Les mille voix de Roger Carel se sont éteintes aujourd’hui. L’acteur avait doublé les héros de notre enfance et les acteurs d’Hollywood, donné à Astérix ses accents de gaulois rusé, au serpent du Livre de la jungle ses inflexions ensorcelantes, et à Peter Sellers ses tonalités tour à tour inquiétantes ou cocasses. 

Tout jeune déjà, Roger Bancharel, de son vrai nom, aimait amuser la galerie. Pour égayer le quotidien de la sévère pension où il passa une partie de son enfance, il se donnait à cœur joie dans les imitations de professeurs, et en était récompensé par les éclats de rire de ses camarades. 

Dans ces succès de cours d’école, il ne décela pas immédiatement le signe d’une vocation. Il crut d’abord vouloir devenir prêtre, puis passa sur les bancs d’une école d’ingénieur, avant de comprendre qu’il était fait pour jouer la comédie.  

Il fréquenta alors les classes de théâtre de la capitale, faisant ses gammes auprès de Michel Piccoli et d’Anouk Aimée. Sur les planches, il joua des anciens comme des modernes mais aimait par-dessus tout les comiques, Molière et Feydeau, Courteline et Ionesco, qu’il délaissait certains soirs pour se frotter aux tréteaux des cabarets. On l’entendit sur les ondes, des feuilletons radiophoniques aux Grosses Têtes de Philippe Bouvard. Il se faufila aussi sur nos écrans, campant des seconds rôles savoureux dans le cinéma de Michel Audiard, Pierre Tchernia ou Yves Robert, et incarnant pour la télévision le commissaire Guerchard dans Arsène Lupin. 

Mais plus encore qu’un visage, Roger Carel était une voix. Il jouait de ses cordes vocales comme d’un instrument sur lequel, en virtuose, il savait modeler tous les sons, moduler tous les tons, s’envoler dans les aigus les plus stridents et descendre dans les graves les plus sombres. Il était un orchestre à lui tout seul. 

Mickey Mouse et Jiminy Cricket, Alf l’extraterrestre et Kermit la grenouille, Benny Hill ou Hercule Poirot : derrière tous ces personnages, il y avait Roger Carel et sa voix caméléon qui pouvait se fondre dans tous les corps, coller à tous les personnages.  

Il fut aussi la voix française de Peter Sellers et de Peter Ustinov, doubla Jack Lemmon dans Certains l'aiment chaud et Charlie Chaplin dans Le Dictateur, à la demande expresse de Charlot.
On le dit rarement d’un acteur mais Roger Carel avait du coffre. Et il était plein des trésors de notre enfance et du cinéma. 
 
Le Président de la République et son épouse saluent une grande voix, unique et multiple à la fois. Ils adressent leurs sincères condoléances à sa famille, ses amis, ainsi qu’à tous les Français qui ont admiré le talent qui se cachait derrière leurs personnages et leurs acteurs favoris.

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