20 janvier 2012 - Seul le prononcé fait foi

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Déclaration de M. Nicolas Sarkozy, Président de la République, sur la politique étrangère française notamment la présence militaire en Afghanistan, l'attitude de la France face aux révolutions dans les pays arabes et à la crise de la Zone euro, à Paris le 20 janvier 2012.


Monsieur le Nonce,
Je vous remercie de vos paroles et je vous prie de transmettre à Sa Sainteté le Pape Benoît XVI mes souhaits très respectueux. J'ai beaucoup de considération pour le Pape, vous le savez, et nous avons tous gardé, ici, un souvenir très ému de sa visite en France et du discours qu'il a prononcé, Monsieur le Nonce, dans cette même salle.
Monsieur le Ministre d'Etat,
Messieurs les Ministres,
Mesdames et Messieurs les Ambassadeurs,
Quatre de nos soldats ont été tués. Je veux rendre hommage à leur sacrifice. Et pour le chef des Armées que je suis, c'est toujours un moment de grande solitude face à sa responsabilité, devant le destin brisé de ces jeunes hommes courageux, qui font honneur à l'armée française, qui ont l'esprit de sacrifice.
L'engagement de la France en Afghanistan a été décidé il y a une dizaine d'années. J'ai poursuivi cette décision, pour être aux côtés du peuple afghan dans sa juste lutte contre les forces de l'obscurantisme, de la barbarie et d'un retour à un climat moyenâgeux dans un pays où les femmes, les petites filles étaient martyrisées.
Les gouvernements qui ont pris la décision d'envoyer l'armée française en Afghanistan, je le crois, ont pris une bonne décision. Mais l'armée française est en Afghanistan au service des Afghans, contre le terrorisme et contre les Talibans. L'armée française n'est pas en Afghanistan pour que les soldats afghans lui tirent dessus.
J'ai donc décidé d'envoyer le ministre de la Défense et le chef d'Etat-major de nos armées immédiatement en Afghanistan. D'ici là, toutes les opérations de formation et d'aide au combat de l'armée française sont suspendues.
Le ministre de la Défense nous fera un rapport, avec le Premier ministre et le ministre d'Etat, sur ce qu'il aura vu en Afghanistan. Et si les conditions de sécurité pour nos soldats, comme les conditions du recrutement des soldats afghans au sein de l'armée afghane, ne sont pas clairement précisées et sûres, la France en tirera immédiatement toutes les conséquences. Nous sommes les amis du peuple afghan, nous sommes des alliés du peuple afghan, mais je ne peux pas accepter que des soldats afghans tirent sur des soldats français.
Si les conditions de sécurité ne sont pas clairement rétablies, alors se posera la question d'un retour anticipé de l'armée française en France.
Ce retour était envisagé au plus tard pour 2014. J'évoquerai cette question avec le Président Karzai lors de sa visite en France.
L'armée française est aux côtés de ses alliés, mais nous ne pouvons accepter qu'un seul de nos soldats soit blessé ou tué par nos alliés. C'est inacceptable et je ne l'accepterai pas.
Sans doute mes propos qui vont suivre auront-ils une dimension moins dramatique. C'est une décision difficile que celle que nous aurons à prendre dans les jours qui viennent, mais je me devais de l'assumer face aux Français et face à nos soldats.
Il y a la guerre. Il y a les objectifs que nous nous sommes fixés, et puis il y a des conditions de sécurité qui, si elles ne sont pas établies clairement, nous empêchent de faire le travail que nous avons à faire. Chacun est mis devant ses responsabilités. En tout cas, en tant que chef des armées, je prendrai les miennes.
Mesdames et Messieurs,
2011 restera dans les annales comme une année de bouleversements. Bouleversements avec les « printemps arabes ».
Bouleversement avec le tsunami au Japon et la catastrophe de Fukushima.
Bouleversements au sein de la zone euro : Grèce, Portugal, Irlande, et même Espagne et Italie confrontés à des difficultés sans précédent.
Tout au long de cette année 2011, la France a été en initiative. En initiative en Côte d'Ivoire, où depuis dix ans, la Côte d'Ivoire, longtemps présentée comme la Suisse du continent africain, s'est retrouvée sans élection. La France a pris ses responsabilités et la France est fière d'accueillir dans quelques jours le Président Ouattara pour une visite d'État. En initiative en Libye, pour protéger des millions de Libyens et les habitants de Benghazi de la folie meurtrière d'un tyran sanguinaire. Initiative en Europe, aux côtés de nos amis allemands, pour doter la zone euro de la gouvernance et des règles de fonctionnement qui lui faisaient défaut. Initiative à la tête du G8, initiative à la tête du G20 pour évoquer les grandes questions du monde.
