12 novembre 2010 - Seul le prononcé fait foi

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Conférence de presse de M. Nicolas Sarkozy, Président de la République, notamment sur la régulation financière et sur la nouvelle gouvernance internationale, à Séoul (République de Corée) le 12 novembre 2010.


Mesdames et Messieurs, mes premiers mots seront pour la Présidence coréenne que je voudrais remercier pour son travail remarquable accompli au cours de ces six derniers mois. C'était donc la première fois qu'un pays émergent présidait le G20 et nos amis Coréens l'ont fait avec beaucoup de professionnalisme.
Notre principal sujet a été la question des changes et des déséquilibres mondiaux dont la France avait -- je crois pouvoir le dire --, la première, souligné l'importance. Il y avait une grande tension avant le début de ce Sommet. Tous les membres du G20 ont oeuvré à l'apaisement.
Sur le fond, nous nous sommes mis d'accord pour répéter notre refus des dévaluations compétitives et l'importance de la flexibilité des taux de change qui doivent refléter les fondamentaux de l'économie.
Nous sommes également d'accord pour dire qu'il ne peut pas y avoir de solution simpliste pour résorber les déséquilibres des balances des paiements, comme par exemple une cible unique, chiffrée de plafonnement des balances courantes.
Ce qui était important, c'était de nous mettre d'accord sur la création d'un mécanisme de surveillance des déséquilibres persistants. Le G20 de Séoul a confié à la Présidence française le soin de mettre en place ce mécanisme. La première étape sera l'élaboration d'indicateurs permettant d'identifier les déséquilibres. Ceci interviendra au premier semestre 2011. La première évaluation des Etats du G20, conduite avec l'aide du FMI, interviendra donc sous Présidence française et je remercie Christine LAGARDE pour tout son travail et les efforts pour aboutir à ce premier accord.
Au-delà de ce premier sujet, le G20 a démontré sa capacité à tenir ses engagements sur les sujets qui nous sont chers :
- La régulation financière : nous nous sommes mis d'accord sur un nouveau cadre prudentiel pour les banques, plus connu sous le nom de « Bâle III » qui prévoit un triplement des exigences de fonds propres imposées aux banques. Ce n'était pas un chantier facile. Il avait fallu dix ans pour négocier « Bâle II », qui n'était d'ailleurs même pas appliqué par les banques américaines quand la crise s'est déclenchée. Il ne nous aura fallu que deux ans pour adopter ce premier accord de régulation des banques véritablement mondial.
- Deuxième avancée, me semble-t-il majeure, la réforme du Fonds Monétaire International, dont la France avait été l'un des premiers avocats. Grâce à l'action du G20, depuis deux ans, les ressources du FMI ont plus que triplé et sa gouvernance vient d'être rééquilibrée au profit des grands émergents avec un transfert de plus de 6% du capital. Je vous rappelle qu'à Pittsburgh, nous nous étions mis d'accord sur un transfert de 5%. La réforme du FMI après la réforme de la Banque mondiale, c'est la réforme de la gouvernance mondiale qui avance.
Enfin, le Sommet de Séoul a ouvert la voie aux priorités que nous nous sommes fixés sous notre Présidence.
- Sur la réforme du système monétaire international, le G20, pour la première fois, a dit que son objectif était de construire un système monétaire international plus stable et plus résistant et a demandé au FMI d'y travailler et a confié à la Présidence française un mandat pour arriver à cet objectif £
- Sur la volatilité du prix des matières premières, nous avons obtenu de mandater les organisations internationales compétentes dans le domaine de l'énergie comme dans celui de l'agriculture pour produire expertises et recommandations en vue de décisions sous notre présidence £
- Sur la gouvernance, alors que nous venons de réformer le FMI après la Banque mondiale, nous avons pleinement soutenu depuis plusieurs mois la Présidence coréenne pour inscrire le développement dans l'agenda du G20. Le G20 a décidé que les ministres des Finances travailleraient sur les propositions de financements innovants présentés par le Premier ministre MELES dans le rapport qu'il vient de remettre au Secrétaire général des Nations Unies.
Nous poursuivrons par ailleurs les priorités qui ont toujours été les nôtres : la moralisation du capitalisme, stricte surveillance des rémunérations des traders, stricte surveillance des paradis fiscaux.
