9 avril 1981 - Seul le prononcé fait foi

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Discours de M. Valéry Giscard d'Estaing à Provins, lors de la campagne pour l'élection présidentielle, jeudi 9 avril 1981.

Mes chers amis de Provins et de la Seine-et-Marne, il y a, en effet, quelques jours, alors que mon programme était déjà établi, Alain Peyrefitte m'a dit : "Je vous demande de prévoir une halte à Provins", et, dans une calendrier que vous imaginez, dans un horaire que vous imaginez, et d'ailleurs, je vous remercie d'être venus les uns et les autres, à des heures qui ne sont pas les plus commodes, compte-tenu de vos obligations de travail, dans un tel calendrier, ajouter une étape c'est toujours un problème, mais pourquoi l'ai-je fait ?
- C'est d'abord parce que vous m'avez rappelé, mon cher ministre, qu'en 1969, le président Pompidou était venu faire halte à Provins, et qu'ainsi Provins est naturellement sur la route de tous les Présidents successifs de la Vème République : je ne voulais pas manquer à mon tour ce rendez-vous.
- Le candidat Pompidou, vous l'aviez accueilli, compte-tenu des hautes responsabilités qui étaient les vôtres à l'époque dans le mouvement gaulliste, dans l'UDR, et je me souviens d'être venu, en effet, quelques années plus tard, dans cette salle, en 1973, comme membre du gouvernement de l'époque... La salle était disposée différemment, on nous avait mis sur le petit côté, nous étions rangés sur plusieurs rangs et on avait mis des étiquettes avec nos noms au cas où vous ne nous auriez pas reconnus... Je remarque qu'aujourd'hui cette précaution a cessé d'être prise et dans cette réunion de Provins, qui était une réunion de toute la majorité de l'époque, unie pour affronter le programme commun, et d'ailleurs pour l'emporter sur le programme commun, nous avons élaboré ce qu'on a appelé et ce qu'on a appliqué comme étant le programme de Provins.\
Vous m'accueillez dans une ville qui a un passé très riche d'histoire, une ville magnifique et au-coeur de cette région importante de la Brie £ c'est une ville où il y a des roses et j'ai été heureux tout à l'heure qu'on nous en remette à Anne-Aymone et à moi un petit pot à l'arrivée, parce que cela nous prouve qu'il y a des roses majoritaires, et que ce seront celles qui fleuriront au printemps de 1981 !
- Je suis également heureux de vous retrouver, messieurs les parlementaires de la Seine-et-Marne, sénateurs et députés de la circonscription voisine, car j'ai l'occasion souvent de suivre votre activité très intense dans les travaux de notre Parlement.
- Avant de partir pour Provins, j'ai reçu une letre - on me l'a portée avec une certaine solennité - elle venait du Conseil constitutionnel et elle m'apprenait que j'étais candidat à la Présidence de la République.
- Le Conseil constitutionnel a terminé ses travaux, décompté les signatures, vérifié que j'en avais, il faut le dire, largement 500, et a tiré au sort. Il y aura désormais 10 candidats et le sort m'a donné le chiffre 7. Je remercie le sort qui a choisi comme vous !
- Dans cette campagne qui va désormais entrer dans sa phase officielle `du 13 au 24 avril`, et jusque là vous avez noté que j'étais tenu à une certaine réserve, d'une-part, par les charges de la fonction que je continue d'exercer, et d'autre-part, parce que je ne voulais pas que qui que ce soit puisse penser que le Président de la République en exercice utilisait les avantages de sa fonction pour commencer avant d'autres sa campagne `campagne électorale`, mais dans cette campagne officielle qui commence, quel est en réalité mon rôle ?\
Il y a 10 candidats, et j'écoute ce qu'ils disent ou je lis ce qu'ils disent les uns et les autres... Il y en a 9 qui critiquent Giscard et il y en a 1 qui s'est donné une autre tâche, qui n'est pas de critiquer les autres, ce qui n'est pas l'objet de la campagne `campagne électorale` présidentielle, qui est, au contraire, de défendre les Français, parce que lors qu'on a bénéficié de leur confiance pendant sept ans, quand on a eu à porter leurs charges... et quand je dis les charges, vous me comprenez et vous aussi qui êtes au gouvernement depuis longtemps à mes côtés, vous me comprenez... les lourdes charges de conduire un pays de 53 700 000 habitants dans le monde tel qu'il est, avec ses problèmes, ses menaces, ses risques... quand on a accepté cette charge, ce qui vous préoccupe, c'est de défendre les Français et je veux être, dans cette campagne, celui qui vous défend.\
Qui vous défend comment ?
