4 février 2011 - Seul le prononcé fait foi

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Conférence de presse de M. Nicolas Sarkozy, Président de la République, sur la convergence économique au sein de la Zone euro et sur l'Union européenne face à la situation politique en Egypte, à Bruxelles le 4 février 2011.

LE PRESIDENT -- Mesdames et Messieurs, pardon de vous avoir fait attendre et travailler jusqu'à tard un vendredi soir, mais c'était vraiment une réunion extrêmement importante qui nous a permis d'aller jusqu'au bout des raisonnements.
Les décisions qui ont été prises sont un cheminement. Les décisions définitives seront prises au mois de mars. Mais d'ores et déjà, qu'est-ce qui est acté ?
Il est acté que les pays membres de la zone euro doivent intégrer davantage leurs politiques économiques. Cela se traduira par des propositions qui seront faites par le Président VAN ROMPUY, dès le mois de mars. C'est une réponse structurelle aux problèmes qu'a connus la zone euro.
Deuxième chose qui est actée, l'idée que les questions afférentes à l'euro et à son avenir soient traitées dans le cadre d'une réunion des chefs d'Etat et de gouvernement de la zone euro.
Qu'est-ce qui est acté ? L'idée qu'il nous faut un pacte pour renforcer notre convergence et notre compétitivité. Ce pacte concerne qui ? D'abord les pays membres de la zone euro. Mais les pays non membres de la zone euro qui voudront adhérer à ce pacte, participer à ce pacte, pourront le faire.
Autrement dit, en schématisant, il y aura trois types de réunion : les problèmes stricts de l'euro seront traités à dix-sept, dans le cadre des réunions des chefs de gouvernement et des chefs d'Etat de la zone euro £ ou bien sûr dans le cadre des réunions de leur groupe des ministres des Finances.
Les problèmes afférents au pacte de compétitivité seront traités dans un cadre que j'appellerais « dix-sept plus », c'est-à-dire tous ceux qui voudront adhérer à ce pacte.
Et bien sûr, il y aura les réunions du Conseil européen à vingt-sept.
Au mois de mars, la décision a été prise de convoquer un sommet des chefs d'Etat et de gouvernement de la zone euro pour traiter ces questions, indépendamment du Conseil européen qui doit se tenir au mois de mars. Voilà, je ne peux pas vous dire à quelle date exactement, mais c'est la décision qui a été prise.
C'est donc une étape extrêmement importante qui est franchie, qui sera définitivement franchie au mois de mars quand nous nous serons mis d'accord sur le contenu exact du pacte de convergence pour la compétitivité. Mme MERKEL et moi, comme vous le savez, nous avons beaucoup travaillé sur cette question, nous avons des idées sur cette question et pour rassembler le maximum d'Etats autour de ces idées, nous avons choisi de ne pas mettre un papier sur la table et de demander au Président VAN ROMPUY, sur la base des idées que nous lui avons fait passer, de rassembler le plus grand consensus et nous déciderons au mois de mars.
Et puis nous avons eu une longue discussion sur la situation en Egypte, qui a conduit à un communiqué sans ambiguïté des vingt-sept Européens. Dans ce communiqué, nous condamnons avec une grande force les atteintes au droit de la presse, à la liberté d'informer et les menaces qui ont été proférées ou commises à l'endroit des journalistes. Ces comportements et ces menaces sont inacceptables. Les vingt-sept Européens ont également indiqué le soutien au peuple égyptien dans son aspiration à la liberté, au respect des droits de l'Homme et à la construction d'une vie démocratique, authentique en Egypte. Et nous souhaitons que cette transition démocratique s'organise avec beaucoup de sérénité.
Si vous avez des questions à me poser, j'y répondrai bien volontiers.
QUESTION -- Monsieur le Président, le « vendredi du départ », la « journée du départ », c'est comme cela qu'on a baptisé la manifestation qui continue de se tenir aujourd'hui au Caire. Est-ce que pour vous aussi, cela doit être la journée du départ du Président MOUBARAK ? Est-ce que vous considérez que la transition très rapide que vous appelez est compatible avec son maintien à la tête de l'Etat égyptien ?