Plusieurs membres du G20 ont d'ailleurs demandé à la Présidence française de produire un certain nombre de rapports sur les juridictions non-coopératives. Nous avons décidé de nous attaquer aux problèmes des institutions systémiques, puisque nous avons désormais un mandat pour réguler le système financier non-bancaire, le « shadow banking » bien connu.
Un mot pour terminer sur la Présidence française. J'aurai l'occasion de vous en parler en détail dans une conférence de presse que je tiendrai au Palais de l'Elysée au mois de janvier. Cette Présidence, nous l'abordons avec ambition et réalisme.
Quelles doivent être les responsabilités du G20 après la crise ? Le G20 des temps de crise a accompli un travail considérable £ le G20 d'après-crise doit porter les bases de réformes structurelles dont le monde a besoin. Si le G20 ne s'attaque pas aux réformes structurelles dont le monde a besoin, il perdra sa légitimité. Or, tout l'acquis de ces deux années, c'est que le G20 a acquis une grande légitimité.
Nous avons proposé à nos partenaires de faire leurs nos grandes ambitions. Ce sont des chantiers dont j'ai bien conscience qu'ils sont colossaux, qu'ils ne pourront être achevés au terme d'une seule année.
Nous allons travailler avec le sens du collectif, puisque j'aurai l'occasion de rencontrer entre la fin de l'année et le début de l'année prochaine Monsieur OBAMA aux Etats-Unis et Monsieur ZUMA, vraisemblablement en Afrique du Sud, le Premier ministre indien £ après tous les rendez-vous que j'ai eus jusqu'à présent pour bien préparer cette présidence et pour essayer d'obtenir des consensus sur des sujets absolument centraux que sont la moralisation du capitalisme, la régulation du marché des matières premières et l'amélioration forte de l'ordre monétaire international, qui en a bien besoin. J'ajoute que j'ai eu un entretien en séance avec Dilma ROUSSEF, la nouvelle Présidence du Brésil, et un autre avec Monsieur LULA, pour les questions bilatérales plus particulièrement.
Cette concertation, nous la conduirons au-delà de nos seuls partenaires du G20 puisqu'il faut rassembler beaucoup de pays autour des ambitions du G20. Comme je l'ai fait au Sommet Europe-Asie, au Sommet de la Francophonie à Montreux, j'irai en janvier prochain à Addis Abeba pour le Sommet de l'Union africaine.
Je peux vous confirmer que nos amis chinois sont d'accord pour accueillir en Chine, au printemps, le premier séminaire de travail du G20 sur la réforme du système monétaire international et je suis très reconnaissant au Président HU d'avoir bien voulu accepter cela.
On n'arrivera pas avec des projets ficelés. On essaiera de dégager des consensus, mais avec bien sûr de grandes convictions parce que le monde ne peut plus attendre.
Il faut vraiment que l'on arrive à poser les bases des institutions du XXIème siècle. C'est un nouveau monde qui se présente devant nous. On doit avoir de nouvelles idées pour faire face à ce nouveau monde, de façon à mieux protéger les citoyens et assurer un capitalisme plus efficace et mieux régulé.
Voilà, Mesdames et Messieurs, je me tiens à votre disposition pour répondre à vos questions.
QUESTION -- Monsieur le Président, comment va s'organiser la feuille de route de la présidence française concernant ce travail sur le monétaire. Donc il y aura un séminaire ou une réunion à Pékin ou en Chine au premier semestre, mais comment allez-vous travailler avec le Fonds Monétaire International pour essayer d'éliminer ou réduire les déséquilibres mondiaux ?
LE PRESIDENT -- Je recevrai Monsieur STRAUSS-KAHN dans le courant du mois de décembre à l'Elysée. Une date est déjà prise. On va travailler main dans la main bien sur avec le FMI. Il y a deux stratégies possibles -- à mes yeux il n'y en a qu'une, mais enfin --, il y a deux stratégies possibles. La première, qui consiste à se faire des reproches les uns aux autres, les pays en excédent reprochant aux pays en déficit d'être en déficit et les pays en déficit reprochant aux pays en excédent d'être en excédent. Cette stratégie conduit à l'échec certain, absolument certain. J'ajoute une remarque personnelle : je ne vois pas comment on peut reprocher à un certain nombre de pays d'agir de façon unilatérale puisque il n'existe pas de système multilatéral.
