2 juin 2010 - Seul le prononcé fait foi

Télécharger le .pdf

Déclaration de M. Nicolas Sarkozy, Président de la République, sur le 6ème Forum mondial de l'Eau organisé à Marseille en 2012, à Paris le 2 juin 2010.

Monsieur le Président du Conseil mondial de l'Eau,
Monsieur le Vice-président du Conseil mondial de l'Eau,
Messieurs les Ministres,
Monsieur le Ministre des Ressources en eau de la République populaire de Chine, et Monsieur le Ministre de l'Environnement et des Forêts de la République de Turquie, qui nous font l'honneur de leur présence,
Permettez-moi tout d'abord de vous souhaiter à tous la bienvenue à Paris, à la Présidence de la République française, où nous sommes heureux que vous ayez accepté de vous arrêter, sur la route qui vous conduira demain et après-demain à Marseille.
Le moment que nous partageons aujourd'hui est un moment solennel et joyeux, parce que la France et Marseille, ont été retenues par le Conseil Mondial de l'Eau pour organiser le 6ème Forum mondial de l'Eau en mars 2012. Nous en sommes tous profondément heureux et je veux remercier tous ceux - nombreux ici - qui ont défendu et fait gagner cette double candidature.
Le moment présent reste, pourtant, un moment grave : parce que la question de l'eau, est l'un des enjeux les plus lourds du siècle qui s'ouvre.
L'eau abondante et saine qui coule de chaque robinet dans nos pays ne doit pas le faire oublier que, en cet instant même, en bien des points du monde, l'eau est souillée ou trop rare. Toutes les quinze secondes, un enfant meurt dans le monde à cause de l'eau sale. Dans le monde d'aujourd'hui, l'eau tue plus que les guerres, la famine ou le sida.
En cet instant, en bien des points du monde, l'eau manque pour irriguer des champs £ l'eau manque pour produire de l'énergie et l'énergie manque pour produire de l'eau potable. En cet instant, en bien des points du monde, la sécheresse tue et des inondations sévissent.
En ouvrant officiellement, à vos côtés, la préparation du 6ème Forum mondial de l'eau qui se tiendra à Marseille en mars 2012, voilà ce à quoi je pense. Vous l'avez compris, pour moi, la question de l'eau est une urgence absolue. Elle est la question de ce siècle. Car de l'avenir de l'eau, pour reprendre le titre d'un récent ouvrage d'Erik ORSENNA, dépend bel et bien l'avenir des hommes.
Les Forums de l'Eau sont des rendez-vous cruciaux pour nous tous : c'est le moment de rendre à l'eau sa place sur la scène internationale, la première.
Je compte que notre pays en soit digne avec toute son expérience. Cette expérience, c'est celle d'un pays qui, dès 1964, s'est dotée d'une loi sur l'eau, s'est dotée de comités de bassin, ces « parlements de l'eau » qui ont, d'une certaine façon, préfiguré les instances et la gouvernance du Grenelle de l'Environnement.
Notre culture de l'eau est forte. Un pays où le marché de l'eau atteint un chiffre d'affaires de plus de 15 milliards d'euros, mobilise plus de 110 000 emplois. Un pays qui possède trois leaders mondiaux français des constructions et des services pour l'eau potable et les eaux usées, dont deux sont justement les deux premières entreprises mondiales. Un pays, enfin, qui a su faire de la filière « eau et assainissement » sa filière verte la plus mature, où nous disposons grâce aux services des eaux et à leur savoir faire d'une eau courante de très haute qualité.
C'est avec tous ces acquis que nous porterons le rendez-vous de Marseille en 2012. Cette superbe ville, ville méditerranéenne, ville ouverte sur le monde, mélangée, vive, colorée et accueillante, qui d'ailleurs sera consacrée capitale européenne de la culture l'année suivante, en 2013.
Et il y a peu d'endroit en France où, comme à Marseille et en Provence, l'on connaît aussi bien l'immense valeur de l'eau. Demain, sachez que tout autour de vous, les pays des rives de la Méditerranée ne possèdent qu'1% de l'eau douce de la planète.
Il reste, Monsieur le Maire, cher Jean-Claude GAUDIN, à louer votre efficacité et votre ténacité. Je sais combien votre ville a été une candidate exigeante, déterminée et entreprenante.
