26 juin 1980 - Seul le prononcé fait foi

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Conférence de presse de M. Valéry Giscard d'Estaing sur la politique étrangère et intérieure de la France, l'Afghanistan, le conflit israélo-arabe, l'élargissement de la CEE, la politique de défense, la conjoncture économique et sociale, les libertés, Paris, Palais de l'Élysée, le jeudi 26 juin 1980

LE PRESIDENT.- Mesdames, mesdemoiselles, messieurs les journalistes, au-cours de cette neuvième conférence_de_presse - 9ème avec choeurs ! - je répondrai aux questions que vous voudrez bien me poser sur les problèmes d'actualité et je rappellerai les orientations principales de l'action que je conduis, afin qu'elles soient perçues au travers du tumulte et de la diversité des événements.
- Ces orientations ce sont, sur-le-plan extérieur, l'indépendance, la paix et la sécurité. Sur-le-plan intérieur, la liberté, la justice et le progrès économique et social.
- Pour la clarté, je répondrai aux questions portant d'abord sur la situation internationale £ puis sur les problèmes de défense £ ensuite sur les perspectives économiques et sociales £ enfin, sur la situation politique et les problèmes de société et de culture.
- M. FERNBACH, il vous revient d'ouvrir cette conférence.\
QUESTION.- Monsieur le Président, en posant ma première question je suis un peu inquiet. J'ai lu ce matin, j'ai entendu dire encore tout à l'heure, que vous répondriez à toutes les questions sauf une : laquelle ? Est-ce la mienne ? Pour ne pas prendre ce risque, je vais vous citer. Ici même, il y a six ans, vous nous avez dit : "Le monde est malheureux, il est malheureux parce qu'il ne sait pas où il va. S'il le savait, ce serait pour découvrir qu'il va à la catastrophe".
- Quelques semaines après avoir rencontré M. BREJNEV à Varsovie, quelques jours après avoir vu M. CARTER à Venise, quelques jours avant de rencontrer M. SCHMIDT en Allemagne `RFA`, savez-vous où nous allons ?
- LE PRESIDENT.- L'action diplomatique de la France vise à traiter les problèmes du moment et à faire face aux difficultés que traverse le monde. Je vous en rapppelle les caractères puisqu'elle donne souvent _lieu, délibérément ou non, à certaines confusions de jugement.
- La politique extérieure de la France n'est ni neutre ni neutraliste £ elle est indépendante. Au-cours des événements récents, on lui a reproché tantôt de l'être trop, tantôt de l'être insuffisamment. Mais tout le monde s'accorde à constater qu'elle l'est. Ceci tient à la fois à la situation et à la tradition historique de notre pays.
- La politique étrangère de la France n'est pas neutre, car nous faisons partie d'une alliance `Alliance_atlantique`. Si les clauses de cette alliance étaient en jeu, la France remplirait intégralement ses obligations.
- Elle n'est pas non plus neutraliste. La France est une démocratie de liberté. Elle souhaite, partout dans le monde, aider au succès et au développement des démocraties de liberté. Bien entendu, elle le fait par des moyens pacifiques.
- Notre politique étrangère cherche, en second _lieu, à corriger l'anomalie que constitue l'effacement du rôle de l'Europe dans le monde et dont la cause essentielle tient à la succession des deux derniers conflits mondiaux. Vous retrouverez partout cette préoccupation : la France s'efforce de manifester l'existence de l'Europe dans le monde. Enfin, notre politique étrangère part de l'idée qu'il est possible de trouver des solutions aux problèmes qui se posent. Puisque nous pensons que ces solutions existent nous avons le devoir de les proposer.\
`Politique étrangère ` relations franco - soviétiques` QUESTION.- Monsieur le Président, les hommes politiques de la majorité, comme de l'opposition, disent que la France doit aider la résistance afghane, est-ce que cette question s'est posée au sommet de Venise ?
- LE PRESIDENT.- Y a-t-il d'autres questions à propos de l'Afghanistan ?
- QUESTION.- Quel lien faut-il faire, ou faites-vous, à propos de l'Afghanistan et de votre sommet de Varsovie avec le premier retrait des troupes soviétiques d'Afghanistan ? J'aimerais vous demander s'il a été question avec M. BREJNEV, au-cours du sommet de Varsovie, du calendrier du retrait des troupes soviétiques d'Afghanistan ?
- QUESTION.- Comment appréciez-vous l'utilité de la rencontre récente avec M. BREJNEV à Varsovie ?
- QUESTION.- Monsieur le Président de la République, qu'est-ce que vous pensez de la proposition faite à Belgrade par le Président CARTER de trouver un arrangement provisoire pour résoudre la crise afghane et est-ce que cela correspond à vos idées à ce sujet ? D'autre part, que faire pour débloquer la crise ?
- LE PRESIDENT.- Quelles ont été, depuis l'origine, notre position et notre analyse sur les événements d'Afghanistan ?
- Nous avons estimé que l'intervention des forces armées soviétiques en Afghanistan était inacceptable et qu'il fallait agir pour qu'il y soit mis fin, c'est-à-dire pour aboutir au retrait total des forces armées soviétiques de ce pays.
- Dès le début, nous avons considéré que cette intervention soulèverait trois sortes de réactions auxquelles l'Union Soviétique `URSS` serait sensible :
- la première, c'était la résistance du peuple afghan, peuple de tradition très indépendante, qui a toujours lutté au-cours de son histoire contre les interventions extérieures d'où qu'elles viennent.
- La seconde, c'était celle de la communauté internationale. Elle s'est exprimée avec beaucoup d'ampleur. Aux Nations-unies, 104 `nombre` pays se sont prononcés contre cette intervention. Par deux fois à Islamabad, la quasi totalité des pays islamiques `Conférence islamique` l'ont condamnée. Il y avait, enfin, l'effet que cette intervention aurait sur la politique de détente. La première conséquence en était de différer la ratification, pourtant souhaitée, de l'accord Salt II par les Etats-Unis d'Amérique. Ensuite, la poursuite de cette intervention, reposant sur l'usage de moyens militaires, rendait chaque jour plus difficile la poursuite de la politique de détente.\
`Politique étrangère ` relations franco - soviétiques`
- `Réponse`
- Ceci a été notre analyse dès le début. Je l'ai exposée à M. Leonid BREJNEV au-cours de notre utile conversation de Varsovie.
- Cette conversation était due à l'initiative de M. Edouard GIEREK avec lequel j'avais échangé au préalable quelques réflexions. Elle avait pour objet principal de faire ce qui doit l'être en-cas de crise, c'est-à-dire rétablir la communication et des échanges_de_vues approfondis sur la situation entre les principaux partenaires. J'ai indiqué à M. BREJNEV quelles étaient notre analyse de la situation et les réactions que rencontrait et que rencontrerait l'Union Soviétique `URSS`. J'ai précisé qu'il y avait deux manières d'agir pour régler cette situation : d'une part, établir un calendrier de retrait des forces armées soviétiques £ ensuite, commencer ce retrait, notamment dans la région de Kaboul, puisque l'argument qui était donné visait une infiltration aux frontières ne justifiant pas la présence d'effectifs armés importants dans la capitale.
- La solution ne pouvait être que politique et, j'ai indiqué quels étaient, à mon sentiment, les axes dans lesquels celle-ci devrait être recherchée. Pour nous, cette solution politique doit présenter trois caractères :
- d'abord, elle doit comporter le retrait total des forces armées étrangères d'Afghanistan £
- ensuite, elle doit permettre au peuple afghan de choisir lui-même son destin, c'est-à-dire assumer son expression politique comme il revient à tous les peuples du monde de le faire et en-particulier ceux qui ont la tradition d'indépendance et la fierté nationale du peuple afghan £
- elle doit enfin conduire au rétablissement de l'Afghanistan dans sa position historique traditionnelle qui est celle d'un pays non-aligné, ne pouvant pas constituer en soi une menace pour les états voisins, ni servir de base ou de support pour créer detelles menaces.\
`Politique étrangère ` relations franco - soviétiques`
- `Réponse`
- Nous avons appris la décision de retrait de certains éléments armés d'Afghanistan. Cette décision nous a été communiquée vendredi soir. Dans la communication il était fait explicitement référence à la suite des entretiens de Varsovie.
- Comment juger cette décision ? Quelle que soit sa portée, limitée quant au nombre, encore que ce nombre soit déjà significatif, il s'agit d'un geste dans la bonne direction, répondant aux demandes qui ont été formulées auprès de l'Union Soviétique `URSS`.
- Ce geste entraîne deux conséquences :
- Première conséquence : l'Union Soviétique reconnaît que c'est à-partir de l'Afghanistan qu'il faut arrêter la détérioration des relations internationales. Le choix du geste, la large publicité qui lui est donné, montrent que l'Union Soviétique a voulu indiquer que c'était bien à-partir de l'Afghanistan qu'elle entendait arrêter cette dégradation.
- Deuxième conséquence : le fait qu'une telle décision soit prise, qu'il lui soit donné une telle publicité, rendrait extrêmement difficile et lourd de conséquences un retour en arrière. C'est donc une option en_faveur de la -recherche d'une solution politique car, au-niveau des moyens militaires qui sont et qui resteront en Afghanistan dans la période actuelle, il est clair que c'est par des moyens politiques que la solution peut seulement être trouvée.\
`Politique étrangère`
- `Réponse`
- Faut-il qu'un pays comme la France aide militairement la rébellion afghane ? Ma réponse est négative : la France se prononce pour la -recherche d'une solution politique.
- Il m'a été également demandé s'il y avait un calendrier ultérieur de retrait des forces armées soviétiques ? Non, à notre connaissance. Mais dans nos échanges_de_vues avec les autorités soviétiques, nous avons indiqué qu'il était essentiel d'avoir un tel calendrier, et de commencer par un premier geste qui déboucherait sur ce calendrier.
