15 décembre 2009 - Seul le prononcé fait foi

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Point de presse commun de MM. Nicolas Sarkozy, Président de la République, et Meles Zenawi, Premier ministre de la République d'Ethiopie, sur la lutte contre le réchauffement climatique, à Paris le 15 décembre 2009.

LE PRESIDENT - Mesdames et Messieurs, je voudrais saluer très amicalement le Premier ministre éthiopien qui nous a fait l'honneur de s'arrêter à Paris avant de se rendre à Copenhague, saluer également Nicholas STERN, dont la contribution aux travaux du GIEC est absolument considérable.
Nous allons vous donner un texte que nous avons discuté avec le Premier ministre éthiopien, qui est un texte commun. Il ne s'agit pas de signer avec le Premier ministre d'Ethiopie, mais avec le coordonnateur de l'Afrique sur toutes les questions de Copenhague. Nous l'avons discuté en présence de Jean-Louis BORLOO, qui avait déjà rencontré deux fois le Premier ministre, et de Bernard KOUCHNER.
Avec l'Afrique, nous sommes d'accord sur les chiffres de réduction : l'objectif d'obtenir que l'augmentation de la température ne soit pas supérieure à deux degrés.
Avec l'Afrique, nous sommes d'accord sur le « fast start » c'est-à-dire l'argent public, les dix milliards de dollars mis tout de suite pour les trois premières années pour montrer le sérieux de l'engagement des pays développés au service du développement des pays les plus pauvres, et d'abord de l'Afrique
Nous nous sommes mis d'accord sur l'obtention indispensable et incontournable des financements innovants, dont la décision de principe doit être prise à Copenhague quel que soit d'ailleurs le financement innovant : sur les transactions financières, sur le fuel utilisé par les bateaux ou par les avions, c'est à débattre.
Nous nous sommes mis d'accord sur la perspective de cent milliards par an avec un rendez-vous à cinquante milliards par an en 2015.
Nous nous sommes mis d'accord sur la nécessité absolue de la création d'une nouvelle gouvernance mondiale de l'environnement, sous la forme d'une Organisation Mondiale de l'Environnement, dont le détail de l'organisation sera à débattre et à définir par la suite.
L'Europe sera donc aux côtés de l'Afrique, représentée par le Premier ministre en tant que coordonnateur de l'Afrique. Hier, j'ai reçu le Premier ministre indonésien avec Bernard KOUCHNER : il est tout à fait sur la même position, troisième forêt du monde. Juste quelques instants après cette conférence de presse, nous discuterons avec Barack OBAMA, en compagnie de Gordon BROWN et d'Angela MERKEL dans une conférence téléphonique à quatre. Et demain, cesont onze pays africains qui se réuniront à Paris pour parler de la forêt du bassin du Congo, la deuxième forêt du monde.
Après avoir mis l'Europe sur une même ligne politique sur Copenhague, ambitieuse avec l'objectif des 30%, après avoir proposé avec Gordon BROWN, à qui je veux rendre hommage une nouvelle fois pour son volontarisme, les dix milliards de dollars tout de suite sur la table pour amorcer les financements, c'est aujourd'hui une nouvelle étape pour la réussite de Copenhague : l'Afrique et l'Europe sur une même ligne politique.
M. MELES ZENAWI - Je souhaite remercier le Président pour son invitation et pour l'excellente conversation que nous avons eue aujourd'hui. Il y a une raison très simple à ma présence aujourd'hui : ce n'est pas simplement parce que la France est un acteur majeur dans ce processus, c'est aussi parce que la France est un grand ami de l'Afrique que je suis ici. La France a joué un rôle majeur en matière de développement pour l'Afrique, de lutte contre le changement climatique, et pour faire
en sorte que les négociations à Copenhague avancent. Je suis aussi là pour obtenir le soutien et la compréhension d'un vieil ami de l'Afrique. Je n'ai pas dû faire grand-chose d'ailleurs parce que sur quasiment toutes les questions, je prêchais un converti. De même que le Président prêchait un conv erti quand il me parlait de l'importance qu'il accordait à ces questions.