2012 va nous voir de la même façon en initiative face aux multiples dangers auxquels nous nous trouverons confrontés.
D'abord, danger pour l'Europe. Disons-le nettement, la zone euro demeure en danger.
Crise bancaire, crise de la dette publique, difficultés multiples. Nous avons obtenu des résultats en Irlande et même au Portugal. Il faut maintenant que l'ensemble de la classe politique grecque comprenne que l'on ne peut plus différer les prises de décision pour résoudre les problèmes auxquels la Grèce est confrontée. Ce qui s'est fait en Irlande, au Portugal, en Espagne, en Italie, et même en Allemagne et en France, nos amis grecs doivent le faire. Et plus cela sera fait tard, plus cela sera difficile et plus cela sera douloureux.
La première leçon de cette crise, c'est que l'euro, du fait même de son existence, impose une intégration de nos économies dont les auteurs du traité de Maastricht avaient sous-estimé la nécessité. C'est bien d'avoir la vision d'une monnaie commune, c'est un peu dangereux de ne pas réfléchir aux conditions pour aboutir à cette monnaie commune.
Nous avons dû rattraper ce retard en prévoyant un certain nombre de règles, dont nous nous sommes dotés, et qui permettront à la zone euro de sortir de la crise dans laquelle elle se trouve aujourd'hui.
Je dis aux ambassadeurs de tous les pays qui ne sont pas du continent européen, nous nous sommes dotés d'un véritable gouvernement économique de la zone euro, avec un président stable, des sommets réguliers. L'idée même du gouvernement économique était une idée taboue il y a un an.
Le gouvernement est une réalité économique.
Pourquoi ce gouvernement ? C'est le sommet des chefs d'Etat et de gouvernement, pour une raison simple, c'est que la légitimité démocratique ne peut venir que des chefs d'Etat et de gouvernement. La Commission a un rôle essentiel à jouer : s'assurer du respect des traités, s'assurer du respect des trajectoires de réduction des déficits. Mais si la Commission est la gardienne vigilante de la zone euro, elle ne peut pas être le gouvernement économique, parce que l'on ne peut pas à la fois gérer et sanctionner. Dans ce cas, on se sanctionne soi-même.
Je voudrais d'ailleurs dire que l'Espagne comme l'Italie ont pris des décisions courageuses et remarquables. Et la France veut saluer l'action de Mario Monti et de Mariano Rajoy. Ils peuvent compter sur le soutien déterminé de la France, comme de tous leurs partenaires européens.
Mais sachons que la zone euro ne s'en sortira pas seulement par des mécanismes institutionnels. Il va nous falloir maintenant s'attaquer au fond de notre politique. Nous devons clairement changer notre politique commerciale. Je vous rassure, il n'est nullement question de protectionnisme. Il est simplement question de réciprocité. La réciprocité est un mot qui doit devenir une réalité dans les négociations commerciales. Et, de ce point de vue, Mesdames et Messieurs les Ambassadeurs, l'Europe est le continent le plus ouvert du monde. Cela continuera, mais l'Europe attend des autres parties du monde qu'elles soient ouvertes exactement à dû prorata de ce qu'elle est elle-même.
Nous devrons changer notre politique de la concurrence. La zone euro, l'Union européenne, c'est un marché unique, il ne peut pas y avoir d'analyse de concurrence. Sur 27 marchés ou 17 marchés, selon que l'on est dans l'Union ou dans la zone euro, il y a un seul marché, le marché unique. Donc il y a une seule concurrence, la concurrence de l'ensemble du marché unique. L'Europe devra changer sa politique industrielle de façon à favoriser l'émergence de grands groupes européens £ ce dernier thème étant lié à celui de la concurrence.
Mesdames et Messieurs les Ambassadeurs,
Aux portes de l'Europe, le Maghreb et le Machrek connaissent des bouleversements sans précédent. Les peuples se sont mis en mouvement au nom des valeurs universelles qui nous sont chères : la liberté, la démocratie, la justice. Notre devoir est d'accompagner ces peuples, avec amitié et sans ingérence.