- Que pensons-nous de l'approche qui a été envisagée pour conduire à une solution politique ? Je répondrai qu'il ne faut pas, à mon avis, rechercher à l'heure actuelle une solution transitoire `position américaine`. Je crois qu'il faut rechercher, au contraire, une solution définitive, car je n'aperçois pas de possibilité de solution transitoire. Celle-ci s'accomoderait nécessairement, puisqu'elle serait transitoire, d'un certain maintien de forces soviétiques en Afghanistan £ il en résulterait, en contrepartie, la poursuite d'opérations de résistance ou de combat et, par conséquent, le maintien de la tension dans la région. Il faut, au contraire, rechercher une solution globale. Cette solution globale comporte les éléments que j'ai indiqués tout à l'heure, c'est-à-dire aboutir au retrait total des forces armées soviétiques et assurer le respect des différents caractères reconnus à l'Afghanistan.
- C'est un fait qu'à ce sujet les positions demeurent très éloignées. Il faut le constater. Le fait qu'apparaisse une option en_faveur de la -recherche d'une solution politique crée une situation qui mérite d'être exploitée : elle rend possible certaines initiatives.\
QUESTION.- Monsieur le Président, vous avez rencontré récemment le Chancelier SCHMIDT. Je pense qu'il va être, dans quelques jours, en face de M. BREJNEV. Pensez-vous qu'il partage les vues et les objectifs que vous venez de nous indiquer et, vous-même, êtes-vous d'accord avec les initiatives qu'il est sur_le_point de prendre ?
- LE PRESIDENT.- Je pense, d'abord, qu'il est normal que le Chancelier SCHMIDT se rende à Moscou, puisque sa visite s'inscrit dans les consultations périodiques qui existent désormais entre l'Allemagne fédérale `RFA` et l'Union Soviétique `URSS`.
- Je pense, ensuite, que cette visite est utile, car elle permettra aux dirigeants soviétiques de mieux connaître le point de vue des grands états européens et, notamment, de l'Allemagne fédérale sur les problèmes et sur les situations existantes.
- Enfin, j'ai toutes raisons de faire confiance au Chancelier SCHMIDT pour exposer et soutenir des thèses qui soient conformes aux déclarations que nous avons faites ensemble et, notamment, à la déclaration franco - allemande sur l'Afghanistan que nous avons adoptée, je vous le rappelle, lors du dernier sommet franco - allemand.\
`Politique étrangère ` relations franco - polonaises`
- QUESTION.- Monsieur le Président, justement, pendant cette conférence de Varsovie, on a parlé beaucoup des moyens et petits pays qui, en conservant la fidélité à leurs alliances peuvent et doivent jouer un certain rôle dans la vie internationale. Dans ce contexte là, je voudrais vous demander comment vous appréciez les efforts de la Pologne pour conserver la paix, le dialogue et la coopération internationale ?
- LE PRESIDENT.- Nous observons les grands efforts de la Pologne, pour que soit maintenu un contact étroit entre ceux qui s'efforcent, à l'heure actuelle, de chercher des solutions au difficile problème des relations Est - Ouest et, plus précisément, des relations intra-européennes.
- S'agissant de l'Europe, nous appartenons à la Communauté_européenne `CEE` et nous participons à la politique qu'elle définit. Mais je prends toujours soin de dire qu'il y a un deuxième cercle européen auquel appartient, naturellement, la Pologne.
- Nous aurons l'occasion de recevoir dans quelques jours le ministre des Affaires étrangères polonais. Je me rendrai moi-même, pour une visite de travail, à Varsovie au mois de septembre. Ceci démontre l'importance que nous attachons au rôle de la Pologne dans le maintien d'un dialogue ouvert entre les différentes parties de l'Europe.\
`Politique étrangère`
- QUESTION.- Monsieur le Président de la République, au mois de mars vous avez effectué des visites officielles dans diverses capitales arabes du Proche-Orient. Vous avez affirmé alors, pour la première fois, le droit à l'auto-détermination des Palestiniens et à la reconnaissance de l'OLP comme un des partenaires aux négociations de paix. Ces déclarations ont suscité un grand retentissement dans le monde et votre formule a été adoptée récemment à Venise.
- Monsieur le Président de la République, nous aurions souhaité connaître les raisons majeures qui vous empêchent d'effectuer une visite officielle et historique en Israel. Ne pensez-vous pas, monsieur le Président de la République, qu'il est nécessaire, voire utile, d'étudier sur le terrain des problèmes aussi délicats et compliqués qui touchent la sécurité d'Israel ?
- LE PRESIDENT.- Sur ce problème du Proche-Orient, y a-t-il d'autres questions ?
- QUESTION.- Une certaine émotion s'est établie en France, dans les milieux israelites à l'issue de cette visite et des déclarations que vous avez faites. Que pensez-vous de cette émotion très vive qui a été soulevée en France ?\
`Politique étrangère`
- QUESTION.- Monsieur le Président, le 20 juin `1980 ` date` dernier le Herald Tribune de Paris a publié un article de M. James RESTON qui disait vous avoir rendu visite et rendait _compte de cet entretien, sans d'ailleurs vous citer. Mais une phrase a beaucoup frappé ceux qui s'intéressent aux relations franco - israéliennes. Vous auriez dit à M. RESTON que l'inflation israélienne est extrêmement dangereuse, non seulement pour l'économie israélienne, mais également pour la sécurité du monde. Est-ce que vous pouvez commenter cette phrase, si vous l'avez prononcée, et éventuellement expliquer ce qu'il peut y avoir derrière ?
- QUESTION.- Monsieur le Président, le monde arabe a enregistré avec satisfaction les résultats de vos efforts diplomatiques depuis votre dernier voyage au Moyen-Orient. Il a enregistré avec satisfaction aussi le fait qu'enfin s'établisse dans la Communauté_européenne `CEE` et dans le monde libre un consensus concernant le droit imprescriptible du peuple palestinien à une patrie et à un Etat.
- Cependant, il faut avouer, monsieur le Président, que le monde arabe reste sur sa faim, car il se demande, et il vous demande : à quand les actions diplomatiques propres à amener le gouvernement israélien à la conviction qu'il ne peut y avoir de paix et qu'il ne peut y avoir de négociations et de pourparlers de paix qu'entre les deux principaux belligérants, le peuple palestinien, avec à sa tête l'OLP, et le peuple israélien, avec à sa tête le Gouvernement en_place ?
- QUESTION.- Monsieur le Président, la déclaration de Venise sera-t-elle suivie d'une initiative concrète aux Nations-unies ?\
`Politique étrangère`
- QUESTION.- Quels ont été, monsieur le Président, les points de convergence et de divergence sur la question du Proche-Orient lors de votre entretien avec le Président CARTER à Venise ?
- LE PRESIDENT.- La question du Proche-Orient est très importante. Elle a un contenu émotionnel très fort pour toutes les parties concernées, comme j'ai pu le constater au-cours de mon voyage dans la région.
- C'est un problème auquel je pensais lorsque je disais, tout à l'heure, que nous croyons qu'il existe des solutions aux problèmes. Cela ne veut pas dire que les actions actuelles aillent dans la direction de ces solutions. La solution du problème du Proche-Orient consiste à concilier deux droits, fondamentaux l'un et l'autre, et c'est ce qui charge ce problème de son contenu émotif.
- Le premier, c'est le droit à la sécurité de l'Etat d'Israel. Ce droit à la sécurité existe pour tous les Etats du monde mais il a un sens plus profond et répond à une sensibilité plus avivée de la part d'un peuple qui a été privé de sa patrie pendant deux millénaires et qui vient de retrouver son foyer et de reconstituer depuis 1947 son Etat.
- L'autre droit, c'est celui à l'existence du peuple palestinien. Il s'agit également d'un droit universel. Ce peuple existe £ il est nombreux £ il vit dans une situation d'exil, d'éloignement, de dénuement £ il aspire à exister en tant que tel. Ce droit doit lui être reconnu sans aucune autre restriction que celle tenant à l'existence des frontières reconnues des Etats voisins.
- Nous sommes dans une situation où il faut concilier ces deux droits. Cette conciliation est-elle ou non possible ? Je suis convaincu qu'elle est possible. Je suis convaincu qu'elle est souhaitable. Je suis convaincu que la situation actuelle représente, en réalité, une course vers l'abîme car le temps ne travaille pas pour la conciliation de ces deux droits.
- Nous avons la chance que ne soient pas encore apparus, dans cette région, les armements les plus modernes qui, un jour ou l'autre, pourraient y être introduits, donnant alors à l'affrontement de ces deux droits une dimension tragique... D'autre part, on assiste maintenant à un certain isolement diplomatique de l'Etat d'Israel. Pour un Etat qui vient de renaître, ce n'est pas non plus une solution dont il puisse durablement se satisfaire.\
`Politique étrangère`
- `Réponse`
- Il faut donc trouver une solution, mais le temps n'y aide pas. Quelle est l'approche de cette solution ? En réalité, on s'en est éloigné depuis quelques années. L'approche, c'est celle qui était fournie par la Résolution 242 des Nations-unies. Curieusement, lorsque j'étais au Proche-Orient on m'a reproché de n'avoir pas cité cette résolution, alors qu'elle est constamment invoquée par la France et qu'elle comporte comme dispositif central - et j'y reviens - l'évacuation des territoires occupés. L'approche du problème, c'est l'évacuation des territoires arabes occupés en 1967 `année`, territoires qui sont véritablement arabes. Je vous rappelle les chiffres. En Cisjordanie vivent 783000 `nombre` Palestiniens. Au total à Gaza en Cisjordanie, la population palestinienne s'élève à 1225000 personnes. Dans ces mêmes territoires il y a 14000 Israéliens, soit 1 % `statistique`. Ce sont des territoires arabes occupés. Ils doivent être évacués.
- A-partir du moment où ils seront évacués, le problème de l'organisation du peuple palestinien pourra être traité de manière positive. Ce peuple devra s'organiser à côté de frontières internationalement reconnues, qui sont celles d'Israel de 1967. Des frontières sûres et internationalement reconnues, ne peuvent pas et ne pourront jamais englober les territoires occupés. Pour que les frontières soient reconnues, il faut que les territoires occupés soient évacués. Il deviendra alors possible de rechercher des relations de paix entre l'Etat d'Israel et les Etats voisins.
- C'est d'ailleurs ce qui s'est passé dans la partie du processus de Camp David concernant les relations entre l'Egypte et Israel.
