9 juillet 2009 - Seul le prononcé fait foi

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Conférence de presse de M. Nicolas Sarkozy, Président de la République, notamment sur la gouvernance mondiale, la lutte contre le réchauffement climatique, les relations avec l'Iran et sur la question israélo-palestinienne, à l'Aquila le 9 juillet 2009.


Bonjour.
Ce sommet touche à sa fin. Aujourd'hui, nous avons évoqué trois grands sujets.
Le premier, c'est la gouvernance mondiale. Cela a fait l'objet de discussions extrêmement libres lors du déjeuner et nous allons continuer pour le dîner de ce soir. Avec le président Lula, nous avons indiqué notre volonté de faire évoluer le G8. Non pas que le G8 ne présente pas d'utilité, c'est toujours utile de parler, mais clairement la représentativité du G8 pour affronter des sujets aussi importants que la réponse du monde à la crise économique ou le changement climatique, n'est pas suffisante.
Il existe un G8, il existe un G5-G6. Avec le président Lula, nous avons proposé que le plus tôt possible, on puisse rassembler les deux groupes pour faire un G14, avec l'Egypte. Il nous semble déraisonnable d'envisager les grandes questions internationales sans l'Afrique, sans l'Amérique latine, sans la Chine, sans l'Inde. Ces idées progressent. D'autres Chefs d'Etat partagent notre point de vue. J'espère que dès le prochain sommet au Canada - c'est le Canada qui présidera le G8 l'an prochain -, les choses vont changer. D'ores et déjà, grâce à l'Italie et au président Berlusconi, le G14 a eu beaucoup plus de temps pour s'exprimer et en tout cas je le dis, en 2011, lorsque la France présidera le G8, nous mettrons en place le G14, cela nous semble indispensable.
J'en ai profité également pour dire que c'est toute la gouvernance mondiale qui devait évoluer. Il faut que l'on clarifie les responsabilités des uns et des autres notamment sur l'environnement. Il existe une soixantaine d'organisations internationales, il est temps de créer une organisation mondiale de l'environnement qui regroupera les compétences de tous. D'ailleurs se posera immédiatement une question au mois de décembre : Copenhague aboutira à un résultat, qui gérera les résultats de Copenhague ? Cette question doit être tranchée, la France milite pour la création d'une Organisation mondiale de l'Environnement.
A la demande de la France, l'Organisation internationale du Travail était représentée par son Directeur Général. J'ai indiqué parce que je crois que c'est juste que désormais le FMI et la Banque Mondiale, lorsqu'ils accordent des crédits, doivent les accorder sous la condition que les pays qui bénéficient de ces crédits respectent les normes sociales minimums telles qu'elles ont été définies par l'Organisation internationale du Travail, dont je rappelle qu'elle ne représente pas loin de 80 pays, un peu plus.
Nous aurons donc à porter également le débat sur l'organisation économique. J'ai eu l'occasion d'en parler avec Dominique Strauss-Kahn, le directeur général du FMI, je pense que là aussi les responsabilités du FMI, et notamment les responsabilités dans la stabilité du système économique et financier, évoluent.
Que le FMI soit la grande organisation économique du monde, que l'OIT soit la grande organisation sociale du monde, que l'Organisation mondiale de l'Environnement soit la grande organisation qui défende les questions de l'environnement. J'ai réservé pour un peu plus tard la question bien difficile, à laquelle je crois beaucoup, de question préjudicielle. Créons déjà les institutions. Mais il y a, me semble-t-il, une claire conscience dans toutes les régions du monde de la nécessité de se doter d'une organisation digne du XXIème siècle et non pas du XXème siècle. Je crois que cela progresse, que cela progresse beaucoup. Un homme comme Gordon Brown a des idées très proches de la France. Je crois qu'il y a véritablement une prise de conscience qu'à la crise mondiale doit répondre une réforme de la gouvernance mondiale. Et c'était vraiment l'objet du déjeuner.
