20 novembre 2010 - Seul le prononcé fait foi

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Conférence de presse de M. Nicolas Sarkozy, Président de la République, notamment sur l'OTAN, les difficultés financières au sein de l'Union européenne et sur la Bulgarie et la Roumanie face au processus de Schengen, à Lisbonne le 20 novembre 2010.

Merci Mesdames et Messieurs. Nous avons profité d'un petit temps mort dans le sommet, en pensant que mettre la conférence de presse à ce moment-là, pendant que le Secrétaire général fait sa propre conférence de presse, peut-être que cela vous permettra de rentrer plus tôt dans vos familles respectives et nous, nous essaierons de vous suivre.
Nous venons de conclure les travaux du sommet de Lisbonne. C'est la première fois que je me rendais à un sommet international en compagnie du nouveau ministre de la Défense, Alain JUPPE, de la nouvelle ministre des Affaires étrangères, Michèle ALLIOT-MARIE. Je veux leur dire tout le plaisir que j'ai eu avec cette représentation de la France très professionnelle et je les remercie vraiment du travail que nous avons fait ensemble.
Comme vous le savez, au sommet de Strasbourg, la France a repris toute sa place dans les structures de l'OTAN et nous avions dit à ce moment-là que nous reviendrions dans les structures de l'OTAN mais que nous souhaitions une Alliance qui se rénove et qui se réforme.
La rénovation, c'est un nouveau concept stratégique. Le dernier concept stratégique, c'est 1999. Depuis, il y a eu le 11 septembre, les affaires iraniennes, le Traité de Lisbonne. On peut dire que 1999, c'était un autre monde. Donc, il faut une autre stratégie pour notre Alliance. Dans cette nouvelle stratégie, il y a des permanences bien sûr : l'indivisibilité de la sécurité et la défense collective, la communauté de valeur avec nos alliés, le lien transatlantique, la dissuasion nucléaire. Et puis, il y a tout le volet des évolutions face aux nouvelles menaces : les missiles, les cyber-attaques, la prolifération, le terrorisme bien sûr, et j'en passe.
Deux éléments sont importants à relever : les relations avec l'Union européenne, qui est désormais décrite comme un partenaire unique et essentiel de l'OTAN £ la coopération avec la Russie pour créer un espace commun de paix, de sécurité et de stabilité.
S'agissant du nucléaire, les alliés rappellent que les forces nucléaires françaises et britanniques bien sûr sont indépendantes, ont leur propre rôle de dissuasion et contribuent à la sécurité de l'Alliance. Comme vous le savez, c'était un point fondamental.
S'agissant de la réforme de l'OTAN, le Secrétaire général M. RASMUSSEN a conduit une réforme vraiment majeure, puisque la structure militaire va être réduite d'un tiers, le nombre des agences va passer de 14 à 3 et 60 % des comités seront donc supprimés. On peut dire qu'il va être mis un terme à une forme de gabegie que la France avait dénoncée à d'innombrables occasions.
Enfin, je signale que depuis 18 mois, c'est 600 militaires français qui ont pris leurs fonctions dans les structures militaires de l'OTAN, à tous les échelons, jusqu'au plus élevé puisque le Général ABRIAL est l'un des deux commandants suprême de l'OTAN et l'Ingénieur général AUROY est Secrétaire général adjoint aux investissements de défense.
Nous avons pris la décision de principe de doter l'Alliance atlantique d'une défense anti-missile de territoire et de population. Il y a eu beaucoup de polémiques dans le passé à ce sujet. Au sommet de Bucarest, en 2008, nous étions en pleine crise avec la Russie sur ce sujet. Depuis lors, le Président OBAMA a proposé une approche nouvelle, phasée, adaptée à l'évolution de la menace£ surtout, dans un cadre collectif et non plus unilatéral. La France aurait refusé un projet unilatéral, déconnecté des réalités, coûteux et s'il avait été par ailleurs hostile à la Russie ou s'il avait été un substitut à la dissuasion nucléaire.
