10 septembre 1980 - Seul le prononcé fait foi

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Allocution de M. Valéry Giscard d'Estaing à l'occasion de la remise des insignes de la Légion d'honneur au gardien de la paix Philippe Jourdain, Paris, Palais de l'Élysée, mercredi 10 septembre 1980

Brigadier Philippe JOURDAIN, avant de vous décorer de la Légion_d_honneur, et suivant l'usage, je vais vous dire quels sont les motifs pour lesquels le Gouvernement vous a décerné à-titre exceptionnel cette distinction.
- Je crois que le fait qu'un gardien de la paix soit décoré de la Légion_d_honneur paraît en lui-même exceptionnel, le fait qu'il le soit à 24 ans `âge` est sans doute sans précédent, le fait qu'il le soit moins d'un an après sa nomination comme gardien de la paix, le 1er août 1979, est assurément sans précédent, le fait que ce soit le Président de la République qui lui remette sa décoration est également sans précédent. Pourquoi ?
- C'est parce que dans cette circonstance tragique où vous vous êtes trouvé avec vos camarades, dont je salue l'un d'entre eux, le 18 juillet `1980 ` date` dernier, vous avez fait preuve de courage et de sang-froid. Vous assuriez avec trois de vos camarades des services de police du département des Hauts-de-Seine, la sécurité de la résidence d'une haute personnalité `Chapour BAKHTIAR` et dans le déroulement très rapide et brutal des événements, vous avez fait preuve de courage et de sang-froid. De courage parce que lorsque vous avez pris le relais d'un de vos camarades, vous avez aussitôt pu alerter l'échelon de commandement et faire venir les moyens nécessaires sur le terrain malgré les risques énormes qu'ont présenté pour vous cet appel et cette information. Ensuite vous étiez doté d'une arme qui était une arme à tir rapide, à cadence par rafales et vous aviez devant vous plusieurs personnages eux-mêmes armés, vous avez eu le sang-froid d'utiliser votre arme avec discernement et de riposter en quelque sorte à l'action qui était la leur, de manière à les neutraliser, de manière à permettre ensuite leur arrestation, de manière à permettre aujourd'hui leur détention.
- Dans cette action vous étiez avec vos camarades, l'un d'entre eux a été mortellement atteint, deux d'entre eux ont été cruellement bléssés, l'un est actuellement toujours à l'hôpital, l'autre est heureusement avec vous aujourd'hui à vos côtés et il a, en-raison de la -nature de la blessure qu'il a reçue, échappé par miracle à la mort.
- C'est donc tout le détachement de police auquel vous apparteniez qui a été très sévèrement et très cruellement atteint au-cours de ces événements du 18 juillet dernier. Je veux donc tout à l'heure récompenser votre courage et votre sang-froid et en même temps rendre hommage au corps de police auquel vous appartenez, certains représentants sont aujourd'hui à vos côtés, et sur les marches de l'Elysée vous en rencontrez d'autres.\
Je veux vous dire à cette occasion que ceux qui assurent la sécurité des Français, - c'est-à-dire qui répondent à une aspiration très profonde dans le peuple français : le besoin de sécurité et en même temps à une aspiration qui est légitime dans une République où chacune et chacun ont le droit de voir garantir leur sécurité personnelle - ceux qui assument cette tâche, toujours lourde, souvent dangereuse, sont assurés de l'affection et de la reconnaissance du peuple français.
- Je suis très préoccupé de tout ce qui doit être fait pour éviter que les agents de nos forces de sécurité ne soient exposés à des risques inutiles. Il n'est naturellement pas possible d'éliminer le risque dans une carrière comme celle que vous avez choisie, du moins l'organisation, les moyens, les préoccupations de toute -nature doivent-ils autant que possible réduire ces risques, c'est l'effort de l'organisation et de l'équipement des services de police, de l'amélioration, de la formation des gardiens et des agents de tout grade qui est actuellement en-cours £ c'est également le sens de la directive que j'ai donnée au Gouvernement et notamment au ministrede l'Intérieur lorsque je lui ai demandé qu'à nos frontières toute personne qui se présente et qui dispose d'armes soit immédiatement refoulée et ne soit jamais autorisée, par aucune procédure ou par aucun recours, à faire appel de cette décision de refoulement.\
La Légion d'honneur c'est, vous le savez, la plus haute distinction française. Quand elle a été créée, il y a à peu près 180 ans, par l'empereur NAPOLEON, - d'ailleurs la distribution des premières croix de la Légion d'honneur a été faite tout près de votre région d'origine, en Picardie - ça n'a pas été une décoration militaire comme on l'a cru. Dès l'origine NAPOLEON a voulu que la Légion d'honneur récompense tous les services rendus à la France, que ces services soient militaires, ce qui était naturellement le cas du plus grand nombre à l'époque, ou qu'ils soient civils, c'est-à-dire rendus aux différents aspects de notre vie nationale et au nombre de ces services il faut placer à l'heure actuelle aujourd'hui au tout premier rang la sécurité des Françaises et des Français.
- C'est pourquoi, brigadier Philippe JOURDAIN, nous vous faisons chevalier de la Légion d'Honneur.
- Voilà, merci messieurs. Votre famille peut vous féliciter.\