Bien sûr, la réforme du Conseil de sécurité des Nations unies. M. Ban Ki Moon qui était là a rappelé le rôle que jouent les Nations unies, en quelque sorte le G172. Mais les Nations unies, c'est ce que je lui indiquais, joueront un d'autant plus grand rôle que le Conseil de sécurité représentera mieux le monde qu'il ne le représente aujourd'hui. On ne peut pas s'en tenir à l'organisation des Nations unies telle qu'elle est sortie de la Deuxième Guerre mondiale. Chacun peut le comprendre.
J'ai eu l'occasion également de dire combien je souhaitais, même si c'est un sujet difficile, que dans les mois qui viennent, nous parlions de la monnaie et du système monétaire international. Nous sommes sur le système de Bretton Woods. Bretton Woods c'est 1945, un pays qui a gagné la guerre, les Etats-Unis d'Amérique, une monnaie qui finance le plus vaste plan de soutien, le plan Marshall. Franchement, soixante ans après, on doit se poser la question : est-ce qu'un monde multipolaire politiquement ne doit pas correspondre à un monde multi-monétaire économiquement ? Je pense qu'il n'y a pas besoin d'être un grand spécialiste pour comprendre que l'une des questions de la stabilité de la situation économique passe aussi par cela. Alors il y a de nombreuses propositions sur la table : la proposition du FMI, la proposition des Chinois de créer une nouvelle monnaie de réserve, les propositions américaines. Il ne m'appartient pas de trancher entre ces différents débats mais il faut qu'il y ait un débat.
Deuxième sujet, le climat. Je vous ai dit hier ce à quoi nous étions arrivés à 8, ce qui est un progrès spectaculaire - je parle sous le contrôle de Jean-Louis Borloo, que je remercie une nouvelle fois pour la qualité de son travail et son implication - c'est un progrès considérable, même si en France, nous aurions souhaité obtenir un rendez-vous intermédiaire, 2020 ou 2030. La discussion d'aujourd'hui était, notamment celle de cet après midi, plus difficile chacun peut le comprendre puisqu'il s'agissait d'emmener avec nous les cinq émergents G8-G5 plus l'Egypte dans la lutte contre le réchauffement climatique. Il nous reste 150 jours jusqu'à Copenhague, qu'est-ce que l'on a obtenu ?
C'est la première fois d'abord qu'il y a une déclaration du G14. Je n'ai pas souvenir qu'il n'y ait jamais eu une déclaration G8-G5. C'est très important, cela veut dire que des pays aussi différents que la Chine, l'Inde, l'Afrique du Sud, Le Royaume-Uni, la France, l'Italie, les Etats-Unis d'Amérique décident de parler d'une même voix. Les grands émergents ont accepté comme le G8 hier, le chiffre des 2°C comme limite du réchauffement climatique. Je rappelle que la conférence du GIEC, c'est-à-dire l'ensemble des spécialistes de l'environnement, ont dit qu'il fallait limiter le réchauffement climatique à 2°C. Désormais, le G14 - qui représente 90%, entre 80 et 90% des émissions de gaz à effet de serre, ce n'est pas rien, - a décidé que l'objectif de limiter l'augmentation de la température à deux degrés est l'objectif qui fait foi pour tout le monde. C'est la première fois que l'on obtient cela. On n'a pas encore obtenu la réduction de 50% de l'émission des gaz à effet de serre pour le monde entier. Je vous rappelle que le G8, nous nous sommes engagés hier à obtenir 80% de réduction des émissions de gaz à effet de serre d'ici à 2050. Alors pourquoi la différence entre 80% et 50% ? Les 80% c'est pour nous, le G8, les 50% c'est pour le monde entier. On ne peut pas demander aux pays émergents de s'engager pour nous. Nous on s'est engagé à diminuer de 80%, mais l'objectif pour Copenhague c'est que l'on obtienne 50% d'émissions de gaz à effet de serre en moins d'ici 2050.