La France a accepté ce projet d'abord parce que nous considérons qu'il y a une menace croissante de missiles. Aucun nom ne figure dans les documents publics de l'OTAN mais la France appelle un chat, un chat : la menace des missiles aujourd'hui, c'est l'Iran. Donc si un jour l'Iran tire un missile vers l'Europe, il est certainement souhaitable que l'on puisse l'intercepter. Est-ce financièrement réaliste ? Les États-Unis ont investi des dizaines de milliards de dollars dans cette technologie, les États-Unis proposent de fournir l'ensemble des systèmes satellites, radars, intercepteurs et de placer le tout sous commandement allié, sous commandement de l'OTAN. Cela a d'ailleurs été la discussion du dîner d'hier soir, il n'y a pas d'ambigüité. Je ne vois pas au nom de quoi nous irions essayer de construire un programme concurrent. En revanche, nous sommes d'accord pour financer tous ensemble le système commun de commandement et de contrôle évalué entre 80 et 150 millions d'euros au total. Il n'y aura donc pas d'assèchement des budgets européens de la défense pour financer le système anti-missile.
J'ajoute que la France est le pays d'Europe qui a des projets nationaux sérieux de défense anti-missile. Nous aurons d'ici 2020 un satellite avancé d'alerte nationale et le ministre de la Défense veillera à ce qu'il s'articule naturellement avec le système de l'OTAN, tout en restant bien évidemment sous souveraineté française.
Enfin, nous avons toujours pensé qu'il faut travailler avec la Russie sur ce projet. A Deauville, le Président MEDVEDEV a exprimé son intérêt pour une telle coopération. Au Conseil OTAN/RUSSIE qui va suivre, nous allons certainement décider de travailler ensemble sur ce que pourrait être un tel cadre de coopération. C'est une décision historique. Elle ne va pas de soi parce qu'en Europe, nos histoires ne sont pas les mêmes et l'histoire du XXème siècle a laissé des brûlures qui sont encore bien vivantes. A nous, je pense notamment aux Allemands et aux Français, de pousser pour que chacun comprenne bien que la fin de la guerre froide ouvre la page à une nouvelle relation apaisée et confiante avec les Russes.
Un mot de précision enfin. Ni dans sa définition, ni dans son intention le projet anti-missile ne vise à se substituer à la dissuasion nucléaire. La dissuasion nucléaire, c'est notre assurance vie, c'est la garantie que nous pourrons défendre nos intérêts vitaux. La dissuasion nucléaire reste d'actualité, la France continuera d'investir dans sa dissuasion comme les États-Unis, comme les Anglais, comme la Russie. Donc, les problèmes qu'il y avait pu avoir dans les discussions avant le sommet ont fait l'objet d'un compromis franco-allemand, comme à l'accoutumée, et la décision qui est retenue dans le communiqué final satisfait pleinement la France.
Nous avons également parlé de l'Afghanistan puisqu'une réunion s'est tenue avec les 48 contributeurs militaires en Afghanistan. Nous avons pris deux décisions : le lancement de la transition, c'est-à-dire le transfert aux Afghans de la sécurité dans les zones stabilisées. Ce transfert va se généraliser, parce qu'il a déjà commencé, mais va se généraliser en 2011. C'est un message très important pour nos compatriotes. Nous ne sommes pas une force d'occupation en Afghanistan, nous sommes là à la demande des Afghans pour les aider et nous allons, entre 2011 et 2014, dans un processus de transition leur passer la responsabilité de la sécurité sans pour autant les abandonner. Nous continuerons à les former, bien sûr à les soutenir. La transition, je me permets de le dire, c'est une stratégie européenne puisque je l'avais présentée dans une lettre aux alliés le 27 février 2008, avant le sommet de Bucarest. Une autre lettre signée par Angela MERKEL, Gordon BROWN et moi-même en septembre 2009 demandait également de généraliser la transition. C'est ce qui a été retenu par l'OTAN. C'est une excellente nouvelle.
Mesdames et Messieurs, je ne voudrais pas être trop long et bien sûr s'il y avait des questions que ce soit à Alain JUPPE, Michèle ALLIOT-MARIE ou moi-même sommes à votre disposition pour essayer d'y répondre.
QUESTION -- Monsieur le Président, Monsieur RASMUSSEN ne cesse de répéter que les racines du terrorisme sont en Afghanistan depuis septembre 2001 et qu'il faut poursuivre le combat. Pensez-vous que, d'ici fin 2014, date du retrait annoncé des troupes de l'OTAN, est-ce que l'OTAN pourra réussir là où les Soviétiques ont échoué en 1980 ?
