2 février 2010 - Seul le prononcé fait foi

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Déclaration de M. Nicolas Sarkozy, Président de la République, sur les efforts en faveur du développement durable de la Corse, à Ajaccio le 2 février 2010.

Messieurs les Ministres,
Messieurs les Parlementaires,
Monsieur le Président de la collectivité de Corse,
Mesdames et Messieurs les Présidents,
Mesdames et Messieurs,
Pour parler de la Corse, le mieux c'est de la rencontrer. Les statistiques, les notes, les observateurs nous disent que la Corse va mieux, que la crise économique est moins ressentie ici qu'ailleurs, que la croissance est restée positive, qu'il y a davantage de créations d'entreprises, plus de créations d'emplois aussi et que la saison touristique en 2009 a été excellente.
Ces signaux économiques positifs se conjuguent à un recul de la violence, ceci expliquant sans doute cela. Chacun sait bien que sans la sécurité et la paix civile, il ne peut pas y avoir de développement soutenu et durable, en Corse comme dans le reste du pays.
Les forces de sécurité ont mené depuis 2002 une action résolue et continue contre la violence. Cette action a porté ses fruits : les attentats et les tentatives d'attentat ont été divisés par six entre 2002 et 2009. Bien qu'en diminution, cette violence reste inacceptable, tout comme la recrudescence du nombre d'homicides depuis 2008. Je sais et je salue les efforts accomplis par les ministres de l'Intérieur et de la Justice, et les responsables locaux de la sécurité. Nous ne laisserons jamais la Corse et ses habitants devenir la proie du banditisme et des mafias. Jamais. Que ce message soit entendu, que chacun en soit bien conscient. Jamais, jamais, jamais. Nous mettrons les moyens qu'il faut, nous trouverons les responsables. Je l'avais dit dès 2002, j'ai tenu promesse et, en la matière, je ne relâcherai pas la pression. La Corse a trop souffert. Cette page est tournée et rien ne peut justifier, dans une République et dans une démocratie, qu'on agisse par le biais de la violence.
Tous ces progrès que je viens d'évoquer sont avérés. Mais ce n'est pas le moment de se réjouir, c'est juste le moment d'espérer.
Cela va mieux dans le domaine économique, cela va mieux dans le domaine de la sécurité, mais je sais bien que la réalité corse est beaucoup plus complexe que les chiffres. Et comme le disait Fernand Braudel, ébloui par la Méditerranée, parler de la Corse, c'est rappeler qu'elle est "mille paysages" à la fois. Ce sont donc mille réalités et je sais bien que les statistiques globales de la Corse ne répondent pas aux spécificités départementales, cantonales, communales.
Mais aujourd'hui, Mes Chers Compatriotes, vous voyez bien que la Corse n'est pas à l'écart du monde. Il y a dix jours, 124 étrangers ont échoué sur une plage de Bonifacio, en quête d'un sort meilleur. Vous les avez traités avec humanité, et c'est bien là une valeur de la Corse. Mais la France ne peut pas donner une prime aux organisations mafieuses, les côtes de la Corse sont une des frontières de l'Europe. Vous voyez bien que la Corse, avec l'arrivée de 124 immigrés sur une plage de Bonifacio, est au coeur du monde, n'est pas séparée du monde. Vous devez y prendre votre place.
S'agissant d'ailleurs de cette douloureuse affaire, je ne laisserai pas une nouvelle filière d'immigration se développer en France. Vous imaginez le cynisme, la malhonnêteté, le mépris humain qu'il faut pour amener 124 étrangers du bout du monde et les débarquer sur une plage, avec des enfants, des femmes enceintes. Ceux qui ont fait cela seront retrouvés, seront punis. Mais surtout, que les mafias sachent que nous ne laisserons pas faire cela et qu'il n'y a aucune espérance qu'on puisse obtenir des papiers par des procédures comme celles-ci. Nous recevons avec humanité ces pauvres gens, nous examinons leurs dossiers et ceux qui ne seront pas des réfugiés politiques seront raccompagnés dans leur pays. Quant aux mafieux qui ont fait cela, ils seront punis.