L'objectif est également que l'on n'a pas obtenu bien sûr, le rendez-vous intermédiaire 2020-2030. Je comprends la position de certaines ONG qui disent : "bon, c'est bien c'est mieux que rien d'avoir l'objectif à long terme mais enfin il faut des points d'étape". Ces ONG ont raison, enfin jusqu'à présent je me souviens d'Heiligendamm, les Etats-Unis d'Amérique n'étaient même pas d'accord pour qu'on évoque un chiffre. On a fait un chemin considérable en deux ans.
On a eu une discussion assez passionnante d'ailleurs et éminemment complexe sur l'argent, plutôt le financement. Parce que vous comprenez bien que les pays les plus pauvres disent, nous on veut bien participer à la lutte contre le réchauffement mais aidez-nous, aidez-nous de deux façons. La première : "acceptez des transferts de technologie parce que vous" - et ils ont raison - "vous ne pouvez pas nous demander de produire propre, de consommer propre sans nous donner des transferts de technologie nous permettant de nous exonérer du charbon le plus sale ou des énergie fossiles". Cela, c'est un point qui va faire assez facilement l'objet d'un accord. Je parle toujours sous le contrôle de Jean-Louis Borloo et de Brice Lalonde qui est notre ambassadeur.
Deuxième problème, certainement il faut que nous imaginions et il est temps de rentrer maintenant dans la discussion, un système universel qui permettra d'abonder un fond vert pour aider à la transition entre une économie qui produit salement et une économie qui produit proprement. Pardon de cette explication un peu caricaturale, mais cela coûte de l'argent. Il faut que l'on imagine un transfert pour aider ceux qui sont le plus en retard à récupérer leur retard.
Il y a sur la table une proposition mexicaine extrêmement intéressante, en ce sens qu'elle est universelle, c'est-à-dire que tous les pays participeraient, qu'elle est multicritères, puisque chaque pays contribuerait en fonction de la population, du PIB, du rejet de gaz à effet de serre global et par tête d'habitant, bref un nombre de critère qu'on croiserait. Cette proposition mexicaine, la France la soutient. Je rappelle qu'il y a six mois avec Jean-Louis Borloo, nous étions les seuls à la soutenir, aujourd'hui elle est soutenue par l'essentiel des pays qui sont autour de la table. J'ai entendu extrêmement peu de réserves. On pourrait peut-être la coupler pour quelques détails avec la proposition norvégienne.
Je vous le dis. Ce sommet a été utile, cela progresse, on n'est pas au bout du chemin. La France se battra pour que le monde soit au rendez-vous de la lutte contre le réchauffement climatique et au rendez-vous bien sûr du changement dans la gouvernance globale.
Enfin, il y avait un troisième sujet, le commerce. Nous avons entendu le rapport de M. Lamy sur le cycle de Doha. Tout le monde a convenu qu'on ne pouvait pas aller vers le protectionnisme, et nous avons fixé la conclusion du cycle de Doha : 2010. Cela fera l'objet d'une discussion au sommet de Pittsburgh à la mi-septembre.
Je vous ai donné tout cela un peu certainement dans un ordre dispersé, mais grâce à la pertinence de vos questions cela va me permettre de répondre de façon plus organisée.
Q - Une question sur la gouvernance mondiale. Est-ce qu'après la journée d'aujourd'hui où le résultat du Forum des économies majeures n'est pas très précis, très engageant par rapport, par exemple, aux engagements que vous avez eus hier au sein du G8, est-ce que les participants du G8 ne reviennent pas un peu sur l'enthousiasme d'avoir un cadre élargi qui semble beaucoup plus difficile à produire des résultats concrets avec des puissances comme la Chine et l'Inde ? Et deuxième point, quand vous avez parlé de la réforme du Conseil de sécurité de l'ONU, est-ce que la France serait prête à abandonner son siège permanent au profit d'un siège permanent de l'Union européenne ou des Européens ? Merci.
