23 novembre 2009 - Seul le prononcé fait foi

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Déclaration de M. Nicolas Sarkozy, Président de la République, sur la réforme du Pôle Emploi et sur la lutte contre le chômage, à Paris le 23 novembre 2009.

Mesdames et Messieurs,
Je suis heureux de m'exprimer devant le conseil d'administration, le directeur général et les cadres de Pôle Emploi, en présence des ministres, Christine LAGARDE et Laurent WAUQUIEZ.
Une telle rencontre est paraît-il inédite pour un Président de la République. Je veux vous dire qu'à mes yeux elle est évidente. Je veux vous dire, et à travers vous, dire aux 45 000 agents de Pôle Emploi que j'ai conscience de la très grande difficulté de votre travail et de l'importance de ce qui se joue ici. C'est la bataille de l'emploi. Et si la bataille de l'emploi n'est pas un sujet du Président de la République, quels sont les sujets du Président de la République ? Et si la situation des agents de Pôle Emploi n'est pas un sujet du Chef de l'Etat, quels sont les sujets du Chef de l'Etat ?
L'emploi est une priorité absolue. L'emploi, ce n'est pas simplement percevoir un salaire, c'est une question de dignité de la personne et d'intégration dans la société.
Nous traversons une crise économique sans précédent depuis les années 30. Sans précédent. Cela vous met tous, chacun d'entre vous, en première ligne face à cette difficulté.
Dans tous les pays, le chômage a gagné du terrain et je ne me réjouis pas, je ne me satisfais pas, du fait que la France fasse partie de ceux qui s'en sortent le mieux.
C'est pour l'emploi que j'ai voulu un plan de relance.
C'est pour l'emploi et la compétitivité de notre pays que j'ai voulu la réforme de la taxe professionnelle.
C'est pour l'emploi qu'il faut se battre partout dans le monde pour que les entreprises françaises gagnent des contrats.
C'est pour l'emploi que j'ai proposé le grand emprunt, qui nous permettra de préparer l'avenir et dont j'annoncerai les arbitrages au début du mois de décembre.
Tout ce que nous avons fait était indispensable. Mais cela ne suffit pas. Et j'ai bien conscience que Pôle Emploi et au coeur de la mobilisation.
Dans vos régions, dans vos départements, dans nos villes, à la tête de chacune de vos agences, vous êtes en première ligne. On compte sur chaque membre de vos équipes.
Je sais parfaitement que vous avez à faire face à deux difficultés : l'une conjoncturelle, du fait de la crise, l'autre structurelle, parce qu'en même temps on vous demande de mener à bien la fusion de l'ANPE et des ASSEDIC. C'est une double difficulté. J'ai reçu beaucoup d'avis et de conseils pour me dire que naturellement il ne fallait pas faire la fusion en même temps. Mais cette fusion, on l'a engagée avant la crise. C'est un grand classique français que de dire que ce n'est pas le moment de la réforme. Ce n'est jamais le moment. Il y a toujours une élection qui arrive. Il y a toujours une mauvaise raison.
La fusion ce n'est pas une lubie pour moi. Ce n'est pas du mécano administratif. J'avais annoncé son principe dès la campagne présidentielle. Je sais qu'une large part de votre quotidien aujourd'hui est consacrée à la formation de vos équipes, à la gestion des chantiers immobiliers et informatiques pour déployer les sites mixtes, à la signature de la convention collective, sans oublier bien sûr les élections professionnelles qui vont permettre de donner aux agents de Pôle Emploi des représentants communs.
Les raisons de cette fusion, dont on parlait depuis vingt ans sans la faire, c'est d'abord les chômeurs. Pour eux, la fusion doit être synonyme de simplicité. Un seul interlocuteur, pour les aider dans leur recherche d'emploi et pour traiter leur indemnisation. Un seul système d'aides et d'accompagnement, que les personnes soient indemnisées ou non. Cette simplicité, elle était attendue. Que des gens en situation de détresse et d'inquiétude, parce qu'ils ont perdu leur emploi et qu'ils en recherchent un, aient un seul interlocuteur pour les indemniser et les accompagner dans leurs recherches, chacun peut comprendre que c'est une idée juste.