Ce qui compte, c'est de poser les bases d'un système monétaire authentiquement multilatéral. Je ne me lasserai pas de rappeler qu'à Bretton Woods, ils ont travaillé une année durant alors qu'à l'époque il y avait une seule grande économie, les États-Unis, et une seule grande monnaie.
Donc, je ne dis pas qu'en un an de présidence française on va résoudre tous les problèmes de l'ordre monétaire international du XXIème siècle. Mais aujourd'hui, qu'est-ce que l'on peut dire ?
La deuxième solution, c'est au contraire essayer par le dialogue de rassembler tout le monde pour poser les bases du système du XXIème siècle. Quand la France a commencé à parler d'un nouveau Bretton Woods, puisque je crois me souvenir que j'en ai parlé pour la première fois aux Nations Unies, il y a deux ans, je me souviens que l'on était regardé un peu comme des gens étranges : « Mais qu'est-ce qui leur passe par la tête ? ».
Aujourd'hui c'est l'unanimité du G20, et d'ailleurs du monde, qui considère qu'il faut réfléchir à l'amélioration de notre ordre monétaire international. Il n'est pas jusqu'au Président de la banque mondiale, M. ZOELLICK qui a fait une tribune -- je ne me prononce pas sur le fond de ce qu'il a dit, et il y aurait beaucoup à dire, mais c'est extrêmement intéressant qu'un américain pose la question, dans une tribune qui a fait du bruit, de la nécessité de l'amélioration du système.
J'ai vu également les déclarations de M. GREENSPAN, c'est extrêmement intéressant de voir ce qu'il dit. Lui aussi dit : « Il faut réfléchir à un nouveau système ». C'est extrêmement nouveau. Le fait que le Président HU ait accepté qu'un séminaire se tienne en Chine, avec la participation des Chinois, c'est également une avancée considérable. Personne aujourd'hui ne conteste qu'il y ait un problème, personne.
La France mettra un papier sur la table, on va y réfléchir, on va y travailler. Dans cette affaire, Mme LARGARDE et moi nous pouvons compter sur le soutien de M. SCHÄUBLE comme de Mme MERKEL, que nous associons de façon très proche à nos travaux. J'ai vu avec beaucoup d'intérêt que des pays émergents comme le Brésil disait : « Halte au feu, on voit arriver un afflux de capitaux qui créé des bulles spéculatives chez nous, il faut que cela change ! ». Donc cela a beaucoup progressé depuis deux ans, beaucoup.
C'est très compliqué, c'est très difficile, il y aura beaucoup d'épreuves à surmonter. Mais la légitimité du débat n'est plus mise en cause par personne. Et même mieux, le G20 donne mandat à la Présidence française d'avancer sur le sujet. On est bien loin du scepticisme d'il y a encore quelques mois.
Maintenant je dois dire que, d'une certaine façon on est servi par la crise, puisque chacun voit bien les conséquences de cette situation. Et l'affrontement qui s'en est suivi, la difficulté qu'a eue la Présidence coréenne de trouver un accord, qui vaut mieux qu'un désaccord, mais qui ne résout pas structurellement, bien sûr, les problèmes qui sont posés.
Même sur la régulation des prix des matières premières, quand la France en a parlé, tout le monde levait les bras au ciel. Aujourd'hui, il y a beaucoup de gens qui nous disent : « oui, il faut travailler là-dessus, c'est important ». Et on a mandat pour travailler dessus, donc cela progresse.
Mais je mesure l'immensité du chemin qui reste à parcourir et les très grandes difficultés. Il faut d'abord rassurer chacun, se mettre d'accord sur les questions et avancer prudemment des réponses. Voilà. Le tout pour un rendez-vous début du mois de novembre 2001 en France à Cannes, j'avais oublié de vous le dire.
QUESTION -- Monsieur le Président, vous dites que, d'une certaine façon, on est servi par la crise, je voudrais avoir un ....
LE PRESIDENT -- C'est une façon de parler, parce que je ne m'en réjouis pas, naturellement.
