25 novembre 2011 - Seul le prononcé fait foi

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Déclaration de M. Nicolas Sarkozy, Président de la République, sur la politique énergétique de la France notamment en matière d'énergie nucléaire, à Pierrelatte (Drôme) le 25 novembre 2011.

Madame et Messieurs les Ministres
Mesdames et Messieurs les élus de la Drôme, de l'Ardèche, du Gard et du Vaucluse,
Messieurs les Présidents PROGLIO et OURSEL,
Mesdames et Messieurs,
Il était essentiel pour moi d'être aujourd'hui auprès de vous ici, au Tricastin, alors qu'un débat politique s'est engagé dans notre pays sur l'énergie, et en particulier sur l'énergie nucléaire.
Avant toute chose, chacun comprendra que je tienne à saluer la mémoire de Georges BESSE dont le nom et le souvenir restent attachés à l'histoire du site du Tricastin, et de l'usine d'enrichissement d'uranium qu'il a voulu et qu'il a contribué à élever ici.
Georges BESSE, ce grand industriel, a payé de sa vie la folie des idéologues et la violence des idéologies. Son assassinat eut lieu le 17 novembre 1986, il y a vingt-cinq ans, presque jour pour jour. Depuis, la violence politique n'est plus, en France, qu'un mauvais souvenir mais la famille de Georges BESSE, elle, pleure toujours un mari et un père.
Hommage soit donc rendu ici à l'un de ces hommes, à l'un de ces ingénieurs français, à l'un de ces industriels français qui ont contribué à construire cette filière nucléaire dont la France peut être fière et qui nous donne cette indépendance énergétique dont nous ne pouvons que nous féliciter.
Jusqu'à aujourd'hui, l'uvre à laquelle a contribué George BESSE, une politique énergétique assurant l'indépendance nationale, faisait l'objet d'un consensus.
Un consensus qui réunissait la gauche et la droite, quelle que soit la famille politique qui était au pouvoir.
Un consensus qui réunissait l'ensemble des confédérations syndicales et patronales.
Un consensus, mes chers compatriotes, vieux de plus de 65 ans, et que personne, absolument personne jusque-là, n'avait jugé bon de remettre en question.
Ce consensus est aujourd'hui remis en cause. Que nous le voulions ou non, la question de notre stratégie énergétique, de notre politique nucléaire fait désormais l'objet de divisions profondes.
A l'évidence, le débat est toujours légitime dans une démocratie. Mon rôle en tant que chef de l'État est d'éclairer les choix qui seront faits par les Français et aussi, parce que c'est ma première responsabilité, de rappeler quel est l'intérêt supérieur de la France. L'intérêt supérieur de la France compte bien d'avantage à mes yeux que l'intérêt politique partisan de la droite ou de la gauche. Le nucléaire n'est ni de droite, ni de gauche. Il est l'intérêt supérieur de la France.
Dès la fin de la Seconde Guerre Mondiale, le Général de GAULLE confiait à Raoul DAUTRY et Frédéric JOLIOT-CURIE la tâche de mettre en place une organisation scientifique, technique et industrielle afin de permettre à la France de maîtriser l'énergie atomique. Et c'est trois ans plus tard qu'était mise en fonction la première pile atomique Zoé,
Cette aventure scientifique et industrielle, engagée par le gouvernement issu du programme du Conseil National de la Résistance, a été poursuivie par les gouvernements de la IVème République puis est devenue une réalité industrielle sous l'impulsion du Général de GAULLE et de tous ses successeurs.
Si Georges POMPIDOU et Valéry GISCARD-D'ESTAING ont pris les décisions majeures concernant le parc actuel, je veux rappeler, parce que c'est la vérité, que 40 réacteurs nucléaires sur les 58 de notre parc nucléaire ont été raccordés au réseau sous les deux septennats de François MITTERRAND et que François MITTERRAND lui-même a engagé la construction de 13 de ces réacteurs nucléaires. On reconnait un homme d'Etat à sa capacité à se hisser au-dessus des intérêts partisans pour faire le choix de la France.
Jamais le Président MITTERRAND n'a remis en question l'héritage industriel et nucléaire de ses prédécesseurs, car il était soucieux de l'indépendance énergétique de la France. Jamais il n'a remis cet héritage en cause.
Je voudrais tout d'abord préciser l'enjeu du débat. Il ne s'agit nullement d'engager une simple réflexion sur la diversification de notre production d'électricité. Il s'agit bien pour certains de préparer, purement et simplement, la sortie de la France de la filière nucléaire.