R - Sur votre première question, ne m'en veuillez pas mais je pense exactement le contraire. Si le G8 continue à se réunir dans son coin et le G5 dans son coin, que va-t-il se passer ? L'affrontement de deux logiques. La proposition de la France est la suivante : nous disons à la Chine, au Brésil, à l'Inde : "vous avez des droits, vous êtes de grands du XXIème siècle, partagez les responsabilités et assumez les devoirs". Je ne vois pas comment on peut convaincre un pays d'un milliard d'habitants comme l'Inde de prendre sa part du fardeau de la lutte contre le changement climatique si on ne l'invite qu'à la fin d'un sommet pour lui demander simplement de payer l'addition et de regarder passer les trains.
Le G5, c'est deux milliards et demi d'habitants, alors suivons la logique de votre remarque, je dis très simplement. Si on a du mal à avoir des résultats à 8, on va se retrouver à deux, on aura un parfait accord, mais on ne représentera personne. Je crois au contraire qu'il faut associer ces pays dès le début de la conversation pour leur donner les droits auxquels ils aspirent et qu'il est juste de leur donner, et leur demander d'assumer les responsabilités qui sont les leurs. D'ailleurs le Premier ministre Singh a été extrêmement ouvert, le représentant du président chinois également. Quant au président Lula il a été moteur. Je me souviens d'il y a quelques mois où ces pays freinaient, voire étaient absolument opposés. Si nous voulons que le monde entier bouge dans le bon sens, soyons honnêtes avec le monde entier et donnons leur l'opportunité de participer à la discussion dès le début de la discussion. On ne peut pas faire autrement, c'est impossible. Je le crois profondément.
Vous conditionnez en quelque sorte pour votre deuxième question la réussite de la réforme du Conseil de sécurité à la disparition de la France. Voilà une façon positive de poser le problème. La France est la cinquième économie du monde, c'est une puissance nucléaire. Franchement je suis tout à fait prêt... Je ne dis pas que la France doit avoir un statut particulier, mais convenez en tout cas, ce n'est pas le premier pays auquel on doit penser pour lui demander de sortir d'un Conseil de sécurité dont, par ailleurs, je souhaite qu'il soit élargi. De la même façon, je pense qu'il n'est pas raisonnable, je le dis parce que c'est ma conviction, que des pays comme l'Allemagne et le Japon ne soient pas membres permanents du Conseil de sécurité parce qu'il y a soixante ans ils ont perdu la Seconde Guerre mondiale. Ce n'est pas raisonnable. C'est quelque chose qui n'est pas raisonnable. De la même façon, il y a un milliard d'habitants en Afrique, que l'Afrique n'ait pas un membre permanent, ce n'est pas raisonnable. Que l'Inde qui sera dans trente ans le pays le plus peuplé du monde, ne soit pas membre permanent, ce n'est pas raisonnable. Ca ne veut pas dire pour autant que la France n'a pas son rôle à jouer, vous l'avez peut-être observé.
Q - Monsieur le Président, la Première Dame vous a rejoint, elle est au premier rang, est-ce que vous-même ou Mme Bruni-Sarkozy peut détailler ce qu'elle fera à L'Aquila, les mesures que vous avez vous-même annoncées hier et est-ce qu'il y a une réponse de vous-même ou de Mme Bruni-Sarkozy sur les critiques qu'on a entendues dans la presse italienne sur son programme plutôt personnel, indépendant par rapport à la ligne majeure qui avait été fixée, semble-t-il, par M. Berlusconi ? Merci Monsieur le président.
R - Carla exprimera et détaillera son programme demain, cela ne fait l'objet d'ailleurs d'aucune polémique. Carla, comme vous le savez, est italienne, connaît assez bien Rome et il n'était pas forcément très utile qu'elle fasse la visite guidée de Rome même si c'était extrêmement intéressant par ailleurs. La spécificité de Carla c'est qu'elle est italienne et c'est un fait que je ne peux pas changer, même si récemment il y a eu une évolution puisqu'elle a la double nationalité comme c'est le droit pour tout citoyen ou citoyenne européen.