- Sur quoi porte la négociation ? Sur le rythme d'évacuation des territoires occupés et sur le rétablissement de relations diplomatiques et politiques normales, au fur et à-mesure que cette évacuation serait réalisée. Dans la partie qui s'est révélée positive de ce processus et qui a permis de régler le différend historique entre l'Egypte et Israel, c'est bien à-partir de l'évacuation des territoires que ce problème a pu être résolu.\
`Politique étrangère`
- `Réponse`
- D'autre part, on ne pourra résoudre un tel problème que si on en écarte les violences, les extrémismes, les exclusives. C'est ici qu'apparaît l'attitude de la Communauté_européenne `CEE`.
- Que fait la France ? Chacun sait qu'elle n'a pas d'intérêts, au sens précis du terme, dans cette région. Les allusions, ici ou là, au fait que notre politique serait dictée par des considérations pétrolières, sont absurdes. Les régions pétrolières sont situées au-delà de cette région et notre pays s'est préoccupé de ce problème bien avant que n'apparaissent les difficultés pétrolières.
- Ce que fait la France est d'exprimer une position juste. Il est très important, pour éviter la course à l'abîme, que quelqu'un, que quelques-uns, expriment un jugement, une proposition justes. Aussi avons-nous apprécié l'unanimité qui s'est faite avec nos partenaires européens dans l'expression de cette position juste. Et cette unanimité s'est faite sans difficulté. Il n'a pas fallu imposer le point_de_vue des uns aux autres pour affirmer le droit à la sécurité d'Israel, les garanties auxquelles pourraient participer éventuellement les Etats de la Communauté_économique_européenne, le droit du peuple palestinien à ce que nous avons appelé la pleine autodétermination ainsi que la participation de l'OLP à la négociation. Nous avons abouti à un accord sans contraindre qui que ce soit, et celui-ci reflète la vue commune des pays de la communauté.\
`Réponse`
- Quelle peut être désormais l'approche du problème ? La réflexion doit d'abord porter sur l'évacuation des territoires occupés. Tel est le centre du débat. Il convient de reconnaître, sans ambiguité, qu'il doit y avoir évacuation et négocier ensuite sur le calendrier de ce retrait.
- Il faut ensuite tenir _compte de l'aspiration à exister et à s'organiser du peuple palestinien. Dans les reproches qui nous sont parfois faits concernant la reconnaissance du droit, pourtant fondamental et évident, du peuple palestinien à s'auto-déterminer comme tous les peuples du monde, on nous dit : "Mais il ne reconnaît pas l'existence de l'Etat voisin ". Nous avons pour notre part toujours dit que cette autodétermination doit se faire dans-le-cadre du règlement de paix global, ce qui signifie qu'elle intervienne à un moment où le règlement de paix consolidera l'existence de l'ensemble des Etats de la région, notamment celle d'Israel. Le troisième point concerne le besoin de sécurité d'Israel. Se référant à des situations du passé, on traite souvent par dérision en Israel la valeur des garanties internationales. Je voudrais mettre en garde contre le fait qu'à l'avenir, les menaces susceptibles de porter atteinte à la sécurité d'Israel ne tiendront pas nécessairement au dessin d'une frontière, d'une rivière ou d'un fleuve - dont j'ai pu mesurer moi-même l'étroitesse - mais beaucoup plus à l'introduction dans la région d'armes nouvelles autrement puissantes et à portée singulièrement plus longue. Dans le passé - je n'irai pas plus loin aujourd'hui - j'ai eu personnellement l'occasion, alors que des négociations ou des contrats étaient en-cours, de prendre des dispositions pour m'opposer à l'introduction de telles armes dans la région. Ces garanties peuvent donc exister.
- Lorsque ceci aura été accompli, il sera enfin possible d'établir des relations politiques positives entre tous les Etats de la région, de renverser le climat qui y existe depuis 1947 - 1949 `année` et d'en faire une région de progrès et de coopération.
- Je pourrais aller plus loin dans les propositions. Je réserve cela à notre action diplomatique ... Il y aura un suivi à la conférence de Venise. La présidence du Conseil des ministres des Communautés_européennes =CEE= entrera en contact avec l'ensemble des parties intéressées de façon à recueillir leur sentiment sur les conclusions auxquelles nous avons abouti et à préparer ensemble les prochaines échéances internationales.\
QUESTION.- Une question sur l'élargissement de l'Europe. Au commencement du mois `5 juin 1980 ` date`, devant les chambres d'agriculture, vous avez proposé une sorte de temps de réflexion avant d'élargir l'Europe au Portugal et à l'Espagne. Cette idée a été interprétée comme une pause dans l'élargissement. Est-ce que vous avez demandé cette pause dans l'élargissement ? Est-ce que vous allez la demander à la Commission de Bruxelles aussi ?
- Je voudrais vous demander aussi, monsieur le Président, quelle incidence peut avoir cet événement de pause dans les relations entre la France et l'Espagne.
- Enfin, si vous le permettez, je voudrais vous demander si vous croyez que la France est bien préparée pour l'entrée de l'Espagne dans le Marché_Commun.
- QUESTION.- Je voudrais savoir tout simplement si la pause est électorale ou pas... D'autre part, - c'est un problème plutôt franco - espagnol - je peux vous poser une question à propos des problèmes basques. Pour la première fois, le ministre des Affaires étrangères, en Espagne, a dénoncé une attitude de l'autorité française vis-à-vis des membres de l'ETA en territoire français, ou d'après le ministre espagnol, ils préparent ses attentats contre le pays basque espagnol. Est-ce que vous pouvez faire un commentaire à propos de cette relation du ministre des Affaires étrangères espagnol ?
- QUESTION.- Vous allez voir mardi prochain le Premier ministre portugais `SA CARNEIRO`. Est-ce que vous allez lui préciser combien de temps vous pensez que le Portugal doit attendre avant d'entrer dans le Marché_commun ?
- D'autre part, est-ce que vous pouvez nous indiquer la teneur des conversations que vous pensez avoir avec lui ?
- QUESTION.- A la suite de vos déclarations en_faveur d'une pause dans l'élargissement de la Communauté_européenne `CEE`, le Gouvernement espagnol a demandé l'intégration de son pays à l'OTAN. Aviez-vous prévu cette réaction, et ce renforcement de l'Europe atlantiste vous inquiète-t-il ?
- QUESTION.- Au-delà du problème de la pause, M. BARRE a également évoqué la possibilité d'un regroupement au-sein des pays européens qui permettrait de progresser à des vitesses différentes. Est-ce que vous pouvez préciser maintenant comment vous envisagez d'une façon plus globale l'avenir de la construction européenne ?\
QUESTION.- Vous avez envisagé une pause avant l'élargissement, avant l'entrée de l'Espagne et du Portugal dans le Marché_commun. Combien de temps durera cette pause ? Le Plan Sud-Ouest va t-il être prolongé du même temps ?
- LE PRESIDENT.- Je commencerai par la dernière question.
- Le Plan Sud-Ouest se déroulera indépendamment de tout calendrier intéressant l'élargissement. Il s'agit d'un plan de dix ans, qui couvre la période 1980 - 90. Il se déroulera quels que soient les événements extérieurs au-cours de cette période.
- J'en viens aux questions sur l'élargissement `CEE`.
- J'ai dit quelque chose de tout à fait précis. Il y a un texte écrit. Comme j'écris mes textes moi-même, je les connais. Je peux donc vous dire ce que j'ai dit et qui est ceci : les négociations qui viennent d'avoir _lieu à Bruxelles comportent cette conséquence, qui n'a pas encore été perçue, d'interférer avec les négociations d'élargissement. Or, il n'est pas possible de faire progresser les négociations d'élargissement sur des points à propos desquels on vient d'introduire incertitude ou instabilité dan s les institutions existantes.
- Je n'ai pas proposé de pause. J'ai décrit une situation de fait. Celle-ci est d'ailleurs tellement évidente que, lors de notre réunion de Venise la semaine suivante, le problème de l'élargissement n'a été soulevé par aucun de nos partenaires et les déclarations que j'ai faites n'ont appelé de leur part, en ma présence, aucune intervention.\
`Réponse`
- Dans les négociations d'adhésion, il y a deux problèmes difficiles. Le premier, c'est de savoir comment s'exercera la solidarité financière vis-à-vis des nouveaux membres, puisque ceux-ci, qu'il s'agisse du Portugal, premier candidat, de l'Espagne, second candidat, sont des pays dont le niveau_de_vie est inférieur à la moyenne communautaire. On imagine donc que l'adhésion doive se traduire, pour eux, par un certain transfert de ressources ou un -concours financier de la Communauté_économique_européenne `CEE`.
- Le second, c'est que ce sont de grands pays agricoles produisant des produits méditerranéens qui viendront peser sur les productions existantes, ce qui suppose une organisation des marchés et donc une politique agricole commune renforcée et étendue.
- Que s'était-il passé quelques jours auparavant à Luxembourg ? Il avait été décidé de mettre en question certaines règles de financement de la Communauté_économique_européenne, notamment le fonctionnement des ressources propres. On avait posé la question en donnant mandat à la commission `Commission_européenne` de réexaminer certains aspects du fonctionnement du Marché_commun agricole.
- Comment est-il pratiquement possible de conclure ou de faire progresser des négociations sur des points où l'un des interlocuteurs s'interroge lui-même sur ce que vont devenir ses propres règles ? Je n'ai donc jamais parlé de pause. Cela ne fait pas partie du vocabulaire que j'ai employé dans ces circonstances. Référez-vous au texte. J'ai simplement indiqué que je ne voyais pas comment il serait possible de progresser aussi longtemps que ces questions ne seraient pas résolues.
- Je vous indique une façon très simple de faire progresser l'élargissement : que l'ensemble des pays de la Communauté des Neuf `CEE` annoncent dès aujourd'hui qu'ils acceptent à-partir de 1982 les règles de la politique financière telles qu'elles existent, et les règles de la politique agricole commune telles qu'elles existent.
