29 juillet 2010 - Seul le prononcé fait foi

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Déclaration devant les autorités de la Principauté d'Andorre de M. Nicolas Sarkozy, Président de la République, sur les relations entre la France et l'Andorre notammment en matière de coopération fiscale, à La Maison des Vallées (Principauté d'Andorre) le 29 juillet 2010.

Monsieur le Syndic Général,
Monsieur le Chef de Gouvernement,
Mesdames et Messieurs les Élus
Mesdames et Messieurs les Membres du Gouvernement,
Mesdames et Messieurs,
N'en doutez pas, c'est une grande joie pour moi d'être parmi vous. C'est également un grand honneur que d'être pour la première fois en Andorre aujourd'hui et de pouvoir m'adresser à votre assemblée, dans cette Maison des Vallées qui est au coeur de la démocratie andorrane. Depuis plus de 7 siècles, votre assemblée reflète l'unité politique de l'Andorre, que vous avez su préserver au-delà de vos différences et faire évoluer à travers l'Histoire.
Je veux vous dire combien je suis fier d'être coprince de votre Principauté, avec Son Excellence l'évêque d'URGELL. C'est une responsabilité, dont je mesure l'importance symbolique, mais qui peut contester qu'en Andorre les symboles c'est important, et dont je mesure la dimension historique. Vous et moi, nous nous inscrivons dans une tradition historique. Il n'y a pas d'identité sans le souvenir et le respect de l'histoire. Vous le savez parfaitement ici.
Alors entrons dans le vif du sujet. J'ai pu donner le sentiment, - vous l'avez rappelé, Monsieur le Syndic Général, - que je prenais mon rôle de Coprince très à coeur : c'est vrai. Je suis ainsi. Je respecte mes fonctions et je les prends toujours très au sérieux. C'est une affaire de respect et de considération. Ce n'est pas du folklore. La Principauté n'est pas une entité folklorique, c'est une identité historique, c'est une démocratie. Ce sont des habitants qui aiment profondément leur territoire. Que serait-il d'un Coprince qui ne prendrait pas au sérieux ses responsabilités, fussent-elles, symboliques. Je ne crois pas que je les ai prises trop à coeur. D'ailleurs qui pourrait faire reproche à qui que ce soit d'avoir pris trop à coeur ses responsabilités. Dans l'univers qui est le nôtre, tant de gens ne prennent pas assez au sérieux leur responsabilité. Je voudrais que vous compreniez les choses. Je respecte profondément le partage des responsabilités politiques et des fonctions institutionnelles, qui a été conforté par les Andorrans lorsqu'ils ont adopté votre Constitution. Et j'ai bien assez à faire avec la politique française pour surtout ne pas mettre le doigt dans la politique andorrane dont je n'ai pas observé qu'elle soit plus simple que la politique française. Mais je souhaite voir l'Andorre endosser pleinement les responsabilités qu'implique son appartenance à la communauté internationale.
Aujourd'hui, l'Andorre doit ouvrir un nouveau chapitre de son histoire pour construire son avenir, votre avenir, celui de vos enfants, dans un monde en pleine mutation. Soyez fiers de vos racines, soyez fidèles à votre histoire mais regardez le monde qui vous entoure, il est en pleine mutation et quand vos grands voisins sont en crise, l'Andorre n'est pas épargné par les conséquences de cette crise.
La crise a montré la nécessité pour tous les États de bâtir ensemble un nouveau modèle de capitalisme, plus juste, plus solide. Dans ce nouvel équilibre, la transparence des activités financières et la lutte contre les paradis fiscaux sont déterminants. La transparence n'est pas contraire à l'identité andorrane.
Je veux saluer les progrès faits par l'Andorre en matière de coopération fiscale. Vous avez déjà signé 17 conventions d'échange de renseignement, notamment avec la France. De même, la révision de la législation sur la levée du secret bancaire est une avancée absolument décisive. Les progrès que vous avez accomplis sont considérables. Bien sûr il y a encore des efforts à accomplir pour vous, pour nous aussi les Français. Qui pourrait dire, qui pourrait prétendre qu'il n'y a pas d'efforts à poursuivre ? Et la France est prête à négocier avec vous une convention fiscale bilatérale, pour éviter les doubles impositions. Ce n'est pas l'objet que l'on cherche, la double imposition. Nous voulons une convention fiscale bilatérale avec vous.
