Fait partie du dossier : 2020, année de Gaulle.

14 juin 1940 : les Allemands à Paris

En juin 1940, les Allemands entrent dans la capitale française. La croix gammée remplace le drapeau tricolore sur les édifices publics, jusqu’à la Tour Eiffel. La Wehrmacht parade dans une ville en grande partie vide, de nombreux Parisiens ayant choisi l’exode. C’est le début de l’Occupation. Elle durera plus de quatre ans.
 
Le gouvernement a alors trouvé refuge à Bordeaux. Parmi ses membres : Charles de Gaulle, sous-secrétaire d’État à la Guerre et à la Défense nationale. Le 16 juin, il fait l’aller-retour à Londres afin de demander au Premier ministre Winston Churchill un appui aérien et maritime.

Le même jour, la situation bascule en France : le Maréchal Pétain accède au pouvoir. Il veut cesser le combat et négocier un armistice avec le pouvoir hitlerien. Charles de Gaulle refuse ce choix. Le 17 juin 1940, il repart pour Londres rejoindre Churchill, convaincu lui aussi que le combat contre les nazis doit se poursuivre.
 
Dès le lendemain, De Gaulle décide d’agir.

Mardi 18 juin 1940 : un vent de Résistance souffle depuis Londres 

À 18h30, face au micro de la BBC, le Général de Gaulle prononce son Appel du 18 juin, qui entre aussitôt dans l’Histoire.

« Moi, général De Gaulle, actuellement à Londres, j’invite les officiers et les soldats français qui se trouvent en territoire britannique, ou qui viendraient à s’y trouver, avec leurs armes, ou sans leurs armes, j’invite les ingénieurs et les ouvriers spécialistes des industries d’armement qui se trouvent en territoire britannique ou qui viendraient à s’y trouver, à se mettre en rapport avec moi.

Quoi qu’il arrive, la flamme de la résistance française ne doit pas s’éteindre et ne s’éteindra pas. »

Général de Gaulle, 18 juin 1940

Pour l’anecdote :

L’Appel du 18 juin n’a pas été enregistré, il n’en existe donc aucune trace sonore ou visuelle. L’appel ci-dessus fut enregistré le 22 juin 1940, pour la postérité. Son texte est légèrement différent de l’appel initial du 18 juin. Vous pouvez également trouver une version filmée de l’appel sur Internet. Elle fut enregistrée le 2 juillet 1940 pour les archives cinématographiques.

Si l’Appel est sur le moment peu entendu, son contenu sera retranscrit dès le lendemain dans quelques journaux. Par la suite, le Général réitèrera son appel à de nombreuses reprises. Au cours de l’été, des milliers de Français, de tous horizons, partiront pour Londres rejoindre le Général de Gaulle, désormais à la tête de la « France libre », et résister face à l’ennemi nazi.

Quand Londres hébergeait la République Française en exil 

Ce 18 juin 2020, le Président Emmanuel Macron remettra la Légion d’Honneur à la ville de Londres, par l’entremise du Prince de Galles. Par cette distinction, la France souhaite honorer :

  • La ville qui a offert asile au Général de Gaulle et, à travers lui et la France libre, à l’esprit de la République ;
  • La population londonienne qui, dans sa très grande majorité, n’a eu de cesse de manifester son soutien à la cause de la Résistance.

« Une ville où j’ai vécu, pendant notre lutte commune, où j’ai admiré, sous les ravages des attaques sans cesse renouvelées, le courage et l’effort sans cesse déployés par ses habitants, où moi-même et mes compagnons avons puisé tant d’encouragements dans notre propre entreprise. »

Charles de Gaulle

Cette légion d’honneur est dans la continuité de la légion d’honneur remise en 2006 par Jacques Chirac à la ville de Brazzaville qui fut la capitale de la France libre.

Ce 18 juin, nous honorons la mémoire du Général de Gaulle, des milliers d’hommes et de femmes qui l’ont rejoint pour résister ainsi que des Londoniens dont le rôle fut déterminant dans la survie de la République française. Grâce à leur courage, nous vivons aujourd’hui dans une France libre.