Gardons-nous de jugements hâtifs £ gardons-nous de jugements prématurés £ laissons du temps aux nouveaux dirigeants du Maghreb et du Machrek. Construire la démocratie, la France le sait, n'est pas une chose facile. L'enjeu des transitions démocratiques en cours, ce n'est pas tant la place des forces politiques qui revendiquent un lien fort avec l'Islam. L'enjeu, c'est que ces partis respectent les règles et les exigences de la démocratie, qui sont l'acceptation de l'alternance et le respect des minorités. La minorité politique, les communautés minoritaires doivent être respectées £ c'est toute la richesse de l'Orient que de garder cette diversité.
Monsieur Lemmens, dites bien à Sa Sainteté que la France n'oublie pas les chrétiens d'Orient, où qu'ils se trouvent. Les chrétiens d'Orient sont une des richesses de l'Orient. Ils ne sont pas seuls. La France sera de façon déterminée à leurs côtés. La France est laïque, la France est démocratique, la France est républicaine. La France veille sur son territoire à ce que chacun puisse vivre son engagement religieux et le transmettre à ses enfants. Mais la France entend que sur tous les territoires du monde, il puisse en aller de même pour toutes les minorités religieuses. C'est un sujet considérable qui touche absolument le cur de nos convictions.
Vous avez d'ailleurs évoqué les racines judéo-chrétiennes, vous savez très bien, Monsieur Lemmens, que c'est un sujet de grande harmonie entre nous. Il n'y a pas de civilisation sans racine. Nous aiderons à la réussite de ces jeunes démocraties. C'est le « partenariat de Deauville » et ce sont les relations que nous entretenons avec nos nouveaux partenaires. Alain Juppé, à qui je veux rendre hommage, vient de faire une visite couronnée de succès en Tunisie et nous recevrons le mois prochain le Président de la Tunisie, un pays dont la France se sent si proche, pour inventer un partenariat sans précédent. 2012 sera l'année de la refondation de l'Union pour la Méditerranée.
2012, année d'espoir, pour plusieurs peuples du Proche-Orient, mais aussi année de tous les dangers.
En Syrie, nous ne pouvons pas accepter la répression féroce menée par les dirigeants syriens contre leurs peuples, répression qui conduit tout droit le pays au chaos. Et ce chaos profitera aux extrémistes de tous bords. La Syrie appartient au peuple syrien £ il doit, enfin, pouvoir choisir librement ses dirigeants et décider de son destin. La Ligue arabe s'est engagée dans une action courageuse. Elle doit la poursuivre et le Conseil de sécurité, dont c'est la mission, doit lui apporter son concours.
Nous ne voulons pas nous ingérer dans les affaires syriennes et nul, plus que moi, n'a essayé, avec sincérité, de tendre la main à Bachar El Assad. Mais, à un moment, chacun est confronté aux réalités, et la France ne se taira pas devant le scandale syrien.
Danger pour le Liban, pays dont nous nous sentons si proches. Il y a des soldats français au Liban, sous mandat de l'ONU, depuis près de trois décennies. Mais ces soldats au service de l'ONU sont là pour défendre un Liban souverain et indépendant. Pas un Liban asservi. Un Liban souverain et indépendant. Et, là aussi, l'avertissement de la France est clair. Tous ceux qui s'en prendront à un soldat français en assumeront immédiatement les conséquences. Nous ne laisserons pas le Liban, mais nous ne serons pas complices d'un asservissement du Liban, qu'il vienne de l'extérieur ou qu'il vienne de l'intérieur. La France est l'amie de tous les Libanais, sans aucune exception £ et comment d'ailleurs pourrais-je évoquer la nécessité de la diversité en Orient et choisir nos amis au Liban ? Nous sommes l'ami de tous, de tous sans exception. Mais pour un Liban libre, pour un Liban souverain, pour un Liban qu'on laisse en paix, pas pour un Liban que l'on voudrait asservir.
Danger pour l'Irak, menacé par la résurgence des tensions religieuses et du terrorisme. Le monde a besoin d'un Irak uni et divers. Et ce serait un grand drame que l'explosion de l'Irak.
Danger au Yémen, où la transition démocratique tellement attendue doit être menée conformément aux engagements pris et aux résolutions du Conseil de sécurité.