- La France vous le dit. Si tous nos partenaires l'annoncent, la négociation peut se poursuivre comme elle a été engagée. Si, au contraire, tel ou tel de nos partenaires indique qu'il faut modifier les règles financières de la Communauté ou modifier les règles de la politique agricole commune, ce n'est que lorsque nous connaîtrons ces nouvelles règles qu'il sera possible de savoir dans quelles conditions elles s'appliqueront à de nouveaux membres.\
`Réponse`
- J'ai le plaisir de recevoir mardi prochain le Premier ministre `SA CARNEIRO` du Portugal. Je m'en réjouis. Nous parlerons complètement de ce dossier. Le Premier ministre `Raymond BARRE` français doit, la semaine prochaine également, se rendre en Espagne. Nous aurons donc des conversations avec nos interlocuteurs. Nous leur dirons que c'est dans la mesure où les incertitudes introduites par d'autres seront levées que nous pourrons progresser dans les négociations. Dans l'intervalle, celles-ci continuent mais elles ne peuvent pas progresser sur les points où il y a actuellement incertitude. La délégation française recevra instruction, lors des séances de négociation, de demander quelles sont les règles financières applicables à-partir de 1982, quels sont les principes de la politique agricole commune applicables à-partir de cette date.
- Ceci, je le dis au journaliste d'El Pais, n'a pas de rapport avec la conjoncture. Rappelez-vous : j'ai pris une position de principe, favorable à la vocation européenne du Portugal et de l'Espagne que je maintiens. Je ne l'avais pas fait pour des raisons électorales.
- Dernier point, je considère comme inadmissibles les violences dont ont été victimes en France certains transporteurs espagnols. Cela n'est pas conforme à l'idée et à l'image que nous avons de notre pays. Je demande donc au Premier ministre `Raymond BARRE` de prendre les dispositions nécessaires pour que les personnes en cause reçoivent une juste indemnisation. D'autre part, les dispositions seront prises pour s'opposer au renouvellement de tels incidents qui sont inadmissibles. Ce n'est pas servir la cause de l'agriculture française que de donner à l'extérieur une telle image de notre façon d'appliquer les règlements ou de respecter nos propres lois.
- Je n'ai rien à dire sur le problème basque, car le problème que vous exposez est un problème intérieur à l'Espagne. En ce qui concerne la France, nous appliquons nos propres lois, c'est-à-dire que nous réprimons suivant nos procédures judiciaires les délits qui sont commis. Nous avons toujours respecté ces procédures £ nous continuerons de le faire.\
`Politique étrangère`
- QUESTION.- Les relations franco - américaines ont été assez difficiles ces derniers temps. Est-ce qu'il y a eu un changement depuis le sommet de Venise ? Avez-vous parlé franchement et avec de bons résultats avec le Président CARTER ?
- QUESTION.- Monsieur le Président, au-cours de votre entretien à Venise avec le Président CARTER, a-t-il été question de la participation de certains athlètes français aux Jeux Olympiques ?
- QUESTION.- Aves-vous l'impression que le trilogue que vous avez proposé il y a de nombreux mois entre l'Europe, le monde arabe et l'Afrique puisse adoucir pour les pays qui y participeraient les conséquences de la crise économique internationale ?
- QUESTION.- Monsieur le Président, vous aviez annoncé le 27 novembre `1979 ` date` dernier votre intention de proposer au sommet des pays industriels de Venise la reconstruction d'un système monétaire international entre les pays industriels. Pourquoi y avez-vous renoncé ?
- LE PRESIDENT.- Vous m'avez interrogé sur les relations franco - américaines et sur l'entretien que j'ai eu avec le Président CARTER. Au-cours des entretiens que nous avons périodiquement - le dernier remontait à Tokyo il y a un an - nous avons l'habitude de nous exprimer de la façon la plus franche et la plus complète. Ils ne comportent pas d'ambiguités ou de difficultés £ il n'y a pas d'équivoque dans nos positions. J'ai rappelé au Président CARTER les motifs pour lesquels la politique de la France est et restera indépendante. Il le sait.
- Je lui ai, d'autre part, indiqué quelle avait été notre analyse de la situation Est - Ouest, notamment à la lumière des événements d'Afghanistan `intervention soviétique`, et comment nous estimions qu'il fallait agir pour y mettre fin. Dans les déclarations qu'il a faites par la suite, le Président CARTER me paraît avoir noté de manière positive un certain nombre d'éléments que je lui ai donnés.
- Nous entretenons donc des rapports confiants, des rapports de travail en_commun mais dans les difficultés internationales, la France entend conduire elle-même son analyse et présenter ses propositions à ses partenaires et à ses alliés, comme à ses autres interlocuteurs.\
`Réponse`
- En ce qui concerne le trilogue nous poursuivons nos efforts auprès des trois groupes concernés au-sein desquels ne figurent pas des pays industrialisés présents à Venise. Nous aurons l'occasion, au-cours des mois prochains, de poursuivre nos contacts en_vue de la conférence préparatoire.
- Enfin, un observateur aussi avisé que l'est M. CHARPY a dû noter que, depuis le 27 novembre, il y avait eu une hausse massive des prix du pétrole, entraînant un déficit supplémentaire des balances de paiement de 110 milliards de dollars, soit environ 70 milliards de dollars pour les pays de l'OCDE et 40 milliards de dollars pour les pays en développement. De telles circonstances ne permettent pas de faire avancer de nouvelles propositions concernant la remise en_ordre du système monétaire international. Ce n'est que lorsqu'on aura pu rétablir une certaine stabilité ou, en tout cas, un niveau acceptable de déficit, qu'il sera possible d'en faire progresser la reconstruction.
- C'est pourquoi nous restons attachés, dans les circonstances actuelles, au bon fonctionnement du système monétaire européen `SME` dont certains avaient prédit l'éclatement, et qui se trouve finalement en excellente santé plus d'un an après sa mise en_route. Nous prendrons des initiatives en ce qui concerne le système monétaire international lorsque le premier choc de cette nouvelle augmentation du prix des pétroles aura pu être résorbé dans les balances des comptes internationales.\
J'en viens aux problèmes de défense.
- QUESTION.- Monsieur le Président, est-ce que la bombe à neutrons correspond aux besoins de la France, est-elle indispensable dans notre armement nucléaire tactique, première question.
- Deuxième question : des partis politiques, même de la majorité, réclament une réduction du service militaire. Je voudrais savoir quelle est la doctrine du chef_de_l_Etat, chef des armées en la circonstance ?
- LE PRESIDENT.- Nous pourrions peut-être séparer, quoiqu'elles aient un lien, les questions nucléaires et les questions portant sur l'armement conventionnel. Votre deuxième question porte sur les armements conventionnels. Sur les questions nucléaires, vous m'avez parlé de la bombe à neutrons, y a-t-il d'autres questions ?
- QUESTION.- Je voudrais vous demander, monsieur le Président, s'il était possible d'arrêter ce que vous avez appelé tout à l'heure la dégradation de la situation internationale et de rechercher avec les Soviétiques une atténuation de la crise, tout en maintenant la décision de l'OTAN d'installer en Europe, à-partir de 1983 `année`, de nouveaux missiles nucléaires £ et, bien que cette décision ne s'applique pas à la France, je voulais vous demander quelle analyse vous en faisiez pour l'avenir et notamment pour les prochains entretiens entre M. SCHMIDT et M. BREJNEV.
- QUESTION.- Peut-on continuer indéfiniment les études sur la bombe à neutrons sans la fabriquer, et le fait de décider d'en doter la France signifie-t-il pour autant que l'on renonce à la dissuasion ?
- QUESTION.- Ne pensez-vous pas que la dissuasion nucléaire perde toute sa crédibilité dans la mesure où elle est rejetée par la majorité du peuple français qui se méfie, semble-t-il, de votre détermination d'appuyer, le moment venu, sur le bouton atomique ? Y a-t-il un changement dans la politique de la défense française sous votre régence par-rapport au Général de GAULLE ?
- QUESTION.- Monsieur le Président, les bombes à neutrons françaises risquent de tomber sur l'Allemagne `RFA` pour la défense de la France, c'est pourquoi ne pensez-vous pas que la coopération militaire franco - allemande doit être renforcée.
- QUESTION.- Plus généralement, monsieur le Président, si on résume le débat politique sur la défense, c'est le choix entre la dissuasion nationale ou, et, sécurité, votre défense européenne. Pour vous quel est le juste milieu, quelle est la conciliation possible entre ces deux notions et quels moyens, avec quels armements ?\
QUESTION.- Vous avez mentionné à New-York le besoin d'un contrôle du désarmement par satellite. Pour que ce contrôle soit totalement efficace, il faudrait avoir le contrôle sur_place. Or, la constitution française permet ce contrôle, car le principe de la limitation de la souveraineté y a été conservé par le Général de GAULLE. Pensez-vous, monsieur le Président, qu'il soit utile d'étudier la mise en application de ce paragraphe de notre constitution avec d'autres pays, comme l'Italie, l'Allemagne `RFA` ou l'Inde, qui ont des articles identiques dans leur constitution, afin de l'étendre à la planète entière.
- QUESTION.- Monsieur le Président, ne pensez-vous pas qu'en livrant 38 tonnes d'uranium à l'Inde, M. CARTER prend des risques actuellement dans cette partie du monde et vis-à-vis de ce pays non-aligné, surtout au moment où la guerre du Vietnam reprend de plus belle.
- LE PRESIDENT.- Je réponds à vos questions, sur les armements nucléaires, sur la bombe à neutrons. Je répondrai ensuite à la question sur la durée du service militaire ou aux autres questions de cette -nature, s'il y en a.
- D'abord, quelques réflexions sur la défense. Premièrement. Les problèmes de défense sont parmi les plus complexes qui se posent dans le monde actuel. En-raison de la variété des matériels concernés. En-raison de la diversité des situations possibles et de la rapidité des réactions qu'elles appellent. En_raison de l'étroite imbrication des décisions politiques et des décisions militaires en temps de crise.
- C'est pourquoi, ils ne peuvent pas être abusivement simplifiés, c'est pourquoi ils ne peuvent pas être légèrement traités.
- Deuxièmement. En-matière de défense, on ne peut accepter d'impasse. Il y a un certain nombre de raisonnements ou de sujets où l'on peut prendre le risque de l'impasse, on ne le peut pas en-matière de défense.
- Troisièmement. L'effort de défense d'un pays ne peut pas être délégué à des armes nouvelles ou à des armes savantes, pas plus qu'il n'a pu être délégué au béton de la ligne Maginot.