En effet, comment considérer autrement la proposition de fermer 24 réacteurs et de s'interdire d'en construire de nouveaux, si ce n'est la destruction de la filière industrielle nucléaire française ?
Une telle décision, - la fermeture de 24 réacteurs et l'interdiction d'en construire de nouveaux -, implique de facto que le savoir-faire technologique et que les trésors d'intelligence et de recherches accumulés depuis près de sept décennies, et indispensables à la réalisation de réacteurs nucléaires, seront inéluctablement perdus à jamais.
Devant un tel danger, car c'est un danger, je me dois, en tant que chef de l'État, d'appeler chacun à ses responsabilités et de rappeler aux Français ce qu'ils doivent à la filière nucléaire française. Je veux que, le moment venu, les Français puissent faire un choix en toute connaissance de cause.
Notre parc nucléaire constitue une force, une force économique, une force stratégique considérable pour la France. Le détruire aurait des conséquences -- j'ose le mot - dramatiques.
Mettre un coup d'arrêt au développement et à la modernisation de notre filière nucléaire serait d'abord porter un coup très dur à l'activité et à l'emploi dans notre pays.
Notre parc de centrales nucléaires fait vivre une filière industrielle qui représente, pour ses acteurs comme pour ses sous-traitants, 240 000 emplois. Avons-nous les moyens de détruire des milliers d'emplois en pleine crise ? Poser la question, c'est y répondre. A quoi il convient évidemment d'ajouter les retombées considérables dans tous les bassins d'emplois concernés.
Imaginez ce que représenterait ici l'arrêt des quatre réacteurs du Tricastin et de l'ensemble des installations du cycle, pour les 7 000 personnes qui travaillent sur ce site, pour l'ensemble de leurs fournisseurs, pour tout un bassin d'emploi. Mesdames et Messieurs les élus, que vous soyez de gauche, de droite ou du centre, ce serait un cataclysme ! Imaginez ce que représenterait l'arrêt de la filière nucléaire pour la Région Rhône-Alpes, où elle emploie 25 000 personnes. Ce serait une catastrophe.
Plus grave encore, arrêter le développement et la modernisation de notre filière nucléaire serait porter un coup absolument fatal à la compétitivité de notre économie.
Les activités dites électro-intensives, c'est-à-dire qui utilisent massivement l'électricité dans leur processus de production, assurent dans notre pays 150000 emplois. Pour eux, pour ces emplois, l'électricité représente aujourd'hui 5 à 15 % du prix de revient de leurs produits, et cela peut aller dans certains secteurs, je pense à l'aluminium, jusqu'à 30 à 40 % du prix de revient.
Ces industries électro-intensives font face à la concurrence de pays émergents qui bénéficient déjà de sources d'approvisionnement à bas coût.
Une augmentation sensible du coût de l'électricité pour ces industries induirait inévitablement, par exemple, la fermeture de nos usines d'aluminium. Est-ce ce que nous cherchons ? Dans quel but, pour quelle raison ?
Ce matin, j'ai visité le site d'Isover - Saint Gobain. Croyez-vous qu'il y aurait une seule chance que ce site survive en cas de doublement du prix de l'électricité ? Qu'elles produisent de la laine de verre, des produits chimiques, de l'aluminium et de l'acier, ces usines dépendent de l'énergie bon marché assurée par notre parc électronucléaire.
Sortir du nucléaire, c'est donc remettre en cause l'industrie. Ce sont des pans entiers de notre industrie qui s'écrouleraient. En tant que chef de l'Etat, je ne peux pas l'accepter.
Au-delà même des secteurs industriels électro-intensifs que je viens d'évoquer, d'autres secteurs utilisent l'électricité dans leur processus de production. Une hausse de 10 % du prix de l'électricité représente automatiquement 1 milliard d'euros de coûts supplémentaires pour notre industrie. Je vous laisse imaginer ce qu'il adviendrait si les plans dont j'entends parler étaient mis à exécution. Dans la crise que nous connaissons a-t-on besoin de rajouter, en plus de toutes nos difficultés, la fermeture, alors que personne ne nous le demande, que personne ne nous y oblige, de 24 centrales nucléaires qui assurent la compétitivité de notre industrie en garantissant des prix d'énergie bas ?