LE PRESIDENT -- Nous avons condamné, je condamne sans ambiguïté toutes les atteintes au droit de l'Homme, les atteintes à la liberté de la presse. De ce point de vue, j'ai été choqué de ce qui s'est passé à l'endroit des journalistes, quelle que soit leur nationalité, au Caire hier et avant-hier. Les menaces sur la pesse sont inadmissibles et inqualifiables.
Deuxièmement, les inspirations à la démocratie du peuple égyptien doivent être satisfaites.
Pour le reste, je ne suis pas égyptien et ce n'est certainement pas à moi de dire qui doit prendre la responsabilité, quand et comment. Ce qui compte, c'est que la transition démocratique se fasse sans tarder. Et les Egyptiens auront à conduire souverainement ce mouvement.
Je ne suis pas persuadé que nous devons, nous qui ne sommes pas égyptiens, intervenir dans le calendrier, dans les modalités ou dans les personnalités qui seraient susceptibles de conduire à ce processus.
Nous condamnons la violence, nous condamnons ce qui s'est passé sans aucune ambiguïté, nous voulons un processus démocratique sans délai et nous laissons aux Egyptiens le soin de déterminer qui doit le conduire et comment.
QUESTION -- Sur les journalistes, pas les brimades peut-être, mais les intimidations continuent apparemment aujourd'hui. Est-ce que vous estimez qu'il faut aller un peu plus loin qu'une simple déclaration -- qui est déjà une déclaration --, mais aller sur des gestes diplomatiques peut-être plus forts, avec convocation des ambassadeurs égyptiens avec les vingt-sept.
LE PRESIDENT -- Ecoutez, ce qui s'est passé est inacceptable. Et si cela devait se poursuivre, cela aurait des conséquences graves dans les relations que nous pourrions avoir avec un pays, quel qu'il soit, qui se laisserait aller à un tel comportement à l'endroit de journalistes, quelle que soit par ailleurs, leur nationalité.
QUESTION -- Comment évaluez-vous le risque islamiste en Egypte et d'arrivée aux pouvoirs des Frères musulmans ? Quelle risque de contagion y a-t-il, selon vous, aux pays de la péninsule arabique, notamment les plus démocratiques d'entre eux si on peut parler comme cela. Et autre question, excusez-moi je reviens sur l'Europe. Non vous ne voulez pas ? On la posera après.
LE PRESIDENT -- Non, je n'ai rien dit.
D'abord comment j'évalue ? Je ne suis pas Egyptien, j'aurais bien du mal à évaluer quoi que ce soit. Je dis simplement que le raisonnement qui consisterait à refuser un processus démocratique au seul motif qu'il y a un risque que cela tourne mal en termes d'intégrisme, ce n'est pas un raisonnement qui peut être acceptable. Le risque existe toujours. Mais on ne peut pas refuser une aspiration démocratique parce qu'il y a un risque. Mais enfin il y a des exemples dans l'histoire où cela a tourné mal, je pense à l'Iran. Mais pour autant, est-ce qu'on peut empêcher l'expression démocratique sous prétexte qu'il y a ce risque ? Je pense que non.
Y a-t-il un risque de contagion. On y est déjà, si j'en juge par ce qui s'est passé en Tunisie et ce qui s'est passé en Egypte, même si comparaison n'est pas raison. Encore une fois, est-ce qu'on peut condamner une aspiration démocratique au motif qu'il y a ce risque ? Non.
J'essaie de vous répondre le plus sincèrement possible et en même temps, je vois bien -- et vous avez vu un certain nombre de déclarations sur la main de l'étranger --, je vois bien que si on soutient sincèrement cette aspiration démocratique du peuple égyptien, comme du peuple tunisien, on doit s'en tenir à des principes très clairement, très fermement affichés et défendus et résister à la tentation -- que l'on peut comprendre -- d'une ingérence qui se retournera alors exactement contre tous ceux qui aspirent à une authentique démocratie égyptienne. Parce que vous connaissez l'histoire de ces pays et la sensibilité de ces questions.