Par ailleurs, je crois pouvoir dire que les autorités italiennes sont heureuses que Carla visite cette région sinistrée demain et qu'elle annonce un certain nombre de décisions que la France prendra, modestes, pour aider l'Italie, décisions que nous avons prises en plein accord avec le gouvernement italien puisque le gouvernement italien nous avait indiqué ce qu'il attendait de nous, c'est que nous participions à la reconstruction d'un certain nombre d'équipements, hôpitaux, églises... Voilà ce que fera Carla demain. Je lui suis finalement très reconnaissant, d'abord de donner à son voyage une dimension humanitaire et non pas touristique et deuxièmement d'avoir préféré venir résider ici dans cette caserne magnifiquement aménagée plutôt que d'avoir choisi un hôtel à Rome. Au fond elle a choisit le sérieux et l'humanitaire, merci de m'avoir permis de le préciser, je ne l'aurais pas fait si vous ne m'aviez pas interrogé.
Q - Quand vous disiez tout à l'heure, "je souhaite que nous parlions de monnaie dans les mois qui viennent", le "nous" englobait qui ? Le G8, le G5, d'autres pays ? Deuxième point, qu'est ce qui a coincé dans la discussion climatique au forum des économies majeures pour qu'on ne parvienne pas à s'entendre sur cet objectif de 50% de réductions ?
R - Vous posez deux questions énormes. Le "nous", lorsqu'il sera venu le temps de parler de la stratégie de sortie de crise, je pense profondément que la monnaie fait partie d'une stratégie économique si on veut bien considérer que la monnaie est un élément au service d'une stratégie économique. Une politique monétaire n'est pas une fin en soit. La monnaie est un instrument qui permet d'échanger des biens et de leur fixer une valeur. Cela compte dans la stratégie économique. J'avais au mois de septembre de l'an passé, devant l'ONU, appelé à la convocation d'un nouveau Bretton Woods. On voit bien aujourd'hui que les propositions fleurissent. Donc il faudra en discuter et de ce point de vue, on en a beaucoup parlé avec Dominique Strauss-Kahn, ce sont des sujets complexes, où les positions doivent évoluer mais on ne peut pas rester sur une seule monnaie.
Qu'est ce qui a bloqué ? Assez peu de choses au fond. Ce qui est important dans ce qu'on a obtenu, c'est que les pays émergents s'engagent maintenant sur un objectif chiffré. Ils sont à nos côtés dans la lutte contre le réchauffement climatique. C'est clair, c'est définitif et c'est un changement considérable. Est-ce que c'est suffisant ? Encore une fois non. On a encore 150 jours, mais je crois qu'on peut être optimiste sur Copenhague. En tout cas la France sera moteur.
J'ajoute un dernier point, j'étais très heureux d'entendre le président Obama évoquer la taxe carbone, ce qui est là aussi un sujet considérable parce que le président Obama, et je le soutiens totalement, a indiqué : "attention, il ne faut pas que tous les efforts que nous allons faire pour produire proprement, durable créent les conditions d'une concurrence déloyale". Ce qui prouve que le débat sur la taxe carbone n'est pas simplement un débat franco-français, n'est pas simplement un débat entre Européens, c'est une question mondiale et j'entends bien, avec Jean-Louis Borloo, qu'en France nous nous dotions d'une fiscalité environnementale. En clair, au lieu de taxer le capital, au lieu de taxer le travail, on va faire évoluer une partie de cette assiette sur la taxation de la pollution. Ceux qui pollueront payeront. Et on rétablira les conditions de la concurrence loyale par une taxe carbone aux frontières.
