6 mai 2010 - Seul le prononcé fait foi

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Lettre conjointe de M. Nicolas Sarkozy, Président de la République, et Mme Angela Merkel, Chancelière de la République fédérale d'Allemagne, adressée à MM. Herman Van Rompuy, Président du Conseil européen, et José Manuel Barroso, Président de la Commission européenne, sur le soutien financier à la Grèce, le renforcement de la gouvernance économique de la Zone euro et sur la régulation des marchés financiers, le 6 mai 2010.

Monsieur le Président du Conseil européen,
Monsieur le Président de la Commission européenne,
Le 7 mai, les Chefs d'Etat et de gouvernement de la zone euro scelleront le soutien financier commun pour la Grèce. Cette décision permettra à la Grèce de prendre les mesures nécessaires pour mettre ses finances publiques et son économie sur une trajectoire soutenable et éloignera les menaces sur la stabilité de la zone euro dans son ensemble.
Dans le cadre de l'accord conclu avec la Commission européenne, la Banque centrale européenne et le FMI, le gouvernement grec s'est engagé à prendre des mesures courageuses. Nous soutenons totalement sa détermination et nous sommes convaincus que cela permettra à la Grèce de faire face aux défis économiques et budgétaires actuels et de retrouver la confiance des marchés.
L'Euro est une réalisation majeure de l'Union européenne. Il a bénéficié grandement à tous les Etats membres de la zone Euro. Nous sommes pleinement attachés à préserver la solidité, la stabilité et l'unité de la zone Euro.
Cette crise a démontré que tous les Etats-membres sont responsables de la stabilité de la zone euro dans son ensemble et de la solidité de la monnaie unique. Pour que le succès de l'Union économique et monétaire se poursuive, il ne suffit pas d'apporter une réponse à cette crise. Nous devons aller plus loin et tirer les leçons en prenant toutes les mesures nécessaires pour éviter qu'une crise de cette nature ne se reproduise.
Il faut tout d'abord renforcer la gouvernance économique de la zone euro. Au Conseil européen de mars, nous avons décidé de mettre en place un groupe de travail sur les mesures nécessaires pour renforcer et compléter le cadre actuel, en explorant toutes les options pour renforcer le cadre juridique. Pour réussir ce travail, toutes les contributions de la Commission européenne et des Etats-membres devront être évaluées par le groupe de travail. Lors de notre prochain Sommet, les Chefs d'Etat et de gouvernement de la zone euro devront adresser le signal qu'ils sont prêts à envisager pour la zone euro :
- Un renforcement de la surveillance budgétaire dans la zone euro, comportant des sanctions plus efficaces pour les procédures de déficit excessif et renforçant la cohérence entre les procédures budgétaires nationales et le pacte de Stabilité et de Croissance £
- L'élargissement de la surveillance aux questions structurelles et de compétitivité et aux déséquilibres et renforcer l'efficacité des recommandations de politique économique de l'Union européenne £
- pour l'avenir, les options pour créer un cadre robuste pour la résolution des crises respectant le principe de la responsabilité budgétaire de chaque Etat-membre.
Nous devons aussi renforcer la qualité du contrôle des statistiques. L'absence de fiabilité des statistiques grecques explique une large part de la défiance des marchés à l'égard de ce pays. La Commission a fait des propositions sur le renforcement des pouvoirs d'enquête d'Eurostat. Il est urgent qu'elles soient mises en oeuvre dans les meilleurs délais.
Au-delà du renforcement des mécanismes internes à la zone euro pour prévenir de telles crises, il est aussi indispensable de renforcer la régulation des marchés financiers. La réaction des marchés financiers au cours des derniers jours a amplifié la crise en provoquant des mouvements de grande ampleur sur les taux d'intérêts des dettes souveraines de certains pays de la zone euro, sans liens avec les fondamentaux.
Dans notre lettre du 10 mars dernier, co-signée avec M. Juncker et M. Papandreou, nous avons souhaité que soient intensifiées les initiatives européennes en faveur d'une plus grande transparence du marché des produits dérivés, conformément aux décisions du G20. Il est en premier lieu nécessaire que les bases de données centrales nous fournissent des informations précises sur les positions prises par les intervenants de marché sur les dettes souveraines européennes. En second lieu, nous souhaitons que le projet de directive préparé par la Commission sur les infrastructures européennes de marché soit présenté dans les meilleurs délais. Ce texte devra promouvoir la création et l'utilisation de chambres de compensation et de bases de données centrales européennes afin de renforcer la transparence et la sécurité des transactions sur les produits dérivés. En outre, il est impératif de décourager la spéculation en introduisant des exigences de capital ou de collatéral pour les transactions sur les produits dérivés non standardisés et de traiter la question des ventes à découverts déstabilisantes.
La décision d'une agence de notation de dégrader la note de la dette grecque avant même que ne soient connus le programme des autorités et le montant du plan de soutien doit nous inviter à réfléchir sur le rôle des agences de notation dans la propagation des crises. Le règlement du 17 novembre 2009 prévoit un système d'enregistrement et de supervision des agences de notation en Europe. Les dispositions de ce règlement doivent être pleinement utilisées et devront prendre en compte la création des autorités européennes de supervision.
Nous devons nous fixer comme objectif de mener rapidement une revue pour évaluer si l'objectif d'améliorer les processus de notation a été atteint. A la lumière des événements des dernières semaines, cette revue devra explicitement examiner les méthodes de notation des dettes souveraines, les modalités de communication et de diffusion des décisions de changement de notations, et prendre en compte le rôle éventuel des agences de notation dans l'amplification des crises et leur impact sur la stabilité financière. La Commission européenne devrait envisager de formuler des propositions pour renforcer la concurrence sur le marché de la notation de crédit. En outre, la Commission européenne devrait conduire une revue critique de la pertinence de l'utilisation des notations des agences dans les dispositifs réglementaires européens et envisager des voies pour réduire leur utilisation dans les exigences de capital.
Nous ne devons pas oublier les leçons des turbulences passées dans le secteur bancaire. Les Etats ne devraient pas être contraints de secourir les banques. Il doit être possible que des banques fassent faillite sans engendrer des risques systémiques pour le secteur financier dans son ensemble. Dès lors, la France et l'Allemagne soutiendront l'établissement d'un régime strict de gestion et de résolution des crises et s'engagent à l'appliquer. Sur la base des propositions du FMI d'avril, nous travaillerons également, tant au niveau national qu'international, sur un système de contributions équitables du secteur financier.
Il est de notre devoir à tous de préserver les acquis de la création de l'euro. Cela implique que nous renforcions la coordination de nos politiques économiques et les mécanismes internes de surveillance au sein de la zone euro afin que chaque pays se sente pleinement responsable de la stabilité de l'euro. Mais il est aussi de notre devoir de poursuivre l'agenda de régulation des marchés financiers défini par le G20 afin d'empêcher que la spéculation mette à mal les efforts de redressement que nous devons mener après la crise économique et financière que le monde vient de traverser.
Nous vous prions d'agréer, Messieurs les Présidents, l'expression de notre haute considération.