Vous voyez ce que je veux dire, plus on est ferme sur ces principes, plus je pense que l'on doit résister à la tentation non pas d'aller plus loin dans la défense des principes, au contraire, mais parfois de mettre un nom sur les principes qui, à ce moment-là, feraient apparaitre telle ou telle personnalité de la vie politique de ces pays comme étant soutenu par l'étranger. Et vous savez très bien que c'est ce qui s'est passé bien des fois dans le passé et que cela n'a pas toujours conduit à la bonne solution.
Il n'en reste pas moins que si les intimidations et les violences à l'endroit de manifestants pacifiques et à l'endroit de journalistes -- qui, quand même, représentent un symbole, celui de la liberté d'informer -- devaient perdurer, nous ne pourrions pas l'accepter.
Sur l'Europe, je n'ai pas entendu, enfin, ou retenu votre question, excusez-moi.
QUESTION -- Sur l'Europe, je voudrais savoir si vous êtes rentré dans les détails des demandes formulées par Mme MERKEL, c'est-à-dire : comment surmonter le veto irlandais sur une baisse ou un taux minimal, pardon, de l'impôt sur les sociétés ? Et comment surmonter ce qui tient cher à coeur aux Belges : l'indexation des salaires sur l'inflation, sachant que les Français ont aussi avec le SMIC une indexation de facto sur l'inflation ?
LE PRESIDENT -- Comme vous le savez, s'agissant de la France, nous étions il y a quelques années totalement indexé. Nous en sommes sortis fort heureusement. La seule indexation qui reste est effectivement celle du SMIC, que nous garderons.
Mais l'idée que nous avons avec Mme MERKEL, ce n'est pas d'imposer à tout le monde la même chose. Je prends l'exemple des retraites, il ne s'agit pas d'imposer la même année de départ à la retraite pour tout le monde, alors même qu'en Europe nous n'avons pas tous les mêmes critères d'espérance de vie, les mêmes espérances démographiques. Mais en revanche, on peut se mettre d'accord sur une méthode de calcul qui consisterait à faire rythmer le nombre d'années de cotisation nécessaires pour prendre sa retraite avec l'évolution de la durée de vie. Cela, c'est quelque chose que l'on peut parfaitement faire.
Sur l'impôt sur les bénéfices de nos amis Irlandais, il ne s'agit pas de nier des spécificités, mais mettons-nous au moins d'accord, pour que les comparaisons soient possibles, sur une base, sur une assiette d'impôt sur les bénéfices qui serait la même et peut-être allons vers une convergence.
Convergence ne veut pas dire identité absolue, convergence veut dire tendre vers des comparaisons, vers des rapprochements, au lieu de tendre vers des éloignements.
J'ajoute qu'il ne s'agissait pas aujourd'hui, vous l'aviez noté d'ailleurs, de prendre des décisions, enfin prendre des décisions de détail, mais d'afficher une volonté, un pacte, un gouvernement économique, une convergence.
Herman VAN ROMPUY aidé de Monsieur BARROSO conduira ces négociations dans les semaines qui viennent et à partir de ce moment-là, on verra quel sera le point d'arrivée. Il n'y a pas de rigidité. J'ai moi-même eu l'occasion de dire, par l'intermédiaire de l'un de mes collaborateurs, qu'on n'était pas d'accord avec toutes les idées qui étaient émises et que ce n'était pas un drame.
On est d'accord sur les principes : un gouvernement économique, une convergence, une intégration des politiques économiques, des réunions de la zone euro pour les problèmes de l'euro, des réunions de la zone euro ouvertes pour les problèmes de pacte de compétitivité. Voilà.