Aujourd'hui, la bataille essentielle pour vous, c'est celle de l'emploi, c'est celle de la compétitivité. Dans la bataille internationale, les Chinois, les Indiens, les Brésiliens, les Africains bénéficient de coûts salariaux moins élevés. Pour quelle raison devrions-nous renoncer à notre avantage énergétique durement acquis par sept décennies d'efforts ? Après avoir fait les 35 heures, au moment où l'Allemagne s'engageait dans la voie de la réforme du marché du travail, je pose la question : faut-il vraiment à toute force ajouter un nouveau boulet aux pieds de nos industries ?
Mon objectif, ma mission, c'est l'emploi, l'emploi des salariés d'Isover, que j'ai vus ce matin. L'emploi de centaines de milliers d'ouvriers de France qui veulent que la France demeure une terre d'usines, une terre de production.
Le parc nucléaire chauffe et éclaire chacun d'entre nous. Mettre un coup d'arrêt au développement de notre parc nucléaire c'est porter un coup très dur au pouvoir d'achat des Français.
Comment peut-on envisager d'ajouter à la charge des ménages plusieurs centaines d'euros par an sur leur seule facture d'électricité ? Je vais donner des chiffres. Que ceux qui les contesteront apportent les preuves aux Français. Mes chers compatriotes, le coût de l'électricité pour les ménages allemands est d'ores et déjà le double de ce qu'il est en France. Pour un ménage qui consomme en moyenne 3500 Kwatt/heure par an, la facture est de 860 euros en Allemagne, elle est de 453 Euros en France. Veut-on doubler la facture d'électricité des ménages français ? Pense-t-on que le pouvoir d'achat va si bien que l'on peut faire cette ponction alors que personne ne nous le demande, que personne ne nous y oblige ?
Je ne critique pas ici les choix de l'Allemagne, mais pour la France, je le dis, je n'accepterai pas de laisser supporter par des millions de foyers, surtout les plus modestes, le poids financier d'une décision qui est purement, simplement, exclusivement, idéologique.
Mettre un coup d'arrêt au développement et à la modernisation de notre filière nucléaire, c'est encore porter un coup à l'indépendance de la France.
Notre parc nucléaire assure notre indépendance. Il a permis à notre pays de réduire drastiquement sa consommation de pétrole par rapport au début des années 70.
Renoncer au nucléaire conduit inévitablement à importer des énergies fossiles en quantités considérables comme tous les pays qui ne disposent pas de l'atout nucléaire. Veut-on vraiment que nous nous mettions dans la main des producteurs de pétrole ? Considérons-nous vraiment que la situation soit si stable dans le monde, que l'on puisse se mettre dans la main des fournisseurs de pétrole ?
Si la France est aujourd'hui une Nation écoutée, c'est parce qu'elle est une puissance économique, une puissance militaire, mais également une puissance énergétique.
Les Français sont-ils prêts à sacrifier, demain, leur indépendance énergétique et donc leur souveraineté nationale ?
Je m'y refuse.
Enfin, il ne peut pas y avoir une politique environnementale sans l'industrie nucléaire.
La production d'électricité en France est faiblement émettrice de CO2. Savez-vous que l'économie française aujourd'hui émet, pour la production d'électricité, 10 fois moins de CO2 dans l'atmosphère que l'Allemagne, où l'électricité provient à 43 % du charbon ? Quel drôle d'engagement pour la protection de l'environnement que de vouloir qu'un des pays d'Europe qui produit le moins de CO2 se retourne vers le charbon pour en produire davantage !
Renoncer au nucléaire conduirait à remettre en cause les objectifs que nous nous sommes fixés en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre.
Alors j'entends bien que ceux-là même qui souhaitent le démantèlement total ou partiel de notre filière nucléaire proposent de lui substituer des énergies renouvelables. Je soutiens ces énergies et j'y reviendrai dans un instant. Mais enfin soyons réaliste, tout est une question de mesure. Il faut dire la vérité aux Français, la filière des énergies renouvelables n'a pas vocation à venir se substituer à la filière nucléaire. Elle est là pour venir remplacer à terme, toutes les énergies « carbonées ». Les énergies renouvelables sont complémentaires de l'énergie nucléaire. Vouloir les opposer, vouloir substituer, à terme, l'une à l'autre entrainerait notre pays dans une explosion de dépenses.
Pour que chacun comprenne bien ce que cela représente, prenons un exemple concret.