QUESTION - Sur l'Europe, justement, est-ce que vous pouvez commenter le « statement » qui a été fait. Monsieur TRICHET avait mis en garde, le 29 octobre, sur les risques de parler de la contribution du secteur privé au renflouement des pays en difficulté de la zone euro. On a vu ce que cela a donné, c'est-à-dire une nouvelle crise. Donc quel est votre jugement là-dessus ?
LE PRESIDENT -- Parce que pour vous, M. LE PARMENTIER, c'est automatique, il y a une nouvelle crise, parce qu'il y a eu ce « statement » ?
QUESTION -- Non, il y a une petite ambigüité, enfin si j'ai bien compris, mais c'est la question que je voulais vous poser.
LE PRESIDENT -- Parce que si vous pensez que c'est uniquement l'accord qui crée les conditions de la crise, moi je suis près à retirer l'accord et puis il n'y a plus de crise.
QUESTION - Non, c'est l'évocation de la contribution du secteur privé qui a suscité un doute.
LE PRESIDENT -- Non mais je vais y venir, mais dans votre expression, je sais que vous êtes un homme précis, que vous travaillez beaucoup, vous dites : « on a vu ce que cela a donné ». On a rien vu du tout.
La crise, M. LE PARMENTIER -- vous le savez très bien, vous qui suivez cela --, la crise a des raisons beaucoup plus profondes, beaucoup plus structurelles.
Alors, d'abord, j'ai eu le plaisir de déjeuner longuement avec M. TRICHET, c'est toujours un plaisir, je le dis vraiment, je le connais depuis très longtemps et nous avons parlé pendant deux heures de la situation, de ce qu'on voulait faire et des difficultés qui pourraient se révéler dans l'avenir.
S'agissant de cet accord, opportunément et je m'en suis entretenu avec Mme MERKEL dès ce matin, dés potron-minet, en arrivant, puisque j'étais sûr qu'il fallait préciser les choses et les ministres des Finances de cinq pays européens menés par Mme Christine LAGARDE -- l'Allemagne, le Royaume-Uni, l'Italie et l'Espagne £ pourquoi ces cinq là ? Parce qu'il se trouve que l'on était là --, ils viennent de clarifier l'interprétation de cet accord, indépendant du débat au sein de la zone euro sur le futur mécanisme permanent de résolution des crises avec la participation éventuelle du secteur privé.
Il est clair pour nous que ce mécanisme ne s'appliquera -- les mots ont un sens -- à aucun encours de dette existante et que ce mécanisme ne s'appliquera à aucun programme dans le cadre des instruments actuels.
Pour être encore plus précis, tout nouveau mécanisme ne serait effectif qu'après mi-2013 et serait donc sans impact sur les mécanismes en vigueur. Autrement dit, pour parler encore plus simplement, on ne vise que la dette contractée à partir de mi-2013. Que n'aurait-on dit si, ici, on n'avait pas réussi à se mettre d'accord et qu'on dise : « après 2013, il n'y a pas de mécanisme ». Cela aurait été encore plus stressant.
Voilà, donc c'est précisé, c'est clair et ça ne doit pas poser de problème. Donc le Fonds européen de stabilité financière est en place et son activation ne requiert pas d'implication du secteur privé jusqu'à la mise en place du nouveau dispositif. Et cela a été fait en plein accord avec Mme MERKEL. Mme LAGARDE est là, elle peut en porter témoignage, c'est naturellement en plein accord. Et cela fait suite aux entretiens que j'ai eus avec M. TRICHET avant de partir. Il se trouve que c'était fortuit, on avait convenu de se parler, et voilà. Donc c'est vraiment clair, net et précis.
QUESTION -- Vous avez évoqué les chantiers colossaux, c'est votre terme, qui attendent la présidence française, vous avez indiqué qu'ils ne seront pas achevés en un an. Mais à l'aune de quel critère on pourra juger le succès de la Présidence française, à quel étiage ?