La fusion est aussi faite pour les entreprises, qui cherchent des salariés et qui déposent des offres d'emploi. Pour elles, c'est la possibilité de nouer des liens plus forts et dans la durée avec Pôle Emploi.
Et pour les personnels de Pôle Emploi que vous êtes, la fusion c'est plus de possibilités de mobilité. C'est évident : si votre portefeuille de compétences est plus large, vous pouvez accéder à davantage d'emplois quand ceux-ci sont proposés à la mobilité. Le métier qui est le vôtre est plus intéressant car vous pouvez épouser l'ensemble des carrières disponibles. Bien sûr, il y a des inquiétudes. Bien sûr que ce sont des changements et bien sûr que c'est plus facile pour moi de fixer des objectifs que de vivre les transformations. Les transformations, c'est vous qui les vivez. Mais ce rendez-vous était absolument incontournable.
Ces transformations ont lieu en même temps que l'augmentation du nombre de chômeurs. Est-ce qu'il fallait que l'on décale ou est-ce qu'il fallait, qu'au contraire, on trouve une mobilisation supplémentaire pour apporter ce surcroît d'efficacité ?
J'ai été élu, Mesdames et Messieurs, pour cinq ans. La conception que j'ai de mon rôle de Chef de l'Etat c'est de commencer à travailler à la première minute et de finir de travailler à la dernière minute. Franchement si on veut quelqu'un qui dise "ce sera pour les autres, ce sera pour dans deux ans, dans dix ans ou dans vingt ans", ce n'est pas mon but. Je comprends parfaitement que certains - après tout, ils en ont parfaitement le droit, nous sommes en démocratie - aient des réserves sur la réforme. Mais si on croit dans la réforme, on l'a fait. Si on n'y croit pas, on n'en parle pas. Il y a un seul choix qui n'est pas possible, celui qui consiste à dire "j'y crois, j'y crois tellement que je ne le fais pas". On peut parfaitement dire que ce n'était pas la meilleure réforme, qu'il y en a d'autres. Bien sûr il y a toujours d'autres possibilités. C'est cela la démocratie. Mais dire qu'il faudrait faire une réforme et ne pas la faire, cela n'est pas un choix. Ce n'est pas une possibilité.
Je sais bien que pour vous, ce n'est pas simplement un changement de métier. Votre quotidien, celui des agents de Pôle Emploi, est bouleversé. Mais ces changements nous ne vous les imposons pas pour le plaisir, c'était un rendez-vous absolument incontournable.
Je voudrais d'ailleurs remercier le conseil d'administration de Pôle Emploi, qui réunit désormais les partenaires sociaux et l'Etat. Vous avez pris des décisions importantes, comme celles portants sur le renforcement de l'offre de services ou le développement de l'accompagnement par les opérateurs privés de placement. Cela n'a pas toujours été facile à chacun de trouver ses marques. Mais je crois que la gouvernance de Pôle Emploi a désormais atteint son rythme de croisière et l'action de Dominique-Jean CHERTIER, son président, y est pour beaucoup. Je l'en remercie, comme je remercie votre directeur général, Christian CHARPY.
Concrètement et sous réserve de l'issue des référés en cours, je souhaite que les guichets uniques soient déployés d'ici la fin de l'année. Il ne s'agit pas d'une marche forcée. Et d'ailleurs Christian CHARPY a su séquencer les choses pour tenir compte des difficultés soulevées par la crise et des inquiétudes que les agents de Pôle Emploi ont exprimées. Mais là encore je voudrais vous dire une chose, l'incertitude est le pire des services que l'on peut rendre à un établissement comme le vôtre. On a fait un choix, on s'y tient, on y va et on essaie de maximiser nos chances. On ne fait surtout pas ce que l'on a l'habitude de faire dans notre pays, s'arrêter au milieu du gué. Comme cela on n'a pas tous les avantages mais on a tous les inconvénients. Je ne suis pas un homme qui renonce quand je crois à quelque chose.