Q - Monsieur le Président, je voudrais revenir un instant s'il vous plait sur l'Iran. Hier vous avez parlé de l'unanimité au sein du G8 pour adresser un message clair aux autorités iraniennes en leur disant clairement : "vous avez jusqu'au 25 septembre, date du sommet du G20 à Pittsburgh pour changer d'attitude". Le 25 septembre que se passe-t-il si le régime iranien n'a pas changé d'attitude, n'a pas obtempéré ? Parce qu'entre maintenant et le 25 septembre, il y a encore deux mois qui vont permettre aux Iraniens de peaufiner leur programme nucléaire, entre autres.
R - Ce n'est pas nous qui allons changer d'ici le 25 septembre, c'est aux Iraniens de réfléchir. Cela fait six ans que nous leur tendons la main en disant "arrêtez votre programme d'armement nucléaire". Le président Obama et j'ai soutenu cette politique, a tendu la main au régime iranien en disant : "nous devons régler cette question capitale par le dialogue et la diplomatie". Nous avons dit : "en août, le président iranien prêtera serment, un nouveau gouvernement sera présenté, est-ce qu'il veut la discussion ou est-ce qu'il ne la souhaite pas" ? S'il ne le souhaite pas il y aura des sanctions.
Q - Monsieur le Président à l'occasion des apartés que vous avez pu avoir aujourd'hui, avez-vous évoqué avec le président Calderon le cas de Florence Cassez et de son refus de transfèrement en France ? Comptez-vous ce soir au cours du dîner, évoquer avec le président Bouteflika le dossier des moines de Tibérine ?
R - Avec le président Calderon, j'ai évoqué la situation de Florence Cassez que j'ai eu une nouvelle fois au téléphone la semaine dernière. J'ai dit au président Calderon que je comprenais les difficultés qu'il a devant son opinion publique, 8 000 enlèvements par an au Mexique, mais qu'en même temps, le Mexique était une grande démocratie qui a signé une convention internationale. La convention internationale prévoit le transfèrement. Si les grands pays ne respectent pas les conventions internationales, où va-t-on ? Alors c'est une chose de comprendre le problème du président Calderon, l'indépendance de la justice mexicaine, il ne me viendrait pas à l'idée de la contester, je dis simplement que la France demande l'application d'une convention internationale au terme de laquelle cette jeune fille doit être transférée dans une prison de son pays. Alors le président Calderon m'a indiqué que la peine de 60 ans d'emprisonnement n'existait pas en France, c'est exact. Je ne peux pas lui dire qu'on va changer la règle pour le transfèrement de Florence Cassez, mais ce n'est pas une raison. On continue donc à discuter, je ne vous cache pas que c'est difficile mais c'était très exactement l'objet de mon entretien ce matin avec le président Calderon, que par ailleurs j'apprécie, je respecte. Il m'a indiqué qu'il ne souhaitait pas que les relations entre le Mexique et la France soient altérées par cette question, je ne le souhaite pas davantage mais je souhaite que cette jeune femme effectue sa peine de prison en France et je l'ai dit de la façon la plus claire. Ce n'est pas une demande extraordinaire de la France, c'est l'application d'une convention internationale. Quand on signe un traité, quand on signe une convention, cela a des avantages et des inconvénients, on ne peut pas s'en servir uniquement... Alors on a le temps, il faut en discuter calmement, je suis prêt à donner des garanties aux autorités mexicaines, mais ce ne peut pas être : "on ferme la porte". Ce n'est pas possible en tout cas de leur côté.