La question est maintenant de savoir comment la Corse peut prendre toute sa place dans le monde d'aujourd'hui. La Corse a une identité forte. La Corse a la volonté. Quel doit être le rôle de l'Etat à vos côtés ? Je voudrais convaincre que la lutte contre l'Etat n'a aucun sens quand on est Corse. Aucun. C'est un combat qui a éclaté ici, il y a 35 ans, même si ses racines sont plus anciennes. Et, bien sûr, les Corses ont le sentiment que le continent les négligeait dans le passé, qu'il y a eu des injustices. Mais, Mes Chers Amis, la page du ressentiment, cela fait bien longtemps que l'on doit la tourner. La seule chose qui compte, c'est que l'on regarde ensemble l'avenir. Il y a eu beaucoup de ressentiment, mais j'estime avoir suffisamment investi de temps, de confiance, de visites ici, pour dire "tournons définitivement la page du ressentiment et construisons l'avenir avec un rôle nouveau pour l'Etat". L'Etat doit proposer et non pas imposer. J'en suis bien convaincu. L'Etat doit accompagner plutôt que d'agir à votre place. L'Etat doit aider la Corse et l'Etat doit relever ce défi de remettre la Corse en mouvement.
Regardez ce que vous avez réussi avec le tourisme. Cette année 2009 bat tous les records : 5 millions de visiteurs, et 600.000 Corses du continent, près de 6 millions de visiteurs en tout, c'est vingt fois la population permanente de l'île. Evidemment, quand il y a de la tranquillité, quand il y a de la sécurité, quand je peux faire le voyage en Corse pour une fois sans que l'on dise : "voyage sous haute tension", comme si on allait dans un endroit bizarre et pas simplement dans une région de France parmi les plus belles avec une identité la plus forte. Les touristes l'ont parfaitement compris. Ceux qui font régner ou essayent de faire régner la violence sur votre île, sont ceux qui sont opposés au développement de la Corse. Car le tourisme, c'est plus de la moitié de la valeur ajoutée. Le tourisme doit rayonner par une gamme plus large d'activités. Mais la clé du développement de la Corse, c'est le développement durable. C'est un souci constant pour nous, parce que s'il y a bien un endroit en France où le développement est nécessaire c'est la Corse et ce développement doit être durable parce que votre environnement est exceptionnel. On n'a pas le droit de faire n'importe quoi, ici. La Corse, c'est le patrimoine de l'humanité. Nous allons écrire ensemble ces chapitres qui permettront à la Corse de s'inscrire dans le développement durable.
Je crois, premièrement, qu'il faut adapter les outils du développement. Et d'abord, le PEI. Nous avons prévu 2 milliards de travaux, pour rattraper 15 ans de retards insulaires. C'est une démarche exceptionnelle. Je me souviens fort bien en juillet 2002 des espérances que le programme a suscitées. J'ai tout mis en oeuvre pour le faire démarrer, avec notamment la ligne budgétaire unique qui fait que vos élus n'ont pas à faire la quête à tous les ministères, mais qu'il y a une ligne budgétaire unique. Mais le PEI, ce n'est pas une manne passagère, c'est une entreprise de remise à niveau général qui jettera les bases d'une croissance durable. Alors s'il faut réviser la 2ème convention du PEI, en évaluant le chemin parcouru, et celui qui reste à parcourir, il faut le faire sans tarder !
Je veux que l'on me comprenne bien. Il ne s'agit pas de remettre en cause les enveloppes budgétaires. Les engagements que l'Etat a pris seront tenus. Il s'agit de s'interroger sur la destination des enveloppes budgétaires. Peut-être que plutôt que de se polariser à l'excès sur les grands travaux de transports, il faut convenir d'un grand effort dans le domaine environnemental : l'assainissement, l'eau brute, l'eau potable, le traitement des déchets. Sur ces questions, des élus de tous bords demandent régulièrement que l'on trouve des solutions. Ils ont raison.
Dans deux mois, vous aurez élu votre nouvelle équipe à la tête de la collectivité territoriale. Cette équipe devra débattre de ces questions et prendre des initiatives. Nous lui en donnerons les moyens.
Le PEI sera donc révisé. D'ici 2013, 168 millions d'euros financeront des opérations nouvelles dans le domaine du développement durable. Ils s'ajouteront au 868 millions déjà programmés depuis 2002. Au total, d'ici à 2017, ce seront bien 2 milliards d'euros qui auront été consacrés au rattrapage de la Corse. On reste donc sur les mêmes enveloppes, on continue avec le PEI et peut-être que l'on réoriente les enveloppes.
Deuxièmement, le Padduc.
Depuis 2003, ce plan fait l'objet de toutes les discussions, de toutes les expertises, mais je suis bien obligé de constater que, plus on en discute, moins il y a de consensus. Je ne fais de reproche à personne mais le fait est là. Ce plan était pourtant né d'une bonne intention : les accords de Matignon qui témoignaient de la volonté de donner à la Corse plus de compétences et plus de moyens. Mais, on n'a pas tout réglé en écrivant un article de loi. 7 ans plus tard, la réalité, c'est que le Padduc est en panne. Encore une fois, je ne critique personne, je regarde les choses.