LE PRESIDENT -- De votre bienveillance... Il n'y a pas une personne censée qui peut imaginer que l'on aura résolu la totalité des questions du nouveau système monétaire international. Je prends un exemple : faut-il, oui ou non, que le yuan participe au DTS ? C'est très facile de poser la question, la réponse est un long travail de persuasion. Il y a eu quarante-deux crises monétaires depuis 1990, faut-il une réponse nationale, une réponse régionale, comme l'Europe l'a fait ou une réponse universelle ? C'est un sujet. M. ZOELLICK propose de rattacher -- alors, autant j'ai trouvé remarquable son article, autant c'est une idée qui ne me comble pas totalement, puisque comme vous le savez il y a une différence immense entre le montant de masse monétaire qui doit être de l'ordre de 61 000 milliards de dollars, enfin je ne veux pas vous dire de bêtises, et la valeur du stock d'or qui doit être de 1 300 milliards de dollars £ donc si on fait garantir, vous imaginez ce que cela peut vouloir dire sur le prix de l'or. Mais que M. ZOELLICK propose quelque chose, c'est fantastique. Il me semble que c'est déjà un succès que les 20 acceptent de considérer que c'est un problème. Vous suivez ces questions, vous savez bien que ce n'était pas le cas.
Sur l'affaire des matières premières, la régulation des matières premières. Les positions sont aussi opposées entre l'Argentine et le Brésil qui disent : « mais pas du tout, tant mieux si ça monte » et les pays où il y a des émeutes de la faim, ou nous, qui disons : « on ne peut pas passer de 40 dollars le baril de brent à 140 ». Il y a un « gap », mais qu'on accepte d'en parler.
Un premier progrès pourrait être de la transparence £ un deuxième progrès, encore beaucoup plus important, serait une amorce de régulation sur les produits dérivés de matières premières, comme on a fait une régulation sur les produits dérivés en termes financiers.
Financements innovants, qui sont une priorité française : on a un mandat nous, la Présidence française, sur la base du rapport de MELES Zenawi, pour avancer. Si jamais on arrivait à ce que quelques pays se mettent d'accord sur une amorce de financements innovants, ce serait un succès.
Déjà que le G20, qui a 2 ans d'existence, accepte de donner mandat à une présidence pour embrasser de tels sujets, déjà l'organisation d'un séminaire sur le système monétaire international en Chine, ce n'était pas évident, pour tout dire. Alors après, chacun pourra considérer que le verre est à moitié plein, à moitié vide, totalement plein, totalement vide -- totalement plein, ça m'étonnerait £ en plus, je ne pense pas que techniquement, pour être très sincère avec vous, nous ayons les réponses sur tous ces sujets.
Le monde a toujours, au fond, été dominé par une monnaie ou un très petit nombre de monnaies. C'est la première fois, me semble-t-il, qu'il y a un système multilatéral monétaire, comme nous sommes dans un monde multilatéral politiquement. Et comment on les fait tourner ? Comment on adapte leurs valeurs en fonction des fondamentaux ?
Le simple fait qu'on nous demande de travailler sur ce que pourront être, au printemps, les critères marquant qu'un pays est en excédent excessif ou en déficit excessif, cela peut vous paraître peu de choses, mais rien que cela, parce que vous voyez bien ce qu'il y a derrière. Si on se mettait d'accord sur des critères, vous voyez bien ce que cela peu amener derrière.
Ça, on a l'accord. On n'a pas l'accord sur les critères, mais on a l'accord sur le fait qu'il y aura des critères et qu'on doit les définir sous présidence française, de préférence avant l'été. Ça, on a l'accord. Déjà cela, c est très important.
Mais regardez, en deux ans on a réformé la Banque mondiale et le FMI. Il y a 6 mois qui, parmi vous, aurait pensé qu'on arriverait à une réforme du FMI ? Lequel ? C'était la chronique d'un échec. Et en tout cas, de toute manière si cela ne se fait pas au G20, ça ne se fera nulle part ailleurs.
QUESTION -- On a parlé beaucoup de la tension avant ce sommet. Je voudrais savoir ce que vous proposez, qu'est-ce que vous pouvez faire comme futur président du G20 pour calmer cette tension ?