Danger, enfin, dans la paralysie inacceptable du processus de paix entre les Palestiniens et les Israéliens. Il faut une relance rapide, crédible, de la négociation, avec un calendrier précis et un mécanisme de suivi. Comment ne pas comprendre que les « printemps arabes » rendent encore plus inacceptable la situation du peuple palestinien ? Comment ne pas le comprendre ! ? Voilà que tout bouge en Orient et il faudrait que ce soit l'immobilisme glacé entre Palestiniens et Israéliens. Il faut changer la méthode, le Quartet est un échec. Arrêtons avec les présupposés de la diplomatie. Arrêtons de nous masquer la réalité : c'est un échec. Changeons la méthode. Il faut élargir le cercle de la négociation. Il faut remobiliser les acteurs, tous les acteurs qui peuvent contribuer au règlement du conflit central. La position de la France est claire. Nous n'accepterons jamais que soit mise en cause la sécurité d'Israël. Nous le disons à chacun. Israël n'est pas seul. La naissance d'Israël, au tournant de la moitié du XXème siècle, est un fait politique majeur de l'Histoire du monde, au lendemain de la tragédie de la Shoah. Ceux qui menacent l'existence d'Israël doivent savoir que nous n'accepterons jamais la disparition, la mise en cause de l'intégrité de ce pays.
La position de la France est claire, s'agissant des Palestiniens. Ils doivent accéder à un État démocratique, viable, moderne. Combien de décennies encore, alors qu'ils attendent depuis si longtemps £ et qui ne voit que la meilleure condition de la sécurité d'Israël, c'est l'existence d'un État palestinien ?
La France a pris ses responsabilités lorsqu'il a fallu voter l'adhésion des Palestiniens à l'UNESCO. C'est un choix fort, c'est un choix réfléchi. Comment refuser aux Palestiniens l'entrée dans un organisme qui met l'éducation et la culture au service de la Paix ? La France n'accepte pas ce statu-quo parce que ce statu-quo est porteur de tant de menaces.
Enfin il y a la question de l'Iran et de son programme nucléaire militaire. L'AIEA a révélé les progrès réalisés par le régime iranien dans sa course insensée vers la bombe nucléaire. La base militaire de Qom commence à produire de l'uranium hautement enrichi. Les dirigeants iraniens ont menti, pas une fois £ les dirigeants iraniens ont menti de façon continue et à tout le monde.
Permettez-moi de partager avec vous deux convictions : la première, c'est qu'une intervention militaire ne règlerait pas le problème, mais elle déchainerait la guerre et le chaos au Moyen-Orient. Et peut-être, hélas, plus encore. Tout doit être fait pour éviter une intervention militaire. Et ma deuxième conviction, c'est que le temps est compté. La France fera tout pour éviter une intervention militaire, mais il y a une seule solution pour l'éviter, c'est un régime de sanctions beaucoup plus fort, beaucoup plus décisif, qui passe par l'arrêt de l'achat de pétrole iranien par tous et le gel des avoirs de la Banque centrale iranienne. Ceux qui ne veulent pas le renforcement des sanctions à l'endroit d'un régime qui conduit son pays au désastre, avec l'acquisition de l'arme nucléaire, porteront la responsabilité du risque d'un déchainement militaire. La paix passe par des sanctions renforcées pour éviter ce risque d'engrenage mortel.
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Notre objectif est d'être à côté du peuple iranien, mais pour cela il faut contraindre ses dirigeants à négocier sérieusement avant qu'il ne soit trop tard. Et je remercie Alain JUPPÉ de tous les efforts qu'il fait pour obtenir le consensus mondial. Je le dis d'ailleurs à nos amis chinois comme à nos amis russes : aidez-nous à garantir la paix dans le monde. Nous avons clairement besoin de vous.
Nous avons clairement besoin de vous. Et je pèse mes mots.
Enfin, je terminerai par un thème qui m'est cher, qui est cher à la France, c'est celui de la gouvernance mondiale. Pour dire deux choses : le G20 n'est légitime que si le G20 prend des décisions.
Ce qui fait la force du G20, ce n'est pas simplement qu'il représente 85% du PIB mondial. Ce qui fait la force du G20, parce que c'est une petite enceinte, c'est que le G20 prend des décisions -- pas assez au goût de la France -- mais prend des décisions. Ne laissons pas le G20 se paralyser. Et je dis à la présidence mexicaine que nous leur faisons confiance pour avoir beaucoup d'ambition durant leur présidence. Si le G20 devait se réunir sans grand objectif et sans prendre de grande décision, le G20 n'y survivrait pas.
Deuxième remarque sur la gouvernance mondiale : je ne reviendrai pas sur la nécessité de la réforme de l'ONU, si ce n'est pour dire que la France ne renoncera jamais à son droit de véto.