Je crois qu'on a touché du doigt la difficulté de l'exercice. Prétendre engager l'avenir de toute la Corse, dans le détail, en une fois, dans un seul document, c'est une impasse. Cela ne peut pas marcher. On lance des procédures très complexes, très lourdes, et pendant ce temps là la situation évolue, je le dis devant le ministre d'Etat, Jean-Louis Borloo, le Padduc n'intègre pas les prescriptions du Grenelle de l'environnement. Depuis le temps que l'on essaye de mettre en place un consensus en Corse, tout cela a évolué, il y a notamment eu le Grenelle de l'Environnement. Le Padduc devra également intégrer les conclusions des assises des territoires ruraux, que j'annoncerai la semaine prochaine sur la base des propositions remises par Michel Mercier.
La future Assemblée de Corse sera donc consultée avant l'été, non pas sur un nouveau plan, mais sur un projet de loi modifiant la démarche et le contenu du Padduc. Je crois, mes chers amis, que c'est la seule solution raisonnable si l'on veut avancer.
Je demande à Jean Louis Borloo et Michel Mercier de préparer ce texte de loi dès à présent. Je le précise, il ne s'agit pas de recentraliser cette démarche, mais plutôt de donner à la collectivité la possibilité d'élaborer en début de mandat une vision nouvelle, qui ne soit pas figée pour toujours, et qui  intègre la préoccupation nationale du développement durable.
Par ailleurs, nous allons créer de nouveaux outils.
Premier exemple : la lutte contre les  feux de forêt. On ne peut pas se résoudre à voir partir en fumée 6000 hectares de maquis et de forêt chaque année comme c'est le cas grosso modo depuis vingt ans. A chaque incendie, on frôle le drame, la catastrophe. Je sais, par ailleurs, ce qu'a enduré le Sud de l'île l'été dernier. J'en ai vu les séquelles ce matin dans le village de Peri. Je salue la détermination des Corses, mais cela ne peut plus durer, c'est inacceptable. Le feu n'est pas toujours criminel, mais il l'est souvent. Je félicite d'ailleurs le ministre de l'Intérieur parce que, pour la première fois depuis bien longtemps, des incendiaires ont été interpellés et jugés sévèrement. L'impunité n'est pas une fatalité en Corse. Et le jour où l'on comprendra en Corse que quand on fait des choses contraires à la loi on est puni, on aura fait un grand pas.
La Corse peut être le fer de lance de la prévention et de la lutte contre les incendies en Méditerranée. C'est un défi méditerranéen. L'Etat va vous accompagner et je propose que l'on crée ici, en lien avec l'Université, un Institut euro-méditerranéen des Feux de Forêts.
Cette équipe pourra mener des actions de formation auprès des élus, de la population,  avant la saison des feux. On pourra associer les  retours d'expérience des pays méditerranéens pour réfléchir aux moyens de prévention et de lutte les plus efficaces. La Corse doit être à la pointe de la lutte contre les feux de forêt et c'est la Corse qui va montrer l'exemple avec la création de cet Institut euro-méditerranéen des feux de forêt. Il y aura là un vaste territoire pour expérimenter tout ce sur quoi il faut travailler.
Nous allons également créer un outil pour la gestion du foncier. Je sais combien les Corses aiment leur terre, qu'ils y tiennent de façon passionnée. Il  faut prendre très au sérieux ce problème qu'est la hausse du prix du foncier en Corse, sur le littoral et plus encore, comme me le disaient les agriculteurs, à l'intérieur. Cela crée des tensions, des conflits, des injustices et un sentiment collectif de dépossession.
Cette hausse du prix du foncier ne doit pas décourager ceux qui souhaitent vivre en Corse du fruit de leur travail. Je pense aux jeunes agriculteurs et je pense également à tous les Corses qui veulent transmettre leurs biens à leurs enfants. J'avais créé en 2007 le Groupement de reconstitution des titres de propriété, le GIRTEC. J'ai pensé à toutes ces maisons, à ces terres, qui ne pouvaient se transmettre dans les familles, faute de titre, et qui étaient vouées à l'abandon. Maintenant nous devons passer à une nouvelle étape, la lutte contre la spéculation. Tel est l'un des objectifs du projet de loi de modernisation de l'agriculture qu'a déposé au Sénat le 13 janvier dernier, Bruno Le Maire, notre ministre. Il prévoit de taxer la spéculation pour préserver les terres agricoles. En mai dernier, l'Assemblée de Corse a demandé à l'unanimité que soit créé un établissement foncier d'Etat. Il le sera, je vous l'annonce. Je demande à Jean-Louis Borloo de veiller à sa création avant la fin de l'année.