LE PRESIDENT -- C'est un peu décourageant votre question car je croyais l'avoir un peu expliqué quand même. Ce que l'on peut faire, c'est aller au fond des problèmes techniquement et politiquement, pour essayer d'évacuer les malentendus et rassembler les positions. C'est la raison pour laquelle -- et j'en remercie Mme LAGARDE qui m'a remplacé hier, puisque je devais faire les cérémonies commémoratives du 11 novembre à Paris --, nous avons bien veillé à pousser au consensus et non pas à prendre parti. C'est aussi le travail de la présidence, la présidence doit pouvoir parler avec tout le monde, les Américains comme les Chinois, les Allemands comme les Brésiliens, et c'est ce que l'on a essayé de faire.
QUESTION -- Dans quelle mesure les enjeux importants que vous avez décrits pour la Présidence française du G20 trouveront leur expression ou leur extension dans l'architecture d'un gouvernement que vous vous apprêtez, semble-t-il, à remanier dans les prochains jours.
LE PRESIDENT -- Je vous félicite. Je voyais la tête du serpent, je n'arrivais pas à voir la fin du serpent, mais je l'ai vue. Je suis ici à Séoul, je vais avoir un échange bilatéral avec le président sud-coréen, ne m'en veuillez pas mais je ne répondrai pas à des questions strictement françaises ?
Mais l'un des enjeux, bien évidemment, pour nous tous, c'est de faire comprendre à nos concitoyens, dans tous nos pays, que ce dont il est question ici, ça a des conséquences sur la vie quotidienne des gens. Cela n'est pas facile, je le reconnais bien volontiers, d'abord parce que c'est extrêmement technique, deuxièmement parce que les gens se disent : « c'est très lointain, en quoi cela va changer ma vie quotidienne ? ». Et en même temps, nos concitoyens doivent comprendre que quand il y a une crise comme celle que nous avons connue en 2008, il faut bien qu'on en tire les conséquences et que l'on fasse de la régulation. C'est un enjeu très important et ce n'est pas gagné.
QUESTION -- Vous venez de rencontrer Mme ROUSSEF et M. LUL, est-ce qu'ils vous ont communiqué une décision sur l'achat éventuel de Rafale par le Brésil ?
LE PRESIDENT -- Nous en avons parlé. Je reste confiant, mais la décision appartient à nos amis brésiliens et s'ils ont envie de communiquer dessus, ils le feront certainement au moment où ils l'auront décidé. Ce n'est pas à moi d'annoncer leur décision. Enfin, là aussi c'est un long travail, comme vous le savez. Et nous avons parlé aussi du Pont sur l'Oyapock, qui avance.
QUESTION -- J'ai une question concernant les établissements trop grands pour faire faillite. Est-ce que le G20 a étudié l'idée de publier une liste de ces établissements, comme cela a été évoqué dans la presse. Et petite annexe concernant mon pays, on parle de banques très grandes, il y en a en Suisse £ on parle de monnaies importantes, le franc suisse en est une £ serait-il envisageable que l'année prochaine la Suisse soit invitée au sommet du G20 ?
LE PRESIDENT -- Alors sur la liste, je vous le dit de la façon la plus claire, il n'y a jamais eu l'idée de publier une liste, jamais. Je dois dire d'ailleurs qu'à titre personnel, je suis très réservé sur le fait de dire qu'il n'y a que les grandes banques qui soient dangereuses. L'expérience montre que des problèmes peuvent venir par des plus petites banques, confer l'Allemagne et confer l'Espagne. Ce serait une erreur, me semble-t-il, d'analyse -- et je partage cet avis avec Mme LAGARDE de manière très claire -- de cibler simplement les grandes banques.
Sur la Suisse, vous avez raison, la Suisse en matière monétaire, ça compte et l'une des idées de la Présidence française, c'est que, dans le cadre des séminaires préparatoires, soient invités des pays qui ont des choses à dire en matière monétaire, sans être forcément membres du G20. Donc il est parfaitement clair -- je l'avais dit à la présidente de la Confédération -- que cela serait opportun d'inviter la Suisse dans le cadre des séminaires de préparation du G20.
Après, le G20, il y a un certain nombre de règles qui obéissent à des prescriptions très précises, je ne peux pas prendre d'engagement. Mais c'est très pertinent que la Suisse soit invitée à participer aux travaux de séminaires sur ces questions, tout à fait. C'est même très important.