- L'effort de défense est inscrit dans l'âme des peuples, comme on l'observe d'ailleurs à l'heure actuelle dans le monde. C'est pourquoi l'effort de défense intéresse nécessairement tous les Français.\
`Réponse`
- La dissuasion, qu'est-ce que c'est ? La dissuasion nucléaire, c'est un faisceau de menaces, un faisceau de risques tournés vers l'adversaire, et dont un au moins est mortel. En ce qui concerne l'utilisation de l'armement nucléaire, il y a toutes sortes de situations et d'hypothèses possibles. Nous ne sommes pas ici pour les énumérer. Mais, il y a un point central dans notre dispositif, c'est que toute attaque nucléaire sur le sol de la France appellerait automatiquement une riposte stratégique nucléaire. Ceux d'entre vous qui sont spécialistes de ces questions situeront cette affirmation dans son contexte.
- Nous disposons à l'heure actuelle d'armements stratégiques nucléaires reposant sur trois composantes £ cette structure restera valable jusqu'aux années 1990 - 1992, avec, à-partir des années 1984 - 1985, l'introduction d'engins balistiques à têtes multiples sur nos sous-marins.
- A-partir des années 1992 se pose le problème du remplacement de certaines composantes de notre armement nucléaire stratégique. C'est pourquoi il a été décidé, au-cours du dernier conseil de défense, d'entreprendre la préparation d'un lanceur stratégique mobile. Les décisions techniques concernant les caractéristiques de ce lanceur pourront être arrêtées avant la fin de l'année.
- En ce qui concerne l'arme à rayonnement renforcé `bombe à neutrons`, j'ai pris en conseil de défense, en décembre 1976, la décision d'étude de faisabilité de l'arme à rayonnement renforcé. Ces études ont abouti à la préparation de l'arme. Les premières expériences ont été réalisées.
- La décision de production pourra être prise à-partir des années 1982 - 1983, dans la conformation actuelle de cette arme. Deux ans plus tard, si l'on souhaite une conformation différente. La décision qui sera prise alors devra tenir_compte de l'-état des armements nucléaires prévisible à cette date en Europe.
- A la question qui m'a été posée sur l'emploi de l'arme, je rappelle qu'il existe, à l'ouest, à l'heure actuelle, 5000 `nombre` armes nucléaires tactiques. La question particulière de l'emploi de l'arme nucléaire et tactique française, n'est donc pas la seule question, et de loin, qui se pose à cet égard à l'Allemagne fédérale `RFA`.
- Dans nos réflexions sur l'emploi de cette arme, nous tiendrons _compte de la donnée suivante : la France est directement concernée par la sécurité des Etats européens voisins.\
QUESTION.- Monsieur le Président, je voudrais vous demander si vous pouvez expliciter ce que vous venez de dire, que la France est directement concernée par la sécurité des Etats voisins, sur-le-plan nucléaire ?
- LE PRESIDENT.- Justement, madame, l'intérêt de cette affirmation est de rester telle quelle. J'aurai d'ailleurs l'occasion de répondre sous une forme que je -recherche, et plus longuement, à l'ensemble des réflexions, des préoccupations de défense. Ce n'est pas en une demi-heure qu'on peut le faire. Mais il y a, dans les affirmations sur la défense et en-particulier sur l'emploi de certains moyens précisément, des indications qui doivent être données sous une forme qui permette à l'interlocuteur éventuel de se poser lui-même un certain nombre de questions.
- Quant à nos forces conventionnelles je vous dirai ceci : la proposition de réduction de la durée du service national, dans l'-état d'insécurité du monde actuel, serait comprise comme un abandon ou une démission de la France. Le Gouvernement que j'ai consulté sur_ce_point n'acceptera ni cet abandon ni cette démission.
- A l'heure actuelle la durée du service est la suivante : entre 2 et 3 ans en Union Soviétique `URSS` £ 15 mois en Allemagne fédérale `RFA` £ 15 mois en Espagne £ 12 mois en Italie £ 12 mois en France.
- Cette réduction, dans les formes actuelles d'organisation de nos forces, est en plus un non sens technique. Je ne laisserai pas démolir l'armée de terre française, pour moi cette décision est irrévocable.
- Le problème du service national, c'est d'abord celui du niveau d'entraînement de nos forces. Depuis trois ans nous avons fait progresser régulièrement le niveau d'entraînement de nos forces. Chaque fois que les jeunes appelés sont dans des unités qui participent à une vie militaire active, ils considèrent que leur activité est utile à la sécurité du pays. Le problème, c'est donc d'enrichir l'utilité et l'intérêt du service national pour les jeunes. C'est pourquoi, dans notre budget de défense, nous y consacrerons des moyens croissants. Mais, je vous le rappelle, nous ne consentirons ni à cet abandon ni à cette démission.
- QUESTION.- Question supplémentaire, monsieur le Président. Au moment de déclencher l'arme nucléaire, est-ce que les muses interviennent ?
- LE PRESIDENT.- Quand l'arme nucléaire parle, il n'y a pas de muse.\
QUESTION.- Monsieur le Président, vous allez, le Gouvernement va augmenter le SMIC le 1er juillet `1980 ` date`. Or, les dirigeants patronaux développent depuis quelque temps l'idée qu'il faudrait réduire le rôle du SMIC pour laisser la première place aux salaires minimum par branche. Pensez-vous que c'est la voie dans laquelle il faut s'orienter ou craignez-vous plutôt qu'en agissant ainsi, on revienne sur les choix politiques constants du Gouvernement depuis 12 ans qui faisaient du SMIC un outil essentiel de réduction des inégalités de salaires, quelle que soit la branche d'activité et entre branches et qui, d'une certaine façon, faisaient du SMIC un moyen d'évolution vers une société moins dure pour les humbles ?
- QUESTION.- Avant hier, cinq titres de noblesse et une couronne royale `conférence_de_presse de F. MITTERRAND` vous ont été décernés. Je voudrais savoir si vous vous en sentez digne ou éventuellement indigné ?
- QUESTION.- En-fonction des problèmes internationaux que vous venez d'évoquer et en-particulier de la situation internationale, je voudrais vous poser une question qui recouvre les préoccupations immédiates d'une majorité de Français. Il y a d'ailleurs une controverse sur cette question : dans les mois à venir, pourra-t-on parler encore d'une progression du pouvoir_d_achat, du maintien du pouvoir_d_achat ou alors carrément d'une baisse du pouvoir_d_achat ? Et j'aurai une sous question en quelque sorte : qu'en est-il de la reprise des conversations entre les partenaires sociaux ?
- LE PRESIDENT.- Une importante négociation sociale est en-cours. J'avais exprimé le voeu, il y a maintenant près de trois mois, que cette négociation s'ouvre. Elle porte sur l'aménagement de la durée du travail, c'est-à-dire concrètement sur l'introduction avant 1983 d'une durée annuelle nouvelle de repos équivalent à 40 heures, soit une semaine de repos supplémentaire par an. Cette négociation a été préparée par le dépôt d'un rapport, connu sous le nom de rapport GIRAUDET.\
`Réponse`
- Il `rapport GIRAUDET` tente de concilier deux impératifs :
- la productivité de l'économie française, puisque nous avons à faire face à des concurrences de plus en plus sévères et à des charges de plus en plus lourdes pour notre balance commerciale. Il faut donc mieux utiliser notre outil industriel.
- Par ailleurs, répondre à l'aspiration à un aménagement de la durée du travail, c'est-à-dire à la réduction de la durée du travail, qui correspond au progrès économique inscrit dans l'histoire de notre société.
- Notre projet permet de concilier ces deux objectifs.
- L'équivalent d'une cinquième semaine de congés payés par an pourrait être pris sous des formes variables et à négocier suivant les entreprises.
- C'est donc une négociation très importante. Elle a été reprise et je m'en réjouis. Elle en est à sa quatrième séance. Séance qui doit se tenir d'ailleurs aujourd'hui même.
- Je souhaite que cette négociation aboutisse. Si elle aboutit, le Gouvernement en tirera les conséquences car certains textes législatifs ou réglementaires doivent être pris de façon à modifier la législation du travail. Je souhaite donc que cette négociation aboutisse et qu'à l'automne le Gouvernement adopte les textes nécessaires ou les propose au Parlement, s'ils sont législatifs, et que ce dispositif soit complet pour la fin de 1980.\
`Réponse`
- Nous aurons ensuite un deuxième sujet, également très important, à traiter pour la transformation de notre société : la carrière des ouvriers. Elle constitue une des anomalies de notre système social. Dans la plupart des activités, il y a des carrières. Un jeune homme ou une jeune femme entrant dans une carrière savent qu'ils connaîtront une progression régulière au fil des temps.
- Dans l'activité ouvrière, les carrières sont extraordinairement peu ouvertes et, parfois, ne le sont pas du tout. Ainsi, en France, à l'heure actuelle, un ouvrier qui commence à l'indice de référence 100 termine, très souvent, à la référence 120 après une vie entière de travail £ parfois, 140 ou 150, jamais au double. Il n'y a pas de carrière ouvrière ouverte en France.
- Il y a des moyens de promotion ouvrière, c'est vrai, qui consistent à changer de fonction dans l'entreprise en accédant à l'encadrement et à la maîtrise. Mais il peut y avoir des travailleurs ouvriers qui, très légitimement, n'ont pas le désir d'exercer la responsabilité de la maîtrise et qui se trouvent ainsi, leur vie durant, conserver un niveau de rémunération quasi identique £ c'est-à-dire qui enregistre le progrès général de la société mais sans progrès de carrière comme nous tous, comme vous tous, en avez.
- C'est un sujet qu'il faut traiter. Le Gouvernement a commencé à l'aborder. Il y a eu au mois de janvier `1980 ` date` dernier la signature d'une importante convention collective dans la métallurgie. Elle introduit une notion, celle de technicien, venant s'insérer à la suite du niveau de rémunération ouvrier. On songe à créer dans d'autres branches le grade de "maître ouvrier". L'idée serait que ces grades de fin de carrière se traduisent par l'ouverture du déroulement de la carrière ouvrière de telle sorte que la rémunération de fin de carrière soit d'un ordre de grandeur comparable au double de la rémunération du début de carrière.
