15 avril 2010 - Seul le prononcé fait foi

Télécharger le .pdf

Lettre de MM. Nicolas Sarkozy, Président de la République, et Silvio Berlusconi, Président du Conseil des ministres italien, adressée à M. José Manuel Barroso, Président de la Commission européenne, sur la perspective de la mise en place d'un mécanisme d'ajustement aux frontières de l'Union européenne contre les fuites de carbone, le 15 avril 2010.

Monsieur le Président,
Comme vous l'avez confirmé lors du dernier Conseil européen, la Commission présentera en juin prochain un rapport dans lequel elle évaluera si certains secteurs industriels sont exposés à un risque important de fuite de carbone, rapport qui devra être accompagné de propositions appropriées.
Il serait inacceptable que les efforts déjà ambitieux que nous avons consentis au sein de l'Union européenne en vue de réduire nos émissions de gaz à effet de serre conformément à ce qui avait été décidé au Conseil européen de décembre 2008 soient compromis par les fuites de carbone qui résulteraient de l'absence ou de l'insuffisance d'action de certains Etats tiers. C'est pourquoi la législation européenne prévoit expressément, dans ce contexte, la possibilité d'inclure les importateurs dans le système européen d'échange de quotas d'émissions. Il nous paraît indispensable que le rapport de la Commission soit l'occasion de préciser sans a priori les conditions dans lesquelles pourrait être mis en place un tel mécanisme d'ajustement aux frontières de l'Union européenne.
Comme les chefs d'Etat et de gouvernement l'ont souligné lors du dernier Conseil européen, il est nécessaire de donner une impulsion nouvelle au processus international de négociation. A la suite des engagements unilatéraux contenus dans le paquet législatif adopté en 2009, l'Union Européenne doit renforcer son approche tactique en utilisant des instruments de négociation nouveaux afin de rendre son action plus efficace et plus crédible dans les enceintes internationales compétentes.
Disposer, dans le cadre de la négociation internationale, parmi les autres possibles instruments, de ce mécanisme, qui devrait évidemment être inclusif et non protectioniste, nous permettrait en effet de prévenir le risque de fuite de carbone en incitant les pays tiers à adopter des mesures de réduction de leurs émissions, par exemple dans le cadre de partenariats sectoriels. Ainsi, chacun saurait que, s'il refuse de prendre des engagements suffisants dans les secteurs concernés, ses produits se verraient appliquer une compensation équivalente à l'effort prévu dans l'Union européenne. Ne pas le faire reviendrait à créer une incitation paradoxale à ne pas prendre de tels engagements.
Il s'agit donc d'un levier indispensable que l'Union européenne doit pouvoir utiliser si nous voulons préserver l'intégrité environnementale de nos efforts tout en assurant l'engagement de nos principaux partenaires.
Nous ajoutons que, aux Etats-Unis, des dispositions comparables ont été introduites dans les projets de loi en cours d'examen. Notre intérêt est bien entendu de pouvoir travailler sur cette question avec nos partenaires américains, comme avec tous ceux qui le souhaiteraient.
Il va de soi que tout mécanisme d'ajustement aux frontières doit être pleinement compatible avec les règles de l'OMC. La loyauté des échanges rejoint ici la lutte contre le changement climatique. Il doit également être réalisable sur le plan technique et, à cette fin, sans doute se concentrer sur les secteurs réellement exposés aux fuites de carbone. Nos analyses comme les études dont nous disposons, notamment le rapport conjoint établi par le secrétariat de l'OMC et le PNUE en juin dernier, montrent dans l'ensemble que ces conditions peuvent être réunies.
Vous comprendrez donc que nous attachons la plus grande importance à ce que le rapport que la Commission présentera en juin prochain, en particulier sur le mécanisme d'ajustement aux frontières de l'Union européenne, précise ces éléments et contribue ainsi utilement aux travaux du Conseil européen sur les moyens de poursuivre notre action en faveur de la lutte contre le changement climatique.
Nous vous prions d'agréer, Monsieur le Président, l'expression de notre haute considération.