11 janvier 2010 - Seul le prononcé fait foi
Déclaration de M. Nicolas Sarkozy, Président de la République, sur la politique de modernisation de l'éducation, de l'enseignement supérieur et de la recherche, à Saclay le 11 janvier 2010.
Mesdames et Messieurs les Ministres,
Mesdames et Messieurs les Parlementaires,
Mesdames et Messieurs les Recteurs,
Mesdames et Messieurs les Présidents d'université et directeurs de grandes écoles,
Mesdames et Messieurs les Enseignants et enseignants chercheurs,
Mesdames et Messieurs,
Avant de m'adresser à vous, chacun comprendra que ma première pensée soit pour la victime de la terrible agression qui eu lieu vendredi dernier, dans un lycée du Val-de-Marne £ pour ce lycéen tué, selon toutes vraisemblances, par l'un de ses camarades. Comme chacun d'entre vous, cet événement m'a profondément bouleversé. Nous devons penser à la famille de Hakim, à ses parents, à ses frères et à sa soeur, si douloureusement atteints en ce début d'année. Je veux leur dire que toute l'institution sera à leurs côtés pour les soutenir, pour leur apporter toute l'assistance et l'aide morale que nous pourrons leur donner.
Je veux dire également que cette tragédie est d'autant plus odieuse, d'autant plus inacceptable, qu'elle s'est déroulée au coeur même d'un établissement scolaire. S'il y a bien un lieu qui doit être protégé de toute forme de violence, un lieu qu'entre tous il faut sanctuariser, c'est bien l'école. Hélas, on ne pourra jamais se prémunir totalement contre les folies de la nature humaine, mais nous continuerons à tout mettre en oeuvre pour protéger nos établissements scolaires.
A l'aube de cette nouvelle décennie, et malgré les tristes circonstances que je viens de rappeler, je veux dire que je suis heureux de vous retrouver ici, sur ce beau site de l'École Supérieure d'électricité, au coeur du plateau de Saclay que j'ai visité à de très nombreuses reprises. Ce lieu est emblématique des défis que nous avons à relever pour l'avenir. La majorité de ces défis intéresseront la science, - au sens large, la connaissance -, dans un monde où le savoir et l'innovation sont devenus des atouts absolument cruciaux pour le progrès d'une société, la puissance d'un pays et la maîtrise de son avenir.
Il n'est pas inutile de rappeler cette vérité qui me semble être une vérité d'évidence, à l'heure où les sciences connaissent une certaine désaffection, parmi la jeune génération. A l'heure aussi, où se fait jour un dangereux discours de défiance vis-à-vis de la science. En la matière, le doute n'est pas permis : notre société ne souffre pas d'un excès, mais d'un manque de science. Dans un monde bouleversé par une crise économique sans précédent, le savoir est notre arme principale pour comprendre une réalité de plus en plus complexe et dessiner dans ce champ des possibles un nouveau modèle de progrès. Depuis l'origine, il y a un pacte entre la République et la science. Il faut renouveler ce pacte et même le développer.
Nous devons encourager la diffusion et la production des savoirs, de tous les savoirs, de toutes les sciences, des sciences exactes et expérimentales comme des sciences humaines et sociales.
Au-delà des disciplines, l'unité de la science s'incarne dans la diversité de vos professions. C'est pourquoi j'ai tenu à rencontrer, réunis en un seul et même lieu, l'ensemble des représentants du monde de l'éducation et de la recherche : depuis les professeurs des écoles jusqu'aux présidents d'universités.
Vous exercez chacun des métiers bien différents. Les uns accompagnent les premiers pas de nos enfants dans l'acquisition des savoirs fondamentaux : lecture, écriture, calcul. Les autres transmettent et élaborent de nouveaux savoirs, en repoussant les limites des connaissances humaines dans les domaines les plus variés - de l'histoire ancienne à la physique quantique.
Tous, vous êtes animés de la même passion pour le savoir. Vous avez la même conviction que ce savoir doit être partagé.