J'ajoute que la fusion est menée avec le souci constant du dialogue social. Ce n'est pas si facile dans notre pays où malheureusement les habitudes de dialogue ne sont pas assez ancrées. Mais je veux être clair, et c'est ma façon de vous respecter de dire les choses telles quelles sont. Ce dialogue doit porter sur la manière d'atteindre les objectifs, pas sur les objectifs eux-mêmes. Car ces objectifs ne varieront pas. Ils ne varieront pas. Le dialogue social a permis la nouvelle convention collective, qui s'appliquera à partir du 1er janvier et qui harmonise les statuts. L'harmonisation nous la faisons par le haut. Nous avons pris le meilleur de ce que l'ANPE et les ASSEDIC proposaient, conformément aux engagements qu'avec Laurent WAUQUIEZ et Christine LAGARDE, j'avais pris devant vous. Loin de léser les agents de Pôle Emploi, la fusion est au contraire synonyme de nouvelles opportunités. Par ailleurs, je remercie Christian CHARPY d'engager une importante négociation sur les conditions de travail. Elle est indispensable à Pôle Emploi parce que franchement vous n'avez pas été ménagés. Il ne faut pas avoir peur d'en parler, c'est une réalité.
Votre rôle à vous, les cadres de Pôle Emploi, est d'accompagner chacun dans les changements en cours. Vous devez expliquer, convaincre, motiver, piloter, soutenir en cas de problèmes. Je n'en sous-estime pas la difficulté. Vous êtes issus de deux établissements, de deux cultures différentes. Vous avez été choisis pour vos compétences. Vous avez été choisis afin que chacune de vos anciennes maisons puisse se sentir effectivement représentée car la fusion doit être source d'enrichissement réciproque. C'est à vous d'inventer maintenant une nouvelle culture de management pour Pôle Emploi.
D'ailleurs j'observe que quand on a choisi le nouveau nom de "Pôle Emploi", il s'est installé avec une rapidité stupéfiante. Si vous saviez ce qu'on m'a proposé, ce à quoi vous avez échappé. Il y a vraiment des métiers extraordinaires, des métiers où ils inventent de nouveaux logos et de nouveaux noms. Parfois on se demande où ils vont chercher des trucs pareils ! On a l'impression que "Pôle Emploi", cela a toujours existé. Je ne dis pas que c'est génial certainement nous aurions pu faire plus créatifs. Mais enfin, le créatif auquel on ne comprend rien... Nous, nous devons faire du concret. A cet égard, je crois que cela a bien fonctionné.
La fusion a été rendue plus difficile par la crise. Au cours des 12 derniers mois, notre pays a vu progresser de 500 000 le nombre de demandeurs d'emploi. Je sais qu'à la rentrée 2009, vous avez vu le nombre d'inscriptions augmenter de 30% par rapport à la rentrée 2008. On aurait espéré meilleur contexte pour changer de locaux, changer de travail, changer de méthodes, changer de culture, c'est sûr. Mais je veux vous dire ma reconnaissance complète de surmonter tout ceci. Cela, je veux le dire aux Français, c'est le sens de la responsabilité des agents de Pôle Emploi, qui ont eu à coeur de faire le travail pour ne pas léser les gens qui dépendent de vous. Je veux vous dire toute ma reconnaissance pour cela. Et je veux même vous dire mon admiration. Je ne suis pas quelqu'un qui emploie des mots simplement pour faire des mondanités. J'ai été impressionné par la réactivité de vos équipes et par la capacité à faire prévaloir l'intérêt des chômeurs sur les difficultés qui étaient les vôtres. Je tenais à être là parce que, je l'avais dit à Laurent WAUQUIEZ comme à Christine LAGARDE, je voulais vous remercier. J'ai été impressionné. Je me suis rendu plusieurs fois dans vos agences et à chaque fois, j'ai trouvé des gens courtois, ouverts, décidés à faire le mieux, conscients des difficultés et ne voulant pas en rajouter sur ces difficultés. On critique beaucoup mais moi je voulais mettre en valeur la qualité et l'engagement dont vous-même et vos équipes avaient fait preuve dans une situation très difficile.