C'est déjà beaucoup ce qui a été fait aujourd'hui, c'est extrêmement important. Souvenez-vous des débats il y a un an. Il y a un an ou un an et demi, le mot de « gouvernement économique », c'était un mot, je crois que j'étais le seul à le prononcer.
QUESTION -- Monsieur le Président, je reviens à l'Egypte. Vous avez, dès le soir de votre élection, évoqué l'importance de la Méditerranée. Vous avez lancé l'Union pour la Méditerranée en 2008. Est-ce qu'au regard des événements en Tunisie et en Egypte, vous dites que cette union, qui est d'ailleurs évoqué je crois dans les conclusions, c'est la méthode à suivre et qu'il faut la relancer ou au contraire ce n'était pas une bonne approche ?
LE PRESIDENT -- Ce n'est pas un hasard si l'Union pour la Méditerranée, pour laquelle la France s'est tellement battue, est évoqué expressément dans le communiqué. Je crois que devant cette situation, non seulement l'Union pour la Méditerranée est nécessaire, mais quelle est indispensable, même s'il faudra sans doute attendre que la situation se stabilise un petit peu.
De même que la France considère qu'il est absolument indispensable que le processus de paix soit relancé entre les Israéliens et les Palestiniens pour la définition deux Etats. Et recevant le Premier Ministre palestinien hier, je lui ai indiqué combien la France serait heureuse d'organiser une conférence des donateurs à la condition expresse qu'il y ait une dimension politique. On voit bien combien la persistance de ce conflit, l'immobilisme sur la question de la sécurité d'Israël et d'un Etat palestinien complique une région qui est déjà en situation très éruptive.
QUESTION -- Mme ASTHTON devrait se rendre dans les quinze jours en Egypte. Quel sera son mandat ? Puisqu'il s'agit aussi du baptême de feu finalement du nouveau service diplomatique européen, qu'est-ce que vous répondez à Yves LETERME qui disait ce matin que Mme ASTHON ne possédait pas l'espace politique suffisant pour pouvoir s'exprimer. Bref, en d'autres termes, est-ce que vous bridez Mme ASHTON, les grandes capitales ?
LE PRESIDENT -- Oui, j'ai bien compris que ce n'était pas un message personnel. Mme ASHTON a un mandat qui a été défini par le communiqué de ce Conseil européen et je suis sûr qu'elle mènera à bien. La conception que j'ai de l'Europe, ce n'est pas que vingt-sept chefs d'Etat et de gouvernement doivent se taire, parce que nous avons la chance d'avoir Mme ASHTON. C'est que Mme ASTHON s'exprime en notre nom collectif et que nous puissions, chacun d'entre nous, apporter notre modeste plus-value quand il y a besoin. Il est certains pays de l'Union européenne qui connaissent mieux certains pays arabes que d'autres.
Non, non, elle a l'espace politique. On la bride d'autant moins qu'elle a à ses côtés comme principal collaborateur un Français de grande qualité en la personne de M. VIMONT qui est le plus haut diplomate derrière Mme ASHTON, ce qui a été une victoire pour la diplomatie française.
QUESTION -- Est-ce que vous avez le sentiment que derrière les violences organisées contre les journalistes et contre les manifestants pro-MOUBARAK, il y a eu des ordres donnés par le Président égyptien lui-même puisqu'on a retrouvé chez certains « casseurs » entre guillemets des cartes de policiers ?
LE PRESIDENT -- Je n'en sais rien, mais si ces violences et ces intimidations contre les journalistes devaient perdurer, on aurait la réponse. On aurait la réponse pour savoir si c'est un mouvement détestable mais spontané ou si c'est un mouvement détestable et organisé. C'est le temps qui va nous dire cela. Soit cela s'arrête parce que les autorités le souhaite, le décide et dans ce cas-là, nous nous en réjouirions, soit cela continue, dans ce cas-là nous ne pourrions pas l'accepter.
Merci à tous et bonne soirée.