Je tenais à vous en remercier et à vous dire, devant les ministres, la reconnaissance que le pays vous doit.
Depuis plus de deux ans, notre système d'enseignement et de recherche s'est engagé dans un mouvement de profonde transformation. Ce mouvement, ma détermination à le poursuivre est intacte.
La transformation de notre enseignement scolaire, d'abord, que nous menons dans la fidélité à deux principes :
- l'excellence d'abord, car dans une société de la connaissance, le niveau d'exigence doit être plus élevé que jamais. Il n'est pas question de revenir sur cette notion d'excellence.
- l'égalité des chances ensuite. Nous ne pouvons accepter que l'école soit encore trop souvent un lieu de reproduction sociale malgré tous les moyens engagés, et malgré l'énergie et le dévouement des enseignants.
Ces deux principes sont inséparables : l'excellence est favorisée par l'égalité des chances, qui élargit les viviers de recrutement des élites, et l'égalité des chances a besoin de l'excellence, qui tire tout le monde vers le haut. L'idée qu'en abaissant les niveaux des diplômes, on favorise l'égalité des chances, est une idée obscurantiste.
Jamais les familles n'ont tant attendu de l'école, jamais les jeunes n'ont eu une telle soif de connaissances, et pourtant, jamais notre système éducatif n'a semblé aussi démuni. Nous devons donc vous donner les moyens de partager plus largement l'accession à ces nouveaux possibles.
L'année 2009 a été particulièrement dense. J'en retiendrai trois chantiers majeurs.
La réforme de l'école primaire qui est entrée en vigueur. Je veux rappeler l'importance capitale de cette réforme qui concerne à la fois les programmes, recentrés sur l'acquisition des fondamentaux, l'organisation du temps scolaire, avec la création de deux heures par semaine d'aide individualisée - je veux dire que je crois à cette aide individualisée. Tous les enfants ne sont pas les mêmes. Ils ont besoin d'un soutien individualisé. Elle concerne aussi l'évaluation des élèves, - le mot évaluation ne peut pas continuer à être tabou - avec la mise en place de tests en CE1 et CM2. Notre objectif est de diviser par trois le taux d'échec scolaire à la sortie du CM2.
J'ajoute que nous avons le devoir d'être innovants :
- c'est pourquoi nous allons continuer à promouvoir les expérimentations, dont certaines donnent des résultats remarquables: ainsi de celle intitulée la « mallette des parents » menée, avec le soutien de Martin HIRSCH, dans l'académie de Créteil, et qui consiste à impliquer concrètement les parents dans le suivi de la scolarité de leurs enfants. L'égalité républicaine ne s'oppose pas, au contraire, à la mise en place d'expérimentations adaptées au terrain et à sa multiplicité.
- c'est pourquoi je souhaite, je le dis à Luc CHATEL et à Nathalie KOSCIUSKO-MORIZET, que continuent à se développer les usages numériques à l'école : le grand emprunt va vous y aider. Les nouvelles technologies dans le domaine éducatif constituent une véritable révolution au service des apprentissages. Nous n'avons pas le droit de passer à côté.
Second chantier, qui n'est pas plus facile: la réforme du recrutement et de la formation des enseignants. Nous la mettrons en oeuvre dès le printemps prochain. Là encore, notre objectif est ambitieux puisqu'il s'agit d'élever le niveau de formation de nos enseignants, pour les recruter au niveau master (bac +5). Les futurs enseignants feront des études plus longues, ils verront donc logiquement leur début de carrière revalorisé de façon significative. J'ai voulu que l'on mette un terme à la paupérisation de nos enseignants. C'est la première étape, cher Luc CHATEL, d'une revalorisation de la condition enseignante qui est incontournable. Il faudra notamment améliorer les perspectives de carrière de nos professeurs, en développant l'offre de formation continue qui leur est proposée. Mesdames et messieurs, depuis 20 ou 25 ans, nous faisons le choix de la quantité - sans doute était-ce nécessaire - mais cela s'est fait au détriment de la qualité de vie de nos enseignants et de la qualité de leur rémunération. Si le choix de la quantité suffisait, on devrait avoir un monde de l'enseignement parfaitement heureux. Or, où que je me tourne, on m'explique les problèmes. Ce n'est donc pas la voie. Et la question de la revalorisation de la condition enseignante est une question incontournable : en hissant le niveau de recrutement à BAC+5, nous allons revaloriser la carrière des enseignants.