18 juin 2020 - Seul le prononcé fait foi

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Remise de la Légion d'honneur à la ville de Londres, discours du Président de la République.

Vos Altesses royales, 
Messieurs les ministres, 
Monsieur le maire de Londres,
Madame, Monsieur l’ambassadeur, 
Amiral, 
Mesdames, Messieurs,

Il y a 80 ans, après la bataille de France, avant la bataille d’Angleterre, deux voix s’élevaient de Londres, deux refus de la résignation et de l’asservissement, deux regards lucides sur l’avenir des événements. Le même jour, le 18 juin 1940, Winston CHURCHILL et le Général DE GAULLE firent tonner les mots de la résistance et de l’espoir. 

L’armée française venait de ployer face à la Wehrmacht, en seulement 6 semaines. La sidération, le renoncement s’étaient emparés du pouvoir. Mais déjà, un sursaut d’orgueil patriotique, une soif de liberté et d’honneur, en somme une puissante volonté de résistance embrasait des cœurs français et au plus haut point celui du Général DE GAULLE. Lui qui venait d’être promu général et d’entrer au gouvernement, lui qui refusait la défaite et prônait la poursuite des combats était devenu persona non grata du nouveau gouvernement du Maréchal PÉTAIN. 
Il dut trouver une terre d’asile, une terre d’exil. 
Ce fut Londres. 

Car l’espoir désormais était tout entier incarné par le dernier pays européen capable de poursuivre la guerre. Winston CHURCHILL personnifiait la ténacité d’une nation qui refusait de céder et qui ne céda pas. Il disait n’avoir rien d’autre à offrir que « du sang, du labeur, des larmes et de la sueur ». Il offrit tellement plus pourtant : la détermination, la foi dans la victoire, l’honneur et la fierté. 
L’espoir avait aussi les traits du roi George VI, de sa femme et de ses deux filles, a détermination sereine de la famille royale qui partagea les angoisses des Londoniens et contribua à l’accomplissement de l’union nationale. 
L’espoir avait la démarche confiante de vos soldats, et ce flegme légendaire qu’on envie tant à votre peuple. 

Le Général DE GAULLE, alors, était un officier français bientôt déchu par le régime de Vichy de son grade, de ses biens, de sa nationalité. Le rebelle de Londres n’avait plus rien, n’était plus rien. Pourtant restait presque tout : une foi invincible dans le destin de son pays, une confiance inébranlable dans la victoire des Alliés. Et avec lui, comme exilé, il avait emporté une chose : l’esprit français. 

Arrivé à Londres le 17 juin, il reçut aussitôt le concours de Winston CHURCHILL. Le vieux lion et la famille royale offrirent l’asile à celui qu’ils reconnurent presque instinctivement comme l’émissaire légitime de la France, l’ambassadeur de ses valeurs. 
Votre Altesse royale, la monarchie britannique devint alors le refuge de la République française. Alors l’Angleterre décidait d’abriter la France. 

C’est ici que DE GAULLE a pu former les premiers rangs de cette armée française qui allait continuer le combat. Les soldats de l’ombre. 

C’est d’ici que DE GAULLE a pu appeler les Français à la Résistance. Les soldats de l’ombre. 

Parce qu’il y a 80 ans, jour pour jour, le 18 juin 1940, le Royaume-Uni a tendu à la France sa première arme, un micro de la BBC. Les ondes ont alors charrié les mots résolus et l’esprit de résistance de DE GAULLE qui ont comme bâti par-dessus la Manche le pont des réfractaires de la servitude, des obstinés de la liberté. 

DE GAULLE ne disait pas autre chose que CHURCHILL : sa certitude que le dernier mot n’était pas dit, que cette guerre n’était pas tranchée par la Bataille de France puisqu’elle était une guerre mondiale. 
« La France n’est pas seule ! » martelait-il. Non, l’empire britannique serrait les rangs, des Français de tout l’empire restaient engagés et la silhouette immense des États-Unis se profilait. 

L’appel du 18 juin était une exhortation à ramasser les tronçons du glaive et à reforger les armes de la  France ; la convocation solennelle de toutes les volontés prêtes à faire le choix buté du combat contre le constat amer de la défaite, pour opposer « à la pente de l'histoire subie le sens de l'histoire rêvée ». 