S'agissant des moines de Tibérine, je vous l'ai dit. C'est une affaire que j'ai toujours suivie de près, qui m'avait déjà à l'époque profondément bouleversée. Je me suis rendu à Tibérine, j'ai parlé de cette question avec Mgr Teissier qui est, comme vous le savez, l'Archevêque d'Alger et que je connais bien, que j'apprécie beaucoup. Durant mon discours d'investiture à la présidentielle j'avais cité le testament du père supérieur des moines de Tibérine. Ce sont des personnes que je connais, que j'apprécie et j'ai pris immédiatement la seule décision qui vaille, celle de la transparence. Il n'y aura pas de secret défense sur cette affaire. Que les choses soient claires. Pour le reste, pourquoi voudriez-vous qu'avec le président algérien mes relations s'en trouvent bouleversées ? La justice est saisie, que la justice dise la vérité. Je m'en tiens quand même au communiqué, je crois, numéro 44 du GIA en 1996 revendiquant l'assassinat des moines. Je n'ai accusé personne, je veux que la vérité soit faite. Il n'y aura pas de secret défense. Je le dis d'ailleurs, pour ajouter, sur le terrible attentat de Karachi, pareil.
Q - Vous fêtez dans quelques jours le premier anniversaire de l'Union pour la Méditerranée. Quel bilan faites-vous de ce G40 en quelque sorte ? Avez-vous été déçu du résultat ?
R - L'Union pour la Méditerranée, quoi qu'il arrive dans le futur, restera un grand souvenir de mon quinquennat à mes yeux. Parce que faire asseoir autour d'une table tous les pays arabes de la Méditerranée, tous les pays européens plus Israël, c'est quelque chose au moins qu'on aura vu. Et à Paris.
Ensuite, grâce à l'action de Bernard Kouchner qui s'est donné beaucoup de mal, arriver à faire accepter à tout le monde, y compris à la Ligue arabe, un Secrétaire général adjoint israélien de l'Union pour la Méditerranée, c'est immense. Là-dessus est arrivé l'entrée de Tsahal dans Gaza, cela n'a pas simplifié les choses. Si c'est la réponse que vous vouliez que je vous donne, je vous la donne bien volontiers. Ce n'est pas moi qui ai décidé de cela, je l'ai regretté, je crois même l'avoir condamné.
Mais puisque nous en sommes là, je vous le dis également de la façon la plus claire, que je considère que la paix entre Palestiniens et Israéliens exige un effort de tout le monde, tout de suite. Je ne crois pas à la stratégie qui consiste à gagner du temps. Je pense que gagner du temps, c'est en perdre. En l'occurrence, on sait parfaitement les conditions du compromis, la France dit à ses amis Israéliens : "arrêtez les colonisations". Tout le monde sait bien que c'est une des conditions pour que tout le monde se mette autour de la table. On le sait parfaitement et je suis suffisamment ami avec Israël pour me permettre de le dire sans aucune arrière pensée et je le dis de la façon la plus claire. De la même façon, tout le monde sait bien que les Palestiniens ont le droit à un Etat et que cet Etat démocratique, moderne, viable sera la condition de la sécurité d'Israël. Que naturellement, les Palestiniens doivent reconnaître Israël.
J'ai dis d'ailleurs aux Israéliens que la France était engagée dans la sécurité d'Israël, mais que chacun fasse un effort maintenant. Qu'est ce que l'on attend ? Il n'y a pas déjà eu assez de morts, assez de souffrance pour qu'on doive attendre encore ? Nous travaillerons donc avec d'autres dont les Etats-Unis d'Amérique, la Russie aussi. Je veux saluer d'ailleurs l'action du président Medvedev tout au long de ces trois jours, qui nous a aidé sur l'Iran et sur le climat. Je veux le dire parce que c'est la vérité et on avait besoin de cela. Vous savez c'est très important parce que la Russie a le droit de veto. Extrêmement important. J'ai regretté que le président Hu Jin Tao ne soit pas là d'ailleurs, parce qu'on a besoin de la Chine également pour avancer. On avance tous ensemble. Je suis persuadé qu'il faudra organiser une grande conférence internationale.
Je dis d'ailleurs aux Palestiniens comme aux Israéliens que cette question-là n'est pas simplement une question qui les concerne, c'est une question qui concerne le monde entier. D'abord parce que le terrorisme se nourrit de la non-résolution de ce problème dans le monde entier. Et parce que deuxièmement, il faudra des garanties. Tant qu'il n'y a pas la confiance entre les voisins, il faudra bien qu'il y ait des garanties et ces garanties, c'est le monde qui peut les donner.