Troisième chantier : la réforme du lycée. Le lycée professionnel a été profondément rénové, avec la généralisation du « bac pro » en trois ans, depuis septembre dernier. Cette année, nous allons réformer le lycée général et technologique pour que, dès la rentrée prochaine, le lycée prépare mieux à l'enseignement supérieur. Et je veux féliciter Luc CHATEL pour le travail remarquable qu'il a accompli sur ce dossier. Je veux également rendre un hommage tout particulier aux chefs d'établissement, qui ont soutenu la réforme avec beaucoup de conviction et de courage, et dont le rôle, dans les semaines qui viennent, sera tout à fait déterminant.
Le nouveau lycée nous permettra d'atteindre, enfin, le taux de 50% de diplômés dans l'enseignement supérieur.
- Notre système d'orientation sera plus progressif et plus souple, chaque élève aura la possibilité de se réorienter en cours de première,
- deux heures d'accompagnement personnalisé par semaine, les élèves pourront acquérir les méthodes de travail dont ils manquent parfois aujourd'hui cruellement lorsqu'ils arrivent à l'université.
- enfin, grâce à un renouvellement de l'offre de formation proposée dans le cycle terminal, nous allons diversifier les profils d'excellence. Le baccalauréat littéraire doit redevenir la voie privilégiée pour préparer aux formations d'excellence dans le domaine des sciences humaines, ce qu'elle n'aurait jamais dû cesser d'être. Pour cela, nous allons renforcer les langues étrangères et leur apprentissage, domaine où la France est encore beaucoup trop en retard, alors que les langues sont un atout crucial pour l'avenir. Nous allons également revaloriser la série Sciences et technologies industrielles (STI), afin qu'elle puisse fournir le vivier de techniciens supérieurs et d'ingénieurs dont notre pays aura besoin dans les années à venir.
Ce rééquilibrage des filières devrait mettre fin à la domination sans partage de la série scientifique, en permettant à chaque filière de faire valoir ses propres avantages. Mais je veux vous le dire ici, cette évolution sera également bénéfique pour les sciences elles-mêmes. Aujourd'hui, la filière scientifique concentre la très grande majorité des meilleurs élèves, mais elle se révèle incapable de former le nombre de scientifiques dont notre pays a besoin. On doit être dans la filière sciences parce qu'on a envie de faire des sciences, pas parce que c'est la filière où les bons élèves se trouvent, sacrifiant ainsi la moitié de ceux qui n'y sont pas. Ce n'est pas possible de continuer comme cela. La plupart des élèves qui s'y inscrivent aujourd'hui ne s'orientent pas ensuite vers les formations scientifiques. La filière science doit redevenir une véritable filière scientifique et, ainsi, enrayer la désaffection pour les sciences que j'évoquais il y a un instant.
Mettre en valeur le rôle des langues, des sciences humaines, des savoirs techniques, des connaissances scientifiques, c'est rendre aux disciplines leur noblesse, leur force pour la compréhension et la transformation du monde. Il n'y a pas une filière d'excellence, toutes les filières doivent pouvoir aboutir à l'excellence.
Le monde de l'enseignement supérieur et de la recherche, chère Valérie PECRESSE, a lui aussi connu de profondes évolutions.
Mesdames et Messieurs, le constat était partagé par tous : l'organisation de notre enseignement supérieur n'était pas à la mesure des enjeux qui sont ceux du XXIème siècle. Le malaise était profond, il venait de loin et ne pouvait se résumer à une demande de moyens supplémentaires. Même si les moyens manquaient, ce n'était pas le seul problème. C'est bien le manque de réformes, différées depuis des années, qui sclérosait progressivement l'université et la recherche françaises. Car si elles restaient encore aussi performantes, malgré les rigidités et les pesanteurs qui les entravaient, nous le devions à l'engagement et au talent de ceux qui y travaillent, les enseignants-chercheurs, les personnels administratifs et techniques.