Supposons que l'on décide de remplacer par des centrales photovoltaïques les 4 réacteurs actuels du Tricastin, soit le sixième du programme de suppression de réacteurs qui est envisagé. Savez-vous combien cela coûterait ? 5 milliards d'euros par an aux consommateurs français. Pour une raison, c'est que le coût de production de l'énergie photovoltaïque représente 5 à 10 fois le coût de production de l'électricité nucléaire. Je ne doute pas, bien sûr, que la technologie photovoltaïque dispose de marges de progression importantes, mais, même divisé par 2, le coût d'une telle substitution énergétique resterait absolument prohibitif. Mais pourquoi voudrions-nous multiplier par 2 le coût de notre énergie ? Y a-t-il une raison autre que l'idéologie ?
Prenons un autre exemple avec l'éolien. Le coût de l'électricité produite par les éoliennes est le double de celui produit par notre parc nucléaire. Ce coût ne baissera pas significativement dans les années qui viennent. Ce sont donc 30 000 éoliennes qu'il faudrait installer dans notre pays pour remplacer les 24 réacteurs nucléaires promis à l'arrêt. Le coût d'un tel choix politique : 115 milliards d'euros d'investissements. Qui paiera ? Et où trouvera-t-on cet argent ? Tout cela par idéologie, pour fermer 24 centrales.
Qui accepterait par ailleurs de voir la France et ses paysages recevoir l'implantation de 30 000 éoliennes ? C'est proprement impensable. La France a hérité de l'Histoire les paysages que nous connaissons, ces paysages ne sont pas simplement un patrimoine naturel, ils constituent un patrimoine culturel parmi les plus riches au monde. Imaginez-vous 30 000 éoliennes ?
Au demeurant, ceux qui promettent le remplacement du nucléaire par des énergies renouvelables, - je vais employer un mot fort -, mentent, ils mentent aux Français.
En effet, les énergies renouvelables sont, par nature, intermittentes et l'électricité n'est pas stockable. La nuit, il n'y a pas de soleil, pardon de le rappeler ! Il faudrait donc construire un nombre important de centrales à gaz, et réinvestir massivement dans la construction du réseau de transport d'électricité et de gaz, partout à travers la France.
Des dizaines de milliards d'euros supplémentaires seraient nécessaires et, au final, des importations de gaz supplémentaires à hauteur de 5 milliards d'euros par an. Pensez-vous que le déficit de notre balance du commerce extérieur est insuffisant, qu'il faut renoncer au nucléaire pour acheter plus de gaz et plus de pétrole ?
Et bien je ne laisserai pas la France s'engager dans une politique de dépenses massives qui menacera directement ses équilibres économiques et sa compétitivité. Je m'opposerai à la remise en cause de l'énergie nucléaire pour notre pays.
Est-ce à dire que la politique énergétique de la France doit se limiter aujourd'hui à la poursuite de l'effort engagé par mes prédécesseurs ? Certes non.
Depuis 2007, le gouvernement a conduit une politique visant à promouvoir, avec le Grenelle de l'environnement, le développement d'une économie décarbonnée.
Nous avons d'abord mis l'accent sur l'amélioration de l'efficacité énergétique, car - Nathalie KOSCIUSKO-MORIZET le dit souvent à juste titre - l'énergie la moins chère est celle que l'on ne consomme pas.
L'énergie que nous consommons dans nos logements représente 43 % de la consommation. Notre objectif est de réduire cette consommation de 40 % à l'horizon de 2020. Nous consacrons à cet objectif des moyens considérables.
Nous avons engagé un effort sans précédent, jamais dans l'histoire de la République française on n'a fait autant d'efforts pour les énergies renouvelables que depuis 2007.
Notre objectif est que 23 % de la consommation d'énergie des Français en 2020 soit de l'énergie renouvelable. Je rappelle pour mémoire qu'en 2005, ces énergies représentaient 9,5 %, pourcentage qui n'avait pas évolué depuis l'achèvement du programme de barrages hydroélectriques.
La politique que nous avons mise en uvre a permis de développer considérablement les énergies renouvelables qui sont passées à 13 % de la consommation énergétique à la fin de l'année dernière.
Quelques chiffres : entre 2005 et 2011, la capacité éolienne, en France, a été multipliée par 8. Complémentarité vous disais-je, nucléaire et renouvelable. Notre pays installera 6 000 mégawatts de capacité de production éolienne offshore d'ici 2020.