- Ce sujet ne peut être traité qu'en étroite concertation avec les partenaires sociaux. Il y a, à l'heure actuelle, dans diverses branches, des réflexions et des négociations sur ce sujet. Le Gouvernement pourra donner le moment venu une certaine impulsion. Après la conclusion, que je souhaite positive, des négociations sur l'aménagement de la durée du travail, les réflexions contractuelles pourraient porter sur ce très important problème de l'aménagement de la carrière des ouvriers. A l'automne, les négociations pourraient se poursuivre de manière à aboutir, si cela était nécessaire, à une disposition de caractère plus _général.\
`Réponse`
- Pour ce qui concerne les bas salaires ou les basses rémunérations, je rappelle à M. MATHIEU que le problème du SMIC a toujours donné _lieu en France à diverses difficultés :
- Comment éviter la répercussion sur l'ensemble de la hiérarchie d'une mesure qui, en principe, ne concerne que les basses rémunérations ?
- Comment faire progresser le SMIC assez vite dans certaines branches où cela est possible sans mettre en difficulté et parfois en péril mortel, des branches dans lesquelles la productivité est, au moins à court terme, plus basse ?
- Je me suis entretenu de cette question avec les responsables de la CFDT voici quelques semaines. Je leur ai indiqué que la Commission supérieure des conventions collectives, qui se réunit prochainement, pourrait discuter du problème. Cela aura _lieu demain.
- Il faudra faire la synthèse et tirer les conclusions de cette réflexion. Vous dites qu'une des formules serait l'introduction de minima par branches. Il est certain que s'il y avait en France une politique contractuelle générale suffisamment développée, c'est sûrement la formule qui assurerait la meilleure progression des rémunérations minima dans les entreprises. Malheureusement, il y a des secteurs importants ou des situations dans lesquelles cette politique contractuelle ne couvre pas les intéressés. Il faut un instrument. On peut se poser la question de savoir si ce doit être exactement le même instrument qui assure à la fois la fonction de définition du minimum social de rémunération et du minimum de rémunération des travailleurs ouvriers qualifiés. Ce sont deux problèmes qui ne se recouvrent pas exactement.
- Attendons les délibérations sur_ce_point et recherchons dans un esprit de concertation sociale, l'instrument le mieux adapté à la progression des basses réumnérations.
- En ce qui concerne les titres de noblesse `conférence_de_presse de F. MITTERRAND`, nous sommes en République. Il n'est du pouvoir de personne, ni d'en décerner, ni d'en recevoir !\
QUESTION.- Monsieur le Président, je ne vous poserai pas la question restée en suspens puisque non résolue, de l'absence de journalistes communistes sur les chaînes de télévision et de radio nationales. Ma question portera sur le problème des libertés et vous m'excuserez de vous citer quelques faits de la vie quotidienne.
- LE PRESIDENT.- Nous allons en parler. Nous restons encore sur les questions économiques et sociales. Les questions de politique et de société viendront dans une minute et vous serez le premier à prendre la parole.
- QUESTION.- Monsieur le Président, une question qui touche le pain et la vie : que comptez-vous faire pour secourir les populations d'Ouganda qui sont au bord de la détresse et du péril ?
- QUESTION.- Monsieur le Président, pour la fin de l'année, il semble y avoir un point d'interrogation : si on extrapole les derniers indices, on peut, en jouant le pire, dire que c'est le scénario du diable et que tout ira mal, il y a d'autre part quelques indices notamment celui de l'investissement et de la productivité qui paraissent aller en sens contraire, et certains disent, en utilisant un mot très barbare, que l'on va vers la fin de dégraissage : scénario du diable ou fin du dégraissage, en excusant ce mot, quelle est votre opinion ?
- QUESTION.- Monsieur le Président, à Venise, lors du dernier sommet des pays occidentaux les plus industrialisés, vous avez notamment pris la décision, avec les autres chefs_d_Etats et de gouvernements, de multiplier par deux la production de charbon d'ici dix ans.
- Cette décision, monsieur le Président, s'applique-t-elle à la France ? En effet, M. GARDENT, directeur général des Houillères, déclarait encore récemment, lors d'un symposium organisé par l'Industrie de l'Energie, que la production française de charbon passerait de 20 millions de tonnes en 1979 à 12 millions de tonnes en 1990 ? Quelle est la politique charbonnière de notre pays actuellement, va-t-on la relancer ?\
QUESTION.- Monsieur le Président, quelle conclusion tirez-vous de la récente démonstration de force de la CGT `syndicat` à l'occasion de la grande grève de l'Electricité de France `EDF` ?
- QUESTION.- Veuillez m'excusez, vous n'avez pas répondu à la première partie de ma question sur la progression, le maintien ou la baisse du pouvoir_d_achat.
- LE PRESIDENT.- Cela me donnera l'occasion d'y répondre dans les perspectives d'ici la fin de l'année. Nous avons subi, au-cours des derniers mois, le très violent second choc pétrolier. Au point_de_vue de son ampleur, il est en valeur absolue supérieur au premier, puisque le coût de l'approvisionnement ayant déjà considérablement augmenté les masses en_cause ont été doublées entre 1979 et 1980. Les perspectives pour 1980 `année` sont cependant à l'heure actuelle celles d'une croissance relativement soutenue, puisque les dernières évaluations sont de_l_ordre de 2,7 % `statistique` pour l'année. Le premier semestre confirme bien une telle prévision. Il reste l'incertitude du second semestre. Cela se combine avec un important déficit extérieur, dont on a vu toute l'ampleur au mois de mai, et avec une répercussion sur le taux d'inflation qui a été fort jusqu'au dernier mois.
- Quelles sont les perspectives pour la fin de l'année ? En-matière de commerce extérieur, notre effort doit être de regagner en 1980 une partie significative du surcoût de notre facture pétrolière. Il faut donc comparer le chiffre du commerce extérieur non pas au-point d'équilibre, mais à l'addition supplémentaire due à l'augmentation de notre facture pétrolière.\
`Réponse`
- Le premier semestre a enregistré de lourdes augmentations de prix. Elles ont été et seront compensées par des augmentations de revenus qui ont pour objet le maintien du pouvoir_d_achat. Cela vient d'être décidé pour les familles £ ce sera décidé pour le SMIC £ cela a été décidé pour le minimum vieillesse et pour les pensions de retraites. L'objectif, qui est d'ailleurs prévu dans toutes les dispositions conventionnelles pour le secteur public et nationalisé, est le maintien du pouvoir_d_achat en 1980. La difficulté du maintien est plus grande qu'elle ne l'était à la fin de 1979, mais l'objectif reste ce maintien du pouvoir_d_achat.
- Après l'impact du choc pétrolier, on peut penser que le second semestre devrait connaître une progression des prix moins forte que le premier. L'objectif est d'atteindre à nouveau, à la fin de l'année, le taux d'augmentation des prix que nous connaissions avant ce second choc pétrolier, c'est-à-dire de_l_ordre de 10 % `statistique` comme tendance à la fin de l'année. L'objectif de 1981 serait de refranchir dans l'autre sens la barre des 10 %.\
`Réponse`
- Comme le Premier ministre `Raymond Barre` a eu l'occasion de le dire à plusieurs reprises et hier encore, il y a un élément positif dans notre activité à l'heure actuelle : c'est le haut niveau de l'investissement. L'investissement privé, d'après les dernières indications, progresserait cette année, en volume, de 3 à 4 % `statistique`. Ce serait donc le chiffre le plus élevé des dernières années et un chiffre supérieur à notre taux de croissance. Bien entendu, on doit rester attentif au maintien de ce niveau élevé d'investissement.
- En effet, les dernières réflexions et recherches, notamment celles du Commissariat au Plan, ont permis de trancher un débat ouvert dans la société française qui était de savoir quelle est la meilleure politique en ce qui concerne la création d'emplois. Ces réflexions ont fait apparaître que c'était un effort de modération des revenus et de développement de l'investissement dans les entreprises. Cela suppose que les entreprises disposent des moyens autonomes de financer leurs investissements. Cela repose sur le maintien ou la -recherche d'une forte compétitivité extérieure. Ce sont bien là les traits significatifs de la politique actuellement suivie.\
`Réponse`
- Quant à l'emploi, bien que la situation reste détériorée, l'augmentation du nombre de demandeurs d'emplois, d'une année sur l'autre - c'est le chiffre le plus significatif - se situe, de mai à mai, si je me souviens bien, à 78000. Or, l'augmentation de la population active française est trés supérieure à ce chiffre puisque nous avons, par an, encore à l'heure actuelle, un excédent de population active supérieur à 200000 travailleurs, entre 200 et 230000. Les études réalisées montrent que l'économie française aura créé, cette année, au moins 100000 emplois nouveaux.
- L'effort à poursuivre c'est la création d'emplois... Elle repose sur la poursuite de l'équipement des entreprises publiques et privées françaises.
- Enfin, nous attachons la plus grande importance à l'effort de recherche `recherche scientifique` qui entraîne lui-même le progrès de l'économie. C'est pourquoi j'ai demandé au Gouvernement que le budget de 1981 soit marqué par un effort particulier pour les crédits de la recherche.\
QUESTION.- Monsieur le Président, je ne vous répéterai donc pas la première partie de ma question ... Je vous rappelle qu'elle porte sur la télévision et la radio nationales.
- Ma question essentielle et générale porte sur les problèmes de libertés et je voudrais me permettre de vous citer quelques faits de la vie quotidienne française à ce sujet. Je fonde ma question sur quelques faits, monsieur le Président, si vous le permettez : Cinq syndicalistes paysans condamnés dans le Finistère, quatre syndicalistes paysans condamnés à Clermont-Ferrand, six enseignants poursuivis dans le Doubs, 31 militants condamnés en Bretagne pour la défense du chemin_de_fer, 50 procès en-cours contre des militants de la CGT qui défendent leur salaire et leur emploi ... La répression contre le mouvement ouvrier et populaire semble être une perspective du Gouvernement, puisque celui-ci, sous la forme d'un projet, appelé projet PEYREFITTE, veut mettre en_oeuvre une réforme du Code Pénal, dont M. LEAUTE, directeur de l'Institut de Criminologie de Paris, qui vient de démissionner, a déclaré, je cite : "Cette réforme enpêcherait de rendre une justice juste dans de nombreux cas".