D'ailleurs vos résultats en témoignent. Les dossiers en instance représentent en moyenne entre 2 et 4 jours de traitement. Je voudrais rappeler à ceux qui critiquent Pôle Emploi qu'en 1993-94, dans une crise d'une ampleur bien moindre, j'étais au Gouvernement à l'époque, les délais moyens de traitement des dossiers d'indemnisation étaient de 20 jours avec des pics, qui dépassaient largement un mois dans certaines ASSEDIC. Je voudrais rappeler à ceux qui attaquent Pôle Emploi dans les médias, à ceux qui nous donnent tellement de leçons sur la façon dont son gérées nos affaires - on pourrait nous-mêmes donner quelques conseils parfois - qu'avoir des délais de cette nature avec une crise comme la nôtre et la restructuration à laquelle vous avez fait place, c'est un résultat absolument extraordinaire.
Alors grâce à la fusion, nous pourrons mettre en 2010 1300 agents de plus au contact du public. Et quand Laurent WAUQUIEZ et Christine LAGARDE ont demandé au Premier ministre comme à moi-même des moyens supplémentaires, nous avons répondu présents puisque :
- 1840 agents supplémentaires ont été recrutés cet été et sont aujourd'hui totalement opérationnels £
- 500 bénéficiaires de contrats aidés sont venus renforcer l'accueil et l'animation au sein des agences £
- 500 agents ont été recrutés en contrat à durée déterminée pour pourvoir les plateformes téléphoniques du numéro d'appel unique et ils ont reçu l'appui de prestataires extérieurs £
- enfin, le recours à des opérateurs privés de placement est organisé pour accompagner 320 000 demandeurs d'emploi sur deux ans. Je sais que Pôle Emploi travaille en bonne intelligence avec eux. Là aussi, je vous en suis reconnaissant. Mais comment pourrait-il en être autrement ? Public ou privé, ce n'est pas la question, quand chacun a à coeur de servir au mieux les demandeurs d'emploi.
Je veux également dire à Christian CHARPY que nous sommes prêts à examiner les solutions permettant d'apporter des renforts dans les régions où la situation est la plus tendue : personnels recrutés en CDD pour renforcer les équipes, montée en charge plus rapide des opérateurs privés de placement. Je ne suis pas fermé. Je souhaite même que nous soyons pragmatiques. Mais il est un point sur lequel je n'ai pas les moyens de transiger : si de nouveaux renforts sont décidés, il ne pourra pas s'agir de renforts définitifs. Il est normal d'appuyer Pôle Emploi face à la crise. Mais quand celle-ci sera derrière nous, c'est-à-dire, quand le chômage baissera, il sera également normal d'en tirer les conséquences et que les effectifs reviennent à leur niveau d'avant la crise.
La crise ne sera véritablement terminée qu'avec la baisse du chômage. Il a augmenté de plus de 20% dans notre pays par rapport au mois de mai 2007. C'est extrêmement dur pour les personnes qui sont touchées. C'est un choc pour notre économie et le pays tout entier.
Ce n'est pas une façon de nous rassurer mais c'est quand même une façon de voir aussi l'efficacité que de ce que l'on fait ou pas : sur la même période, le chômage, qui a augmenté de 20% chez nous, a plus que doublé aux Etats-Unis. Le chômage, qui a augmenté de 20 % chez nous, a plus que doublé en Espagne. Sur la même période, le chômage, qui a augmenté de 20% chez nous, a augmenté de 50% au Royaume-Uni. Sur la même période, le chômage qui a augmenté de 20% chez nous, a augmenté de 32% dans la zone euro. 20% c'est trop. Mais il faut bien aussi que je vois dans cette crise internationale ce qui se passe chez les autres et ce qui se passe chez nous.