En lançant ces réformes fiscales, vous avez prouvé votre détermination à inscrire Andorre dans le XXIe siècle. D'ailleurs vous le savez bien, est-ce que l'on peut construire quelque chose de sérieux sur la fraude ? Sur l'opacité, sur la bulle spéculative ? Sur la disproportion entre la réalité et la virtualité ? Tous ceux qui aiment Andorre, ce qui est votre cas, savent parfaitement que cela peut fonctionner un temps mais un jour qu'on est rattrapé, toujours, par la réalité. Et dans ce cas là, qui paye ? C'est le peuple. Donc le choix que vous avez fait, qui est un choix courageux, nous le soutiendrons de toutes nos forces. Nous vous aiderons de toutes nos forces. Vous avez, en faisant cela, préparé les conditions d'un avenir pour la principauté. D'un avenir solide. La compétition fiscale est une chose, la compétitivité fiscale, personne ne peut vous la reprocher. La fraude fiscale, c'est autre chose.
Voilà ce que je suis venu, au plus profond de mon coeur, vous dire en respectant profondément les valeurs qui sont les vôtres. D'ailleurs dans les valeurs qui sont les vôtre, il y a le travail. Parce que dans ces paysages magnifiques qui sont les vôtres, la vie a été rude à bâtir.
J'y vois de surcroit un signe très positif pour l'évolution de vos relations avec l'Union européenne, je sais que vous y réfléchissez. La France vous soutiendra pleinement. Nul ne peut nier que l'Andorre s'inscrit au sein de l'Europe, par sa géographie, par son histoire, par sa culture, par sa population. Les merveilleuses églises andorranes en sont un témoignage éloquent : sévères mélangées de grâce, modestes mais tellement pleines de force, elles illustrent la beauté de cet art roman qui a été l'un des premiers à mêler toutes les influences européennes.
De nombreuses voies s'ouvrent à vous, pour ouvrir de nouvelles relations avec les états membres de l'Union européenne, notamment la possibilité de signer un accord d'association. De mon point de vue, sans aller au-delà de mes responsabilités symboliques, c'est une décision cruciale. La France a besoin de l'Europe. Et l'Europe a besoin de la France. Toute ma vie politique je me suis battu pour l'idée européenne. Parce que toute ma vie politique j'ai eu la conviction, que dans le monde qui est le nôtre aujourd'hui, l'isolement et la solitude sont un risque considérable. Et c'est cet isolement et c'est cette solitude qui peut nous faire perdre notre identité.
Ce que je me permets de dire au peuple d'Andorre, je l'ai dit au peuple anglais. Il y a plus de risque pour son identité à rester isolé des grandes affaires du monde qu'à s'inscrire dans le monde tel qu'il est. Je pense que la Principauté aura ainsi des débouchés, une ouverture internationale qui sont les conditions de son avenir. Mais c'est votre décision. Et nous les Français, nous vous aiderons une fois que vous aurez pris cette décision.
Permettez-moi enfin de formuler des voeux pour votre Principauté, qui est très chère à mon coeur, parce que je me sens proche, comment dire, des fortes personnalités de cette Principauté. Du fort tempérament de cette Principauté. Et en même temps de la générosité, de la passion et de l'ouverture...Fidèles à vos racines et ouverts sur le XXIème siècle. Quelle responsabilité pour vous.
Permettez-moi de vous dire ma fidélité, la fidélité de la France à votre souveraineté. Vous dire aussi que n'êtes pas seuls. Nous sommes vos amis pour protéger votre souveraineté et votre identité. Car nul ne peut contester à un peuple le droit de défendre son identité. D'ailleurs, les peuples forts sont ceux qui sont certains de leur identité. Et parce qu'ils sont certains de leur identité, ils s'ouvrent à l'extérieur. C'est ceux qui ne sont pas certains de leur identité qui ont peur de l'ouverture et de la confrontation.
Vive l'Andorre, Visca Andorra.