Toute cette énergie investie dans le fonctionnement de la structure, chacun ici aurait préféré l'investir dans la science. Nous ne pouvions pas en rester là : il fallait que le système se mette enfin au service des hommes et de leurs projets au lieu d'être non seulement un poids à porter, mais bien souvent une contrainte paralysante.
Le retour aux priorités du savoir, voici l'objectif qui a présidé à la mise en oeuvre de la loi relative aux Libertés et aux Responsabilité des Universités (LRU), entrée en vigueur grâce au travail très remarquable de Valérie PECRESSE. Eh bien les universités françaises sont aujourd'hui autonomes, enfin ! Y a-t-il un seul pays où les universités réussissent sans l'autonomie, sans la liberté de se gouverner, la capacité de se gérer elles-mêmes, pour servir au mieux leurs projets d'enseignement et de recherche ? Depuis que je fais de la politique, j'entendais dire dans les projets que l'autonomie était un objectif, avant les élections, et systématiquement différé après, car ce n'était jamais le moment. Et comme tout changement profond, celui-ci a suscité des réserves, des craintes, voire des oppositions, mais qui peut penser gouverner un pays, le cinquième du monde, sans jamais rencontrer des craintes, des inquiétudes, des oppositions, des immobilismes, des conservatismes ?
Certains redoutaient que les présidents d'université ne disposent d'un pouvoir excessif £ d'autres agitaient la menace d'universités livrées aux intérêts privés £ d'autres enfin prophétisaient que les humanités et les sciences sociales seraient marginalisées.
Deux ans et demi après, ces inquiétudes se sont révélées sans fondement. Et à ce jour, à ce jour, 51 universités sur 84 ont choisi de devenir autonomes avant la date-limite de 2012. C'est la meilleure preuve, la preuve par les faits, du bien-fondé de ce que nous avons proposé. La vérité, c'est que le monde universitaire est bien moins conservateur qu'une partie de nos élites politiques et administratives qui parlaient en votre nom. Voilà la vérité : les freins n'étaient pas à l'intérieur, ils étaient à l'extérieur, entre les présupposées idéologiques qui ont fait tant de mal à l'université française et les craintes de toutes sortes, qui vous paralysaient de l'extérieur. Nous avons fait cette autonomie. Bon il y a eu quelques mois un peu compliqués, mais aujourd'hui qui prétendrait qu'il faut revenir à la situation que nous avions trouvée ? Personne.
Les Présidents d'universités et leurs conseils d'administration ont compris tous les avantages que leurs universités pouvaient retirer de cette autonomie : souplesse dans la gestion, liberté de faire des choix mieux adaptés à l'environnement, meilleure réponse aux attentes des étudiants, liberté de créer des emplois, - oui, de créer des emplois, comme ont pu le faire un certain nombre d'universités avisées - , possibilité de mieux rémunérer les personnels scientifiques et administratifs.
J'ai eu l'occasion de rencontrer il y a quelques semaines les 18 présidents des premières universités devenues autonomes. Je recevrai prochainement les 51 présidents des universités autonomes. Nous examinerons alors ensemble la situation pour tirer les leçons de cette première année d'autonomie des universités françaises. J'ai dit à la ministre, Valérie PECRESSE, que s'il fallait ajuster le dispositif sur tel ou tel point, nous le ferions.
Comme l'ont récemment suggéré un certain nombre de responsables universitaires, je trouve par exemple qu'il n'est pas normal que tous les membres des conseils d'administration d'universités autonomes, y compris les personnalités extérieures, ne puissent participer à cet acte décisif qu'est l'élection du président d'université. En intégrant des personnalités extérieures dans les conseils d'administration, nous avons voulu ouvrir les universités au monde extérieur. C'est en ouvrant davantage l'université sur la société, sur l'économie, sur son territoire, que nous lui permettrons d'offrir un service de qualité, mieux adapté aux attentes des étudiants.