Les derniers chiffres dont nous disposons sont d'ailleurs encourageants, même s'ils sont encore fragiles : les destructions d'emplois ont été quasi stoppées au 3ème trimestre. Et l'intérim, que l'on considère souvent comme un indicateur avancé du marché du travail, redémarre nettement. En juin, l'INSEE prévoyait 700 000 destructions d'emploi sur l'année. En octobre, les 700 000 étaient passées à 500 000. Et j'espère qu'on sera en-dessous. S'ils avaient prévu 500 000 et qu'on était à 700 000, cela ferait les gros titres.
Tous les outils sont en place et tournent à plein régime. Je veux dire un mot là-dessus. J'ai voulu, avec les ministres, écarter les mauvaises solutions. Quelles sont les mauvaises solutions ? Ma conviction est que le système des préretraites est un mauvais système. On ne peut pas à la fois dire aux Français : « vous vivez plus longtemps, il y a des problèmes de financement de vos retraites et on vous met en retraite plus rapidement". Il faut être logique. Il faut être cohérent. Qui peut comprendre cela ? Soit on doit travailler plus longtemps parce qu'il faut financer nos retraites et dans ce cas-là, on n'utilise pas les préretraites, soit il n'y a pas de problème de financement des retraites et dans ce cas-là, utilisons à plein les préretraites.
J'ai voulu que l'on arrête avec les préretraites. Et pourtant dans les préretraites, chacun y trouvait son compte : syndicats, patronat. C'était une façon de sortir des entreprises ceux qui avaient plus d'ancienneté et dont les salaires et les charges étaient les plus élevés. Disons les choses comme elles sont. Certains politiques à coup de préretraites travestissaient les chiffres du chômage. Eh bien, nous refusons les préretraites et nous demandons au contraire aux entreprises de recruter et de maintenir dans l'emploi les salariés seniors. Ce n'est pas par dogmatisme, mais parce que c'est un potentiel de croissance formidable. C'est pourquoi les employeurs ont l'obligation de définir, à compter du 1er janvier 2010, par voie d'accords ou de plans d'action, des objectifs chiffrés d'emploi des seniors. A défaut, la pénalité prévue par la loi s'appliquera. Je note d'ailleurs que le taux d'emploi des plus de 55 ans progresse légèrement malgré la crise, ce qui prouve que notre stratégie est la bonne.
Je ne pense pas que la France s'en sortira en travaillant moins. Je ne pense pas que le problème de la France, c'est qu'on travaille trop. Il n'y a pas un seul pays dans le monde qui s'en est sorti comme cela. D'ailleurs, si la solution c'était de mettre les quinquas à la retraite pour trouver des emplois pour les jeunes, on se demande bien pourquoi nous serions à la fois le pays qui a le plus de jeunes au chômage et le moins de quinquas au travail. Parfois, il faut quand même regarder les chiffres et en tirer un certain nombre de conclusions. Dire que quand un quinqua s'en va, cela laisse une place à un jeune, c'est faux. Je n'ai jamais cru au thème du partage du travail. Je crois à la croissance. Le partage du travail, cela n'a marché nulle part, nulle part dans le monde. Et en France, on en a vu les résultats.
S'agissant des jeunes, je rappelle que, lorsque j'ai annoncé en avril dernier, un certain nombre de mesures, on avait des contrats en alternance, je parle sous le contrôle de Laurent WAUQUIEZ, qui s'étaient effondrés en début d'année. Vous le savez mieux que moi : -20% pour l'apprentissage au premier semestre 2009 par rapport au premier semestre 2008 £ -38% pour les contrats de professionnalisation. On pouvait évidemment rester les bras ballants en disant aux intéressés "désolé, pas de chance, ce n'est vraiment pas le bon moment pour rentrer sur le marché du travail, l'année prochaine peut-être". On pouvait aussi réagir. C'est ce que nous avons essayé de faire.