Donc durant cette période très courte que nous avons passée ensemble, nous sommes arrivés à une compréhension quasi-totale de nos positions respectives. Je ne suis pas étonné par le fait que le Président SARKOZY ait été d'un si grand soutien pour nous, pour la position africaine. Je suis très fier, je suis très heureux d'avoir eu cette réunion aujourd'hui sur la route de Copenhague. Merci Monsieur le Président.
LE PRESIDENT - C'est moi qui vais rendre hommage au Premier ministre MELES, à son leadership, à son engagement dans ce combat. Je le remercie d'ailleurs à deux reprises d'avoir reçu Jean-Louis BORLOO dont le combat pour le succès de
Copenhague est bien connu de tous, mais vraiment, je veux que vous compreniez que l'on y va ensemble. Je le dis parce que l'on a déjeuné également avec Nicholas STERN et le prix Nobel PACHAURI. Je crois pouvoir dire sans les faire parler que PACHAURI et STERN sont absolument sur la même ligne que nous. Il y a un tel enjeu pour la planète, c'est tellement important que l'on réussisse, que l'alliance entre l'Afrique et l'Europe est absolument cruciale. Nos amis africains sont les premiers concernés en cas de désastre climatique. Nous n'avons pas le droit de jouer, selon l'expression, « petits bras » dans cet te affaire, et c'est d'ailleurs le discours que je vais tenir à Barack OBAMA dans quelques instants, au téléphone.
QUESTION - Une question pour Monsieur MELES. Je voudrais que vous nous expliquiez si vous êtes totalement d'accord avec la position française et européenne. Comment expliquer le clash ou le mini-clash que vous avez fait ce matin ou hier, je ne sais plus, à Copenhague, et pourquoi vous expliquez que vous faites une alliance avec la Chine en disant : s'il n'y a pas d'accord sur les financements pour nous aider, il n'y aura pas d'accord à Copenhague. Est-ce que c'est contradictoire ? J'aimerais bien un petit décryptage.
M. MELES ZENAWI - Il n'y aura pas d'accord mondial qui n'inclue pas l'Afrique. Je pense que c'est très important de le rappeler, parce l'Afrique représente 25% des membres des Nations unies. Il y a un certain nombre de questions clefs sur lesquelles l'Afrique a des positions bien arrêtées, notamment les émissions de carbone et le financement. Jusqu'à très récemment,il y avait très peu de dirigeants du monde développé qui étaient prêt à venir cracher au bassinet. Ce développement est assez récent, et je dois dire que c'est grâce a u Président SARKOZY et au
Premier ministre du Royaume-Uni, Gordon BROWN, que nous avons vu apparaître un vrai leadership pour pousser les pays développés à appuyer et à soutenir l'Afrique. Nous avons vu le résultat de cela récemment, lors du Conseil européen de la semaine dernière. Ceux qui ne sont pas encore conscients de ces petits pas dans la bonne direction sont peut-être aussi frustrés qu e je l'étais moi il y a une semaine, et insistent encore sur le fait que Copenhague risque d'échouer. Mais je pense qu'il y a un mouvement, un vrai mouvement positif dans la bonne direction. Le fait que j'aie pu parler de notre plan avec le Président SARKOZY, le fait que nous soyons arrivés
à un accord très large et très clair soutenant cette position est pour moi une chose très positive, et j'espère qu'à Copenhague, l'esprit qui a dominé aujourd'hui prendra le dessus sur le désespoir ou la frustration de certains.
QUESTION - A ce stade de la négociation, avez-vous encore besoin de convaincre Barack OBAMA, et de quoi ? Quelles sont vos divergences encore à ce stade de la négociation ?
LE PRESIDENT - Je pense que si l'on se parle c'est qu'il y a encore du travail à faire. Je ne peux pas aller jusqu'au bout de ce que je pense, mais c'est très important. L'Europe, d'abord il a falluconvaincre toute l'Europe, avec Gordon BROWN, nous l'avons fait. Il faut mettre maintenant l'Europe et l'Afrique sur la même ligne, c'est fait. Mais nous avons besoin du leadership des Etats-Unis, c'est le premier pays du monde ! Un leader, c'est celui qui montre le chemin. Etre le premier pays du monde, cela donne des avantages, puis cela crée des contraintes. Un leader n'est pas un suiveur, il montre le chemin. De quoi a-t-on besoin ? D'abord, qu'il donne son soutien au « fast start ». Parce que le « fast start » nous, nous avo ns fixé la contribution : on l'a
mis sur la table avec Gordon BROWN et on a réparti l'argent entre les pays européens. Cela compte beaucoup dans ce que j'ai dit au Premier ministre. Nous savons très exactement, entre les vingt-sept, combien cela nous coûtera. Mais enfin, les dix milliards, ce n'est pa s que l'Europe qui va les payer, les Etats-Unis doivent contribuer.