D'ailleurs, je ne connais pas un seul pays ayant le droit de véto qui viendrait dire qu'il y renonce. Ce serait une idée folle, que personne d'ailleurs ne demande à la France, personne. Mais il faut élargir le Conseil de sécurité.
A ceux qui voudraient remplacer le droit de véto de la France par une représentation européenne, je dis « cela n'a aucun sens ». Parce que cela voudrait dire que ce droit de véto européen serait condamné à la paralysie. Si nous avions dû attendre que tout le monde soit d'accord en Europe pour intervenir en Lybie, nous parlerions encore d'une intervention libyenne sur les cendres de Bengazi. Et au moment de l'intervention en Irak, où la France, justement -- hommage rendu à Jacques CHIRAC -- n'est pas intervenue, quelle aurait été la position des représentants dits européens. Cela n'a pas de sens. Mais il faut élargir le Conseil de sécurité pour que des grands pays soient représentés, parce qu'ils y ont leur place et pour que tous les continents puissent y être représentés.
Il faut des méthodes nouvelles. Je pense à l'OMC £ enfin, le cycle de Doha est dans l'impasse. Les négociations de Doha, c'est un échec. Combien faut-il d'années pour qu'on en tire les conclusions ? Et pourquoi c'est un échec ? Pour une raison très simple, c'est que les paramètres de la négociation sont faux. Le cycle de l'OMC, c'est un cycle de négociations entre, d'un côté, les pays pauvres et, de l'autre, les pays riches. Ce monde existait il y a 20 ans £ il n'existe plus aujourd'hui. Il y a 20 ans, on pouvait dire « il y a d'un côté les pays pauvres et, de l'autre, les pays riches ». Aujourd'hui, il y a les pays développés, comme l'on dit, les pays les plus pauvres et, au milieu, les pays en voie de développement, émergents qui sont plus proches des pays industriels et riches que des pays pauvres. Entamer une négociation commerciale sur le mythe d'un monde binaire, c'est la certitude de l'échec.
J'ajoute que je ne crois pas à ces négociations à 170 ou à 175, où on signe un accord sur tout et on ne signe un accord sur rien. Permettons, au sein de l'OMC, qu'il y ait des négociations bloc à bloc : la Chine avec l'Europe, le Japon avec les États-Unis, l'Afrique avec l'Europe. Changeons nos méthodes. Nous sommes au XXIème siècle, les règles du XXème ne peuvent plus fonctionner.
Alors, pour terminer, vous me trouverez peut-être sombre. Il y a pourtant des motifs d'espoir. Je les vois dans le développement de l'Afrique, qui ne cesse de nous étonner. Cette Afrique dont tant d'observateurs et de prétendus spécialistes disaient qu'elle allait mal. L'Afrique, sous nos yeux, se développe économiquement et progresse démocratiquement. Cher Abdou DIOUF, c'est une excellente nouvelle. Où est la faillite de l'Afrique dont on nous parlait ? Nombreux sont les pays africains qui ont des taux de croissance que nous leur envions. Et les progrès de la démocratie en Afrique sont incontestables. Bonne nouvelle aussi, le développement du continent sud-américain. Sa stabilité, mais aussi son développement autour de pays comme le Brésil, qui obtient des résultats remarquables. N'oublions pas les discussions sur la lutte contre le réchauffement climatique. Ce n'est pas parce que cela sort de l'actualité que cela doit sortir des préoccupations des responsables d'Etats. Je le dis d'autant mieux que l'Union Européenne prendra ses responsabilités £ mais la part de l'Union Européenne dans les émissions mondiales de gaz à effet de serre n'est plus que de 11% du total et ne cesse de se réduire.
Mesdames et Messieurs les Ambassadeurs, merci de m'avoir prêté votre attention. Je forme à mon tour des vux pour chacun de vos pays, pour chacun de vos dirigeants, et puis je forme des vux pour vous-même. Alors quels vux pourrais-je former pour vous ?
Et bien que l'année 2012 voie vos gouvernements vous maintenir à Paris. Car, après tout, n'est-ce pas les vux les plus chaleureux qu'on peut former pour des gens qu'on respecte et qu'on aime ? Et de vivre et de continuer à vivre dans la plus belle capitale, permettez que je le dise, du monde ?
Alors, que 2012 vous voie demeurer à Paris, avant que 2013 ne vous voie franchir une nouvelle étape dans vos carrières brillantes, pour que Paris soit au fond votre tremplin.Bonne année à tous. Merci.