Je voudrais très sincèrement rendre hommage aux universités et aux présidents qui ont pris, les premiers, le risque de l'autonomie. Rien ne les obligeait à le faire avant 2012. Ce courage d'innover, de s'engager avec audace, en misant sur l'avenir, quitte à bousculer les habitudes, c'est une qualité fondamentale que les enseignants- chercheurs pratiquent dans leurs cours et dans leurs recherches, et il était normal qu'on le pratique aussi dans les structures.
En décidant l'autonomie des universités, notre pays manifeste sa confiance dans les capacités du monde universitaire et scientifique à se réformer pour mieux former les talents de demain.
Nos universités souffraient d'une indigence constatée par tous, j'ai employé un mot fort mais je le pense, d'une indigence : des bâtiments mal entretenus, des capacités d'accueil insuffisantes, des équipements absents, des bibliothèques trop peu accessibles, et des conditions de vie misérables pour un trop grand nombre d'étudiants.
Pour y remédier, nous avons décidé un effort financier considérable. Depuis 2007, chaque année, nous consacrons un milliard d'euros supplémentaires à l'enseignement supérieur. Toutes les universités en ont bénéficié. En 2009, l'augmentation moyenne du budget des universités est de 15%. Jamais un tel effort n'a été accompli. Les dépenses consacrées à la remise en état de leurs bâtiments ont augmenté de 43%, hors opération campus, et sans compter les 750 millions d'euros affectés à l'enseignement supérieur et à la recherche au titre du plan de relance.
Nous sommes en passe de combler les retards qui s'étaient accumulés depuis des décennies, et auxquels tous les gouvernements, qu'ils soient de droite ou de gauche, avaient leur part de responsabilité. Mesdames et Messieurs, la dépense par étudiant en France est devenue enfin comparable à ce qu'elle est en moyenne dans les pays de l'OCDE, alors que nous étions loin derrière il y a 2 ans et demi.
Les 5 milliards d'euros de l'opération Campus permettront de remettre à niveau nos principaux campus. A Paris, la réflexion engagée donnera à nos établissements d'enseignement supérieur l'organisation et les moyens qui leur permettront d'être à la hauteur du prestige historique qui est le leur. Il fallait notamment mettre un terme à l'inadmissible dégradation de leur immobilier. Je veux rendre hommage aux Présidents des universités parisiennes et franciliennes qui ont su ouvrir le dialogue entre leurs institutions, jusqu'ici beaucoup trop repliées sur elles-mêmes, pour formuler des projets communs ambitieux.
D'ici quelques années, Paris sera ainsi redevenue la capitale universitaire rayonnante qu'elle n'aurait jamais dû cesser d'être. Je suis heureux de le rappeler ici, à Saclay, où nous allons faire le grand campus que je m'étais engagé à mettre en oeuvre. Voilà trente ans qu'universités, grandes écoles et organismes de recherche prestigieux rejoignent ces lieux les uns après les autres, sans que jamais leur installation ne s'intègre dans la cohérence du reste du site. Désormais les synergies entre établissements seront organisées, pour faire du plateau de Saclay un campus de rang mondial, à la hauteur de nos ambitions pour le Grand Paris. Ce sera possible grâce au grand emprunt puisque nous allons consacrer, ici, directement un milliard d'euros à l'opération du plateau de Saclay, sans compter les 850 millions de l'opération campus. Près de 2 milliards d'euros investis ici pour que ce rêve devienne une réalité. Au-delà de ce campus, dans toute la France, l'emprunt permettra de financer l'émergence de pôles d'excellence, qui rassembleront universités, grandes écoles et organismes de recherche dans des campus de rang mondial, capables de rivaliser avec les meilleures universités étrangères, et ayant les mêmes standards d'excellence, notamment sur un sujet qui me tient particulièrement à coeur : des bibliothèques universitaires modernes, ouvertes 7 jours sur 7, oserai-je le dire, de 8h à 22h. Franchement, je n'ai pas l'intention que l'on fasse des bibliothèques universitaires pour qu'elles soient fermées le week-end et pas ouvertes le soir.