- Monsieur le Président, double question :
- Est-ce que la Fête de la Liberté, dont nous avons beaucoup entendu parler ces derniers jours, avait pour objet de camoufler cette marche vers la répression ?
- Deuxième volet de la question : sous couvert de Fête de la Liberté pour quelle raison vous engagez-vous dans le renforcement du caractère répressif de la législation française, dont tous les syndicats de magistrats, d'avocats, d'enseignants, de paysans et d'ouvriers ne veulent pas ?
- QUESTION.- Monsieur le Président, l'opinion publique s'intéresse beaucoup au procès de Grenoble, qui constitue un fait de société et un événement dans la vie de la société française. On a dit qu'à Grenoble, la justice avait été plus courageuse qu'ailleurs, sous-entendu qu'elle l'était peut-être plus que dans d'autres villes où il y a aussi des proxénètes et des esclaves. Quel est votre sentiment sur ce sujet ?
- Et ma seconde question sera, elle, d'une violence inouie : Monsieur le Président, avez-vous vos papiers `d'identité` sur vous ?
- LE PRESIDENT.- Je répondrai tout de suite à la deuxième question : j'ai mes papiers dans la maison !\
`Réponse`
- En ce qui concerne les grèves récentes dans les services publics : Le droit de grève, en France est un droit, il sera respecté en tant que droit. L'exercice de ce droit pose, comme l'exercice de tous les droits, des problèmes de responsabilité et de solidarité. Je pense, en effet, à certaines grèves récentes concernant les services publics.
- L'objet de la grève est d'être une arme entre les mains du travailleur pour faire pression sur son employeur afin d'obtenir le règlement d'un conflit du travail qui oppose l'un à l'autre. Ce droit fondamental est associé à l'exercice même de la dignité et des droits des travailleurs.
- Encore faut-il que dans un conflit la grève fasse pression ou s'adresse à celui qui peut prendre la décision, enjeu du conflit. Or, dans les derniers conflits `EDF`, la grève avait des conséquences en fait sur 99 % `statistique` des personnes qui n'avaient aucun moyen de peser, d'une manière ou d'une autre, sur l'enjeu du conflit. Elle s'adressait même à 80 % de personnes qui ne connaissaient pas l'enjeu de ce conflit !
- Dans l'exercice du droit de grève, il y a l'exercice d'une responsabilité. Il faut l'utiliser pour obtenir le règlement d'un conflit du travail, qui peut être local ou national, mais dont les termes sont clairement posés et dont la solution et l'enjeu apparaissent clairement aux parties en_cause.
- Il y a aussi un problème de solidarité, parce que les services publics sont publics non pas par le caprice du législateur, mais parce qu'ils représentent un service qui est rendu à la collectivité nationale. Lorsque la collectivité nationale est privée de ce service, elle est atteinte dans sa vie quotidienne, dans son activité économique et même dans ses fonctions élémentaires.
- Le droit de grève doit s'exercer avec le sens de la solidarité.
- La France, qui est toujours attentive à l'exercice des droits, a clairement manifesté qu'elle souhaitait que ce droit, qu'il n'est pas question de réglementer, soit exercé avec un sentiment de responsabilité et de solidarité au plus haut degré.\
`Réponse`
- Pour ce qui est des libertés, il ne faut jamais juger l'attitude à leur égard sur telle ou telle mesure particulière. Un gouvernement, une administration, doit, à un moment ou à un autre, prendre telle ou telle décision qui s'oppose à un débordement ou à un excès. Cela ne signifie pas qu'il s'agit de la ligne générale de la politique de ce gouvernement.
- Si vous prenez la période depuis 1974, que peut-on dire de la liberté ? Tout d'abord, la liberté d'expression est complète. Je suis - je ne serai peut-être pas le dernier, d'autres le feront peut-être après moi - le premier Président de la République à n'avoir jamais poursuivi, dans l'exercice de ses fonctions, aucun organe d'expression `presse` quel qu'il soit.
- J'ai supprimé les censures qui existaient, par exemple en 1974, la censure politique pour la création cinématographique. Nous nous sommes efforcés de développer au-sein des conseils d'administration des organismes nationaux de radio et de télévision une représentation ouverte leur permettant de définir eux-mêmes leur politique. J'observe que ces grands moyens d'expression sont très largement utilisés par toutes les familles politiques.\
`Réponse`
- En ce qui concerne la justice, je suis et je resterai (ce qui me singularise !) respectueux de l'instrument et des décisions de justice. Je suis frappé de voir combien ce respect est malheureusement peu répandu dans telle ou telle partie de notre vie nationale. Or il ne peut pas y avoir à la fois de justice sereine et de justice perpétuellement contestée ou dénigrée. Dans l'exercice de mes fonctions, j'en aurai pour témoins tous ceux qui m'auront rencontré dans-ce-cadre, aucun magistrat ne pourra jamais, ni dans sa carrière ni dans son activité, faire -état d'une action ou d'une intervention du Président de la République.
- Quant à la détention, lorsque je suis arrivé, il y a eu au-cours de l'été 1974 `année` des émeutes dans les prisons. Il n'y en a plus eu depuis. J'ai veillé à ce que l'action de l'administration pénitentiaire tienne toujours _compte d'un effort d'humanisation et de la réinsertion à venir des détenus.
- J'ai fait adopter un texte en 1975 `année` pour raccourcir la détention provisoire et fixer un plafond de six mois à sa durée. Malgré ce texte, à l'heure actuelle en France, 45 % `statistique` des prisonniers sont en détention provisoire, c'est-à-dire détenus sans jugement alors que, le chiffre est de 15 % aux Etats-Unis d'Amérique et de 13 % en Grande-Bretagne. Nous avons donc en France proportionnellement 3 fois plus de personnes en prison non jugées qu'il n'y en a dans les autres pays. On ne peut pas considérer cette situation comme satisfaisante du point de vue de la justice. C'est pourquoi je m'étonne de l'extraordinaire conservatisme qui s'est soudain manifesté `contre le "projet PEYREFITTE"` et qui a tendu à nous faire croire qu'il fallait à tout -prix conserver tel quel le Code de procédure `pénale` très ancien dont nous disposons et dont je pourrais citer d'ailleurs des détails tout à fait anachroniques. En tout cas, ceux qui sont partisans de le conserver tel quel auraient pu, dans le passé, en faire l'éloge.
- Je vous rappelle que ce Code de procédure règle en-particulier la procédure de flagrant délit dont je me souviens, dans les années précédentes, avoir lu ici ou là la véhémente critique.\
`Réponse`
- Le projet `projet PEYREFITTE` qui vient d'être adopté par l'Assemblée_nationale a été élaboré d'abord au-sein du ministère de la Justice. Il n'a pas été élaboré dans une instance politique mais par une commission dans laquelle figuraient de hauts fonctionnaires du ministère de la Justice, des professeurs de droit criminel, des magistrats. Ce sont eux qui ont mis au_point le texte qui est arrivé au Conseil des ministres. Le Conseil des ministres ne l'a pas modifié. Il était passé au préalable devant le Conseil_d_Etat qui a eu le loisir de l'examiner et n'a pas fait d'observation modifiant sa substance. Je n'entre pas dans les détails de ce texte, maintenant longuement débattu par la presse, mais j'observe que ceux qui critiquent parfois les rapports entre l'exécutif et le législatif devraient ici nous féliciter.
- Voilà un texte qui a été déposé devant le Parlement sans être assorti d'aucune pression de procédure. Le Gouvernement n'a pas dit qu'il utiliserait des moyens contraignants pour le faire adopter. Il a été longuement et soigneusement examiné par la Commission des lois au travail de laquelle je rends hommage. Il est venu en discussion publique et a été adopté en première lecture par des députés à l'Assemblée_nationale.
- Voilà bien la manière dont normalement, dans un pays démocratique, des procédures anciennes, telles que notre Code de procédure pénale, peuvent être révisées et mises à_jour. Et je n'irai pas, pour ne pas pousser l'avantage et pour ne pas non plus développer tel ou tel instinct, jusqu'à vous donner lecture de la liste des crimes prévus à l'article 1er du projet de loi et pour lesquels il y a le renforcement des peines. Si j'en donnais la lecture publique, il n'y a pas un de ceux qui nous écoutent qui ne comprendrait la nécessité et le devoir d'agir dans ce domaine. M. VAJOU, vous nous demandez bien que la justice agisse pour réprimer les crimes. Lorsque le Parlement lui-même a pris une initiative que j'ai approuvée en ce qui concerne le renforcement des sanctions contre le viol, le Gouvernement a accepté telle quelle la proposition du Sénat.
- En ce qui concerne les actions particulières de justice, je n'ai pas à les commenter. Mais chaque fois que la magistrature fait apparaître sa volonté d'explorer jusqu'au fond des situations criminelles indignes, de les apprécier et de prononcer ensuite leur juste sanction, elle répond à n'en pas douter à une aspiration profonde vers la justice et la dignité de notre société.\
QUESTION.- Monsieur le Président, après six ans d'exercice du pouvoir et après avoir constaté que réformer n'est pas facile en France, combien d'années de présidence de la République vous faudrait-il pour mettre en_oeuvre toutes les réformes que vous souhaitez ?
- LE PRESIDENT.- Est-ce que réformer n'est pas facile en France ? On l'a vu, on le voit. Il est frappant que si l'acte de réforme n'est pas facile, une fois que la réforme est accomplie, elle entre peut-être plus profondément dans les moeurs et dans les convictions en France que dans d'autres pays. Certaines réformes fondamentales qui ont été faites au-cours des dernières années sont désormais considérées comme définitivement acquises dans notre pays. En France, ce n'est donc pas tant que la réforme soit difficile, mais qu'elle est longue. Peut-être est-ce un bien. Par exemple, dans le cas de la récente réforme du Code de procédure pénale, je considère comme un bien que le Sénat s'en saisisse lors de la rentrée de sa prochaine session. Cela permettra, après un long débat à l'Assemblée_nationale, d'avoir un long débat dans la Commission des Lois du Sénat et ensuite, une nouvelle réflexion en séance publique. De même, je considère qu'il est bon que la loi fondamentale sur le développement des responsabilités locales des communes et départements vienne à l'Assemblée_nationale à la session prochaine pour permettre une réflexion approfondie.