Le troisième chantier, c'est le respect de la géographie corse.
En Corse, la géographie imprime sa marque plus qu'ailleurs : 1000 km de littoral et le problème de la continuité territoriale, avec la question de l'approvisionnement énergétique. Sans approvisionnement énergétique, je ne vois pas comment on pourra faire le développement durable de l'île.
Après la panne générale de l'hiver 2005, l'Assemblée de Corse a voté un plan de renforcement de la sécurité énergétique en Corse. Il permettra d'adapter le mode de production électrique pour qu'il soit moins polluant, en passant du fioul au gaz. C'est dans ce cadre que se pose la question du renouvellement des deux centrales thermiques. Alimenter la Corse en gaz naturel, au lieu de faire livrer des réserves de fuel lourd aux deux centrales, c'est un symbole pour la France et un grand progrès pour l'île.
Pour cela, nous allons travailler avec nos partenaires italiens.
La France, je vous l'annonce a donc décidé de négocier avec les porteurs du projet du futur Gazoduc Algérie-Sardaigne-Italie (GALSI), le raccordement de la Corse à cette infrastructure stratégique. C'est une décision extrêmement importante comme vous le savez. Tout à l'heure, en venant, j'ai vu une petite affiche : "Oh, Sarkozy le Galsi". A celui qui a collé l'affiche, je réponds : le Galsi, le voilà. Je voudrais vous dire qu'il s'agit pour la collectivité nationale d'un investissement massif de 425 millions d'euros, qui apportera le gaz naturel en Corse, tant pour la production d'électricité dans les deux centrales thermiques de Lucciana et Ajaccio, que pour desservir les particuliers à Bastia et Ajaccio. Notre objectif est d'avoir réalisé ces investissements d'ici 2015 dès lors que le Galsi aura été entrepris.
Nous allons lancer, sans attendre, un second volet d'études détaillées, pour engager le raccordement d'Olbia Je le dis aux deux maires, nous allons y consacrer dès cette année 7 millions d'euros. Ce ne sont pas des annonces, ce sont des décisions, parce que je sais bien que les annonces en Corse...
Ces études devront aussi préciser le coût total de l'opération. La solidarité nationale tiendra toute sa place aux côtés de la collectivité de Corse. Nous solliciterons bien sûr - je le dis à Ange comme à Camille -, l'Europe, car, s'agissant d'un projet euro-méditerranéen, je ne vois pas pourquoi on ne les solliciterait pas. Je demande à Jean-Louis Borloo de poursuivre les contacts déjà pris avec les Italiens, avec les Algériens et le consortium de réalisation du Galsi. Le projet est lancé. Je crois que c'était absolument indispensable. J'y ai beaucoup réfléchi, beaucoup travaillé, il n'y a pas d'autre solution pour l'indépendance énergétique de la Corse.
La centrale thermique située sur le bassin d'Ajaccio sera reconstruite sur un nouveau site. Je demande au préfet, en le remerciant de la qualité de son travail, de lancer au plus vite la procédure de réalisation de cette centrale, qui aura vocation à fonctionner au gaz naturel, comme, à terme, la future centrale de Lucciana. On m'a dit : "ne pouvez-vous pas prendre l'engagement qu'il n'y ait plus jamais de fuel lourd ?" Non, mais c'est ce que l'on veut à terme. Toutefois, il y a le problème de la jonction. On ne va pas arrêter l'électricité en Corse, on va y amener le gaz naturel, il n'y aura plus de fuel mais il faut simplement nous permettre de faire la jonction.
J'ajoute que la Corse doit développer beaucoup plus massivement les énergies renouvelables, solaire, éolienne, en particulier en mer, voire d'autres énergies marines innovantes. C'est très important.
Deuxième projet concernant nos voisins italiens : le parc naturel marin de Bonifacio. Camille de Rocca Serra sait parfaitement l'importance que j'y attache.