QUESTION -- Monsieur le Président, peut-être pour être plus clair encore, par rapport à la Présidence de l'Union européenne, comment vous compareriez le rôle que vous entendez jouer pendant cette Présidence du G20 ? On a l'impression que vous vous voyez plus comme un accoucheur de consensus entre l'Amérique, la Chine, enfin des géants. Est-ce que c'est cela ?
LE PRESIDENT -- Accoucheur ? Je n'ai pas une vocation d'obstétricien absolument évidente, mais oui, ce n'est pas nous qui pouvons dicter à la Chine, Madame HADJAJE, ou aux Etats-Unis ou à tant d'autres....Mais en revanche, l'ordre du jour, on l'a proposé, il est accepté et puis on va faire des propositions, on va avancer.
La Présidence de l'Union européenne, c'est très compliqué et cela a duré six mois. Si vous voulez me faire dire que dans l'échelle des difficultés, le G20 c'est encore plus difficile, oui c'est incontestable. C'est incontestable parce que l'Union européenne c'est 27 pays. Le G20 c'est 20, en vérité plus avec les institutions £ mais surtout les différences de cultures, les différences de liens, les différences d'histoires, les différences d'intérêts sont exponentiellement différentes par rapport à ce qu'il y a au sein de l'Europe. Oui, c'est certain.
Disons qu'au sein de l'Europe, on a deux critères : les pays du Sud et les pays du Nord £ et puis disons, les petits pays et les plus grands pays pour dire à peu près....On a ces deux grilles de lecture. Dans le G20, c'est vraiment ce que l'on appelle des entrées multiples, il n'y a pas que ces ceux critères, il y en a bien d'autres : il y a les solidarités asiatiques, les solidarités africaines, les solidarités des pays émergents, les solidarités de l'Orient, les solidarités des pays développés, entre les pays les plus pauvres et les pays émergents... enfin c'est innombrable, bien sûr, mais en même temps, c'est passionnant.
Et puisque la France a l'honneur d'assumer la Présidence du G20, jouons cette opportunité à fond et essayons d'avoir de grandes ambitions. Mais pour cela, il faut parler avec tout le monde, ne pas bloquer. Toute notre idée, c'est de ne pas bloquer sur des solutions déposées sur la table trop vite. De rassembler sur un constat partagé et, dans un deuxième temps, faire des propositions.
Parce qu'une fois que tout le monde sera engagé dans la discussion, c'est difficile d'en sortir sans rien faire au fond.
Une question pour nos amis Coréens.
QUESTION -- Merci Monsieur le Président. Je voudrais vous poser une question sur le retour de documents royaux qui ont été envoyés en France et conservés actuellement à la BNF. Donc je crois que vous allez rencontrer le Président LEE Myung-bak pour discuter de ce sujet. Et quel sera le consensus ou l'accord sur le sujet ?
LE PRESIDENT -- Oui. Ce n'est pas je crois, c'est je vais rencontrer le Président LEE £ bien sûr je vais le rencontrer. Et cette question va trouver son épilogue, puisque j'ai bien l'intention d'honorer la promesse qui a été faite par le Président François MITTERRAND lors du premier voyage en 1993 d'un président français en Corée. Ces documents sont des documents qui ont vraiment trait à l'identité coréenne. qui sont -- j'espère que vous ne m'en voudrez pas --, mais pour être royaux, ce sont des documents politiques et donc c'était un irritant profond entre ce grand pays qu'est la Corée du Sud et la France.
Des engagements avaient été pris et la parole qui a été donnée doit être tenue. Donc nous avons d'ores et déjà un accord avec nos amis coréens sur la base d'un prêt pour cinq ans, renouvelable tous les cinq ans sur ces documents. Je précise que cela ne vaut pas pour d'autres objets ou oeuvres d'art qui peuvent appartenir au patrimoine universel et peu importe l'endroit où ils se trouvent, mais je sais que pour la Corée, cela avait une sensibilité extrêmement particulière et que c'est très attendu et donc il est venu le temps de régler cette question. Le prêt pour cinq ans, renouvelable tous les cinq, permet de satisfaire nos amis Coréens sans créer de précédent pour la France ou pour d'autres pays. Donc, je crois que c'est une très bonne nouvelle, qui sera accueillie comme telle en Corée.
Merci beaucoup. Merci à tous.