- D'abord, en étant celui qui accepte de prendre le risque et la responsabilité de lutter pour la paix. J'ai été choqué dans les premières semaines de la campagne, de voir la légèreté, de voir l'utilisation électorale qui était faite des grands problèmes de la sécurité des Français ou en Europe, et on me faisait le reproche, on osait me faire le reproche - je veux vous dire que c'est un reproche qui à aucun moment n'a atteint ma conscience - d'avoir été l'homme qui apportait le dialogue au nom de la France, mais qui l'apportait à-partir d'une position de force, parce que si la France lutte pour la première fois dans son histoire à-partir d'une position de sécurité, que nous avons bâtie ensemble, et qui fait que, désormais, vous le savez, la France, est une des plus grandes puissances militaires du monde. Je veux d'ailleurs, ici à Provins, rendre hommage à l'action de tous ceux qui servent dans nos forces : officiers, sous-officiers, ou soldats appelés et engagés, qui constituent à l'heure actuelle l'armature de la sécurité en France, sur lesquels j'ai pu compter chaque fois qu'au-cours de mon septennat j'ai fait appel à eux.\
Je veux ensuite défendre les Français contre les mensonges qui leur sont présentés pour les tromper. Comment, disiez-vous à l'instant, Alain Peyrefittte, croire que dans une période de grave crise de compétition internationale, où on voit des peuples entiers se mettre en mouvement pour conquérir des marchés extérieurs pour l'emporter sur leurs voisins, c'est par la facilité, c'est par des mesures démagogiques qu'on mettra la France en-état de soutenir le choc ?
- Je suis convaincu, au contraire, que c'est par l'effort commun des Français que nous pourrons faire face à cette situation, et c'est pourquoi j'ai proposé un programme pour l'emploi des jeunes, un programme destiné à créer autant d'emplois ou de postes de formation, c'est-à-dire un million, qu'il viendra de jeunes Françaises ou de jeunes Français sur le marché du travail au-cours des quatre prochaines années.
- En même temps, ce programme de création d'emplois nous l'appuyons sur un programme de développement économique de la France, programme que nous avons pu faire progresser cette semaine, grâce-à un accord avec nos partenaires de l'Allemagne fédérale `RFA`, et vous avez pu voir qu'ainsi, progressivement, les deux plus grandes puissances d'Europe se mettaient d'accord pour développer leur économie, leur équipement, afin d'améliorer la compétitivité de leurs entreprises, grandes et petites, et de pouvoir créer ainsi de nouveaux emplois.\
Je veux en même temps, dans cette campagne `campagne électorale` où je défendrai les Français, leur apporter l'espoir. L'espoir je ne leur en ai pas parlé jusqu'ici, pourquoi ? Parce que nous étions dans la préparation de la campagne et je voulais d'abord rendre -compte de ce que j'avais fait, de la manière dont j'avais exercé mon mandat, mais maintenant, au contraire, je veux leur apporter l'espoir.
- Aucun peuple ne peut engager et conduire son avenir s'il n'a pas devant lui l'horizon ensoleillé de l'espoir. Comment voulez-vous donner l'espoir aux Français à-partir du dénigrement systématique de tout ce qu'ils ont fait depuis sept ans ? A-partir de la négation de leur effort de création, de productivité et de travail ?
- Comment voulez-vous que ce soit à-partir de ces forces négatives de dénigrement, de critique, que l'on puisse donner l'espoir aux Français ?
- C'est pourquoi, puisqu'il y en a neuf qui critiquent, il y en a un qui portera l'espoir. Et ce sera moi dans cette campagne `campagne électorale` ! Et j'aurai l'occassion maintenant, dans toutes mes grandes réunions, à-partir d'aujourd'hui, de montrer ce qu'est cet espoir pour la France et cet espoir qui m'anime dans cette campagne, car je ne suis pas à la -recherche d'une réélection. Croyez que quiconque a exercé cette fonction, et je me souviens à cet égard des confidences que m'ont fait personnellement le général de Gaulle, en 1965, ou le président Pompidou, en 1974, ne -recherche pas la réélection pour y trouver des satisfactions personnelles, on la -recherche pour conduire une politique de progrès, de développement pour son pays, pour mon pays, pour la France.
- J'apporterai donc l'espoir.\
Puisque je suis tenu à l'exactitude en-raison de mes règles personnelles et en-raison aussi du respect qu'il faut avoir pour ses auditoires, je ne veux pas prolonger, mon cher ministre, longtemps cette réunion, et néanmoins, je voudrais vous dire un mot sur l'agriculture.
- Quand j'ai survolé tout à l'heure en hélicoptère, les approches de Provins, je voyais les grandes plaines céréalières et aussi herbagères qu'il y a dans votre région, qui est une des régions qui apportent à la France sa substance et sa nourriture agricole.