Nous allons consacrer 7,7 milliards d'euros, pour doter en capital 5 à 10 campus d'excellence. Parallèlement, il y aura aussi place pour des projets de taille plus modeste, qui pourront faire valoir la qualité et la singularité de leurs propositions. Au total, l'emprunt national, Mesdames et Messieurs, c'est un choix historique qui va nous permettre de consacrer 11 milliards supplémentaires à l'enseignement supérieur et 8 milliards d'euros à la recherche. Voilà pourquoi nous avons fait le grand emprunt, parce que la réponse à la crise, ce sont les grands projets, pas le repliement et la frilosité.
Nous avons engagé ensemble le plus grand changement que notre système universitaire français ait jamais connu, pour réformer ce qui ne fonctionne pas, sans sacrifier ce qui marche. Ainsi, le système des classes préparatoires et des grandes écoles trouvera toute sa place dans les campus d'excellence à la gouvernance rénovée.
Le rapprochement des universités et des grandes écoles doit être l'occasion pour celles-ci de s'ouvrir davantage à des publics nouveaux. En ce domaine, beaucoup a été fait, y compris par les grandes écoles elles-mêmes, dont certaines ont été pionnières, je pense à Science Po Paris ou à l'ESSEC. Mais nous ne pouvons en rester à des initiatives isolées, trop modestes eu égard aux enjeux. Tout étudiant qui désire se former dans les meilleurs établissements, suivre les meilleures formations, et qui en a le potentiel, doit pouvoir y trouver sa place. C'est un défi pour la méritocratie républicaine et son idéal d'ascension sociale, dont les rouages sont aujourd'hui grippés. L'ascenseur social ne marche plus ou insuffisamment. Ce défi, notre pays doit y répondre, en prenant des mesures audacieuses.
Mesdames et Messieurs, je vais vous parler franchement et le dire sans détours : je ne comprends pas les réticences qui se sont exprimées ces derniers jours sur le sujet. Pour tout dire, je les trouve même invraisemblables et parfaitement déplacées. Tout doit être mis en oeuvre au contraire pour faire comprendre à tous les jeunes que les grandes écoles, ce n'est pas réservé à quelques initiés ou à quelques enfants de la grande bourgeoisie. Les grandes écoles, c'est pour tout le monde : pourvu que l'on travaille, qu'on le mérite et que l'on ait du talent !
Nous sommes fiers de nos grandes écoles. Elles sont le fleuron de notre système éducatif et forment, pour certaines depuis plus de deux cents ans, une grande partie des élites de notre pays. Mais depuis plusieurs dizaines d'années, et même si elles ne sont pas les seules responsables, elles ne jouent plus suffisamment leur rôle dans le renouvellement des élites, recrutant dans un public socialement de plus en plus favorisé. Mais ce n'est pas moi qui le dis, ce sont toutes les études qui le montrent.
Je l'ai dit il y a un peu plus d'un an dans mon discours à Palaiseau : cette situation ne peut plus durer. Nous devons ouvrir les meilleures formations aux plus talentueux, quels que soient leur lieu de naissance et leur origine sociale. L'égalité des chances n'est pas seulement un devoir moral, c'est également l'identité de la France, qui s'est toujours construite sur le talent de ses enfants et pas sur la couleur de leur peau ou le statut social de leurs parents.
J'ajoute que les grandes écoles ont tout à gagner à diversifier leur recrutement. Enfin Mesdames et Messieurs, un pays qui recrute ses élites dans 10% de sa population, c'est un pays qui se prive de 90% de son intelligence. Comment ne peut-on pas comprendre cette vérité ! Pour moi, ce n'est pas un sujet de discours, c'est matière à prendre des décisions.