Donc, nous avons besoin que les Etats-Unis donnent leur accord au « fast start » par exemple et je crois que c'est dans leur intérêt. Souvent le Président OBAMA a parlé de ses liens avec l'Afrique, c'est l'occasion de le montrer.
Deuxièmement, il y a toute la question de la nouvelle gouvernance mondiale sur l'environnement.
Troisièmement, il y a la question des financements innovants. Moi, je rends hommage au Président OBAMA parce que dans la régulation du capitalisme, vraiment, il nous a aidés OBAMA pour cela, pour la taxation des mouvements financiers dont a parlé Bernard KOUCHNER. Qui est contre ? Ayons le courage de le dire et on ne fait pas cette taxation. Qui va payer les cent milliards ? Est-ce que l'on a une idée de cela ? Autant dire aux Africains que l'on ment et moi je ne veux pas qu'on leur dise cela.
Donc c'est très clair. Moi, quand le Premier ministre dit : « sans l'Afrique il n'y a pas d'accord », je suis d'accord. « Et sans financement il n'y a pas d'accord », je suis exactement d'accord. Je ne peux pas être plus transparent. C'est la position de la France, elle me paraît trèscohérente, mais on a besoin du soutien des Etats-Unis là aussi. On ne va pas faire la taxation de la spéculation uniquement en Europe. Et au moment où la City a fait le chemin qu'elle fait sur la taxation des bonus, j'aimerais que l'on m'explique au nom de quoi on ne ferait pas la taxation sur les transactions financières pour sauver le monde d'un drame qui est devant nous.
Et puis je veux rendre hommage au Premier ministre SINGH, à l'Inde qui est en train de bouger de façon extrêmement satisfaisante. D'ailleurs, M. LEPARMENTIER s'en souvient, je vous l'avais dit à Trinidad, après mon déjeuner avec lui qu'il bougerait...
QUESTION - ...Vous n'avez pas toujours tort...
LE PRESIDENT - Merci, c'est très aimable. Moi, je trouve que le Premier ministre SINGH, il fait preuve de leadership. Nous avons dit avec le Premier ministre MELES que, là aussi, c'était une très bonne nouvelle qu'il bougeait, j'en étais d'ailleurs persuadé.
Donc, il faut que l'on arrive à Copenhague avec le moins de problèmes possible à régler. Il restera à convaincre nos amis Chinois. Mais là aussi, d'abord il y a eu un mouvement dans la bonne direction, et le Premier ministre pourrait le dire : c'est que les Chinois ont dit que eux ne voulaient pas participer à la distribution des crédits. Ecoutez, c'est un pas dans la bonne direction aussi, cela progresse. Il y en aura d'autres pas qui seront nécessaires. Donc vous voyez, on a beaucoup de choses à discuter ensemble tout à l'heure.
Dernière question.
QUESTION - Je voulais savoir ce que Monsieur le Premier ministre attendait justement des Chinois qui sont un peu en deçà des pays européens par exemple en ce qui concerne leurs engagements et sur le financement et sur la réduction des gaz à effet de serre. Je vous remercie.
M. MELES ZENAWI - Eh bien les négociations à Copenhague ne tournent pas autour d'un traité final, mais d'un accord politique qui doit, et qui pourra déboucher sur un traité le plus vite possible. Même l'accord politique va se
fonder sur la feuille de route de Bali. La feuille de route de Bali pose le principe d'une responsabilité commune et différenciée. Nous essayons de faire en sorte que chacun joue le rôle qui lui a été donné par la feuille de route de Bali, qu'il s'agisse de l'Europe ou de la Chine. Merci.