- Cette agriculture, nous venons de la défendre avec succès et lorsqu'on obtient un succès pour la France, pourquoi faut-il qu'il soit jugé de manière partisane ? Il aurait été normal que tous ceux qui parlent à l'heure actuelle, reconnaissent, une fois parmi tant d'autres, que la France avait un succès important. Demandez à vos dirigeants agricoles que je connais très bien, que je reçois souvent, ce qu'ils imaginaient que nous obtiendrions comme résultat de prix. D'abord, qui croyait que les prix seraient fixés au 1er avril ? Soyons sincères, personne ! Et d'ailleurs, il y avait de nombreuses mises en garde. D'autre-part, qui croyait que nous obtiendrions cette année plus de 12 % de hausse des prix applicables à-partir du début de la campagne ? Soyons francs, qui le croyait ? Personne !
- Si nous l'avons obtenu, c'est parce que nous nous sommes battus, le ministre de l'agriculture `Pierre Méhaignerie`, avec sa grande compétence, parce qu'il est issu lui-même du milieu rural, et le Président de la République, parce qu'il est intervenu personnellement à plusieurs reprises auprès des autres chefs d'Etats et de gouvernements étrangers pour leur dire : l'agriculture française est une chance pour l'Europe, il ne faut pas la laisser dépérir, il faut qu'elle puisse vivre de ses propres prix et des ses propres revenus.
- Nous avons obtenu ainsi un accord important. Vous savez qu'il s'applique, pour le lait et pour les produits de l'élevage, produits animaux, bovins, ovins, depuis déjà cette semaine, mais également nos livraisons de céréales connaissent déjà une première majoration à-partir du 6 avril qui va permettra de gagner, en attendant la majoration de la prochaine campagne.\
Donc les livraisons que nous allons faire maintenant, ces livraisons vers la Pologne, à laquelle nous apportons l'assistance de notre nourriture du sol français, ces livraisons, nous allons les faire dans des conditions qui seront déjà plus favorables que celles de la campagne précédente, si bien que l'agriculture française, que j'ai toujours considérée comme une chance de la France, va pouvoir aborder les prochaines campagnes dans des conditions beaucoup plus favorables. Et maintenant, l'effort des gouvernements à venir, c'est d'alléger les charges de l'agriculture, car son problème, en 1979 et 1980, ce n'était pas le problème de son revenu, puisque nous essayons de le garantir, mais c'était le problème des charges trop lourdes que nos producteurs avaient à supporter.\
Dans cette campagne, il y a aussi l'unité et vous, les plus anciens, les plus expérimentés, et vous les plus jeunes, qui découvrez peu à peu la vie politique de notre pays, vous voyez bien que la plaie historique de la France, c'est la division.
- Ce qui fait que dans les grandes circontances de son histoire, elle a été souvent balayée, elle a été souvent dévastée, c'est la division des Français, division que j'ai essayé d'atténuer pendant mon premier septennat et, quoi qu'on dise, j'y ai réussi, car regardez comment cette campagne se déroule : nous avons connu dans le passé des désordres, des violences à l'occasion des campagnes politiques, regardez celle-ci, il n'y en a pas.
- Donc nous avons progressé dans la voie de l'unité, mais pas encore suffisamment et pendant mon deuxième septennat, si vous me faites confiance, libéré de toute préoccupation de réélection, puisque je ne serai plus candicat, et confirmé dans mon mandat par le suffrage des Françaises et des Français, je serai bien placé pour faire progresser l'unité de la France. Je suis heureux de pouvoir parler de cette unité, ici c'est-à-dire en présence de vous, mon cher ministre `Alain Peyrefitte`, dont l'attitude est un témoignage d'unité, puisque vous avez apporté votre soutien, non pas à-partir de considérations partisanes, mais à-partir, au contraire, d'une conviction profonde, qui est celle d'ailleurs de toute votre vie, comme elle est la mienne, qui est que dans les grandes circonstances nationales, c'est l'inspiration de l'unité qui doit l'emporter sur la préoccupation de la division et je suis heureux de vous le dire devant vous, messieurs les parlementaires de Seine-et-Marne, venus d'horizons, de familles politiques ou de préférences différents et qui êtes associés pour cette oeuvre d'unité au service de la France. Je souhaite que cette halte à Provins soit comme celles qu'ont accomplies mes prédécesseurs, une halte sur le long chemin qui vous mène au succès et qui vous mène au succès pour le progrès, pour le bien, pour l'unité de la France !
- Vive Provins !
- Vive la Seine-et-Marne !
- Vive la France !\