Près de 3000 navires transitent chaque année par les Bouches de Bonifacio. L'Assemblée de Corse a demandé le 9 octobre 2008 la mise en place d'un parc marin international. Je vous annonce que la France retient ce projet et le soutient en cette année internationale de la biodiversité. Voilà, c'est une décision de la France qui est considérable dans le domaine de la bio-diversité et pour la préservation de la Corse. Mais ce projet de parc marin international n'a de sens que si nous parvenons à une interdiction du transit des matières dangereuses dans ce détroit, comme l'Italie et la France le font déjà pour les navires relevant de leur pavillon. Il faut donc une initiative politique conjointe de la France et de l'Italie vis-à-vis de l'Organisation maritime internationale. Je vais me rapprocher du président du Conseil italien pour que nous puissions enfin avancer. Vous voyez petit à petit quelles possibilités donne cette stratégie du développement durable pour la Corse, et quelles perspectives cela ouvre pour vous.
Quatrième chantier : la revitalisation des territoires. Je ne peux pas venir en Corse sans parler de l'agriculture et du tissu agro-alimentaire que je souhaite puissants sur votre île.
Face aux difficultés que rencontrent les agriculteurs, nous avons engagé avec Bruno Le Maire un plan de soutien exceptionnel de l'agriculture. Je sais bien que la Corse, c'est la Corse. C'est donc d'abord de ce qui vous concerne qu'il faut parler. Pour faire face aux difficultés des agriculteurs corses, nous avons dégagé une enveloppe de 2,2 millions d'euros cette année pour prendre en charge les cotisations sociales des agriculteurs en difficulté, ce dont on me parlait encore ce matin. Il s'agit d'un effort sans précédent pour répondre au lancinant problème de l'endettement social. J'avais pris des engagements en 2002 pour les agriculteurs et la dette. Bien peu croyaient que je les tiendrais. Aujourd'hui, ces engagements sont tenus, avec ces 2,2 millions d'euros. Je sais qu'il y a encore des cas difficiles, je ne me laisse pas aveugler pas les statistiques, mais enfin aujourd'hui on peut parler de ce problème sans qu'il y ait des cris et du désespoir, parce qu'on l'a pris en main. Cette affaire-là durait depuis 30 ans. La seule chose que l'on vous proposait, c'est le nouveau plan qui vous étouffait et vous étranglait un peu plus à chaque fois. Quand on renégocie la dette, la dette, court devant et cela ne cesse d'augmenter.
Nous n'allons pas nous arrêter là. La répartition des aides européennes entre le continent et la Corse est profondément inéquitable. Dès 2007, j'ai souhaité que la France s'engage, au sein de l'Union européenne, dans une refondation de la PAC, notamment pour l'élevage en zone herbagère. Le bilan de santé de la PAC nous permet d'augmenter de 6 millions le montant des aides directes européennes versées à l'hectare en Corse. Pour ce travail sur la PAC, nous avons eu avec Michel Barnier, - à qui je veux hommage -, le courage de retirer aux uns pour donner à ceux qui en avaient le plus besoin. Cela permet d'augmenter le montant des aides directes versées à l'hectare en Corse. Pour les agriculteurs corses, le soutien moyen à l'hectare sera ainsi doublé en 2010. Je souhaite poursuivre le rééquilibrage que nous engageons dans le cadre de la préparation de la PAC de 2013, dont Bruno Le Maire s'occupe avec beaucoup de compétence.
De la même manière, l'Indemnité Compensatoire de Handicap Naturel sera augmentée de 25 % sur les 50 premiers hectares, ici, en 2010. C'était une promesse qui avait été faite en 2003. Elle est aujourd'hui tenue.
Dans le même temps, vous avez fait des progrès dans l'organisation de certaines filières agricoles, je pense à la filière viticole. Le bassin viticole corse ne comporte aujourd'hui qu'une seule interprofession - alors là, je dis "bravo !" parce que je n'y croyais pas. Eh bien, c'est le cas. Mais vous le voyez, organisez-vous mieux, c'est plus facile pour vous et c'est plus facile pour nous.
Par ailleurs, il reste beaucoup de chemin à parcourir. La moitié de la viande consommée en Corse est importée. Les filières bovines et porcines doivent donc être développées.
Nous allons mettre en place un nouveau plan pluriannuel d'amplification pour la période 2011-2013 et je demande à Bruno Le Maire d'engager une concertation avec les représentants de la Collectivité territoriale de Corse et des secteurs agricoles et agro-alimentaires, pour définir avant l'été prochain un nouveau contrat d'objectifs. C'est un plan qui doit accroître la sécurité alimentaire de la Corse, en augmentant les volumes de production à destination des circuits courts. Il n'y a aucune raison que vous continuiez à importer la moitié de la viande consommée ici avec les territoires qui sont les vôtres.