LE PRESIDENT -- Je voudrais vous redire : nous ne sommes pas une force d'occupation. Nous n'avons pas de projet de colonisation. Nous sommes là à la demande du gouvernement légitime issu d'élections qui pour ne pas être parfaites, sont malgré tout des élections dans un pays qui a été martyrisé par des terroristes, par des Talibans. Et la majorité des Afghans n'a pas oublié ce qu'ils ont vécu. Comparer ce que nous faisons avec nos alliés à ce qui s'est passé dans l'histoire de l'Afghanistan, me semble particulièrement injuste. C'est ma première remarque.
Deuxième remarque, les forces autonomes afghanes, qu'elles soient militaires ou civiles -- je pense à la police, augmentent en nombre, augmentent en qualité. Et que diriez-vous si nous n'avions pas pour objectif de faire cette transition. Nous ne sommes pas définitivement en Afghanistan qui n'est pas notre pays. Nous sommes en Afghanistan tant que le gouvernement légitime afghan le souhaitera, qu'ils auront besoin de nous pour se défendre contre une attaque véritablement extérieure et une idéologie de mort et pour stabiliser ce pays mais nous savons parfaitement que la victoire, ce sont les Afghans qui l'obtiendront, pas nous. La stratégie est claire.
Est-ce que c'est possible ? Le demander à la France, c'est s'obliger à avoir une réponse positive, parce que si mon souvenir est exact il y a quelques années, nous avions la responsabilité de la sécurité à Kaboul. Nous l'avons transférée nous-mêmes aux Afghans depuis. Est-ce que Kaboul est une capitale qui a progressé en termes de sécurité ? La réponse est oui. Vous connaissez tous la situation aujourd'hui, c'est incontestable. Nous avons deux régions. L'une d'elle, nous allons transférer la responsabilité aux Afghans et nous allons consacrer nos efforts sur l'autre région. C'est donc possible.
Il y a une quarantaine de districts - un peu moins je crois que c'est 38 - qui sont prêts pour la transition. La transition ne veut pas dire que l'on part immédiatement. Il va falloir continuer à les aider en termes de développement, en termes de formation de troupes, en termes d'encadrement de l'État mais cela progresse. Il n'y a pas d'autre stratégie possible et je n'ai pas le souvenir que l'Union soviétique à l'époque en Afghanistan avait également un projet de transition. Je n'en ai pas gardé ce souvenir mais peut-être que j'omets quelques réalités historiques, je ne veux être désagréable avec personne surtout avec des gens qui par ailleurs ont disparu depuis. On ne peut pas dire que la stratégie de transition qui est la nôtre ressemble trait pour trait à ce que fût celle des Soviétiques à l'époque qui étaient décidés à rester implantés dans ce pays.
Nous, nous ne demandons qu'une chose : à faire notre travail aussi longtemps qu'il le faut mais à partir à la minute où les Afghans peuvent prendre en main leur destin. Voilà très exactement la stratégie. C'est la stratégie qu'avec Madame MERKEL, Monsieur BROWN nous avions demandée, c'était il y a deux ans, et c'est la stratégie qui est retenue par l'OTAN et par le Secrétaire général RASMUSSEN.
Donc à la fois sur la transition afghane et sur la dissuasion nucléaire comme complément du bouclier anti-missile, comme complément et non pas comme substitut à la dissuasion nucléaire, nous avons me semble-t-il pleinement obtenu satisfaction au cours de ce sommet.
QUESTION -- L'Union européenne et le FMI ont envoyé une mission à Dublin pour étudier.....
LE PRESIDENT -- Est-ce que vous ne voudriez pas que l'on termine peut-être les questions sur -- enfin pardon -- sur le sommet à moins qu'il n'y en ait plus ? Ce n'est pas pour être désagréable avec Reuters, surtout pas, ni d'ailleurs avec personne, mais c'est peut-être mieux que l'on fasse les questions sur l'OTAN puis après sur l'Europe si vous le voulez bien ? Il y a une logique non ? De revenir, de se répéter...