Et la situation se redresse aujourd'hui nettement :
- pour les contrats de professionnalisation, en août 2009, les entrées sont équivalentes à celles d'août 2007 et août 2008 £ quant aux mois de septembre et octobre, les flux sont à peu près identiques à ceux constatés en 2008 et supérieurs à 2007 £
- idem pour l'apprentissage : les entrées en septembre sont un peu inférieures à celles de 2008 mais nettement supérieures à 2007.
Dans le contexte économique que l'on connaît, ce n'est pas si mal.
Qu'on ne se méprenne pas : je ne me satisfais pas de ces résultats. Je dis simplement qu'il semble que nous soyons sur la bonne voie. Je demande à Laurent WAUQUIEZ, sur la base des travaux qu'Henri PROGLIO remettra prochainement, de continuer à avancer sur ce sujet. Je suis convaincu que l'alternance est le moyen le plus efficace pour les jeunes de rentrer sur le marché du travail.
Il y a aussi l'arme de l'activité partielle. Une arme absolument essentielle parce qu'il vaut mieux une activité partielle que pas d'activité du tout. Et d'ailleurs, je vous supplie d'employer le mot activité partielle plutôt que chômage partiel. C'est insultant pour celui qui travaille, fut-ce à temps partiel : « qu'est-ce que tu fais ? Je suis au chômage partiel ». Non : "J'ai une activité partielle". Cette arme est essentielle. Elle est désormais mieux indemnisée, grâce à l'action conjointe des entreprises, de l'Etat et des partenaires sociaux de l'Unedic. Le niveau d'indemnisation peut être supérieur à 90% du salaire net. Mais l'activité partielle, ce n'est pas rester à la maison à tourner en rond en se demandant de quoi demain sera fait. Le temps rendu disponible doit être mis à profit pour former les salariés et adapter nos entreprises et nos méthodes de travail, afin que notre économie profite à plein de la reprise et que l'employabilité des salariés soit améliorée. Au deuxième trimestre 2009, 320 000 salariés ont bénéficié de l'activité partielle. Tenez-vous bien, c'est dix fois plus qu'en rythme de croisière. C'est autant de licenciements qu'on a peut-être ainsi pu éviter.
Les créations d'emploi, c'est tout l'objet de l'aide "zéro charges" dans les TPE, qui est une des mesures du plan de relance. Chaque jour, 4 500 embauches en bénéficient. Au total, ce sont 650 000 recrutements qui ont ainsi été soutenus. C'est un résultat, Mesdames et Messieurs, au-delà de nos attentes. C'est la raison pour laquelle cette aide, qui n'était prévue que pour 2009, sera reconduite pour toutes les embauches réalisées jusqu'au 30 juin 2010. On m'a dit : "attention aux effets d'aubaine". Je connais bien l'argument. Evidement, si on ne fait rien, il n'y a pas d'effet d'aubaine, çà c'est sûr. Mais aider les TPE, qui sont un formidable réservoir d'emplois, à embaucher avec la mesure zéro charges, peu importe qu'il y ait quelques effets d'aubaines. Ce qui compte c'est que 650 000 de nos compatriotes ont pu trouver un emploi.
Je voudrais vous parler des salariés licenciés économiques, surtout ceux qui sont dans les PME. Dans les grandes entreprises, parce qu'elles en ont les moyens, il y a des obligations fortes en matière de reclassement et de revitalisation des territoires. Eh bien, avec le contrat de transition professionnelle et la convention de reclassement personnalisé, Pôle Emploi peut désormais proposer à tous les licenciés économiques la plus grande sécurité et le meilleur accompagnement.
Je veux dire aux partenaires sociaux, qui sont présents ici, que je les remercie d'avoir quasiment aligné la CRP, qui est de leur responsabilité, sur le contrat de transition professionnelle. 115 000 personnes bénéficient de cette convention. Pour ceux qui maintenant la choisissent, c'est une indemnisation pendant une année complète, à 100% du salaire net au niveau du SMIC et un accompagnement renforcé avec un référent pour 50 bénéficiaires. Nous avons réalisé là une véritable révolution sociale.