- Voilà ma réponse : il faut beaucoup de temps.
- Sur votre autre question, j'avais répondu le 19 juin 1979 `date` à une question à ce sujet `élection présidentielle` £ je n'ai pas un mot à dire de plus.\
QUESTION.- Pardon, monsieur le Président, de prendre la liberté de vous interroger sur votre propre liberté et de vous poser la question que nous posons à tous les hommes politiques chaque fois que nous les voyons à l'approche des élections présidentielles. Ma question est celle-ci : est-ce que vous êtes un Président de la République heureux ? L'êtes-vous assez pour vous représenter une seconde fois ? Et si vous vous représentez, verra-t-on sur vos affiches d'abord la sécurité qui est une revendication classique de la droite ou d'abord la liberté avant la sécurité, comme en a l'habitude de le faire la gauche ?
- QUESTION.- Dans les commentaires de l'action du Président de la République en 1979, on se réfère assez souvent au fondateur de la Vème République, de GAULLE. On aurait pu s'y référer pour apprécier votre action en politique étrangère au-cours de la dernière période. Comment _compte le souvenir ou l'action du Général de GAULLE ? Est-ce qu'il _compte dans votre comportement ou dans vos décisions ?
- QUESTION.- Monsieur le Président, à votre dernière conférence_de_presse, vous aviez dit : "Je ne fais pas de politique". Je voudrais savoir, à la place où vous êtes, le regard que vous portez sur le monde politique français, et si vous vous prononcez toujours, à moins d'un an de l'élection présidentielle, pour la cohabitation raisonnable au-sein de la majorité, et plus généralement pour la décrispation de la vie publique ?
- QUESTION.- Monsieur le Président, nous avons tous un progrès de carrière. Est-il inconvenant de vous demander comment, politiquement, vous concevez la vôtre ? LE PRESIDENT.- La mienne est bloquée.\
QUESTION.- Monsieur le Président, deux questions précises, qui n'ont pas de rapport entre elles.
- La première : récemment a été publié un décret libérant complètement le prix du livre, et supprimant tout prix de référence. A l'expérience, il semble qu'une majorité de libraires, d'éditeurs et d'auteurs bien sûr soient hostiles à cette mesure. S'il s'avérait que ce décret a des conséquences extrêmement négatives pour l'avenir du livre de qualité, est-ce que vous demanderiez au Gouvernement de revenir sur cette décision ?
- Deuxième question : on a vu ces derniers temps, à-partir de ces dernières semaines, se manifester en France, en banlieue et à Paris, un certain nombre de groupes qui se réclament ouvertement d'idéologies néo-nazies, hitlériennes, et qui se livrent à des agressions de caractère ouvertement raciste. Ces activités, j'en ai fait l'expérience, ne semblent pas préoccuper outre mesure la police.
- Ne pensez-vous pas qu'il conviendrait d'être au moins aussi vigilant vis-à-vis de ce type de violence-là que vis-à-vis de tous les autres types de violence ?\
QUESTION.- Monsieur le Président, est-il indiscret de vous demander quels ont été les principaux termes de votre entretien avec le Pape JEAN PAUL II le 31 mai `1980 ` date` dernier à l'Elysée ? Plus précisément, y a-t-il un rapprochement à faire ou pas entre le rayonnement propre du Pape JEAN PAUL II et ce que vous appeliez, en conclusion de votre ouvrage "Démocratie_Française", ce "rayon de lumière nécessaire pour éclairer le monde" ?
- QUESTION.- Une dernière question. Vous avez dit un jour de mai 1974, à Chamalières, que vous vouliez regarder la France au fond des yeux. Avez-vous l'impression, six ans après, de l'avoir bien regardée et de l'avoir bien comprise ?
- LE PRESIDENT.- Je n'ai pas répondu tout à l'heure à une question importante, à propos du Proche-Orient et des réactions dans tel ou tel milieu, en France, vis-à-vis de notre politique actuelle.
- Dans ma fonction, et d'ailleurs dans ma vie, je n'ai jamais fait et je ne ferai jamais aucune différence entre les Français en-fonction de leur origine ou de leur religion. Notre pays a toujours, depuis sa très lointaine histoire, accueilli sur son sol et dans sa société des apports de toute origine. Pour moi l'ensemble de ces apports fait la France.
- Lorsque j'exprime un point_de_vue (je vous ai dit tout à l'heure que notre attitude au Proche-Orient était la définition d'une solution juste, et je suis sûr que c'est la solution juste), lorsque je définis la solution juste, je le fais au nom des Français, quelle que soit leur origine, quelle que soit leur religion.
- De mes entretiens avec le Pape, je ne dirai rien. J'ai veillé, au-cours de la visite pontificale qui a été très frappante par le rayonnement personnel et par l'extraordinaire qualité de la pensée du Pape telle qu'elle s'est exprimée dans ses discours, à le recevoir en tant que Président de la République. Je n'ai pas mêlé les deux aspects de cette visite qui pouvaient m'être sensibles : le président et le chrétien. Lorsque j'ai reçu le Pape à l'Elysée, je lui ai parlé en tant que Président de la République, des sujets à propos desquels il y a une convergence de préoccupation entre le Vatican et la France. Nous avons parlé du problème du Proche-Orient £ nous avons parlé, par exemple, du problème du Liban.\
`Réponse`
- Monsieur LEVAI m'a posé une série de questions qui étaient habiles, ce qui ne surprendra personne, et à propos desquelles il tentait de me faire revenir sur la réponse que j'ai faite et qui n'était que la confirmation de ce que j'ai dit et des raisons que j'ai invoquées, le 19 juin de l'année dernière.
- Je lui dirai seulement que dans l'action du Président de la République, l'objectif qu'il poursuit n'est certainement pas celui de son bonheur personnel.\
`Réponse`
- Monsieur KAHN m'a posé une question sur la liberté des prix en-matière de livres et d'édition. Parfois, on me reproche - peut-être certains d'entre vous le font-ils d'ailleurs - d'intervenir dans des domaines qui ne sont pas de ma compétence. En voilà bien un. Néanmoins, je vous répondrai que j'ai des souvenirs comme ministre de l'Economie et des Finances, puisqu'à l'époque nous pratiquions le blocage des prix du livre. J'ai alors été dénoncé avec véhémence par le monde de l'édition, notamment à propos d'une affaire de blocage des prix du livre de poche, comme adoptant une attitude qui était hostile au développement de l'édition et de la diffusion littéraire.
- Le Gouvernement a pris, il y a deux ans, la décision de libérer les prix de l'édition. Personne n'a protesté, je crois. La décision qui a été contestée depuis est celle de savoir s'il devait y avoir ou non un régime de prix imposés, c'est-à-dire un régime de prix dans lequel l'éditeur est maître de son prix, mais fixe le prix auquel le libraire doit vendre. Vous apercevez par vous-même le caractère contradictoire, ou en tout cas apparemment contradictoire, d'une telle disposition.
- Il y a là deux aspects différents et qui doivent donc faire l'objet de deux réflexions différentes. La première question est de savoir si le régime économique de la distribution du livre a été ou non amélioré par cette libération. Un an après il est normal que le monde de l'édition et le ministre de l'Economie procèdent à un tel examen.
- La deuxième question est de savoir si la diffusion de la culture, et notamment l'aide aux formes d'édition sans doute les moins rentables, c'est-à-dire les créations littéraires, ou telle et telle publication à faible diffusion, sont suffisamment encouragées dans le dispositif actuel, ou si d'autres dispositifs devraient être prévus.
- Ceci concerne le ministre de la Culture `Jean-Philippe LECAT`. Sur ces deux points - situation économique de la diffusion du livre, conséquences culturelles de ces techniques de diffusion - le Gouvernement examinera prochainement le problème.\
`Réponse`
- Enfin, le racisme : je veille à ce qu'il n'y ait en France aucune expression, action, tentation de racisme et j'y veillerai partout.
- Lorsque j'apprends, souvent d'ailleurs par la lecture des journaux, car je ne reçois pas nécessairement là-dessus des informations directes, qu'il y a eu tel ou tel acte indigne à cet égard, je demande aussitôt au responsable gouvernemental d'entreprendre l'action de redressement nécessaire. Je ne voudrais pas, en sens inverse, que l'on accrédite l'idée qu'il y a en France une complaisance quelconque pour le racisme. Il n'y en a pas.
- Nous sommes une société très diverse. Dans une société très diverse il y a des fractions ultra minoritaires qui peuvent avoir des agissements indignes, c'est un fait. A ce moment-là il faut réprimer l'indignité de leurs agissements. C'est d'ailleurs souvent difficile parce que ce ne sont pas des structures organisées. Souvent elles agissent ou se manifestent à l'improviste, de manière difficile à prévenir ou à prévoir à l'avance. Mais sachez en tout cas que je veille et veillerai à ce qu'en aucune manière la France ne puisse être atteinte ou contaminée par quelque renaissance d'un esprit raciste que ce soit.\
Vous m'avez posé une question, monsieur de LA GORCE : quelle est la part de l'action du Général de GAULLE à laquelle je me réfère dans ma propre action comme Président de la République ? Je ferai une allusion à la commémoration récente du quarantième anniversaire de l'appel du 18 juin. Mon voeu dans cette commémoration était qu'elle puisse être une commémoration nationale. Il faut voir l'échelle des dates : lorsque nous commémorons en 1980, un appel qui a été lancé en 1940, c'est comme si, pour ceux d'entre vous qui sont de ma génération, on avait commémoré en 1939 un événement de 1899. A ce moment-là on voit bien que c'est un événement de l'Histoire.
- Je souhaitais, pour ma part, qu'il soit ressenti et qu'il soit donc honoré comme événement glorieux de notre Histoire.
- Quant au souvenir et à l'action du Général de GAULLE, je vous répondrai par une citation de Paul VALERY : "La véritable tradition dans les grandes choses, ce n'est pas de refaire ce que les autres ont fait £ c'est de retrouver l'esprit qui a fait ces choses et qui en ferait de tout autres dans d'autres temps".\