QUESTION -- La logique de la présence en Afghanistan, c'est la lutte contre le terrorisme. On a eu ces déclarations d'Oussama BEN LADEN récemment exigeant le retrait français d'Afghanistan, pression faite par AKMI sur nos otages, est-ce qu'effectivement il y a une chance en quelque sorte que ces pressions s'exercent et que l'on se retire ?
LE PRESIDENT -- La ministre des Affaires étrangères, Michèle ALLIOT-MARIE a pris la parole. Elle a parlé en notre nom à tous et je fais miens ses propos. La France ne se laissera dicter sa politique internationale et nationale par personne. La France est un pays indépendant, la France est un pays souverain, la France est un pays qui ne veut la guerre avec personne, la France est un pays qui ne veut imposer ses valeurs, ses idéaux à personne, mais la France ne se laissera dicter sa politique par personne. C'est une position qui ne bougera pas. Par ailleurs, nous faisons tous nos efforts pour ramener à la maison les otages qui sont des victimes civiles qui n'y sont absolument pour rien, que l'on retient dans des conditions parfois extrêmement difficiles compte-tenu de la topographie, du climat et de la réalité géographique et qui n'ont pas à se retrouver pris dans ces conditions là.
Il y a d'un côté un problème humanitaire que nous essayons de résoudre et de l'autre côté un pays souverain et indépendant. Il y a des millions de gens, en France, tout au long de notre histoire qui sont morts pour assurer l'indépendance de notre pays, c'est une réalité. La France à travers son histoire a toujours voulu cette indépendance. On ne va certainement pas changer aujourd'hui.
QUESTION -- Vous avez fait le factuel de l'OTAN, de ce sommet mais il y a quand même un problème d'identité parce que dire que l'OTAN c'est pour se prévaloir de la menace de l'Iran, ce n'est pas suffisant pour une grande organisation comme l'OTAN. Est-ce que le fait que vous soyez accompagné, comme vous les avez désignés, de professionnels avec Madame ALLIOT-MARIE, Monsieur JUPPE, est-ce que ce n'est pas l'opportunité pour que la France propose un élargissement, une redéfinition de l'OTAN aujourd'hui vu qu'il y a un affaiblissement américain et que l'OTAN patine, notamment quand on voit que la Turquie a son rôle à jouer et qu'elle le joue d'une manière un peu subversive £ et c'est le cas de la Russie qui également est intégrée. Est-ce qu'il n'y a pas une occasion puisque vous allez présider le G8 et le G20, de proposer des correctifs à ce manque de doctrine de l'OTAN ?
LE PRESIDENT -- C'est tout l'objet du document qui est sur la table. On ne peut vraiment pas reprocher à Monsieur RASMUSSEN tous les efforts qu'il a faits pour définir un nouveau concept stratégique. Par exemple sur les cyber-attaques, c'est un concept parfaitement nouveau dans lequel l'OTAN a un rôle à jouer. Nous ne sommes pas obsédés par l'Iran et nous ne faisons pas le bouclier anti-missile exclusivement pour l'Iran, mais je rappelle que le programme balistique iranien a été condamné par le Conseil de Sécurité. J'ajoute que la guerre froide c'est fini, le pacte de Varsovie, c'est fini, l'Union soviétique, c'est fini. Et la présence de Monsieur MEDVEDEV ici est extrêmement importante, dans un climat apaisé par rapport à ce que fut la présence de Monsieur POUTINE à Bucarest en 2008. Ce qui montre que là aussi, nous avons un nouveau concept stratégique à bâtir. Je ne me prononcerai pas sur ce que vous appelez « l'affaiblissement des États-Unis ». Si on regarde le déploiement du bouclier anti-missile, il est pour l'essentiel américain. C'est un affaiblissement relatif et sans être désagréable avec qui que ce soit et ne faisant surtout pas de politique intérieure américaine, je crois que l'on ne peut pas dire que depuis son élection, Monsieur OBAMA a conduit à un abaissement des États-Unis par rapport à l'image avant l'élection de Monsieur OBAMA. Je crois que c'est honnête de dire cela sans porter de jugement à l'endroit de personne. Ce serait tellement facile £ mais enfin quand même ! J'ajoute enfin que nous avons toujours pensé, Monsieur JUPPE, Madame ALLIOT-MARIE et moi qu'il fallait renforcer l'influence de l'Europe à l'intérieur de l'OTAN, que c'était non seulement compatible mais absolument complémentaire avec l'idée que nous nous faisons de l'Europe de la Défense et le mouvement coordonné d'un côté renforcement de l'alliance avec les Anglais pour mettre en synergie nos budgets de défense, y compris sur la question si sensible du nucléaire.