L'objectif que j'avais fixé de 30% de boursiers dans chaque lycée à classe préparatoire est d'ores et déjà en passe d'être atteint, avec un an d'avance sur le calendrier : c'est un très beau succès, que nous devons confirmer à la rentrée prochaine.
L'étape suivante est de parvenir à ce même taux, 30%, dans chaque grande école : je dis bien dans chaque grande école. Mais également, car ce sont des secteurs où la reproduction sociale est tout aussi importante, dans les études de droit ou de médecine.
La solution n'est évidemment pas l'instauration autoritaire de quotas de boursiers à l'entrée de chaque institution. Je n'accepterai jamais un système où certains candidats seraient reçus à un concours pour la seule raison qu'ils sont boursiers - au détriment d'autres candidats plus méritants et plus travailleurs. C'est une évidence.
Mais à cet objectif concourt bien évidemment l'augmentation du nombre de boursiers dans les classes préparatoires. Une autre voie, que je souhaite, c'est que l'on diversifie les modes d'accès aux grandes écoles : ce qui permettra d'élargir la base sociale de leur recrutement et de les ouvrir à de nouvelles formes de talents. Il faut aussi augmenter considérablement le nombre de places pour les bacheliers technologiques dans les écoles d'ingénieurs et sans doute dans le cadre d'un concours spécifique. Il faut développer de façon significative les admissions parallèles - destinées aux étudiants non issus des classes préparatoires.
Cette démarche volontariste au niveau de l'enseignement supérieur ne nous dispense pas, par ailleurs, de donner à chacun, dès un âge plus jeune, tous les atouts pour réussir. C'est ainsi que 20 000 places d'hébergement vont être construites dans les années à venir, dans des internats d'excellence, qui réserveront également des places pour les étudiants, notamment en classes préparatoires.
Sur ce sujet de l'ouverture sociale des élites, je demande à Valérie Pécresse, à Luc Chatel, et bien sur à Yazid Sabeg, de conduire dans les semaines qui viennent un dialogue fructueux avec l'ensemble des parties concernées. J'attends des résultats concrets et rapides. Si on les a, le dialogue suffira. Si on ne les a pas, il faudra utiliser un autre moyen, mais l'objectif de la diversité sociale pour nos élites, cet objectif - là, je ne peux pas y renoncer.
Tous ces chantiers, nous les mènerons à bien. L'année 2009 a été marquée par des mouvements et des résistances mais somme toute assez compréhensibles face à de tels bouleversements dans notre paysage universitaire. L'année qui s'ouvre sera une année de consolidation de la réforme, aussi bien sur le plan quantitatif que qualitatif. Les universités pourront assumer pleinement leur autonomie, prendre la pleine propriété de leur patrimoine, - des universités qui n'étaient même pas propriétaires de leur patrimoine, est-ce que l'on pense que ça peut marcher ? - , ouvrir leurs campus, leurs équipements, leurs bibliothèques, pour que leurs étudiants s'y sentent tout simplement chez eux.
Mesdames et Messieurs, construire une société de la connaissance, ce n'est pas seulement une question de formation. Cela exige aussi de renforcer notre capacité d'innovation et les transferts de technologies de la recherche vers l'économie.
Et, je terminerai par là. Pendant des décennies, le CNRS et les grands organismes de recherche ont brillamment rempli la mission que la Nation leur avait confiée. C'est grâce à ces institutions que la France a pu préserver un niveau de recherche fondamentale parmi les meilleurs au monde. En témoigne le fait que presque chaque année un chercheur ou une équipe française voient leurs travaux récompensés par une distinction internationale. La France occupe la seconde place des pays européens au palmarès des prestigieuses bourses du Conseil Européen de la Recherche. Les trois premiers projets retenus dans le cadre de l'Institut européen de Technologie comptent dans leurs rangs des acteurs majeurs de la recherche publique française : les universités de Versailles Saint Quentin, de Paris 6, de Paris 11, l'Institut national polytechnique de Grenoble, Paristech, l'INRIA, l'INRA, le CNRS, le CEA. Enfin, le Centre Européen de Recherches Nucléaires (CERN) accueille de nombreux physiciens français et il est désormais présidé par un scientifique français.