Nos efforts ont été considérables sur la biomasse, le biogaz, tant pour la production de chaleur, que pour la production d'électricité. Cela permettra, par exemple, de reconvertir à Gardanne une centrale à charbon qui était vouée à la fermeture.
Le parc photovoltaïque a été développé : il a été porté de 2 mégawatts à 1700 mégawatts aujourd'hui.
Le développement des énergies renouvelables ne peut et ne doit se faire qu'à un rythme soutenable.
En somme, à contrario des objectifs idéologiques. Notre objectif est de développer les renouvelables.
Cette stratégie implique de conforter la filière nucléaire et de développer la filière renouvelable.
Un mot, pour terminer, sur une question centrale qui est celle de la sûreté nucléaire. Nous devons entretenir notre capacité à construire des réacteurs restés à la pointe de la technologie dans ce domaine. Renforcer la cohésion de notre filière et valoriser notre savoir-faire à l'exportation. Par parenthèse, on m'expliquera comment après avoir fermé 24 réacteurs nucléaires on ira dire aux Chinois et aux Indiens « venez nous acheter nos centrales nucléaires. » Je crains un succès mitigé !
Le nucléaire ne peut se concevoir que si le plus haut niveau de sûreté est garanti. Et en la matière, il ne serait y avoir le moindre compromis.
Au demeurant, si l'on considère que l'énergie nucléaire n'est pas sûre, alors je recommande à ceux qui le pensent d'en tirer les conséquences et d'arrêter l'ensemble des réacteurs. Pourquoi 24, pourquoi pas 58 ? Si le nucléaire est dangereux, il faut donc arrêter tout le nucléaire, mais en arrêter 24, et laisser les autres je crains que cela n'ait guère de sens. Il ne peut pas y avoir de demi-mesure en termes de sécurité. Les décisions symboliques n'ont jamais protégé personne.
Par ailleurs, comment prétendre vouloir défendre la sûreté nucléaire en gardant les vieilles centrales et en s'interdisant de construire des réacteurs de nouvelle génération, qui, par nature, sont plus sûrs que les réacteurs plus anciens ? Quelle curieuse conception de la protection des Français ! « Gardez vos vieilles centrales, n'en construisez pas de nouvelles. » La sécurité va régresser !
Comment garantir la sûreté d'un parc que l'on aurait voué au dépérissement progressif et confié à des exploitants dont la seule perspective serait la fin de leur activité ?
Ce serait un total non-sens. N'est-on pas fiers d'EDF, n'est-on pas fiers d'AREVA ? AREVA et EDF ne sont-elles pas des fleurons de l'industrie française ? Que serait EDF, et que serait AREVA, avec l'arrêt de la filière nucléaire ? A-t-on suffisamment de grandes entreprises pour dire à nos concurrents « rassurez-vous, nous on arrête, vous continuez » ? Quel choix intelligent ! Quelle vision, quel avenir, quelle promesse pour les emplois, pour vos enfants ? C'est un non-sens.
Sur la sûreté, il n'y aura aucun compromis et pour cela, la seule réponse, c'est l'indépendance et la transparence des expertises des organismes chargés de la sûreté.
Nous avons mis en place en France un système de sûreté reconnu au niveau mondial, fondé sur une autorité indépendante, l'ASN, et un institut d'expertise de très haut niveau, l'IRSN.
Notre système a été défini par la Loi sur la transparence et la sûreté nucléaire qui a apporté des avancées déterminantes. Je rappelle qu'à l'époque le gouvernement de Monsieur JOSPIN n'avait pas réussi à faire voter un tel texte. Ce système fonctionne sur le principe de la transparence absolue.
Le Japon a été touché en mars dernier par un séisme et un tsunami d'une ampleur exceptionnelle. J'ai été le premier Chef d'État à m'y rendre pour manifester notre solidarité à ce pays ami.
L'une des conséquences dramatiques de cette catastrophe naturelle a été l'accident de la centrale nucléaire de Fukushima. Cette centrale n'avait pas incorporé les améliorations de sûreté qui auraient permis d'éviter cet accident.
Nous avons immédiatement décidé d'en tirer les leçons, nous avons lancé un audit de sûreté sur la totalité des installations nucléaire de notre parc pour faire un retour d'expérience sur Fukushima. Nous l'avons fait non seulement pour les réacteurs comme cela se pratique dans les autres pays, mais nous l'avons fait également sur toutes les autres installations de la filière nucléaire, sans exception.