De la même manière l'aquaculture marine et la pêche, fleurons de l'économie insulaire, doivent pouvoir se développer en respectant leur environnement. Je souhaite qu'ils participent pleinement au développement d'un écotourisme de la mer en Corse.
C'est toute la vie rurale qui est porteuse d'identité et de développement. Je crois au rôle majeur d'Ajaccio et de Bastia, mais je pense que le coeur de l'île bat aussi dans ses territoires ruraux et que l'on ne peut pas les abandonner. Il y a dix ans chacun se disait : "hors de la ville, point de salut". Aujourd'hui, je veux saluer l'action de tous les élus de terrain qui prennent des initiatives pour revitaliser leurs villages et leurs cantons.
J'ai demandé à Michel Mercier, ministre de l'Espace rural et de l'Aménagement du Territoire, de mener des assises des territoires ruraux partout en France. Ici en Corse, ces assises ont connu une forte participation. Je les conclurai la semaine prochaine, en présentant des mesures fortes et Michel Mercier viendra en Corse dès le mois prochain décliner les conclusions de ces assises pour revitaliser nos territoires ruraux.
Je sais que dans ces territoires ruraux vous avez exprimé des attentes particulières concernant la couverture en haut débit de tout le territoire corse. Dans le cadre de l'emprunt national, nous consacrerons deux milliards d'euros à des projets de déploiement du très haut débit en France. L'appel à projets sera publié dans chaque région en juin prochain pour les initiatives privées, et les initiatives publiques pourront prendre le relais dès l'année prochaine. Christian Estrosi, Nathalie Kosciusko-Morizet prendront contact avec le Préfet pour l'équipement de toute la Corse en haut débit. Je sais parfaitement que l'Etat devra être avec vous parce qu'il n'y a pas, avec 307.000 habitants, un marché suffisant pour amortir le coût de ces investissements.
Le cinquième chantier du développement durable, c'est la création d'emplois nouveaux, adaptés au territoire.
La croissance verte représente un gisement considérable, que Jean-Louis, dans les Etats généraux du Grenelle de l'Environnement, avait fixé à 600 000 emplois potentiels.
Nous allons créer de véritables filières d'emplois verts en Corse. La Corse va s'inscrire dans une démarche pilote sur les métiers de la croissance verte. Cette démarche sera adossée à l'observatoire régional de l'emploi et de la formation. Nous allons lancer des diagnostics territoriaux réalisés au plus près du terrain, et mettre en place des formations dans les secteurs du développement durable. Monsieur le Préfet, 5 millions d'euros seront consacrés à ce dispositif que Jean-Louis Borloo va mettre en oeuvre.
Nous voulons créer des filières d'emplois verts et faire de la Corse un laboratoire pour la création de ces emplois verts. 5 millions d'euros permettront d'amorcer ces formations.
Il faut également que l'on arrive à favoriser la création des petites entreprises en Corse.
Je sais que le marché est étroit, mais l'Etat va maintenir son engagement dans la Caisse de développement économique de la Corse, la CADEC, sous la forme d'un fonds de réserve, à hauteur de 11,6 millions d'euros. La Collectivité sera présente dans ce dispositif, à hauteur de 8,5 millions d'euros. Vous allez disposer pour la première fois d'un instrument financier dont le rôle sera de faciliter à la fois l'accès des entreprises insulaires aux financements publics et l'intervention complémentaire des banques. Il y a depuis longtemps en Corse un problème de financement de l'activité économique, que l'on n'arrive pas à desserrer. Il a donc fallu mettre de l'argent public, entre la Collectivité territoriale et l'Etat, pour permettre aux petites entreprises d'accéder à un financement.
C'est profondément anormal. Des bulles spéculatives se forment. A certains moments, les banques prêtent à n'importe qui, dans n'importe quelles conditions, et à d'autres moments, celui qui veut 5 000 euros ou 10 000 euros pour développer son petit projet ne trouve personne. Cela n'est pas possible. C'est pour cela que nous avons décidé de rester présents au côté de la CADEC.
Un mot enfin pour l'université. En 2003, nous avons sortie l'Université des normes "San Remo" qui la paralysaient. L'université en est définitivement sortie en 2007. Je voudrais quand même vous dire une chose, - je ne sais pas si le président Aiello est là mais enfin, je veux que ce message soit entendu : les moyens de l'université de Corse ont augmenté de 74 % depuis 2007, ils auront doublé entre 2007 et 2012. En 2004, l'université a créé une première année de médecine, comme je le lui avais demandé, cher Antoine Santelli, et comme je m'y étais engagé. Tout cela, je l'avais dit. Nous l'avons fait. Des infirmières, des médecins commencent leurs études ici, en Corse, et viendront se réinstaller en Corse : c'est à mes yeux une réussite. On me parle aujourd'hui d'une école d'ingénieurs rattachée à l'université, avec le concours des Arts et Métiers. Tant mieux. Parfait. Ce n'est pas parce que nous avons puissamment aidé l'université de Corse, qu'on est contre, bien au contraire. Je pense depuis bien longtemps que la Corse peut être un territoire d'excellence et que des étudiants de toute la Méditerranée viennent se former ici.