Peut-être une dernière question.
Q - Monsieur le Président, vous parliez du président russe Medvedev. Avez-vous obtenu de sa part des clarifications sur la position de la Russie s'agissant de l'objectif de réduction de gaz à effet de serre qui a été signé hier par le G8 ?
R - Le président Medvedev a accepté l'objectif, il l'a signé et j'étais à côté de lui quand il l'a accepté. Je ne peux pas vous en dire plus. Je crois avoir bien entendu, bien vu. On en a suffisamment parlé. Je me réjouis des discussions entre les Américains et les Russes sur la non-prolifération. Si nos amis Américains prenaient l'initiative d'un sommet au printemps sur la question de la prolifération nucléaire, naturellement nous y participerions. C'est une excellente initiative. Je crois qu'on a toujours intérêt à se parler. J'ai dis d'ailleurs au président Medvedev combien je souhaitais qu'on relance ensemble l'idée d'un vaste espace économique entre la Russie et l'Europe doublé d'un espace de sécurité ensemble.
Dernière question, puis après je dois me rendre à un dîner.
Q - Pour revenir à l'Iran, avez-vous reçu des assurances du côté israélien qu'ils n'attaqueraient pas les installations nucléaires iraniennes avant le 25 septembre ? Deuxième question concernant le voyage de M. Kouchner à Damas. Va-t-il s'occuper des deux points qui ont été justement soulevés dans le communiqué final du G8 : l'affaire Gilad Shalit et le renouvellement des pourparlers israélo-syriens.
R - Gilad Shalit est français. Il est franco-israélien mais en l'occurrence, je dis à ceux qui le retiennent prisonnier qu'il est français, que nous le considérons comme un Français et que nous voulons qu'il soit libéré. Gilad Shalit en ce moment même nous travaillons à sa libération. J'ai pris des engagements vis-à-vis de son père et de sa famille, j'ai d'ailleurs indiqué à M. Netanyahou comme à M. Abou Mazen que Gilad Shalit, sa libération ne devait pas intervenir comme la conclusion du processus entre Israéliens et Palestiniens, mais au contraire, cela devait être une bonne nouvelle qui permette d'engager les discussions entre eux. Je ne suis pas un homme à renoncer. C'est difficile et je remercie d'ailleurs le président Bachar Al Assad car c'est grâce à lui que Gilad Shalit a reçu le seul courrier depuis qu'il est prisonnier, vous le savez très bien, de son père. Il n'en avait jamais reçu. On sait très bien comment cela se passe, qui le tient prisonnier. Ce qui ne veut pas dire que les efforts de mon ami, le président Moubarak ne sont pas extrêmement utiles. On a besoin de tout le monde en la matière.
Quant à Israël, ils n'ont pas donné d'assurance. Je dis simplement qu'une attaque unilatérale serait une catastrophe absolue. Et justement, Israël doit savoir qu'Israël n'est pas seul et regarder tout ceci avec calme. C'est très important. Si je me suis tellement battu au nom de la France pour qu'on parle de l'Iran et que les choses soient précises, c'est pour envoyer un message aussi aux Israéliens : "vous n'êtes pas seuls sur cette question là".
Ecoutez, heureusement que ce sommet n'a pas produit tous les résultats escomptés parce que sinon, quels auraient été les sujets qu'on aurait pu évoquer.
Comme toujours, ce sera ma conclusion, il y a un peu de frustration parce qu'on aimerait convaincre sur tout, obtenir tous les résultats tout de suite. Mais bon, cela a progressé.
Merci à tous, si vous me le permettez, il n'est pas sûr que demain nous ayons rendez-vous, je préfère vous le dire. Mais demain, je suivrai comme vous la visite de Carla.Merci.