Deuxièmement : réintégration de la France dans les structures de l'OTAN.
Troisièmement : augmentation de l'influence et de la place de l'Europe dans l'OTAN, c'est assez cohérent me semble-t-il.
Les liens britanniques et français sont très bons pour l'OTAN, très bons pour l'Europe de la Défense. Il y a là une coordination, me semble-t-il, une cohérence parfaite. Alors, le projet antimissile, c'est un projet qui est phasé -- quatre phases -- nous en avons adopté le principe, on est au début, on aura matière à adapter les choses ensuite.
QUESTION -- Justement, sur l'Europe de la défense, j'avais compris que la réintégration de la France dans l'OTAN avait pour but également, pas seulement de renforcer le pilier européen de l'Europe dans l'OTAN, mais avait pour but également de renforcer la capacité autonome, je dirais, de l'Union Européenne à assumer sa défense, donc la politique européenne de sécurité et de défense, qui a l'air un peu oubliée dans cette histoire de rapprochement avec les Britanniques et de réintégration et de renforcement de la place de la France dans l'OTAN. Donc quel est votre projet en la matière ?
LE PRESIDENT -- En vérité, je ne le pense pas. Je ne crois pas que nous aurions pu signer des accords, y compris sur le nucléaire, avec les Britanniques si nous n'avions pas repris toute notre place dans la structure de l'OTAN. Regardez ce à quoi a donné lieu cet accord historique dans la presse britannique comme force de commentaire. Les Britanniques, parce que c'est leur tradition, ont préféré mettre l'accent sur le bilatéral. Nous, nous avons clairement indiqué que ce projet franco-britannique, c'était un projet au service du renforcement et du développement de l'Europe de la défense. C'est ce que nous voulons et c'est le projet qui est le nôtre.
Alors, regardons aussi les choses en face, la crise ne nous facilite pas les choses parce que la crise économique fait peser sur la totalité de nos budgets de défense des contraintes économiques immenses et innombrables sont les pays qui diminuent leurs budgets. La France fait d'ailleurs un effort considérable puisque, si mon souvenir est exact, ce sont 377 milliards d'investis dans nos capacités de défense dans les dix années qui viennent. C'est un choix qui n'est pas un choix anecdotique, même si les Britanniques font davantage que nous pour leur effort de défense.
Et donc, si les deux puissances nucléaires britanniques et françaises s'allient pour se renforcer, pour se compléter, c'est au service de l'Europe de la défense aussi. Que serait l'Europe de la défense s'il n'y avait pas l'Angleterre et s'il n'y avait pas la France ? Ce sera tout le travail du ministre de la Défense de convaincre les autres de nous rejoindre, bon courage.
QUESTION -- Monsieur le Président...
LE PRESIDENT --Vous prenez le risque d'agacer vos confrères, c'est rare mais vous le prenez parce que j'en vois un qui voulait poser une question...
QUESTION -- Il veut poser la même, il voulait simplement m'arracher le micro pour poser la même question.
LE PRESIDENT -- Cela prouve qu'il est optimiste... ou volontariste.
QUESTION -- L'Union européenne et le FMI ont une mission à Dublin pour étudier les conditions d'une aide financière à l'Irlande. Quelles doivent être, selon vous, les conditions de cette aide. Est-ce que l'une de ces conditions devrait être, à votre sens, l'augmentation, par exemple, de l'impôt sur les sociétés par les autorités irlandaises. Est-ce que c'est une condition sine qua non d'une aide de l'Europe à l'Irlande ?
LE PRESIDENT -- D'abord, la France salue les efforts sans précédent du gouvernement irlandais pour assainir les comptes de l'Etat irlandais comme les comptes des banques irlandaises. Ce que fait le gouvernement irlandais est courageux et justifié, premier élément.