Je suis convaincu que si nos politiques de l'emploi donnent des résultats, c'est parce que nous avons su les définir ensemble, avec les syndicats et le patronat. Bien sûr, nous ne sommes pas d'accord sur tout. Chacun a ses convictions. Mais on le voit avec l'activité partielle ou encore la convention de reclassement personnalisé : ces outils sont efficaces parce que nous avons su les penser ensemble.
C'est également pour cela que le gouvernement a souhaité la création du fonds d'investissement social. Les organisations syndicales et patronales font preuve d'un grand sens des responsabilités face à la crise. Plutôt que de rester figées dans des oppositions stériles, elles ont accepté de s'asseoir autour de la même table et d'imaginer, jour après jour, les moyens d'aider les salariés et les entreprises, pour qu'on ne laisse personne au bord du chemin. Je dois dire que dans cette crise économique, notre démocratie sociale a fait preuve d'une grande maturité.
Cette maturité s'est traduite également par la réforme de la formation professionnelle, qui réoriente une large part de ses moyens vers ceux qui en ont le plus besoin. Cette réforme était souhaitée depuis des années. Je veux qu'on la mette en oeuvre de façon extrêmement ambitieuse car comme la construction de Pôle Emploi, c'est un moyen majeur de moderniser notre marché du travail. Ces politiques ont toutes le même objectif, quel que soit le nom qu'on emploie : la sécurité sociale professionnelle pour les uns, la sécurisation des parcours professionnels pour les autres.
Mesdames et Messieurs, j'ai conscience que tous ces changements peuvent parfois bouleverser votre vie professionnelle et vous donner le tournis. Je vous demande de réfléchir à une seule chose. Vous-mêmes et vos enfants, vous vivez dans un monde qui n'attendra personne. Nous ne sommes plus au XXème siècle. Nous sommes au XXIème siècle. Le monde change à une rapidité stupéfiante. Partout des économies se développent, accèdent aux technologies les plus avancées, ont des taux de croissance extraordinaires et veulent leur part de la croissance mondiale. Rien n'est acquis pour personne. Je ne dis pas cela pour vous inquiéter, je dis cela parce que c'est une réalité.
Dans la première moitié du XXème siècle, un petit nombre de pays était dans la première division et n'imaginaient même pas pouvoir en sortir un jour. C'était ainsi. Il y avait les grands et tous les autres. Nous étions du côté des grands. Le changement extraordinaire depuis la fin de la seconde guerre mondiale, c'est que la place en première division, elle se mérite, elle ne se décide pas comme un statut. Elle se mérite par quoi ? Par la qualité de la formation dans les écoles, les lycées, les collèges, les universités, par la qualité de la formation professionnelle, par la qualité de l'innovation, par l'appétit pour l'avenir d'un peuple, par la capacité d'une société à se réformer, à bouger, à rester en phase avec les grands mouvements de l'organisation du monde. La France n'est pas une nostalgie, la France n'est pas qu'une histoire ni un passé. La France a tous les moyens de compter dans la compétition mondiale.
La question essentielle est : est-ce qu'on peut faire ces changements sans se renier ? C'est une question essentielle. Et je comprends qu'elle inquiète. Mais la réponse que j'y apporte c'est que non seulement en faisant ces changements, on ne se renie pas mais on a toutes les chances d'être entendu dans le monde lorsqu'on développe les valeurs qui sont les nôtres. Je m'explique : Si nous avons le plus grand nombre de chômeurs et la plus petite croissance, comment voulez-vous que les idées que porte la République française aient quelques succès à la table de la gouvernance mondiale ? Si nos universités reculent un peu plus chaque année dans le classement international des universités, comment voulez-vous que le modèle français ait une chance de faire des émules dans le monde entier ?