La seule condition que j'avais posée et que je défends est celle-ci : l'université de Corte ne doit pas être un ghetto. Elle n'est pas réservée aux Corses. Nous aurons vraiment gagné, le jour où des étudiants du continent ou d'autres pays voudront venir s'inscrire dans cette université pour y travailler. De la même façon, ce n'est pas parce qu'il y a une université à Corte que tous les jeunes étudiants corses doivent étudier là-bas. Ils doivent venir sur le territoire. La République est une et indivisible. Cette vision sectaire qui consiste à se renfermer sur soi-même est inacceptable, c'est contraire à l'identité de la Corse et cela n'a aucun sens. J'estime avoir mobilisé suffisamment de moyens pour l'université pour pouvoir dire cela. C'est d'ailleurs ce que j'ai toujours pensé. Ce projet qui associe les Arts et Métiers est donc le bienvenu, et nous y aiderons aussi.
Je pense également au projet "Stella Mare" soutenu par l'Université de Corse. C'est un projet de plateforme halieutique, qui n'est pas fait pour observer, mais pour faire de la recherche, ce qui est extrêmement important pour faire progresser la connaissance des ressources en pêche. Jean Louis Borloo m'en parle avec enthousiasme, comme une illustration du Grenelle de la mer, il a raison. Je vous annonce que l'Etat soutiendra ce projet dès cette année en aidant à son implantation.
J'ai voulu venir ici prendre tous les projets comme je le fais d'habitude, et aller jusqu'au bout. La Corse n'a pas besoin de discours vibrants sur l'amour que l'on a pour vous, - amour que vous connaissez en ce qui me concerne -, mais de décisions. De tout ce qui peut tirer la Corse vers le haut, vers l'excellence, car vous n'avez pas à jouer le moyen, le petit. L'excellence existe ici. On peut faire de la Corse une terre d'excellence. On a calmé l'insécurité. On a diminué les attentats. Maintenant, il faut passer à la vitesse supérieure. Par exemple en proposant une plateforme halieutique, mais, encore une fois pas simplement pour observer, pour rechercher, pour que l'on ait des scientifiques, des universitaires, des chercheurs qui viennent ici apporter leurs compétences.
Je veux encore citer un projet très emblématique, le pôle de compétitivité "Capénergies" : l'expérimentation de la pile à hydrogène, alimentée par l'énergie photovoltaïque. Le CEA souhaite travailler avec l'Université de Corse, à travers l'Institut national de l'énergie solaire, et développer plus largement en Corse des expérimentations de prototypes dans le domaine de l'habitat, des transports ou de l'énergie. Je pense par exemple à la valorisation des essences de bois locales dans les économies d'énergie ou à la production de bio-carburants.
Vous le voyez bien, il ne faut pas condamner la Corse à l'assistanat mais lui donner les moyens de son développement, les moyens d'avoir de bons emplois, de bonnes formations, de bonnes entreprises pour vos jeunes.
Bien sûr, j'ai parlé de beaucoup de choses, mais il en reste beaucoup dont je n'ai pas parlé. Vous ne m'en voudrez pas, cela sera pour le prochain voyage, - parce qu'il y aura un prochain voyage, ce serait trop triste, en tout cas, pour moi qu'il n'ait pas lieu Je terminerai en posant une ou deux questions :
La Corse voudra-t-elle adopter la réforme des collectivités territoriales en cours ? La future Assemblée de Corse nous le dira. C'est à vous de le décider. Voulez-vous le conseiller territorial ou pas ? Instruit par le référendum que nous avions fait ensemble, je me suis dit que j'allais vous laisser décider, que cela ferait un ennui de moins. En plus, je le pense profondément. Vous pouvez rester comme cela : aller vers la collectivité territoriale, vers le conseiller territorial. C'est à vous de décider, parlez-en tranquillement. Il n'y a pas d'urgence, mais il n'y a pas de raison non plus que vous soyez condamnés à l'absence de toute évolution là-dessus.