Deuxième élément, nous nous sommes dotés d'un certain nombre de mécanismes d'intervention collectifs -- c'est l'article 122 -- et bilatéraux -- c'est la décision que nous avons prise du mécanisme de soutien au cas où un membre de l'Union européenne serait attaqué ou aurait besoin de financements. Les conditions d'emploi de ces dispositifs sont prévues, ils sont opérationnels et ils peuvent être activés au moment où on en aura besoin. Et dans ces conditions d'activation, il n'y a pas de demande fiscale, au sens où vous m'avez posé la question.
De surcroît, si vous me posez la question indépendamment de ce que je viens de dire, tout à fait séparé et qui ne concerne pas simplement l'Irlande, mais un raisonnement général. Est-ce qu'un pays qui a des difficultés avec les autres qui viennent lui apporter leur contribution et leur secour, doit utiliser tous les moyens mis à sa disposition pour faire face à ces difficultés ? Dans ces moyens, il y a une part d'économies sur le budget et une part de recettes fiscales -- comprenez d'augmentation des recettes fiscales par l'augmentation des taux. C'est ce qu'ont fait un certain nombre de pays et pas les moindres, le Royaume Uni. Il va de soi que confronté à une situation de cette nature, il y a deux leviers à activer, celui des dépenses et celui des recettes. Je ne peux pas imaginer que nos amis Irlandais, en toute souveraineté, n'utiliseront pas celui-ci, parce qu'ils ont plus de marge de manoeuvre que d'autres, leurs impôts étant plus bas que les autres. Ce n'est pas une demande, une opinion tout juste.
QUESTION -- En marge de ce sommet, vous avez eu un échange avec les Roumains. Pensez-vous que le temps est arrivé peut-être aujourd'hui pour la Roumanie de retarder son entrée dans l'espace Schengen ?
LE PRESIDENT -- Je voudrais dire - ne vous trompez pas parce que Franck LOUVRIER m'a dit que l'on aurait eu un échange vif avec le Président roumain -. J'en profite pour préciser que je m'entends très bien avec le Président roumain et qu'il n'y a pas de problème de ce côté-là.
D'ailleurs, cela ne concerne pas simplement la Roumanie, cela concerne aussi la Bulgarie. La position de la France, je parle sous le contrôle de la ministre d'État en charge des Affaires étrangères et européennes, est claire : la Roumanie et la Bulgarie ont vocation à rentrer dans l'espace de Schengen. Cela ne pose pas de problème pour la France, pas plus que pour la dizaine de pays qui ont posé les mêmes réserves que nous. Je pense aux Pays-Bas, je pense à la Belgique, je pense à l'Allemagne...
Nous disons simplement deux choses : si ces deux pays rentrent dans le processus de Schengen, cela veut dire qu'ils deviennent les gardiens des frontières de l'Europe. Cela veut donc dire que leur problème frontalier doit être a priori, et avant leur entrée dans Schengen, réglé. Est-ce que je me fais comprendre ? Si ce problème de frontières n'est pas réglé avant qu'ils rentrent dans Schengen, le problème par exemple des Roumains et des Moldaves devient un problème de tous les pays de Schengen et pas simplement de nos amis Roumains. Je n'ai pas moi, à m'insérer dans la politique roumaine mais je suis un petit peu les déclarations des uns et des autres et j'ai noté l'enthousiasme des autorités roumaines pour dire : « au fond, il n'y a quasiment pas de frontière entre la Moldavie et la Roumanie », puisque même, il y a un acte très généreux - et c'est très bien de la part des Roumains - pour donner la nationalité roumaine aux Moldaves. Mais j'ai cru comprendre que les Moldaves n'étaient pas encore membres de l'Union européenne. Ils veulent garder les frontières de l'Union européenne, pourquoi pas ? Ils ont toutes les qualités pour le faire. Encore faut-il que leur frontière soit stabilisée et nous, nous demandons, avant qu'ils rentrent dans Schengen, que leur frontière soit stabilisée pour savoir quelles sont les frontières que l'on a à garder. Il me semble que c'est raisonnable.
Oui, sur le principe la Roumanie rentrera dans Schengen et avant il faut régler ce problème des frontières. Et ne faisons pas comme toujours en Europe où on met les problèmes de côté et flamberge au vent, on dit : « voilà, on se rassemble tous ». Et puis après, les ambigüités sont beaucoup plus difficiles à résoudre.