La question pour moi n'est pas identité ou modernité. C'est parce que l'on sera moderne que l'on obtiendra des résultats, que l'on accompagnera le changement, que l'on pourra faire triompher les valeurs qui sont les nôtres et que l'on sera de nouveau entendu. On n'est pas entendu à la table du monde parce qu'on fait des discours. On est entendu à la table du monde parce qu'on fait des discours et qu'on prend des décisions en harmonie avec ces discours. On est entendu à la table du monde parce que l'on ne dit pas aux autres : « faites ce que je ne fais pas moi-même". Dans l'affaire si choquante des bonus, où se servait un petit nombre de banquiers, Christine LARGARDE, avec mon plein soutien, a voulu que l'on ait une loi française qui les encadre avant même que l'on ait une réglementation mondiale. Mais c'est pour cela qu'on a fait bouger les choses à Londres où tout le monde se regardait en chiens de faïence au G20 en disant : "tu commences ou je commence ?" Avec cela, personne ne commençait.
Il en est ainsi et ce n'est pas une question de gauche ou de droite, de majorité ou d'opposition. Tous les Présidents de la République, quels qu'ils soient, seront confrontés au problème de la croissance, de la formation des salariés, de la qualité de nos universités et de la pérennité du financement de notre modèle social. Ce n'est pas en demeurant immobile que l'on y arrivera. De la même façon, vous-même, vous avez créé votre famille, fait votre carrière, fait vos études, élevé vos enfants en vous donnant du mal, parce que rien ne vous a été donné.
Et bien ce qui est vrai pour vous, pour votre famille, c'est vrai pour un pays. Alors on peut bien sûr discuter de telle ou telle réforme, telle ou telle manière de faire, bien sûr. Cela c'est le temps de la démocratie. Mais l'immobilisme est toujours une erreur. Si on demeure immobile alors que le monde bouge, personne ne nous attendra. Je crois au modèle européen. Je pense que le modèle européen a besoin d'une France forte pour le faire avancer.
J'en terminerai par là. J'ai voulu venir ici parce que c'est trop facile de dire : on fait la réforme puis après on laisse les gens se dépatouiller avec elle. Comme toujours en France, on se bat terriblement au moment où on vote la réforme et ensuite on l'oublie. Terminé. Mais je sais bien qu'il y a des hommes et des femmes derrière. J'ai bousculé votre quotidien en voulant cette réforme. Si j'ai voulu venir vous voir, c'est pour vous dire que je suis fier de votre travail et que je n'ai pas de remord sur cette réforme. On va y arriver ensemble et vous êtes au coeur de la stratégie. Le Président de la République, il ne va pas simplement dans les salles blanches où on travaille sur les nanotechnologies. Avec de grands yeux, je regarde, on m'explique des trucs que je ne comprends pas d'ailleurs.
Mon devoir, c'est aussi d'être avec les collaborateurs de Pôle Emploi pour vous remercier et pour vous dire : cela va dans le bon sens, on va y arriver. Mon rôle n'est pas de visiter des usines qui sont tellement parfaites qu'il en existe un seul exemplaire. Je veux aller ailleurs, je veux aller là où il y a des problèmes et peu m'importe que l'on dise que ce n'est pas la place du Président de la République. Qu'est qu'ils en savent ? La place du Président de la République est là où les choses se jouent, là où la bataille se mène. Et elle se joue, ici, à Pôle Emploi, de façon certaine.
J'espère que vous avez compris que pour moi ce n'était pas une anecdote de venir devant vous et que je continuerai à visiter vos agences. Vous pouvez être fiers de ce que vous avez fait. Les Français peuvent vous dire merci pour le travail qui est le vôtre et les changements que vous avez acceptés. Quand les agents de Pôle Emploi diront à un chômeur "voilà ce qu'il faut faire, voilà comment il faut vous adapter pour prendre un emploi", ils seront d'autant plus crédibles que ce qu'ils demandent aux autres, ils se le sont imposé à eux-mêmes.
Merci Mesdames et Messieurs.