Ce rendez-vous, nous ne le réussirons pas seuls. Même si je me réjouis que la candidature de la France l'ait emporté, je souhaite étroitement associer l'Afrique du Sud, qui était candidate également au travers de la ville de Durban. Je tiens à dire combien nous tenons, plus largement, à la participation de tout le continent africain, que la France a accueilli fraternellement à Nice au début de cette semaine pour le sommet France-Afrique.
Et j'en appelle à tous, à toutes les volontés et à toutes les expériences. J'en appelle à nos prédécesseurs qui ont organisé des forums mondiaux : le Maroc, les Pays-Bas, le Japon, le Mexique et bien entendu la Turquie qui, elle aussi, avait offert comme écrin au 5ème Forum mondial de l'Eau, cette ville merveilleuse qu'est Istanbul. Je veux d'ailleurs souligner que c'est la Turquie qui nous transmet aujourd'hui la responsabilité symbolique du Forum mondial de l'Eau. J'espère que, pour l'organisation du Championnat d'Europe de football, c'est la France qui passera le témoin à la Turquie après 2016.
Les Nations Unies avaient donné pour emblème à la décennie 2005-2015 : « l'eau c'est la vie ». Nous sommes désormais à 5 ans de l'échéance et - je dois l'avouer -, les chiffres nous accablent :
- 1 milliard d'habitants n'ont pas accès à l'eau potable £
- 2,5 milliards d'habitants n'ont pas accès à l'assainissement £
- 8 millions de personnes, dont 2 millions d'enfants, meurent chaque année de l'eau insalubre qu'ils boivent.
Ce signe est d'autant plus alarmant que l'eau est au carrefour de tous les défis du monde : croissance démographique, urbanisation, croissance des pollutions, changements climatiques, crises écologique et économique. Il n'y aura pas de développement, encore moins de développement durable, sans résoudre la question de l'eau.
Mon premier voeu pour le processus qui s'engage et qui nous conduira au 6ème Forum mondial de l'Eau, est à la fois simple et immense : faire de l'eau une ressource protégée, à partager au sein d'un même pays, comme entre les nations.
Dès lors s'impose à nous le défi d'une gestion raisonnée et partagée de la ressource en eau. Pour ce faire, il faut mettre l'eau au coeur des politiques, de toutes nos politiques.
Cela m'amène au deuxième voeu fondamental que je forme : que le Forum mondial de l'Eau de Marseille se donne les moyens de reconnaître et d'organiser un droit universel à l'eau et à l'assainissement.
C'est pourquoi la France a doublé depuis 2005 les financements accordés pour l'eau et son assainissement au titre de l'aide publique internationale.
L'Etat n'est pas seul dans cette coopération. Grâce à la loi de 2005, dite OUDIN-SANTINI relative à la coopération décentralisée, les collectivités locales et les agences de l'eau peuvent mener leurs propres actions de solidarité auprès des villes et des villages du Sud. En 2008, l'ensemble des financements français a permis l'accès à l'eau et à l'assainissement de 2,5 millions de personnes supplémentaires dans les pays en développement.
Lorsque la France présidera le G8 et le G20, en 2011, nous replacerons également la question de l'eau au coeur des discussions.
Je souhaite autour du prochain Forum de Marseille : qu'il expérimente un processus de concertation autour de l'eau entièrement nouveau, ouvert sur toutes les parties prenantes, à l'image de ce qu'a été, en France, le Grenelle de l'Environnement, rassemblant les ONG, les collectivités, les entreprises, les syndicats et les Etats.
Pour la France, l'Etat, les élus, les collectivités, les associations, les acteurs réunis au sein du Partenariat français pour l'eau, tous seront mobilisés pour transposer à plus grande échelle ce mode de gouvernance qui a été et qui reste un véritable gage de succès partagés et de progrès d'intérêt commun. L'eau traverse -- aisément ou difficilement - les nations : je souhaite pour Marseille 2012 un dialogue sans frontières, ni tabous, ni cloisons. Je compte sur vous tous pour que ce soit une véritable réussite.
Je vous souhaite à tous un travail riche et fructueux, pour que la préparation du Forum, que nous lançons aujourd'hui à Paris et demain à Marseille, aboutisse, en 2012, à une prise en compte partagée de la question de l'eau, ce défi pour notre temps et pour l'avenir du monde. Pour que tous les hommes, à l'image de René Char, soient, demain, des hommes « de jour pur et d'eau courante ».
Je vous remercie.