J'ajoute un dernier point : je crois savoir que la Commission travaille encore avec la Roumanie et la Bulgarie qui font des efforts considérables. Je pense même qu'ils sont sous surveillance, je crois que c'est cela l'expression qui a été retenue dans le cadre d'une surveillance sur les problèmes de corruption. Attendons que ce processus soit terminé pour déterminer la date à laquelle la Roumanie et la Bulgarie rentreront dans Schengen. Ils sont pressés de rentrer, je le comprends parfaitement et nous ne nous y opposons pas. Nous disons simplement qu'ils rentreront quand les problèmes auront été réglés. Il n'y a pas de drame. Ce n'est pas du tout une affaire simplement de la France. L'Allemagne est exactement sur la même ligne, les Pays-Bas sont sur la même ligne. La ligne, c'est celle des traités. Il y a des règles, respectons-les et ce sera plus facile de les traiter.
QUESTION -- Puisque nous entrons dans une nouvelle ère de partenariat avec la Russie, j'aimerais savoir si vous pensez qu'un jour, dans ces conditions, la Géorgie pourrait rentrer dans l'OTAN ? Ou à tout le moins est-ce que l'OTAN pourra continuer à réclamer l'évacuation par la Russie d'une partie du territoire géorgien ?
LE PRESIDENT -- Oui, la Géorgie a vocation à rentrer un jour dans l'OTAN, de même que l'Ukraine. Nous l'avons dit de la façon la plus claire mais là encore, pour que l'Ukraine rentre dans l'OTAN, il faut que l'Ukraine ait réglé ses problèmes internes avec une population extrêmement divisée. Je ne vais pas me mêler de la politique intérieure en Ukraine mais il y a une partie russophone qui contestait fortement l'entrée dans l'OTAN. Or l'OTAN, il y a le titre 5, la sécurité collective, cela veut dire que lorsque l'un des membres de l'OTAN est engagé dans un conflit, l'ensemble des autres membres est solidaire. Il y a quand même un travail, de ce point de vue, qui reste à faire.
Sur la Géorgie : la Géorgie on ne la laissera pas tomber. Elle a vocation à rentrer dans l'OTAN. Vous savez que c'est l'Allemagne et la France, en 2008 à Bucarest, qui s'y sont opposées. M. BUSH à la fin de son mandat voulait absolument. J'attire votre attention sur ce que cela aurait donné avec l'affaire de l'Abkhazie et de l'Ossétie. Mais ils ont vocation à rentrer, nous n'avons pas de problème avec cela. Là encore, nous souhaitons accueillir des membres qui ont réglé leurs problèmes frontaliers. Nous ne souhaitons pas importer au sein de l'OTAN des problèmes, nous en avons assez à régler. Sur l'Ossétie, sur l'Abkhazie, j'ai salué la décision des autorités russes d'évacuer, comme la France le leur avait demandé depuis deux ans, le village de Perevi. On me dit : « ce n'est pas suffisant ». Quand ce n'était pas évacué, tout le monde me disait : « Perevi n'est pas évacué ». Il est évacué. J'ai salué la décision des autorités russes de rester à Genève pour poursuivre les discussions engagées sur l'Ossétie et sur l'Abkhazie, j'ai signalé au Président MEDVEDEV à Deauville que ce serait un geste attendu de la Russie, que les prisonniers georgiens puissent revenir chez eux, soient libérés. Je ne doute pas que le processus sera long mais l'essentiel, c'est qu'il ne s'arrête pas.
J'ajoute un dernier point : la crise sur l'Ossétie est bien plus ancienne que ce qui s'est passé en 2008. Ne revenons pas sur ce qui a été fait, je me suis beaucoup engagé, avec Bernard KOUCHNER d'ailleurs, sur cette question. On est arrivé à ramener la paix. Continuons les discussions, apaisons les choses et nous verrons ce qu'il en adviendra. Pour l'instant, l'Ossétie, comme l'Abkhazie sont en territoire géorgien avec des troupes qui sont dedans. Il y a encore beaucoup de travail à faire, mais cela n'a rien à voir avec le reste.