Nous y avons intégré les facteurs humains et les questions relatives à la sous-traitance qui, je le sais, tiennent particulièrement à cur, à juste titre, aux salariés de la filière.
Conduit dans un cadre de totale transparence, notre exercice de sûreté est l'un des plus ambitieux au niveau mondial. D'ores-et-déjà les opérateurs ont fait d'importantes propositions d'amélioration des installations. Elles sont en cours d'analyse par les experts qui font des points d'étapes publics régulièrement.
Les résultats de ces analyses et les conclusions de l'autorité de sûreté seront connus au tout début de l'année 2012. Je le dis solennellement, le gouvernement suivra l'intégralité des conclusions de l'ASN. Nous ne transigerons pas dans ce domaine, et les investissements nécessaires seront faits.
C'est aussi au début de l'année prochaine que sera remis le rapport sur les coûts nucléaire que j'ai demandé à la Cour des Comptes.
La deuxième condition pour conforter notre filière, c'est qu'elle puisse développer des projets en France comme à l'export. S'agissant de la France, je veux le redire ici, nous maintenons le projet de construire un réacteur à Penly. Mais, mes chers compatriotes, le lancement de nouveaux projets en France est une condition absolument indispensable pour projeter notre savoir-faire à l'exportation, car l'énergie nucléaire a un avenir et continuera de se développer partout à travers le monde. De grands pays émergents comme la Chine et l'Inde, soucieux de leur approvisionnement en énergie et de leur indépendance, font le choix de l'énergie nucléaire. Pourquoi devrions-nous tourner le dos à ce choix ?
Dans ce contexte, ce serait folie que de renoncer au formidable avantage compétitif que nous offrent notre expérience, notre savoir-faire technologique et l'exemplarité de nos propres installations ?
C'est dans cette perspective que j'ai souhaité une filière nucléaire unie, en resserrant les liens entre EDF et AREVA.
Il faudra poursuivre l'innovation. En plus des moyens habituels dont bénéficie le CEA, nous avons décidé de consacrer un milliard d'euros à la filière nucléaire dans le Grand emprunt, avec quatre volets : la réalisation du réacteur d'expérimentation Jules Horowitz, la réalisation d'un démonstrateur de réacteur de 4ième génération Astrid, un programme de recherche sur la sûreté et des recherches sur l'amélioration des techniques de stockage et d'entreposage des déchets.
Je précise que cela ne remet en rien en cause mon engagement de parité entre les efforts de recherche pour le nucléaire et les renouvelables, puisque le grand emprunt est aussi fortement mobilisé sur ce sujet, à hauteur de 2,6 milliards d'euros.
Mesdames et Messieurs,
Nous sommes à une époque où le monde est devenu un village. Ce qui se passe à l'autre bout du monde vous est immédiatement porté à la connaissance par des images, mais il n'est pas le temps de revenir à l'époque du Moyen Age, des peurs moyenâgeuses, où l'on se méfiait du progrès, où l'innovation et la recherche étaient comme frappés d'un procès en sorcellerie. Il faut croire à la recherche, il faut croire au progrès, il faut croire à la science, il faut croire à la capacité de la France de rester une grande nation grâce à l'intelligence des chercheurs, des intellectuels et des scientifiques français. On ne va pas retourner à l'époque de la bougie, on ne va pas tourner le dos au travail de 6 décennies d'ingénieurs et de chercheurs français. Soyons fiers de ce qu'ils nous ont donné, de ce qu'ils nous ont apporté. Devrions-nous être le seul pays qui tourne le dos au progrès ?
J'étais il y a trois jours devant les ouvriers de l'industrie spatiale, à Toulouse. Je leur ai dit : « si on remet en cause la recherche dans le nucléaire, mais viendra le procès du spatial, puis viendra le procès de l'aéronautique, puis viendra le procès de la robotique, puis on est déjà dans le procès de l'automobile. Dans quelles usines irez-vous travailler ? Et quels seront les emplois pour vos enfants ? » C'est donc un choix majeur, mes chers compatriotes. Ce choix, ce n'est pas moi qui l'ai fait, j'ai hérité des bonnes décisions, des justes décisions de mes prédécesseurs et je n'ai pas l'intention de brader l'héritage que nous ont laissé ceux qui nous ont précédés. J'ai au contraire l'intention de laisser à nos successeurs et à nos enfants une société plus moderne, plus juste.
Je vous remercie.