi au soleil, porta les couleurs de la Suisse au concours de l’Eurovision de 1973, sortit l’album Love et le titre Rappelle-toi Minette, assumant pleinement d’être un chanteur pour jeunes filles en fleur.
Sa rencontre avec Jean-Michel Jarre lui fit creuser une veine nouvelle, sa plus célèbre, faite de disco et de ballades. En 1977, les ondes radio relayèrent cette question qu’il posait à la France entière, « Où sont les femmes ? ». Écrite par son nouveau complice, cette complainte énergique qui déplorait le déclin de la féminité pouvait paraître étonnante, même détonante, dans la bouche d’un homme qui n’hésitait pas à souligner son allure androgyne et à clamer sa bisexualité. Qu’importe, ce titre phare embrasa les pistes de danse et inaugura en France l’ère du disco. Mais Patrick Juvet savait aussi chanter ses peines et embuer les regards en évoquant sur quelques notes de piano « ces tout petits rien qui font des bleus au cœur ».
Alors au faîte de sa carrière en France, il s’envola pour Los Angeles et sortit I Love America, déclaration d’amour à ce pays qui, en retour, s’éprit de sa blondeur angélique et de ses rythmes endiablés.
Patrick Juvet était devenu l’ambassadeur francophone d’une culture internationale, hédoniste et tolérante. Il incarnait la fièvre du samedi soir, l’esprit de fête et de liberté, une culture de la danse et des boites de nuit qu’il impulsa à la France.
Il connut ensuite une descente aux enfers pavée de paradis artificiels. Son amour de la musique le sauva. À la fin des années 2000, les tournées des idoles, qui rassemblaient les plus grandes stars des années 60 et 70, lui firent retrouver les chemins de la scène et redonnèrent un sens à son existence.
Le Président de la République et son épouse saluent la carrière de ce chanteur suisse qui a fait danser plusieurs générations de Français, et adressent à ses proches comme à son public ses sincères condoléances.