Ce soir-là, DE GAULLE devint la voix et le souffle de la France Libre. 
Il éleva la flamme de la Résistance plus haut qu’un phare pour que son faisceau d'espoir, depuis les rives de la Tamise, porte sur tout le sol de France. 
L'homme qui allait porter à bout de bras le destin d'un pays à bout de souffle. 
Depuis Londres, grâce à Londres. 

Le commandement de la France libre put bientôt s'installer ici, à Carlton Gardens, et les aspirants combattants s’entraîner dans des camps militaires. La BBC continua de prêter ses ondes à DE GAULLE et aux speakers de la France Libre. C'est sur Radio Londres que vivait l’esprit de résistance français. C'est ainsi, avec confiance et générosité, que le Royaume-Uni permit aux forces libres de planter leur étendard sur ses terres, et à l'esprit même de la République française de ne jamais s'éteindre. 

Non, la France n'était pas seule. 
Le gouvernement et la Couronne britanniques lui offraient son soutien. 
Le peuple britannique aussi. 
Les « Friends of the Free French Forces » avec ses 60 000 membres, en furent la preuve éclatante, eux qui prodiguaient aux Français de Londres des dons de nourriture, de vêtements, d'argent. 

Et le général, lorsqu'il arpentait les rues de votre capitale était souvent salué d'un « Vive la France ! » qui lui embrasait le cœur et lui donnait le courage de poursuivre son œuvre. 

Londres et ses habitants n'ont pas seulement accueilli la France libre, ils l'ont inspirée, monsieur le maire, par leur exemple. Lorsque le ciel britannique était déchiré par les combats que se livraient la Royal Air Force et la Luftwaffe, qu'une pluie de feu et de fer s'abattait sur Londres, dans l'effroi du Blitz, la résistance et l'abnégation des Londoniens forcèrent toutes les admirations. 

La Grande-Bretagne alors supportait seule toute la fureur de l'ennemi. Elle l'a fait grâce à l'immense bravoure de son peuple qui a tenu bon envers et contre tout. Votre nation le savait, elle était le fer de lance de la libération du monde. Il lui fallait rester debout, faire bloc et elle a érigé contre la barbarie nazie le plus haut et le plus beau des remparts, celui de l'unité et de la fraternité. 

« Keep calm and carry on ». Ce slogan reste pour la postérité la devise du courage britannique, ce sang froid quotidien, cet héroïsme pudique. Ce fut pour la France Libre un suprême exemple qu'elle allait emporter comme un viatique partout où son épopée la mena. Elle prit ensuite ses quartiers en Afrique dans l'Empire français, à Brazzaville, puis à Alger. 

Mais c'est Londres, la capitale du monde libre, Londres la résistante, Londres qui fut le berceau de la France libre. 
Et c'est Big Ben qui sonna à chaque heure des forces retrouvées des armes de la France. 

Depuis, nous assumons chacun, libres et souverains, un destin européen, une inspiration universelle qu'inspire l'esprit de résistance et qui nous commande de ne jamais cesser d'agir ensemble pour être pleinement nous-mêmes. Je le sais et je sais combien vous portez ces valeurs et cette histoire en vous, Votre Altesse royale, celle de Votre mère, de Votre père, de Votre grand-père, de Votre grand-mère, celle de toute une famille et de tout un peuple qui a su accueillir le Général DE GAULLE et avec lui la France libre. 

Je sais que nous continuerons à écrire A Tale of Two Cities, a tale of two countries. Mais parce que ce conte contient déjà de si belles pages, parce qu'il renferme ce chapitre si poignant où la capitale du Royaume-Uni fut « a home away from home » pour la France libre et le dernier bastion de l'espoir au moment où tout semblait perdu, j’ai voulu témoigner la reconnaissance infinie de la République française à la ville de Londres en lui décernant, à titre tout à fait exceptionnel, la croix de la Légion d'honneur. 

C'est à Vous, Votre Altesse royale, en souvenir et en témoignage de notre gratitude éternelle que je Vous la remets au nom du peuple français. 

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