QUESTION -- Monsieur le Président sur l'affaire de Karachi £ il y a eu un communiqué hier soir de l'Élysée, il y a eu beaucoup de déclarations ces dernières semaines, d'hommes politiques auprès de la presse, auprès des juges également, vous aviez parlé il y a quelques semaines de « fable», est-ce qu'aujourd'hui vous employez le même terme ?
LE PRESIDENT -- Le communiqué a été extrêmement précis. Je vous remercie d'ailleurs parce que vous l'avez repris dans les détails. Il dit tout ce qu'il y avait à dire. Il fait le lit de toutes les calomnies, il montre la réalité des choses et par ailleurs, le ministre de la Défense comme moi-même sommes décidés à ce que tous les documents qui seront demandés soient communiqués en temps et en heure. A ma connaissance aujourd'hui, pas un document n'a été refusé. Je n'entretiendrai pas une polémique qui n'a pas lieu d'être. La justice est saisie, qu'elle fasse son travail et que l'on n'essaie pas de coller dessus des commentaires politiciens qui ne sont vraiment pas à la hauteur de la douleur des familles qui ont perdu leurs proches. C'est cela, la seule chose qui compte, la seule et le minimum de dignité, c'est de respecter la douleur de ces familles. Ces familles veulent la vérité. Pourquoi y a t-il eu cet attentat ? C'est cela qui compte et que la justice fasse son travail. Et naturellement, l'État aidera la justice en lui communiquant tous les documents dont elle aura besoin. Je n'ai pas d'autre commentaire à faire. Tout le reste, on voit que ce n'est rien d'autre que de la polémique, malheureusement.
QUESTION -- Est-ce que le report du sommet de l'UpM à Barcelone signifie que la nouvelle méthode que vous vouliez apporter à la solution de la crise au Proche-Orient marque le pas ?
LE PRESIDENT -- Pardon, parce que j'aurai l'occasion de m'exprimer sur les questions de politique internationale. Je regrette ce report même si ce n'est pas définitif et je regrette que l'on ne voie pas une chose qui est aveuglante, c'est que tout le monde connaît les paramètres de la paix, tout le monde. Et le fait que l'on n'avance pas ne sert que les extrémistes. Et la sécurité d'Israël à laquelle la France est très attachée, très attachée, elle ne sera assurée que lorsqu'Israël aura à ses côtés un État palestinien souverain, démocratique, moderne. Et les vrais amis d'Israël doivent lui tenir ce langage là. La sécurité d'Israël, elle sera garantit moins par les armes que par la politique, la diplomatie avec un État digne de ce nom à ses frontières. Et par ailleurs, nous disons à nos amis Palestiniens aussi qu'ils doivent reconnaître le droit à la sécurité imprescriptible d'Israël. Tout le reste, c'est des souffrances inutiles, c'est du temps perdu et le plus tôt on se remettra autour de la table, le mieux ce sera. C'est une grave erreur, cette course de lenteur. Voilà la position de la France en la matière.
QUESTION -- Hier, le Président roumain a essayé de vous parler après la photo du groupe et en regardant les images surprises par les caméras on peut dire, si c'est vrai ou non cela, que vous n'avez pas voulu parler avec lui et pourquoi ?
LE PRESIDENT -- Écoutez, j'ai décidé d'être aimable et spécialement avec une journaliste roumaine. Je vous dis, je n'ai pas du tout refusé de lui parler. Il se trouve que l'on ??tait au moment de la photo, qu'après la photo il y a eu les réunions et le dîner, mais j'ai parlé peut-être quinze fois avec le Président roumain qui est un homme de grande qualité, que j'apprécie beaucoup. La Roumanie est un pays ami, c'est un pays francophone, c'est un pays que nous voulons aider de toutes nos forces, mais comme pour la France, la Roumanie et la France, il y a des règles en Europe, ces règles doivent être respectées. J'ajoute que la procédure qui est engagée par la Commission sur la Roumanie comme la Bulgarie, ce n'est pas la France qui la conduit, donc il n'y a aucun problème avec le Président roumain, bien au contraire. Et je suis très heureux que ce soit la dernière question parce que si cela a pu vous rassurer, cela montre que mon déplacement ici n'a pas été inutile.
Je vous remercie infiniment.