Mais dans le monde moderne, les applications de la science ont une valeur de plus en plus forte pour le développement économique et la croissance. La France ne peut se tenir en retrait de cette évolution, car il en va de sa capacité à rester une grande puissance.
Jusqu'à présent, en matière de recherche, la France avait cantonné les universités dans un rôle subsidiaire, alors que partout dans le monde, l'Université joue un rôle central pour la recherche et les transferts de technologie vers l'industrie.
Certes toutes les universités n'ont pas vocation à devenir des pépinières de prix Nobel et des foyers majeurs d'innovation technologique. Mais mettre les universités au coeur de la recherche et du processus de transferts de technologie est la condition pour maintenir notre indépendance économique et développer notre potentiel de croissance.
Là aussi, nous avons engagé le mouvement, chère Valérie PECRESSE. Les organismes de recherche doivent faire évoluer leur mission et accompagner sans réserve l'émergence des universités qui auront su se doter d'une véritable politique scientifique.
Cessons d'agiter des épouvantails ! Il ne s'agit ni de démanteler tel ou tel organisme, ni de confier la responsabilité de la recherche fondamentale aux entreprises.
J'ai pleinement conscience du rôle essentiel que joue la recherche fondamentale dans les processus d'innovation. C'est la recherche fondamentale qui nourrit l'innovation £ sans recherche fondamentale, il ne peut y avoir d'innovation. Nous sommes tous d'accord sur ce point. Alors ne nous trompons pas de débat. La question n'est pas idéologique. Elle est profondément pragmatique.
Le véritable enjeu est de doter la France d'un dispositif de recherche et de transfert de technologie qui réponde aux défis de l'innovation technologique et de la compétitivité économique mondiale. C'est la condition pour que la France se maintienne dans le tout petit groupe des grandes nations en matière d'innovation technologique.
Mesdames et Messieurs, j'espère que vous l'avez compris, ma détermination à moderniser le monde de l'éducation, de l'enseignement supérieur et de la recherche est absolument inébranlable. C'est l'un de mes devoirs les plus éminents, car il en va des intérêts supérieurs de la Nation. Je continuerai à m'y engager personnellement en soutenant totalement les ministres en charge de ces secteurs. Et je vous promets que les moyens seront au rendez vous, malgré les difficultés. Cela sera la réforme et les moyens. Les deux à la fois.
Je sais que je peux compter sur vos compétences et sur votre énergie. Je sais que chacun est d'accord sur le fait que le savoir est la seule véritable richesse. Je vous demande d'être ouverts, d'être audacieux dans la réflexion sur vos structures, comme vous l'êtes chaque jour dans l'exercice de votre mission. Vous aurez les moyens pour vous développer. Nous n'avons pas le choix. C'est un enjeu majeur. Mais je vous demande de comprendre qu'au XXIème siècle, les querelles idéologiques, les bastions politiques, les présupposés, les sectarismes n'ont plus lieu d'être. Le pays a besoin de vous, de votre intelligence, de votre savoir, de votre engagement dans la connaissance. Le pays mobilisera les moyens au service de votre engagement. Mais ne nous trompons pas de débat. Deux ans et demi après mon élection à la Présidence de la République, je veux dire que j'ai été impressionné par la capacité du monde de l'éducation à comprendre les enjeux et à épouser les changements. Ceux qui décrivent ce monde comme un bastion de conservatisme ne le connaissent pas. Simplement, vous avez été tant de fois échaudés, tant de fois on vous a promis et tant de fois on n'a pas tenu, qu'il est normal que vous demandiez à voir avant de soutenir. Vous avez vu. Je n'ose dire que vous pouvez soutenir.
C'est en tout cas le voeu que je forme en vous présentant au nom des ministres, en mon nom personnel, les souhaits pour que votre activité professionnelle soit rayonnante. Et qu'à titre personnel vous ayez au cours de cette année 2010 beaucoup de joies.
Bonne année à tous.Je vous remercie.