16 avril 1981 - Seul le prononcé fait foi

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Article de M. Valéry Giscard d'Estaing pour "L'Yonne Républicaine", sur le bilan économique et social du septennat, jeudi 16 avril 1981.

Le scepticisme des Français ne se nourrit pas seulement de l'excès des promesses illusoires que l'on voit fleurir au cours de cette campagne. Il se nourrit également de l'excès des critiques qui ont été formulées à l'égard de la politique que j'ai conduite depuis sept ans.
Considérez, si vous le voulez bien, le bilan économique et social des sept dernières années. Comparez-le à celui d'autres pays comme le nôtre.
Comme tous les pays développés, la France a subi deux chocs pétroliers qui ont profondément bouleversé son économie et elle a été affectée par la crise mondiale qui a suivi. Comment a-t-elle traversé cette tourmente ? Elle a maintenu une croissance forte, la plus forte de tous les pays occidentaux. Le pouvoir d'achat a continué d'augmenter, il est vrai, certaines années, à un rythme plus ralenti.
Mais dois-je rappeler que dans tous les pays industriels, il a connu des réductions, sauf chez nous ? Nous avons maintenu cette croissance tout en défendant la valeur de notre monnaie et l'équilibre des finances publiques, en améliorant l'efficacité de nos entreprises, en développant le premier programme nucléaire d'Europe, en créant 400 000 emplois, en consacrant à notre défense des ressources importantes.
Par notre technologie, nous sommes à l'avant-garde.
Grâce à nos succès à l'exportation qui nous placent au quatrième rang dans le monde, nous avons pu assurer nos importations. N'oublions pas que la France est très largement démunie des matières premières vitales. Si, pour protéger nos produits, nous devions fermer nos frontières, nos concurrents en feraient autant à notre égard.
Nous n'avons pas d'autre choix que notre compétitivité internationale pour préserver notre niveau de vie.
Nous avons connu deux difficultés. Notre taux d'inflation est resté le taux moyen des pays européens. Mais, surtout, la crise mondiale a entraîné chez nous une montée du chômage, accentuée par trois traits particuliers de notre économie : le déséquilibre démographique entre la génération qui prend sa retraite et celle qui arrive sur le marché du travail £ l'évolution de la condition des femmes qui les conduit en plus grand nombre à chercher un emploi £ et, enfin, la présence en France d'une forte population d'immigrés.
Pour tout observateur impartial, le bilan économique et social du septennat est fondamentalement positif et nous en avons deux preuves. Il suffit de comparer l'évolution de la France à celle des autres grands pays industriels pour voir que nous avons traversé la crise mieux qu'eux. Il suffit de lire les avis des grandes organisations internationales, qu'il s'agisse de l'O.C.D.E. ou du Marché commun, pour voir que les experts étrangers considèrent que la France a traversé une période difficile dans les meilleures conditions.
L'agriculture n'est pas à l'écart de ce grand mouvement de progrès. L'agriculture constitue, à mes yeux, un élément fondamental de la société française. Elle contribue à l'équilibre écologique du pays, ainsi qu'à un aménagement harmonieux du territoire. Elle est aussi une source irremplaçable de sagesse et de bon sens, dans une société souvent perturbée. C'est dire à quel point son rôle est important pour l'avenir du pays.
Je fixerai deux objectifs principaux à la politique agricole : le renforcement de notre production et le maintien d'exploitations familiales nombreuses et prospères.
Cette politique a déjà été engagée en profondeur, conformément à l'engagement que j'avais pris le 16 décembre 1977 à Vassy.
Ainsi, la nouvelle loi d'orientation agricole votée par le Parlement en 1980 est venue donner de nouvelles bases à la valorisation et à l'orientation de nos productions, à l'effort social en faveur des agriculteurs et à la lutte contre la hausse du prix des terres et le poids excessif des charges successorales.
En ce qui concerne les productions, je rappellerai seulement l'effort sans précédent engagé avec le plan élevage et les mesures prises en faveur des productions de type méditerranéen.
Il conviendra de veiller à l'application complète des réformes de fond engagées ces dernières années et dont les effets se feront sentir de plus en plus nettement.
Mais, outre la poursuite déterminée des grandes réformes entamées, je privilégierai plusieurs orientations pour atteindre les deux objectifs majeurs que je viens de définir.
La première orientation vise le revenu des agriculteurs. Elle est très simple : ce revenu doit être assuré par le prix de vente des produits.
Pour y parvenir, il faut obtenir des hausses suffisantes des prix garantis. Il faut également maîtriser mieux les coûts de production.
Je rappellerai que la France a toujours obtenu, à Bruxelles, des augmentations de prix supérieures aux propositions de la commission.
En 1980, toutefois, l'augmentation décidée n'avait pas permis le maintien du revenu par suite de la majoration brutale du prix des produits achetés par les agriculteurs liée au deuxième choc pétrolier. Conformément à l'engagement que j'avais pris, une aide directe a été versée pour compenser intégralement les pertes subies.
Mais les agriculteurs ne veulent pas être des assistés. Et ils ont raison.
Cette année, beaucoup prédisaient notre échec à Bruxelles.
Le succès que nous avons remporté est aujourd'hui reconnu par l'ensemble des observateurs, y compris par la presse d'opposition. Et je ne parle pas de la presse britannique qui considère que la France a obtenu une victoire écrasante.
Cet excellent résultat constitue une première application exemplaire du principe que je viens d'énoncer.
Il faudra désormais que les hausses des prix tiennent directement compte de la hausse des coûts de production : il serait, en effet, inacceptable que les agriculteurs contribuent plus que les autres catégories à la lutte contre l'inflation.