8 octobre 2009 - Seul le prononcé fait foi

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Entretien de M. Nicolas Sarkozy, Président de la République, dans les quotidiens "France Antilles" et "France Guyane" du 8 octobre 2009, sur l'évolution institutionnelle de la Martinique et de la Guyane et sur les Etats généraux de l'Outre-Mer.

- Êtes-vous en mesure de nous indiquer quand auront lieu les consultations populaires en Martinique et Guyane ?
LE PRESIDENT - Les élus de Martinique et de la Guyane ont demandé à exercer davantage de responsabilités en organisant leur collectivité selon le régime prévu par l'article 74 de la Constitution. Je leur ai annoncé que je procéderai à une consultation directe des Martiniquais et des Guyanais sur ce sujet.
Après avoir longuement échangé avec eux, j'ai décidé de convoquer les électeurs de la Martinique et de la Guyane le 17 janvier prochain et, le cas échéant, le 24 janvier.
Vous le voyez, je n'ai qu'une parole. J'ai toujours dit que j'étais ouvert à la question de l'évolution institutionnelle, pour autant qu'elle soit au service d'un projet. Aujourd'hui, je transforme ces paroles en acte car j'estime que le contexte politique et social l'exige. Après la crise de confiance qui a traversé une partie de l'outre-mer, le statuquo n'est, à mon sens, pas souhaitable. L'évolution statutaire des territoires qui le souhaitent n'est, bien entendu, qu'une facette de la refondation des relations entre la métropole et l'outre-mer. Il s'agit néanmoins d'un point fondamental.
Je souhaite profondément que nous puissions instaurer une relation nouvelle, basée sur le sens des responsabilités de chacun, sur le respect et la confiance réciproques.
- Peut-on savoir quelles seront les questions qui seront posées aux citoyens de ces territoires ?
LE PRESIDENT- Comme je l'ai dit, lors de mon discours à l'aéroport Aimé Césaire en Martinique, le 26 juin dernier, je souhaite que les Martiniquais, mais aussi les Guyanais, aient un véritable choix démocratique.
C'est la raison pour laquelle, comme la Constitution m'y autorise, j'ai décidé de poser deux questions successives.
Pour être concret, les Martiniquais et les Guyanais se verront, lors d'une première consultation, proposer d'approuver la transformation de leur territoire en une collectivité régie par l'article 74 de la Constitution, et donc dotée d'une organisation particulière en créant une collectivité unique et en lui transférant des compétences nouvelles qui ne peuvent pas être exercées dans le cadre de l'article 73 de la Constitution.
S'il est répondu « oui » à cette question, nous en resterons là et nous travaillerons, sans délai, à la mise en place de la nouvelle collectivité.
Toutefois, un « non » au passage à l'article 74 ne signifie pas forcément une volonté de rester dans le statuquo. C'est pourquoi, dans cette hypothèse et dans celle-ci seulement, les électeurs seront appelés le dimanche suivant à approuver ou à rejeter la création d'une collectivité unique qui exercerait les compétences du Conseil Régional et du Conseil général, tout en demeurant dans le régime actuel de l'article 73.
Je n'ai, pour ma part, pas de préférence à faire valoir. Les deux hypothèses ont leurs avantages et leurs inconvénients. Je demande simplement à chacun de s'engager dans un débat démocratique digne de l'enjeu, qui permette aux électeurs d'opérer un choix éclairé et responsable.
Je ne laisserai personne caricaturer le débat et je redis, à cet égard, que les questions posées ne portent en rien sur l'indépendance. La Martinique et la Guyane ont toute leur place dans la République et, quel que soit le choix qui sera fait par nos concitoyens, il sera respectable. La Martinique et la Guyane sont françaises et le resteront. Je m'en porte garant.
- La restitution nationale des États généraux de l'Outre-mer que vous avez lancés en février dernier, doit servir de base à l'ordre du jour du premier Conseil interministériel de l'Outre-mer. D'ores et déjà, y a-t-il des points qui vous paraissent incontournables ?
LE PRESIDENT- Les États généraux ont été, par leur ampleur et leur richesse, à la hauteur de nos attentes. Il en ressort de nombreuses réflexions et des centaines de propositions qu'un seul Conseil interministériel ne suffira pas à traiter. Aussi, faut-il considérer ce premier « Conseil interministériel de l'outre-mer » de l'Histoire, que je présiderai, comme une étape et non comme une fin. Ce qui est important, c'est que chaque membre du gouvernement se sente directement concerné par les sujets ultramarins qui ne doivent pas être traités exclusivement par le ministère en charge de l'outre-mer. Le fait de dire que chacun de nos territoires fait partie intégrante de la République a un sens.
Sur le fond, nos réflexions principales portent sur plusieurs axes : le renforcement de la concurrence dans le secteur privé, le développement et la structuration des filières de production locale, la modification des règles de gouvernance, la meilleure insertion des territoires dans leur environnement régional ou encore l'amélioration concrète de l'égalité des chances. Sur tous ces sujets, je ferai des annonces concrètes qui seront directement inspirées du travail réalisé par tous ceux qui sont impliqués dans les États généraux de l'outre-mer ces derniers mois. Je sais que ça n'a pas toujours été facile et qu'il a fallu, parfois, une dose de courage pour participer à une démarche que certains se plaisaient à présenter comme « ficelée depuis le début ». Ceux-là verront bien, le moment venu, combien cette analyse était erronée. Il est toujours facile de dénoncer les situations et de demander aux uns et aux autres de régler tous les problèmes. Il est bien moins aisé de construire un projet commun et partagé, de participer à une démarche constructive où le travail remplace la vindicte. C'est pourquoi je veux remercier ceux qui se sont engagés dans ce sens.
- Enfin, quand aura lieu ce Conseil interministériel et à quoi doit-il donner lieu ?
LE PRESIDENT- Je réunirai, avec le Premier ministre, les membres du Gouvernement, le vendredi 6 novembre prochain, pour délibérer et arrêter une série de premières mesures.
Le soir même, je convierai, à l'Élysée, tous les élus de l'outre-mer, ainsi que des représentants de la société civile et du monde économique. Je m'exprimerai, à cette occasion, devant eux.
Vous le voyez, l'Etat est entièrement mobilisé pour l'outre-mer et je ne peux pas laisser dire que le Gouvernement actuel considèrerait ce sujet comme étant « secondaire ». En vérité, jamais nous n'avons autant fait pour la France d'outre-mer. Et je considère d'ailleurs cela comme normal.
Ce qui a changé, c'est que nous avons un discours franc et direct. La force de proposition, la constance dans les engagements et le refus de la démagogie sont encore, à mes yeux, les preuves les plus authentiques de ce qui vous tient à coeur par-dessus tout : le respect.