Je vois que j'ai été interpellé dans la presse insulaire - que je lis régulièrement - par des intellectuels et des chercheurs corses sur la nécessité de réfléchir ici, en dehors de toute contingence politique, à ce que peut être l'avenir de la Corse. Je n'ai aucun a priori sur cette démarche. Je ne verrais que des avantages à ce qu'une mission de réflexion stratégique réunisse tous ceux qui désirent réfléchir à des perspectives innovantes pour l'île au lendemain des élections. On ne va pas le faire pendant les élections. Vraiment, je le dis très simplement, s'il y avait une volonté de toute la société corse de réfléchir à son avenir, nous sommes prêts à envoyer ici des représentants de l'Etat pour avoir un dialogue stratégique et voir ce que l'on peut retenir. Pourquoi pas ? Si les Corses discutent entre eux calmement, tranquillement, tant mieux. C'est tout ce que l'on souhaite pour la Corse.
Voilà, Mesdames, Messieurs, si vous me le permettez, Mes Chers Amis,
La Corse est à un tournant de son histoire.
Pendant longtemps, elle a été enfermée, et elle s'est elle-même enfermée dans une sorte de fatalité. Elle a subi la violence. Elle a subi l'immobilisme de ceux qui ont confondu préservation de ce qu'elle est avec le refus de tout ce qui venait de l'extérieur. C'est une erreur stratégique monumentale.
La Corse, aujourd'hui, change. Elle regarde vers l'avenir.
La Corse est riche de son patrimoine, de sa culture, de sa langue, la langue corse. Ce n'est pas une atteinte à la République française que de souhaiter faire apprendre à ses enfants la langue corse à l'école. Je veux dire que c'est naturellement une tradition familiale, une tradition culturelle, un enracinement dans son terroir. La Corse est riche des Corses. Elle s'ouvre. Elle s'ouvre au bassin méditerranéen, elle doit s'ouvrir à l'Europe. Nous avons besoin de la Corse en France et la Corse a besoin d'être en France.
Vous allez construire votre avenir et j'espère que vous avez compris que je n'abandonnerai pas, que je ne renonce jamais, que vous êtes une région de France qui a des atouts extraordinaires. Et que c'était un véritable scandale que l'on en reste à la violence, à l'immobilisme et à la régression. Il était profondément anormal que dans cette terre d'hospitalité, cette terre de culture, cette terre d'humanité et de générosité, à chaque fois que quelqu'un venait du continent, ce soit un drame. Il devait se prémunir contre la violence ou contre je ne sais quelle manifestation. Nous sommes en train de récolter les fruits de ce que nous avons planté, en-dehors de tout contexte partisan d'ailleurs. Ensemble, nous avons décidé de nous faire mutuellement confiance. Regardez, les résultats sont là. Mais je ne veux pas m'en contenter, je ne veux pas que l'on s'arrête. C'est justement parce que c'est une première étape que l'on doit maintenant passer à la seconde, celle du développement durable.
L'Etat sera avec vous, non pas pour distribuer des subsides, non pas pour distribuer des prêts de banque, non pas pour assister, mais pour accompagner, pour valoriser, pour soutenir, pour vous donner la force de croire en l'avenir pour vous-mêmes, pour vos familles, pour vos jeunes.
J'espère vous avoir fait comprendre que je me sens mobilisé dans cette ambition-là. Je reviendrai chaque année pour juger de l'avancement des dossiers et de la concordance réelle entre ce que je vous ai annoncé et ce que l'on a mis en oeuvre.
Mes Chers Compatriotes, je me souviens de l'inauguration de ce palais des Congrès, il y a quelques années, - vous m'aviez fait l'honneur de me demander de l'inaugurer moi-même. En arrivant ici, je me disais : "Mon Dieu, quel chemin nous avons parcouru !" Voilà l'image que je souhaiterais donner à la collectivité nationale de la Corse : un territoire apaisé, un territoire généreux, confiant où il y a de la compétence, où on a envie d'y croire, où il est tellement bon de vivre dans cette île extraordinaire. Il n'y a pas un endroit au monde qui ressemble à cette île, à son paysage et à ceux qui y habitent, si particuliers et si attachants.
Maintenant, il faut y croire. J'estime que nous avons donné tous les éléments pour qu'il y ait de la confiance entre l'Etat et la Corse. Maintenant, allez-y ! C'est vraiment ce que je vous demande en vous disant du fond du coeur, mon attachement et mon engagement pas simplement pour l'année 2010, mais aussi pour 2011, et comme on dit : "et plus, si affinités !".
Merci à tous./.