Pierre Bergé fut cet homme occupé à faire naître partout où cela était possible la beauté et l’excellence. Ami des artistes, il était celui qui dans l’ombre leur apportait la confiance et la solidité dont ils ont tant besoin pour créer. Ce n’était pas pour lui un métier, mais une vocation, née dès sa prime jeunesse lorsqu’il rencontra Bernard Buffet ou encore Jean Giono. Il avait vingt ans. Tous les Français connaissent l’amour et la complicité qui le lièrent à Yves Saint-Laurent, dont il fut le compagnon, le frère, le pygmalion et le protecteur. Jamais sans lui le génie de Saint-Laurent n’aurait éclos de manière aussi étincelante.

Tant d’artistes aujourd’hui se souviennent de celui qui leur proposa des projets dont ils n’eussent pas osé rêvé. Qui fit pour eux des salles de théâtre, des festivals, des musées. Qui entretint à grand frais des maisons d’écrivains, comme celle de Cocteau. Ou simplement qui leur disait de sa voix ferme et de ce ton définitif qu’on lui connaissait qu’ils avaient du talent et qu’il les aimait. Mais il ne lui suffisait pas d’aimer et aider. Il lui fallait aussi partager. C’est ce qu’il fit jusqu’à son dernier souffle avec la Fondation Saint-Laurent, comme il l’avait fait toute sa vie en faisant venir dans son théâtre de l’Athénée à Paris les plus grandes voix lyriques, les plus grands comédiens et metteurs en scène, ou en organisant et soutenant des expositions mémorables, des spectacles marquants.

Cette insatiable curiosité ne s’enferma pas dans une chapelle. De quelque époque et de quelque continent qu’elle fût, la beauté n’échappa jamais à la vigilance de son goût. Son génie fut de savoir composer ensemble les époques, les formes, les caractères, les talents pour construire autour de lui un monde qui lui ressemble et où il nous invitait avec une totale générosité. Il fut pour nombre d’entre nous un passeur sans égal.

Un homme d’action si soucieux du monde, si ardent à le comprendre et à le rendre plus beau, ne pouvait être qu’un militant. Il le fut en particulier pour la cause homosexuelle, dont il soutint inlassablement le progrès des droits, notamment lors du vote du mariage pour tous. Il mobilisa également toute son énergie dans la lutte contre le SIDA, à la fois pour sensibiliser l’opinion publique et financer la recherche – il fut à l’origine du SIDACTION et le soutien constant d’Act Up. Il se fit aussi homme de presse, avec l’aventure Globe, le lancement de Têtu et récemment la reprise du Monde.

Ce passionné de la cause publique gagna l’estime et l’affection de François Mitterrand puis apporta son aide à plusieurs dirigeants du Parti socialiste Dans aucun de ses combats il n’épargnait ses adversaires. Son verbe tranchant, qui lui fut parfois reproché, était l’avers d’un engagement profond et total.

C’est toute une partie de notre mémoire littéraire et artistique qui disparaît avec Pierre Bergé. Il appartiendra à ses amis et à ceux qui furent guidés par lui de faire vivre cette mémoire, de faire comprendre aux Français l’importance de ce qu’il fit pour la culture française et de faire vivre son œuvre.

Le Président de la République et son épouse adressent au mari de Pierre Bergé, à ses amis, à sa famille leurs sincères condoléances.

 

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